Le projet de loi Climat et résilience et la protection judiciaire de l’environnement

Publié le 03/06/2021

Le titre VI du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit Climat et résilience, est consacré au renforcement de la protection judiciaire de l’environnement. Il s’efforce d’améliorer le droit pénal de l’environnement afin de mieux lutter contre la délinquance environnementale. Il vient durcir l’échelle des peines existantes et permet la création de nouveaux délits environnementaux. Il crée notamment un délit de mise en danger de l’environnement et un délit d’écocide.

Le projet de loi Climat et résilience, qui a été présenté en conseil des ministres le 10 février 2021 et déposé le même jour sur le bureau de l’Assemblée nationale1, a vocation à traduire les propositions de la convention citoyenne pour le climat. Son titre VI cherche à renforcer la répression pénale des atteintes à l’environnement. Il comporte des dispositions créant de nouvelles infractions ou aggravant des infractions existantes. Comme l’affirme l’exposé des motifs du projet de loi, « il s’agit de permettre à la justice de contribuer plus efficacement au grand défi de notre siècle dans la continuité de la loi Parquet européen et justice pénale spécialisée [du 24 décembre 2020] »2.

Le projet de loi Climat et résilience instaure un délit de mise en danger de l’environnement sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui. Il s’agit de punir plus fermement les comportements illicites qui exposent la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat de dégradation grave et durable. Le projet de loi élargit l’actuel délit de pollution des eaux pour en faire un délit général de pollution des eaux et de l’air et instaure un nouveau délit de pollution des sols par des déchets. La création d’un délit controversé « d’écocide » est également l’une des mesures phares du projet de loi Climat et résilience. La ministre de la Transition énergétique Barbara Pompili a expliqué que le délit d’écocide, caractérisé par l’« intentionnalité » de la pollution, s’appliquera « au niveau national aux atteintes les plus graves à l’environnement »3. Pour ces nouvelles infractions, le tribunal pourra imposer à la personne condamnée de procéder à la restauration du milieu naturel.

Le Conseil d’État, qui a rendu un avis très critique sur les délits d’écocide, a estimé que le projet de loi vient réprimer « de manière sensiblement différente et incohérente des comportements intentionnels causant des atteintes graves et durables à l’environnement »4. Il a invité le gouvernement à « rechercher, pour atteindre les objectifs poursuivis, d’autres choix de politique pénale s’inscrivant dans le respect des principes constitutionnels (…) »5. Mais l’Assemblée nationale, qui a achevé le 17 avril 2021 son examen du texte en première lecture, n’a pas souhaité apporter de modification substantielle sur les délits environnementaux, des délits dont les conditions d’application restrictives ont été critiquées.

Par ailleurs, le texte renforce les sanctions applicables à certains comportements délictueux en définissant une liste de délits qui seront considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction. Il augmente aussi le montant des peines d’amende prévues par une série d’articles du Code de l’environnement. Ainsi par exemple, il modifie l’article L. 218-11 du Code de l’environnement pour faire passer l’amende sanctionnant les rejets polluants des navires de 50 000 € à 100 000 € et de 100 000 € à 200 000 € en cas de récidive.

Il s’agira pour nous dans cette étude de présenter les principales dispositions du titre VI du projet de loi Climat et résilience visant à renforcer la protection judiciaire de l’environnement qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture6. Après avoir rappelé la faiblesse de la réponse pénale en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement (I), nous examinerons le nouveau délit de mise en danger de l’environnement (II) ainsi que le renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution et la création du délit d’écocide (III). La possibilité d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction (IV), le relèvement du montant des amendes pour certaines infractions en matière environnementale (V), l’élargissement du champ d’application du référé pénal spécial (VI), l’utilisation de drones par les inspecteurs de l’environnement (VII) et la création du bureau d’enquête accidents dédié aux risques industriels (VIII) seront également présentés.

I – La faiblesse de la réponse pénale aux infractions environnementales

Les dispositions du titre VI du projet de loi cherchent à remédier à l’« inefficacité chronique »7 du droit pénal de l’environnement en France. Ce droit, qui est caractérisé par un éparpillement des textes d’incrimination et de répression dans différents codes (Code de l’environnement, Code forestier, Code rural, Code minier, Code pénal)8, souffre d’un déficit d’accessibilité et de lisibilité9. Le projet de loi prévoit d’ailleurs dans son article 75 que le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’opportunité de procéder à une recodification à droit constant des dispositions pénales concernant l’ensemble des infractions relatives à l’environnement. Le droit pénal de l’environnement se caractérise également par un faible nombre d’incriminations généralistes et autonomes tandis que les infractions spéciales par renvoi sont nombreuses10.

François Molins, procureur général près la Cour de cassation, a déclaré le 30 janvier 2020 que « la réduction du nombre d’infractions jugées devant les tribunaux et la baisse des peines ont conduit à une dépénalisation, de fait, du droit de l’environnement »11. L’étude d’impact du projet de loi montre que la réponse pénale à la criminalité environnementale est « très majoritairement » constituée par des alternatives aux poursuites. En 2017, le rappel à la loi a représenté plus de 38 % des alternatives aux poursuites opérées dans le domaine environnemental et le classement sous condition de remise en état : 21 %12. Le taux de relaxe des personnes physiques est élevé : 11,1 % contre 7 % pour l’ensemble du contentieux hors délits routiers en 201813. 1 993 condamnations ont été prononcées à l’encontre de personnes physiques pour des infractions liées à l’environnement en 2018 et 193 à l’encontre de personnes morales en 201714. Pour François Molins, « les sanctions prononcées sont peu dissuasives, à l’exception d’affaires de pollution des eaux marines par hydrocarbure lourdement sanctionnées par les juridictions du littoral spécialisées (JULIS) »15.

