Précisions sur l’obligation d’information environnementale prévue par l’article L. 514-20 du Code de l’environnement

Publié le 19/03/2019

Relève exclusivement de l’obligation d’information environnementale prévue à l’article L. 514-20 du Code de l’environnement la vente d’un terrain ayant supporté des installations classées soumise à autorisation ou à enregistrement.

Cass. 3e civ., 22 nov. 2018, no 17-26209

1. Division parcellaire et installations classées. Au cas d’espèce1, en 1992 la société Faiveley cède à la SCI GDLMA (la SCI) certaines parcelles situées sur un site industriel qui comprend aussi des installations classées pour la protection de l’environnement. Quelques années plus tard, lorsque la SCI effectue des travaux de réaménagement, elle fait intervenir un expert qui constate dans un rapport de 2010 la pollution des sols de ce site. La SCI demande alors à la société Faiveley de procéder à une opération de dépollution. Celle-ci refuse de s’y soumettre considérant qu’elle n’a commis aucune faute de nature à justifier une telle réparation. La SCI décide alors d’assigner la société Faiveley afin d’obtenir la réparation des préjudices subis. En effet, la pollution des sols du site cédé lui impose de mettre en place une opération de dépollution. La SCI saisit alors le juge de première instance qui n’accueille pas sa demande. Insatisfaite de ce jugement, la demanderesse interjette appel. Par un arrêt du 23 juin 2017, la cour d’appel de Paris rejette l’appel formé par la SCI. La SCI forme alors un pourvoi en cassation. Les moyens invoqués par le pourvoi se décomposent en trois branches. Tout d’abord, elle sollicite l’application de la législation relative aux vices cachés. Ensuite, elle allègue un manquement contractuel du cédant à son devoir d’information sur le fondement de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement. Enfin, elle demande une remise en l’état des parcelles pour réparer le manquement de nature délictuel relatif à la pollution des sols et engage à ce titre la responsabilité délictuelle du cessionnaire. Cette décision permet de questionner le régime de l’obligation d’information prévu par l’article L. 514-20 du Code de l’environnement qui pèse sur le cessionnaire d’une installation classée. Par une décision de rejet, la Cour de cassation précise l’étendue de cette obligation d’information. Le premier moyen est écarté. Le troisième moyen se heurte à une carence probatoire. La Cour de cassation considère en effet qu’aucune preuve n’établit que la pollution des sols existait antérieurement à la cession et qu’aucun élément ne prouve que la pollution des sols constatée est imputable aux activités de la société Faiveley. D’ailleurs, il apparaît qu’aucune mesure d’expertise n’a été sollicitée auprès de la cour d’appel, l’article 145 du Code de procédure civile n’a pas été invoqué. Or l’article 146 du Code de procédure civile dispose que le juge n’a pas à suppléer la carence des parties concernant l’administration de la preuve. À défaut de preuve de l’antériorité de la pollution et de l’origine de la pollution, les juges du fond ne semblaient pas en mesure de pouvoir statuer différemment et c’est donc à bon droit que la Cour de cassation rejette ce moyen. Il convient maintenant de se concentrer sur le deuxième moyen. Dans sa décision, la Cour de cassation souligne que pour appliquer l’article L. 514-20 du Code de l’environnement, il faut qu’une installation classée pour la protection de l’environnement ait été implantée en tout ou partie sur le terrain vendu. Or, en l’espèce parmi les installations classées implantées sur le site, aucune n’a été cédée à la SCI. De plus, la Cour constate qu’aucune exploitation de nature à modifier les dangers ou inconvénients au sens de l’article R. 512-32 du Code de l’environnement n’a été exploitée. Elle en déduit alors que le cédant n’a pas manqué au devoir d’information prévu par l’article L. 513-20 du Code de l’environnement. Cette question posée à la Cour de cassation intéresse au plus haut point le droit de l’environnement. Il s’agit ainsi de déterminer l’étendue (I) et les limites de l’obligation environnementale d’information d’une installation classée incombant au vendeur (II).

I – L’étendue de l’obligation environnementale d’information du vendeur

2. La notion d’obligation environnementale d’information. Selon la Cour de cassation, l’article L. 514-20 du Code de l’environnement dispose que, lorsqu’une installation classée soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur (A). L’article L. 514-20 du Code de l’environnement impose au vendeur de fournir à l’acquéreur une obligation environnementale d’information (B).

A – Champ d’application et formalisme de l’obligation environnementale d’information

3. Domaine d’application. Aux termes de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement : « Lorsqu’une installation soumise à autorisation ou à enregistrement a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d’en informer par écrit l’acheteur ; il l’informe également, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation. Si le vendeur est l’exploitant de l’installation, il indique également par écrit à l’acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L’acte de vente atteste de l’accomplissement de cette formalité. À défaut, l’acheteur a le choix de poursuivre la résolution de la vente ou de se faire restituer une partie du prix ; il peut aussi demander la remise en état du site aux frais du vendeur, lorsque le coût de cette remise en état ne paraît pas disproportionné par rapport au prix de vente ». En l’occurrence, il s’agit d’un site industriel sur lequel une activité de fabrication de systèmes de freinage automobile et ferroviaire a été exercée de 1892 à 1999, incluant des installations classées pour la protection de l’environnement.

