Insolite : Quand la Cour suprême américaine affole les recherches Google sur l’avortement

Publié le 09/03/2023

Alors que le président de la République Emmanuel Macron a annoncé le 8 mars son intention d’inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution, Raphaël Costa a fait une  terrible découverte. Il ressort des recherches sur Google que, dans des pays qui ne reconnaissent pas l’avortement ou en restreignent l’usage, les femmes se renseignent sur la manière d’avorter sans le secours de la médecine. En ayant recours à de l’eau de javel ou un cintre…

Insolite : Quand la Cour suprême américaine affole les recherches Google sur l’avortement
Photo : ©AdobeStock/JP Photography

Si vous êtes déjà partis skier, ce fut mon cas cette semaine, vous avez peut-être constaté comme moi que le paysage et ses nuances de blanc suffisaient à pleinement contenter notre vue. Mais la bande son de la montagne, plutôt silencieuse l’hiver, couplée au skieur qui m’a crié « tiens ton côté de la piste enc…é » dès le premier jour, n’ont pas été suffisants, malgré l’effort poétique de sa part, à contenter mon ouïe.

Ce que nos recherches Google disent vraiment de nous

J’ai alors décidé d’occuper mes oreilles lors de mes descentes avec des livres audios, et ma curiosité s’est arrêtée sur Tout le monde ment… (et vous aussi !) Internet et le Big Data : ce que nos recherches Google disent vraiment de nous, « best-seller du New-York Times » publié en 2018 par Seth Stephens-Davidowitz, un spécialiste de l’analyse des données de recherche internet. Et plus particulièrement sur Google, le moteur auquel chacun confie ce qu’il n’avait jamais osé dire à un proche, à un médecin ou encore à un sondeur.

Et l’on y découvre que les données de Google renseignent sur les effets des lois rendant l’avortement plus difficile. La jurisprudence Roe vs Wade de la Cour suprême américaine a reconnu le droit à l’avortement dans tous les États américains en 1973, en considérant qu’il était l’une des composantes du droit à la vie privée protégé par le Quatorzième amendement de la Constitution américaine. Mais un revirement de la même Cour, en 2022, a annulé cet arrêt majeur, permettant aux États de définir eux-mêmes leur politique concernant l’avortement.

« Comment avorter en javellisant son utérus »

Le livre de Seth Stephens-Davidowitz étant antérieur à ce revirement, les données qu’il y renseigne se sont sans doute fortement aggravées, car déjà en 2015, aux Etats-Unis, le nombre de recherches Google sur l’avortement déclenché soi-même s’élevait à plus de 700 000 ! Contre 3,5 millions de recherche concernant des cliniques d’avortement. Concernant l’achat de pilules abortives en ligne ou de façon clandestine, ce sont plus de 150 000 recherches qui ont été faites…

Certaines d’entre elles ont tenté d’apprendre comment avorter par tous les moyens, y compris grâce à… la vitamine C ou, plus surprenant encore, les plantes dont : le persil !

Mais il y a plus dramatique : 4 000 recherches portaient sur l’avortement sur soi-même réalisé à l’aide… d’un cintre, dont 1 300 sous la forme exacte : « Comment pratiquer un avortement au cintre ? ». Quelques centaines d’autres ont également cherché : comment avorter « en javellisant son utérus » ou en frappant son estomac…

En croisant ces données avec les informations relatives aux modifications législatives, on découvre que la recherche de ces méthodes auto-abortives fut stable jusqu’à la fin de l’année 2008 où le nombre de recherches s’est mis à augmenter progressivement jusqu’en 2011. Année considérée comme celle du début des 92 mesures répressives et de durcissement qui allaient prendre place dans les législations de certains États fédérés. Le spécialiste précise alors que sur la même période, au Canada, là où aucune norme de ce genre n’a été adoptée, aucune augmentation du nombre de recherches de ce genre n’a pu être observée.

Si l’on retourne aux Etats-Unis en revanche, en affinant ces recherches Google par État, on constate – sans surprise – que ce type de question est plus fréquente dans les huit États considérés comme ayant le niveau de législation le plus hostile au droit à l’avortement. En revanche, aucun de ceux où la législation est considérée comme la plus favorable ne figurent dans la liste.

Un pic de recherches le 26 mai 2022 

Ainsi, les femmes vivant dans des États ayant adopté des lois restreignant fortement leur droit à l’avortement recherchent sur Google des moyens non-officiels d’avorter, législation ou non. Si l’on met à jour ces données nous-mêmes, on peut voir que l’État où le moyen d’avorter est toujours le plus recherché reste le Mississipi qui, en 2018, ne comptait qu’une seule clinique d’avortement pour plus de trois millions d’habitants. Et tous états confondus, le pic de recherches Google sur le sujet aux USA est daté du 26 mai 2022, soit 48 heures à peine après le revirement de jurisprudence de la Cour suprême.

Sur la même période, celle où les recherches de techniques d’avortement solitaire aux Etats-Unis représentent 1 recherche concernant l’avortement sur 6, en France, cette proportion est deux fois plus faible.

Enfin, nous l’espérons car nous avons appris à utiliser l’outil d’analyse des données Google sur le télésiège reliant deux pistes rouges en espérant ne plus se faire insulter… Bonsoir !

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