Il a été reproché à la France de ne pas respecter la directive n° 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal16 qui a invité les États à adopter des « sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives ». Cette directive a prévu que ces derniers doivent faire en sorte que certains actes « constituent une infraction pénale lorsqu’ils sont illicites et commis intentionnellement ou par négligence au moins grave ». Parmi ces actes figurent notamment « le rejet, l’émission ou l’introduction d’une quantité de substances polluantes dans l’atmosphère, le sol ou les eaux, causant ou susceptibles de causer la mort ou de graves lésions à des personnes, ou une dégradation substantielle de la qualité de l’air, de la qualité du sol, ou de la qualité de l’eau, ou bien de la faune ou de la flore ». Il est à noter que la Commission européenne a évalué la directive n° 2008/99/CE et a constaté qu’elle n’a pas pleinement atteint ses objectifs17.

Enfin, on soulignera que le projet de loi Climat et résilience s’inscrit dans le prolongement de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 202018 qui a, elle aussi, cherché à renforcer l’efficacité de la réponse pénale en matière de lutte contre les atteintes à l’environnement. Cette loi a apporté plusieurs améliorations pour la justice pénale environnementale : la formation de pôles régionaux spécialisés en matière d’environnement19, la possibilité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour les délits issus du Code de l’environnement et la création d’un statut d’officier de police judiciaire pour certains agents de l’Office français de la biodiversité.

Balance de la justice dans une feuille, image conceptuelle de l'environnement
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II – La création d’un délit de mise en danger de l’environnement

L’article 67 du projet de loi instaure un délit de mise en danger de l’environnement qui concernera notamment les installations classées pour la protection de l’environnement, les installations ayant une incidence sur l’eau et les milieux aquatiques et le transport de marchandises dangereuses. Ce nouveau délit permettra selon la ministre de la Transition énergétique, Barbara Pompili, d’assurer « un point équilibre entre la répression des atteintes à l’environnement » et « la nécessaire sécurité juridique qui permet aussi d’avoir une visibilité et une lisibilité dans le temps, y compris pour nos entreprises »20.

S’il existe un délit de mise en danger de la vie d’autrui qui est prévu par l’article 223-1 du Code pénal21, il n’existe pas actuellement d’incrimination venant réprimer, de façon générale, la mise en danger de l’environnement.

Le rapport « Une justice pour l’environnement » de 2019 rédigé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable et l’Inspection générale de la Justice avait suggéré de créer un « délit de mise en danger grave et délibérée de l’environnement » qui viendrait sanctionner les comportements susceptibles de générer des risques d’atteintes graves à l’environnement22. L’obligation de prévenir les atteintes à l’environnement est mentionnée à l’article 3 de la charte de l’environnement qui fait partie du bloc de constitutionnalité.

A – Les infractions communes aux installations classées pour la protection de l’environnement

Pour les infractions communes applicables aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), le nouvel article L. 173-3-1 du Code de l’environnement prévoit une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement qui est définie sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui. Il s’agit d’améliorer la répression des comportements illicites qui créent un risque d’atteinte à l’environnement et de renforcer l’effet préventif des dispositions déjà existantes23.

Le nouvel article L. 173-3-1 du Code de l’environnement ne concerne que les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2, c’est-à-dire, à titre d’exemple, le fait d’exploiter une installation classée sans enregistrement, sans autorisation ou sans agrément ou de poursuivre des activités d’exploitation ou travaux soumis à autorisation, déclaration ou dérogation sans respecter une mise en demeure. Il punit de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement « lorsqu’ils exposent directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». Il précise que le terme « durable » concerne « les atteintes susceptibles de durer au moins 10 ans ». Enfin, le montant de 300 000 € d’amende pourra être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction, ce qui permettra « d’assurer le caractère dissuasif de cette nouvelle incrimination »24.

Par ailleurs, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a souhaité compléter le délit de mise en danger de l’environnement en l’élargissant aux infractions aux règles en matière de déchets.

Comme on le sait, l’article L. 541-3, I, du Code de l’environnement prévoit que lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du Code de l’environnement, l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente pourra mettre en demeure le producteur ou détenteur des déchets d’effectuer les opérations nécessaires au respect de la réglementation.

L’article 67 du projet de loi complète l’article L. 541-46 du Code de l’environnement pour créer un délit de mise en danger de l’environnement défini comme une circonstance aggravante du non-respect de cette mise en demeure. Lorsqu’il exposera directement la faune, la flore ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable, le non-respect d’une mise en demeure au titre de l’article L. 541-3, I, du Code de l’environnement sera puni de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende ; ce montant pouvant être porté jusqu’au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Ce dispositif issu d’un amendement du député (MoDem) Erwan Balanant permettra de réprimer plus efficacement « des faits tels que l’enterrement de fûts en forêt, commis par des bandits se livrant à des trafics de déchets »25.

B – Les infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses

Pour les infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses prévues par l’article L. 1252-5 du Code des transports, le projet de loi Climat et résilience crée également une circonstance aggravante de mise en danger de l’environnement qui est, elle aussi, définie sur le modèle du délit de mise en danger de la vie d’autrui.

L’article 67 du projet de loi complète l’article L. 1252-5 du Code des transports qui punira de 3 ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende la commission des infractions aux règles du transport de marchandises dangereuses lorsqu’elles « exposent directement la faune, la flore, ou la qualité de l’eau à un risque immédiat d’atteinte grave et durable ». Le texte précise que seront considérées comme durables, « les atteintes susceptibles de durer au moins 10 ans ».

