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Est Ensemble : bientôt la dernière session de travail pour la première Convention citoyenne locale pour le climat

Publié le 17/01/2022

Est Ensemble : bientôt la dernière session de travail pour la première Convention citoyenne locale pour le climat

La communauté urbaine Est Ensemble a lancé, en fin d’année 2021, une Convention citoyenne sur le climat. Cette initiative salutaire portera ses fruits en 2022.

Lancée à l’issue du Grand débat national, en 2019, par Emmanuel Macron, la Convention citoyenne pour le climat était censée représenter une nouvelle façon de penser l’exercice du pouvoir par et pour les citoyens, après la mobilisation massive des Gilets jaunes. Ainsi, 150 citoyens de tous horizons, tirés au sort, devaient réfléchir durant plusieurs mois à des solutions pérennes et justes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d’ici 2030. Leurs propositions pourraient ensuite être soumises à un référendum.

Il s’agit d’un objectif ambitieux pour des personnes qui n’avaient pas l’habitude de plancher sur ces questions et encore moins de penser à des initiatives révolutionnaires pour leur pays. En effet, le tirage au sort pour arriver à un échantillon représentatif de la population française a permis la représentation de groupes sociaux soit absents de l’Assemblée nationale, soit nettement sous-représentés : les femmes, les moins de 34 ans (pratiquement absents de l’Assemblée nationale) et les catégories populaires.

Cette façon d’impliquer directement des citoyens lambda ne date pas d’hier et peut être à l’origine de virages sociétaux importants. En Irlande, par exemple, des conventions citoyennes ont mené à des référendums, en 2015 et en 2018, qui ont permis l’ouverture au mariage pour les couples de même sexe et à la légalisation de l’avortement. En Islande, en 2009, une convention citoyenne de 1 500 personnes (dont 1 200 citoyens tirés au sort) a tout bonnement permis de proposer une révision de leur constitution, adoptée ensuite par les Islandais.

La Convention citoyenne pour le climat n’a cependant pas eu le même succès. En effet, alors que l’assemblée avait émis 149 propositions à l’issue de ses travaux pour réduire les émissions dans un rapport publié en juin 2020, à l’heure actuelle, et bien que l’urgence climatique se fasse de plus en plus pressante, aucune proposition n’a été soumise à référendum et si des propositions ont effectivement été suivies de faits, ce ne sont pas les plus importantes. En outre, le 28 février 2021, lors de la huitième et ultime session de la Convention, 96 de ses membres ont donné des notes d’appréciation à la transposition, en général, de leurs propositions. La moyenne de ces notes était de 3,3 sur 10. À la question « Dans quelle mesure les décisions du gouvernement relatives aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat permettent-elles de s’approcher de l’objectif fixé ? », les conventionnels participant à ces votes ont accordé des notes dont la moyenne s’élevait à 2,5 sur 10.

Le pari d’Est Ensemble

Malgré ce bilan plus que contrasté, la communauté urbaine Est Ensemble a décidé, en septembre 2021, de lancer sa propre convention citoyenne pour le climat. Une première en Île-de-France. Regroupant neuf communes du Nord-Est de la région parisienne (Romainville, Montreuil, Pantin, Bagnolet, Bondy, Les Lilas, Bobigny, Noisy-le-Sec, le Pré-saint-Gervais), cette communauté concentre près d’un demi-million d’habitants… dans des conditions particulières. En effet, avec 32 % de ménages en situation de précarité énergétique, 29 % de la population en-dessous du seuil de pauvreté et la plus forte densité d’Île-de-France après Paris, Est Ensemble est particulièrement frappé par les inégalités écologiques et économiques ; c’est pour cela que le projet écologique de convention citoyenne pour le climat est devenu si urgent. « C’est en agissant ensemble, à toutes les échelles et sur tout le spectre des politiques publiques (logement, plan d’urbanisme, mobilité, consommation d’énergie, alimentation, déchets…) que nous pourrons réellement faire levier. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer : citoyens, acteurs publics, associatifs et personnes privées », a énoncé Patrice Bessac, maire de Montreuil et président d’Est Ensemble. Selon lui, « Les défis sont colossaux. Il est urgent d’agir aujourd’hui pour le présent et les générations futures ; voilà l’esprit de cette démarche démocratique inédite ».

Tout comme son homologue au niveau national, cette démarche démocratique réunit 100 habitants tirés au sort, dans les neuf villes, représentatifs de la diversité du territoire en termes de genre (49 hommes, 51 femmes), âge (53 % des participants ont moins de 45 ans), niveau de diplôme (47 % des participants sont diplômés du bac et plus), catégorie socio-professionnelle (employés, ouvriers, cadres, retraités, etc.), villes et type de quartiers. Les habitants tirés au sort devront donc établir une série de mesures concrètes pour lutter contre le dérèglement climatique dans le respect de la justice sociale et environnementale, dans les champs de compétence d’Est Ensemble et de ses villes, tout en prenant en compte la biodiversité. Leur travail s’articule autour de cinq axes : se loger, se déplacer, se nourrir et consommer, travailler et produire et s’engager pour la transition.

Des moments d’échanges et d’émulation hyper démocratiques

Puisqu’il faut un tuteur pour que les pousses apportent des fruits, l’équipe est encadrée, durant les cinq week-ends de travail, qui sont par ailleurs ponctués de visites inspirantes, par plusieurs personnes. Ainsi, cinq personnes s’assurent de l’indépendance des discussions et des travaux (pour éviter, entre autres, les éventuels conflits d’intérêt) : Marie-Claire Eustache, architecte urbaniste et Alain Rotbardt, ingénieur expert, co-garants de la Commission nationale du débat public (CNDP), Matthieu Sanchez, coordinateur animation centre social et ancien membre de la Convention citoyenne pour le climat nationale, Marie-Hélène Bacqué, professeure des universités en sociologie et urbaniste, et, enfin, Philippe Quirion, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et président du Réseau Action Climat.

Après plusieurs mois de travail, les citoyens ont d’ores et déjà avancé sur de nombreux dossiers, comme on peut le lire sur le site internet de la convention (https://ensemblepourleclimat.est-ensemble.fr/), où sont mis en ligne les comptes-rendus des réunions. Lors de la quatrième session, qui a eu lieu en décembre dernier, il fut question, entre autres, de revégétalisation du territoire (les habitants d’Est Ensemble disposent de 6 m2 d’espaces verts accessibles par habitant, alors que l’OMS en conseille 10 m2). Afin d’approfondir leurs réflexions collectives, les citoyens ont notamment bénéficié des lumières de Véronique Ragusa Bartolone, directrice de l’environnement et de l’écologie urbaine qui s’était permis un petit avertissement contextuel : « La revégétalisation impose de prendre les derniers espaces pour végétaliser. Plusieurs exigences doivent être prises en compte : offrir un logement à toutes les personnes, des transports en commun, des équipements de loisirs… L’utilisation de l’espace implique de faire des choix, de prioriser et c’est également le cas pour les espaces verts : parcs, aires de détente, zones de nature libre, jardins familiaux… Que faut-il privilégier ? »…

Les 29 et 30 janvier prochains, le dernier week-end de réunion clôturera le travail de la Convention citoyenne. C’est à l’issue de cela que les propositions des citoyens membres de la Convention seront portées au niveau supérieur ; toutes les propositions seront, en effet, présentées et soumises au vote du Conseil de territoire, en 2022. Il reste à espérer que ce territoire, déjà pionnier sur de nombreux sujets environnementaux, fasse en sorte que cette initiative de démocratie participative ne finisse pas « comme un pétard mouillé », comme ce fut le cas pour la Convention nationale.

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