Les infractions concernées sont par exemple le fait de « transporter ou faire transporter par voie ferroviaire, routière ou fluviale, des marchandises dangereuses dont le transport n’est pas autorisé ».

Afin de respecter le principe de proportionnalité des peines, les dispositions du premier alinéa de l’article 131-38 du Code pénal26 ne s’appliqueront qu’aux amendes exprimées en valeur absolue.

C – Un nouveau délit environnemental très encadré

Comme le Conseil d’État a eu l’occasion de le relever dans son avis du 4 février 2021, les dispositions de l’article 67 du projet de loi ont un champ d’application limité27. Le délit de mise en danger de l’environnement ne concernera que les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement et à l’article L. 1252-5 du Code des transports. L’Assemblée nationale a rejeté les amendements visant à créer un « véritable délit général de mise en danger de l’environnement autonome du droit administratif ».

Les dispositions de l’article 67 du projet de loi, qui ne se heurtent à aucun obstacle constitutionnel selon le Conseil d’État, imposent de démontrer que les atteintes réprimées pourront durer au moins 10 ans.

Certains élus ont fait valoir qu’« un grand nombre d’atteintes ne durent pas 10 ans, tout en étant durables et graves pour l’écosystème ». Ils ont donné l’exemple du naufrage du pétrolier Erika dont les dégâts ont duré environ 2 ans. Le député Erwan Balanant a proposé de supprimer la définition de la durée de l’atteinte qui est selon lui excessive afin de laisser au juge le soin de l’apprécier. Mais la ministre de la Transition énergétique Barbara Pompili a estimé que l’on « a besoin de définir ce qui est durable » car si « on laisse le juge entièrement libre d’apprécier la durabilité, on risque d’avoir des difficultés à établir une jurisprudence »28. Le député (LREM) Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du projet de loi, a déclaré quant à lui que l’absence de définition de la durée de l’atteinte pourrait créer une incertitude juridique importante pour les entreprises29.

Par ailleurs, la notion d’atteinte « grave et durable » semble aller au-delà des exigences de la directive n° 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 200830 qui fait référence à une « dégradation substantielle », un concept figurant dans le Code de l’environnement. Des parlementaires ont soutenu que la gravité est une notion plus exigeante que la notion de dégradation substantielle, ce qui pourrait restreindre le nombre d’infractions pouvant être définies comme un délit de mise en danger de l’environnement.

Enfin, les dispositions de l’article 67 du projet de loi viennent exclure les risques d’atteinte grave et durable lorsqu’ils concernent la santé ainsi que la qualité de l’air ou du sol.

III – Le renforcement des sanctions pénales applicables en cas de pollution et la création du délit d’écocide

L’article 68 du projet de loi Climat et résilience vient sanctionner plus fortement les atteintes graves et durables à la santé, à la faune, à la flore ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau. Il instaure de nouveaux délits de pollution de l’air, de l’eau et des sols ainsi qu’un délit d’écocide. Il complète la liste des peines complémentaires applicables aux personnes morales ayant commis des délits sanctionnés par le Code de l’environnement. Il facilite la caractérisation de récidive pour certains comportements délictueux.

Par ailleurs, le gouvernement devra remettre au Parlement un rapport sur l’application des dispositions des articles 67 et 68 qui introduisent tous les deux des circonstances aggravantes ayant pour effet d’augmenter le montant de certaines peines déjà prévues par le Code de l’environnement (art. 73). Ce rapport devra notamment présenter « l’incidence de ces dispositions sur le taux et la nature de la réponse pénale aux infractions prévues par le Code de l’environnement et constatées par les agents habilités à cet effet, sur le nombre de condamnations et sur le montant des peines prononcées en matière environnementale ». Il devra être remis au Parlement dans un délai de 2 ans à compter de la promulgation de la loi Climat et résilience.

A – Le renforcement de la répression des faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement

L’article 68 du projet de loi complète l’actuel article L. 173-3 du Code de l’environnement afin de renforcer les sanctions applicables aux infractions définies par les articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code, lorsqu’elles entraînent des atteintes graves et durables à la santé, à la faune, à la flore ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

Il indique que seront punis de 5 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende les faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du Code de l’environnement lorsqu’ils conduisent à « des atteintes graves et durables sur la santé, la flore, la faune, ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau ». Les atteintes durables seront celles « qui sont susceptibles de durer au moins 10 ans ». Enfin, l’amende d’un million d’euros pourra être portée jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

B – Les nouvelles peines complémentaires pouvant être prononcées contre les personnes morales

Le projet de loi renforce l’effet dissuasif des sanctions prévues par le Code de l’environnement pour les délits (art. 68). Il vient compléter l’article L. 173-8 du Code de l’environnement qui énumère les peines complémentaires (exclusion des marchés publics, confiscation de certains biens meubles ou immeubles…) pouvant être prononcées à l’encontre des personnes morales reconnues pénalement responsables des infractions délictuelles du Code de l’environnement.

Il ajoute la dissolution de la personne morale condamnée et l’interdiction de percevoir toute aide publique à la liste des peines complémentaires encourues par les personnes morales reconnues coupables d’infractions environnementales.

Ces peines complémentaires présentent « un caractère dissuasif important, dès lors qu’elles sont susceptibles d’affecter durablement ou définitivement la survie de la personne morale lorsque celle-ci commet des infractions portant gravement atteinte à l’environnement »31.

C – La récidive et les délits environnementaux

Le nouvel article L. 173-13 du Code de l’environnement, qui est issu d’amendements du rapporteur Erwan Balanant et du groupe La République En Marche (LREM), renforce les sanctions applicables à certains comportements délictueux en définissant « une liste de délits qui seront considérés comme constituant récidive d’une même infraction »32. Il procède à l’assimilation d’infractions non strictement identiques afin de permettre l’application du régime de la récidive qui permet d’aggraver les peines d’emprisonnement et d’amende encourues33.

Les délits concernés sont ceux créés par l’article 68 du projet de loi ainsi qu’une série de délits concernant la pollution des mers et des cours d’eau, la pollution de l’air, la pollution de l’eau ou encore les atteintes aux espèces et aux habitats naturels. Ce dispositif, qui s’inspire d’un mécanisme existant pour de nombreuses infractions du Code pénal, permettra de punir plus sévèrement « ceux qui, après avoir déjà commis une infraction liée à la pollution, en commettront une autre qui, bien que n’étant pas identique, comme le fait de polluer l’eau après avoir pollué l’air, sera considérée comme une récidive »34.

D – La sanction pénale des « atteintes générales aux milieux physiques »

Le projet de loi Climat et résilience ajoute un titre III au livre II du Code de l’environnement dédié « aux atteintes générales aux milieux physiques » qui est composé de trois nouveaux articles. Trois nouvelles infractions sont créées.

1 – La création du délit général de pollution de l’air et de l’eau

Le nouvel article L. 231-1 du Code de l’environnement prévoit que sera sanctionné le fait, « en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement », d’émettre dans l’air, de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux « une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune, à l’exception des dommages mentionnés aux articles L. 218-73 et L. 432-2 [du Code de l’environnement], ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau ». Seront considérés comme durables, « les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins 10 ans ».

Le nouvel article L. 231-1 du Code de l’environnement, tel qu’il est rédigé, impose que la violation de l’obligation de prudence ou de sécurité soit manifestement délibérée. Il exclut la négligence et l’imprudence qui sont à l’origine de la majorité des pollutions.

Les faits prévus à l’article L. 231-1 seront punis d’une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Ces dispositions ne s’appliqueront, s’agissant des émissions dans l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente. S’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, elles ne s’appliqueront qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente.

Le délai de prescription de l’action publique du délit pourra courir à compter de la découverte du dommage, comme c’est le cas pour les délits de pollution de l’eau réprimés en application de l’article L. 216-6 du Code de l’environnement.

2 – Le délit de pollution des sols

Une infraction intentionnelle de pollution des sols est prévue par le nouvel article L. 231-2 du Code de l’environnement.

Il s’agit de sanctionner « le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets » en violation des règles prévues par le Code de l’environnement, lorsqu’ils « entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable à la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols ».

Les peines prévues sont de 5 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Enfin, le texte donne la même définition des effets durables de la pollution que le nouvel article L. 230-1 du Code de l’environnement en prévoyant que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune qui sont susceptibles de durer au moins 10 ans ».

3 – Le délit d’écocide

Le délit d’écocide est très encadré par le projet de loi Climat et résilience. Ce texte a écarté la notion de crime d’écocide qui doit s’envisager selon le député Erwan Balanant « dans une perspective transnationale et supranationale ».

La notion d’écocide. Le terme d’écocide, qui signifie littéralement « tuer la maison », renvoie aux atteintes les plus graves apportées à l’environnement « en ce qu’elles ont pour effet de détruire l’environnement de manière irréversible »35. Il est apparu dans le débat public au début des années 1970 avec l’utilisation lors de la guerre du Vietnam par l’armée américaine de l’« agent orange », un défoliant chimique. Le concept d’écocide a été utilisé pour la première fois par le biologiste américain Arthur Galston36 et a été employé en juin 1972 par le Premier ministre suédois, Olof Palme, en référence à la situation vietnamienne, à l’occasion de la première conférence mondiale sur l’environnement de Stockholm. Il a été par la suite popularisé par l’avocate britannique Polly Higgins qui a créé le mouvement Eradicating ecocide, lequel a défendu en 2010 l’idée que l’écocide devrait constituer un cinquième crime international dont pourrait connaître la Cour pénale internationale (CPI).

Les tentatives d’inscription de l’écocide dans le Statut de Rome, le texte fondateur de la CPI, n’ont pas abouti. La CPI n’est actuellement compétente que pour juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression. Le Statut de Rome qui a été signé le 17 juillet 1998 prévoit toutefois sa compétence pour les crimes de guerre causant des dommages à l’environnement naturel37. La Cour pénale internationale ne sera compétente que si le crime se trouve être lié à un conflit armé international38.

Par ailleurs, le rapport Neyret remis à la garde des Sceaux Christiane Taubira le 11 février 2015, qui a présenté 35 propositions pour « mieux sanctionner les crimes contre l’environnement », a recommandé la conclusion d’une convention internationale réprimant le crime d’écocide qu’il définit comme « tout acte intentionnel commis dans le cadre d’une action généralisée ou systématique et qui porte atteinte à la sureté de la planète »39.

Enfin, la résolution du Parlement européen du 20 janvier 2021 sur les droits de l’Homme et la démocratie dans le monde et la politique de l’Union européenne (UE) en la matière encouragent l’UE et les États membres « à promouvoir la reconnaissance de l’écocide en tant que crime international au titre du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ».

La définition du délit d’écocide dans le projet de loi Climat et résilience. Le projet de loi Climat et résilience crée un nouvel article L. 231-3 du Code de l’environnement qui définit le délit d’écocide, lequel recouvre plusieurs cas de figure.

L’article L. 231-3 du Code de l’environnement indique que « constitue un écocide l’infraction prévue à l’article L. 231-1 lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle ». Il ajoute que constituent également un écocide « les infractions prévues au II de l’article L. 173-3 et à l’article L. 231-2, lorsqu’elles sont commises en ayant connaissance du caractère grave et durable des dommages sur la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, de l’eau ou des sols, susceptibles d’être induits par les faits commis ».

Il précise que « sont considérés comme durables les effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore, la faune, la qualité de l’air, de l’eau ou des sols qui sont susceptibles de durer au moins 10 ans ».

Le délit d’écocide sera sévèrement puni car il sera sanctionné par une peine de 10 ans d’emprisonnement et une amende de 4,5 millions d’euros alors que les articles L. 230-1, L. 230-2 et L. 173-3, II, du Code de l’environnement prévoient une peine de 5 ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende. De plus, l’amende de 4,5 millions d’euros peut être portée jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

En outre, le délai de prescription de l’action publique du délit d’écocide court à compter de la découverte du dommage, comme c’est le cas pour les délits de pollution de l’eau réprimés en application de l’article L. 216-6 du Code de l’environnement.

Dans son avis rendu le 4 février 2021, le Conseil d’État a considéré que le projet de loi n’assure pas « une répression cohérente, graduée et proportionnée des atteintes graves et durables à l’environnement selon l’existence ou non d’une intention »40. Il a rappelé que les infractions de l’article L. 173-3, II et de l’article L. 230-2 sont des infractions intentionnelles « qui répriment le non-respect volontaire de prescriptions légales ou réglementaires destinées à garantir la protection de l’environnement. Par suite, la connaissance du risque d’atteinte à l’environnement à raison du non-respect de cette réglementation est déjà incluse dans les éléments constitutifs de ces infractions (…) »41. Ce faisant, selon la haute juridiction administrative, il n’est « pas possible de prévoir l’aggravation de ces infractions à raison d’une circonstance aggravante qui est déjà l’un de leurs éléments constitutifs (…) »42.

Les critiques concernant le délit d’écocide. Les conditions mises à la réalisation du délit d’écocide sont particulièrement restrictives. Le délai minimum de 10 ans exigé pour la durée des dommages, nécessaire pour que le délit puisse être constitué, a été critiqué lors du débat parlementaire. Il sera difficile de prouver au moment de la commission de l’infraction que ses effets vont durer 10 ans. Cette exigence est d’autant plus critiquable qu’aucune condition liée à la durée du dommage n’est prévue par le droit de l’Union européenne. Ce critère de durée du dommage pourrait rendre l’infraction impossible à prouver en pratique comme l’a reconnu le député Erwan Balanant, rapporteur thématique du titre VI du projet de loi, qui avait déposé un amendement43 sur ce point qu’il a finalement retiré.

L’ancienne ministre de l’Environnement Corinne Lepage souligne également que dans le projet de loi « l’intention est définie de manière très étroite comme la connaissance des risques encourus d’atteintes graves et durables » alors que « la négligence est considérée par le droit communautaire comme un élément intentionnel constituant l’infraction »44.

La création d’un « délit d’écocide » a été critiquée par les associations de protection de l’environnement qui ont estimé que ce délit vide la notion d’écocide de son sens. Elle a été jugée sévèrement par les membres de la convention citoyenne sur le climat qui avaient proposé d’introduire le crime d’écocide dans le Code pénal et avaient demandé l’organisation d’un référendum sur ce sujet. Ces derniers ont attribué la note de « 2,7/10 » à cette mesure au moment d’évaluer la transposition de leurs propositions dans le projet de loi, soit la note la plus basse attribuée aux mesures du texte législatif.

L’expression « délit d’écocide » a été contestée car étymologiquement le terme écocide signifie « tuer l’écosystème » : « Il ne peut donc pas s’agir d’un simple délit mais bien d’un crime comme l’homicide (…) »45. Mais la ministre de la Transition énergétique Barbara Pompili a défendu l’idée selon laquelle il y aurait « de grands et de petits écocides » : « Quand on déboise la forêt amazonienne, c’est très grave. Quand on tue une mare, et toute la vie, tout l’écosystème autour d’elle, c’est également un écocide mais il est plus petit, tout en étant inacceptable »46. Pour Barbara Pompili, il est possible de distinguer le délit d’écocide qui sera utilisé « au niveau national pour les atteintes les plus graves à l’environnement » du crime d’écocide, lequel doit « être reconnu au niveau international pour des atteintes très graves à l’environnement et aux biens communs de l’humanité, comme la forêt amazonienne »47. Le projet de loi Climat et résilience prévoit d’ailleurs dans son article 74 la remise au Parlement d’un rapport sur l’action du gouvernement en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales48. Le 29 juin 2020, le président Emmanuel Macron a estimé qu’il fallait « faire en sorte d’inscrire ce terme [d’écocide] dans le droit international » et s’est engagé à porter « ce combat au nom de la France dans des instances multilatérales ».

Pour les députés du groupe socialiste, le projet de loi Climat et résilience vient affaiblir la portée du crime d’écocide. Selon eux, « ce texte est très éloigné de l’ambition d’origine, et se limite aux problématiques de pollutions locales au lieu de prendre la mesure des enjeux actuels et de la mise en péril des conditions de vie sur Terre suite aux atteintes à l’équilibre des milieux naturels »49. Ces élus soulignent que l’objectif de l’écocide est « de créer un crime au sommet de la pyramide des atteintes à l’environnement et ainsi de sanctionner les dommages qui portent atteinte à la sûreté et à l’habitabilité de nos territoires »50.

Ils rappellent que la convention citoyenne sur le climat, qui a regroupé 150 citoyens tirés au sort, a souhaité la création d’un crime d’écocide afin de réprimer « toute action ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées »51.

Les « limites planétaires »52 auxquelles fait référence la convention citoyenne sur le climat sont les limites que l’humanité ne doit pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions favorables dans lesquelles elle a pu se développer. Parmi ces « limites planétaires », on trouve le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les changements d’utilisation des sols… Afin de garantir la mise en œuvre de cette législation sur l’écocide, la convention citoyenne sur le climat a proposé la création d’une autorité publique indépendante, la haute autorité des limites planétaires.

Mais la création d’un crime d’écocide tel que proposé par la convention citoyenne sur le climat est loin de faire l’unanimité. Selon ses détracteurs, elle ne satisfait pas au principe de légalité criminelle ni au principe de proportionnalité des peines. Ces derniers font valoir que l’infraction d’écocide est définie en référence au dépassement des « limites planétaires », lesquelles « présentent un caractère de généralité difficilement compatible avec l’exigence de précision de la loi pénale »53. De plus, « le législateur pourrait ne pas avoir épuisé sa compétence dès lors que l’infraction renvoie à une autorité administrative le soin de définir les seuils de dépassement des limites planétaires, alors même qu’il s’agit d’éléments altérant l’unité de la définition légale de l’infraction »54. Le comité légistique de la convention citoyenne s’est montré réservé sur l’adoption d’une loi qui pénaliserait le crime d’écocide. Il a relevé que « la référence aux limites planétaires pour définir l’incrimination n’est pas conforme au principe de légalité des délits et des peines ».

Enfin, on rappellera que deux propositions de loi déposées en 2019 afin d’instituer un crime d’écocide ont été rejetées en raison notamment du manque de précision dans la définition du crime d’écocide55.

IV – La possibilité d’imposer la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction

Le projet de loi introduit dans le nouveau titre III du livre II du Code de l’environnement un article L. 230-4 et un article L. 230-5 (art. 69). Le nouvel article L. 230-4 indique que pour les infractions prévues aux articles L. 173-3, L. 173-3-1 et L. 231-1 à L. 231-3 du Code de l’environnement, le tribunal pourra imposer à la personne condamnée de procéder à la restauration du milieu naturel dans le cadre de la procédure d’ajournement avec injonction prévue par l’article L. 173‑9 du même code56. Il prévoit également que pour ces infractions, le quintuplement du montant de l’amende pour les personnes morales ne s’appliquera qu’aux amendes exprimées en valeur absolue.

Issu d’un amendement adopté par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, le nouvel article L. 230-5 vise, lui, à permettre aux agents intervenant dans les domaines concernés par les pollutions réprimées par les infractions du nouveau titre III du livre II du Code de l’environnement de pouvoir constater celles-ci. Il donne la liste des agents habilités à rechercher et à constater ces infractions. Il s’agit des agents des douanes, des inspecteurs de la sûreté nucléaire, des agents de l’Office national des forêts commissionnés à raison de leurs compétences en matière forestière et assermentés à cet effet, des agents des réserves naturelles, des agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des ingénieurs et techniciens du laboratoire central, des inspecteurs de salubrité de la préfecture de police et des gardes champêtres.

V – Le relèvement du montant des amendes pour certaines infractions en matière environnementale

Le projet de loi s’inscrit dans le prolongement de la directive n° 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 en venant renforcer les sanctions prévues par le Code de l’environnement afin de les rendre plus dissuasives. Il augmente le montant des peines d’amende prévues par une série d’articles du Code de l’environnement qui concernent la protection des eaux, des parcs et réserves naturels, des sites inscrits et classés et des ressources génétiques ou des connaissances traditionnelles associées ainsi que la pêche et la protection de l’Antarctique (art. 70).

Certaines peines sont fortement augmentées. Ainsi, le projet de loi modifie l’article L. 436-7 du Code de l’environnement pour faire passer de 4 500 € à 100 000 € le montant des amendes sanctionnant le fait de jeter dans les eaux douces des drogues ou appâts en vue d’enivrer le poisson ou de le détruire.

VI – L’élargissement du champ d’application du référé pénal spécial

L’Assemblée nationale, qui a rejeté le 17 avril 2021 plusieurs amendements relatifs aux référés environnementaux, a adopté trois amendements identiques qui élargissent le champ d’application du référé pénal spécial prévu à l’article L. 216-13 du Code de l’environnement à certaines dispositions du Code minier (art. 69 ter). Il est à noter que l’utilisation de cette procédure d’urgence en cas de non-respect de la législation relative à la mise sur le marché du bois et à la protection des végétaux n’a pas été retenue57. Le rapporteur Erwan Balanant a expliqué que l’élargissement du périmètre du référé pénal spécial « vise à englober l’ensemble des délits à caractère environnemental qui entrent dans le champ de compétence des nouveaux pôles juridictionnels environnementaux institués par la loi du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée »58. Mais l’adoption d’un sous-amendement du rapporteur général Jean-René Cazeneuve n’a pas permis l’élargissement du champ d’application du référé pénal qui avait été envisagé initialement59.

VII – L’utilisation de drones par les inspecteurs de l’environnement

Les députés ont adopté le 17 avril 2021 un amendement du gouvernement qui donne un cadre législatif pour l’utilisation de drones par des inspecteurs de l’environnement. Dans les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou les installations et ouvrages soumis à la police de l’eau (IOTA), le recours aux drones rendra « plus efficace la constatation des dommages à l’environnement prévus par le titre VI du projet de loi » a déclaré Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique60. Le gouvernement a indiqué que les images obtenues pourront permettre, sur réquisition judiciaire permettant de les verser à la procédure pénale, la poursuite des délits créés par les articles 67 et 68 du projet de loi (art. 69 bis). Il a précisé que les dispositions votées par l’Assemblée nationale permettent d’apporter « les garanties utiles, notamment en matière d’atteinte à la liberté des personnes et de gestion des enregistrements (en particulier pour l’usage de caméras) afin de donner un cadre rigoureux à ces actions ». Ces dispositions seront précisées par un décret en Conseil d’État, adopté après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

VIII – La création d’un bureau d’enquête et d’analyse sur les risques industriels

Reprenant un amendement soutenu par le gouvernement, le projet de loi prévoit la création d’un bureau d’enquête accidents dédié aux risques industriels (art. 71). Ce dernier aura pour mission d’effectuer « une enquête technique systématique en cas d’accident majeur entraînant des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau et devant faire l’objet d’une notification à la Commission européenne, survenu sur une installation relevant de l’article L. 515-32 [du Code de l’environnement] ». Le gouvernement s’était engagé à créer un tel organisme dans le cadre du plan d’action qu’il avait mis en place à la suite de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen qui a eu lieu le 26 septembre 2019.

En conclusion, il apparaît que le projet de loi Climat et résilience, qui a été enrichi de nouvelles dispositions lors de son examen par l’Assemblée nationale, permet un durcissement de la réponse pénale en matière environnementale. Il comporte un certain nombre d’avancées comme la création d’un délit de mise en danger de l’environnement malgré son champ d’application limité, la possibilité d’imposer à la personne condamnée de procéder à la restauration du milieu naturel, le relèvement du montant des amendes pour certaines infractions environnementales ou encore la création de nouvelles peines complémentaires applicables aux personnes morales ayant commis des délits sanctionnés par le Code de l’environnement.

Notes de bas de pages

  • 1.
    AN, projet de loi n° 3875, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021.
  • 2.
    V. Exposé des motifs du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 6.
  • 3.
    V. Rapp. AN n° 3995, 19 mars. 2021, (t. 3, comptes rendus, vol. 2), p. 444.
  • 4.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 39.
  • 5.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 40.
  • 6.
    L’examen en première lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale s’est achevé le 17 avril 2021 après trois semaines de débats : https://lext.so/Ix8ADi. Le texte a fait l’objet d’un vote solennel le 4 mai 2021.
  • 7.
    V. D. Chilstein, « L’efficacité du droit pénal de l’environnement », in L’efficacité du droit de l’environnement. Mise en œuvre et sanctions, O. Boskovic (dir.), 2010, Dalloz.
  • 8.
    V. Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de la Justice, Rapp. : Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, oct. 2019, p. 66.
  • 9.
    Il a été soutenu que ce manque de visibilité et de lisibilité du droit pénal de l’environnement trouverait sa source dans un excès de précision et de technicité (V. L. Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », RJE 2014, p. 182).
  • 10.
    V. Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de la Justice, Rapp. : Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, oct. 2019, p. 66.
  • 11.
    F. Molins, Déclaration faite à l’Assemblée nationale le 30 janvier 2020.
  • 12.
    V. Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de la Justice, Rapp. : Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, oct. 2019, p. 56 et 57.
  • 13.
    V. Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de la Justice, Rapp. : Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, oct. 2019, p. 55.
  • 14.
    V. l’étude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021, p. 630.
  • 15.
    F. Molins, Discours d’ouverture du cycle de formation sur le droit pénal de l’environnement, 7 févr. 2021 (https://lext.so/und4MN).
  • 16.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2008/99/CE, 19 nov. 2008, relative à la protection de l’environnement par le droit pénal : JOUE L 328, 6 déc. 2008, p. 1.
  • 17.
    La Commission européenne entend présenter d’ici la fin de l’année 2021 une proposition portant sur la révision de cette directive qui n’a pas fait l’objet de mesures de transposition en droit français (v. D. Laperche, « La Commission européenne consulte sur la révision de la protection de l’environnement par le droit pénal », Actu-Environnement.com, 8 févr. 2021).
  • 18.
    L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée : JO n° 0312, 26 déc. 2020, texte n° 4.
  • 19.
    Le décret n° 2021-286 du 16 mars 2021 désignant les pôles régionaux spécialisés en matière d’atteintes à l’environnement a été publié au Journal officiel du 17 mars 2021.
  • 20.
    B. Pompili, AN, séance publique, 17 avr. 2021.
  • 21.
    L’article 223-1 du Code pénal définit le délit de mise en danger de la vie d’autrui comme « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ». Ce délit est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Il a été introduit dans le droit français par la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes.
  • 22.
    V. Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de la Justice, Rapp. : Une justice pour l’environnement. Mission d’évaluation des relations entre justice et environnement, oct. 2019, p. 67.
  • 23.
    V. l’étude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021, p. 640.
  • 24.
    V. l’étude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021, p. 641.
  • 25.
    Déclaration faite le 18 mars 2021 à l’Assemblée nationale lors de la réunion de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi.
  • 26.
    Selon ces dispositions du Code pénal, « le taux maximum de l’amende applicable aux personnes morales est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ».
  • 27.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 38.
  • 28.
    Déclaration faite le 18 mars 2021 à l’Assemblée nationale lors de la réunion de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi.
  • 29.
    Déclaration faite le 18 mars 2021 à l’Assemblée nationale lors de la réunion de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi.
  • 30.
    PE et Cons. UE, dir. n° 2008/99/CE, 19 nov. 2008, relative à la protection de l’environnement par le droit pénal : JOUE L 328, 6 déc. 2008, p. 1.
  • 31.
    V. l’étude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021, p. 637.
  • 32.
    E. Balanant, AN, séance publique, 17 avr. 2021.
  • 33.
    V. amendement n° 7237 (rect.), 25 mars 2021, sur le projet de loi Climat et résilience, déposé par les députés du groupe LREM (https://lext.so/uWod_N).
  • 34.
    E. Balanant, AN, séance publique, 17 avr. 2021.
  • 35.
    V. L. Neyret, « Pour la reconnaissance du crime d’écocide », RJE 2014, p. 182.
  • 36.
    V. D. Zierler, The Invention of ecocide, 2011, university of Georgia Press.
  • 37.
    L’article 8.2, b), iv), du Statut de Rome inclut dans les crimes de guerre susceptibles d’être jugés par la CPI « le fait de diriger intentionnellement une attaque en sachant qu’elle causerait incidemment (…) des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel qui seraient manifestement excessifs par rapport à l’ensemble de l’avantage militaire concret et direct attendu ».
  • 38.
    V. R. Nollez-Goldbach, « La compétence de la Cour pénale internationale à l’égard des crimes environnementaux », JCP G 2016, 1058.
  • 39.
    L. Neyret (dir.), Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, 2015, Bruylant, p. 446.
  • 40.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 39.
  • 41.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 39.
  • 42.
    V. CE, avis, 4 févr. 2021, n° 401933, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, p. 39.
  • 43.
    Amendement n° 5496, 18 mars 2021, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, déposé par le député E. Balanant (https://lext.so/Kw3l2h).
  • 44.
    C. Lepage, « Le délit d’écocide : une “avancée” qui ne répond que très partiellement au droit européen », Dalloz actualité, 17 févr. 2021.
  • 45.
    C. Lepage, « Le “délit d’écocide” : nouvel outil juridique de défense de l’environnement ? », 15 déc. 2020 (https://lext.so/MlkeHx).
  • 46.
    V. rapp. AN n° 3995, 19 mars. 2021, (t. 3, comptes rendus, vol. 2), p. 446.
  • 47.
    V. rapp. AN n° 3995, 19 mars. 2021, (t. 3, comptes rendus, vol. 2), p. 444.
  • 48.
    Le gouvernement devra remettre ce rapport au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi « climat et résilience ». Le rapporteur E. Balanant a estimé qu’il était indispensable de « de faire évoluer le droit international pour permettre à la Cour pénale internationale de poursuivre le crime d’écocide, qui ne serait pas uniquement conçu comme un crime de guerre mais comme un crime pouvant également être commis en temps de paix » (v. rapp. AN n° 3995, 19 mars. 2021, t. 2, commentaire des articles, p. 475). Mais des associations de protection de l’environnement ont affirmé que l’introduction de la notion d’écocide dans le droit français en tant que délit vient créer une confusion avec l’action entreprise par ceux qui militent actuellement pour la reconnaissance d’un crime d’écocide à portée internationale.
  • 49.
    V. amendement n° 3861, 25 mars. 2021, sur le projet de loi Climat et résilience, déposé par les députés du groupe socialiste et apparentés (https://lext.so/epn0wz).
  • 50.
    V. amendement n° 3861, 25 mars. 2021, sur le projet de loi Climat et résilience, déposé par les députés du groupe socialiste et apparentés (https://lext.so/E42XuP).
  • 51.
    « Afin que la sanction possible soit dissuasive », la Convention citoyenne sur le climat a précisé que « la peine encourue doit être, dans le cas d’une violation par une entreprise, outre une peine d’emprisonnement et une amende pour les dirigeants d’entreprise ou les personnes directement responsables, une amende en pourcentage significatif du chiffre d’affaires de cette entreprise et doit inclure l’obligation de réparation ».
  • 52.
    Le concept de limite planétaire a été proposé en 2009 par une équipe internationale de chercheurs menée par J. Rockström (J. Rockström et a., « Planetary boundaries : exploring the safe operating space for humanity », Ecology and Society, 14(2) : 32, 2009).
  • 53.
    V. rapp. AN n° 3995, 19 mars. 2021, (t. 2, commentaire des articles), p. 482.
  • 54.
    V. l’étude d’impact du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, 10 févr. 2021, p. 639.
  • 55.
    L’Assemblée nationale a rejeté, le 12 décembre 2019, une proposition de loi visant à inscrire le crime d’écocide dans le Code pénal. L’« écocide » y était défini comme « toute action concertée et délibérée tendant à causer directement des dommages étendus, irréversibles et irréparables à un écosystème, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées » (v. prop. L. n° 2353, portant reconnaissance du crime d’écocide, 22 oct. 2019, AN). Une proposition de loi sur le même sujet a été rejetée par le Sénat le 2 mai 2019 (v. prop. L. n° 384, portant reconnaissance du crime d’écocide, 19 mars 2019, Sénat). Elle visait à introduire dans le Code pénal un nouveau crime d’écocide conçu par analogie avec le crime de génocide. Le texte définissait l’écocide comme « le fait, en exécution d’une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d’un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l’environnement et aux conditions d’existence d’une population ».
  • 56.
    L’article L. 173-9 du Code de l’environnement permet aux personnes physiques ou morales condamnées pour une infraction au Code de l’environnement de bénéficier des dispositions du Code pénal concernant l’ajournement de peine avec injonction. Ces dispositions figurent aux articles 132-66 à 132-70 du Code pénal.
  • 57.
    V. L. Radisson, « Le champ d’application du référé pénal spécial élargi timidement au Code minier », Actu-Environnement.com, 20 avr.2021.
  • 58.
    E. Balanant, AN, séance publique, 17 avr. 2021.
  • 59.
    Sous-amendement n° 7445, 15 avr. 2021, sur le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, déposé par le député Jean-René Cazeneuve (LREM) (https://lext.so/WEVtZR).
  • 60.
    B. Pompili, AN, séance publique, 17 avr. 2021.
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