4. Les préoccupations environnementales et formalisme informatif. Parmi les règles substantielles en droit de l’environnement, la place la plus importante est occupée par celles qui relèvent de ce qu’on se plaît à dénommer un « formalisme informatif »2. Au reste, on conçoit bien que comme le remarque le rapporteur de la troisième commission du 104e congrès des notaires de France : « La donnée environnementale et singulièrement le risque de pollution des sols pèsent donc de plus en plus fortement sur la problématique contractuelle. Elle oblige à créer un champ de transparence dans lequel la fiabilité et le caractère complet de l’information fournie conditionnent l’efficacité du contrat »3. Semblant aller à contre-courant des jurisprudences les mieux établies, certains auteurs prétendent avec force que : « Elle doit aller au-delà du formalisme informatif dont le respect, s’il constitue une exigence légale expresse, ne doit pas occulter l’obligation générale de renseignements applicable à toute vente immobilière »4.

B – Contenu de l’obligation environnementale d’information

5. Obligation de résultat.5 On peut dire que pèse sur le vendeur une véritable obligation de résultat dans la mesure où il doit informer l’acquéreur de l’existence passée de l’installation classée et de son exploitation6. Il s’agit d’une obligation de résultat qui n’admet pas « l’exception de légitime ignorance »7. Or au cas d’espèce, aucune installation classée de l’ancien site industriel n’avait été exploitée sur l’une des parcelles cédées à l’acquéreur.

6. Obligation de moyens. L’article L. 514-20 du Code de l’environnement impose également au vendeur d’informer, pour autant qu’il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l’exploitation. Cette obligation est généralement analysée comme une obligation de moyens8. Dans l’arrêt rapporté il est précisé qu’il n’est pas non plus établi qu’une autre installation ait été exploitée sur ces parcelles, qui, du fait de sa connexité ou de sa proximité, aurait pu modifier les dangers ou inconvénients de l’installation classée.

7. Vers une obligation de renseignements : obligation de résultat. Cette formule « pour autant qu’il les connaisse » ne semble pas assez nette pour exclure l’ignorance légitime, le doute semble profiter à l’acquéreur comme l’indique une décision de la troisième chambre civile le 11 mars 2014 qui indique que : « Mais attendu qu’ayant constaté que la société Prodeco n’avait pas informé la société Perspective avenir lors de la vente de la parcelle de terrain cadastrée BV n° 83 qu’une installation soumise à autorisation y avait été exploitée, relevé que la parcelle BV n° 83 était issue de la division de la parcelle cadastrée BV n° 49 sur laquelle la société Établissement Lefèvre frères avait exploité sur l’intégralité du terrain une installation soumise à autorisation, que les éléments fournis étaient suffisants pour situer topographiquement la partie de parcelle concernée, que le rapport d’investigation établi par la société Ginger environnement confortait cette position puisqu’il mettait en évidence une pollution sur la parcelle BV n° 83 et que seuls les bâtiments situés sur cette parcelle étaient à même de répondre aux conditions posées par l’arrêté préfectoral pour le stockage des produits inflammables, la cour d’appel, qui a retenu, à bon droit, qu’il importait peu que les dirigeants de la société Prodeco en aient eu connaissance dès lors que l’article L. 514-20 du Code de l’environnement crée une obligation d’information, et qui n’était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a pu déduire de ces seuls motifs que la parcelle vendue était bien le siège de l’installation, qu’elle était soumise aux dispositions de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement et que la société Prodeco avait manqué à son obligation d’information »9. Comme, l’observe un auteur en note sous l’arrêt du 22 novembre 2018, dans une telle hypothèse, l’obligation d’information devient une véritable obligation de renseignement qui n’est pas une simple obligation de moyens, mais de résultat10.

II – Limites à l’obligation environnementale d’information du vendeur

8. Interprétation stricte de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement. La Cour de cassation écarte l’application de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement des terrains connexes au terrain vendu (A). De plus, il convient de s’interroger sur les autres actes de mutation à titre onéreux exclus de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement (B).

A – Limites quant aux biens : exclusion des biens connexes

9. L’article R. 512-32 du Code de l’environnement abrogé par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale. L’article L. 514-20 du Code de l’environnement ne s’applique qu’aux transactions qui portent sur des sites sur lesquels des installations classées soumises à autorisation ou à enregistrement ont été exploitées. Aussi, selon une lecture stricte de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement cette obligation ne concerne pas les installations soumises à simple déclaration.

La Cour de cassation relève en effet « que s’agissant de l’application de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement à la vente du 16 septembre 1993, il vient d’être dit que la preuve de l’existence d’une installation classée soumise à autorisation sur les parcelles vendues n’était pas rapportée ; que, pas davantage, la société GDLMA n’établit qu’une installation connexe y aurait été exploitée à proximité dans les conditions décrites par l’article R. 512-32 du même code ». En effet, on sait que l’article R. 512-32 du Code de l’environnement disposait : « Les prescriptions prévues aux articles R. 512-28 à R. 512-31 s’appliquent aux autres installations ou équipements exploités par le demandeur qui, mentionnés ou non à la nomenclature, sont de nature, par leur proximité ou leur connexité avec une installation soumise à autorisation, à modifier les dangers ou inconvénients de cette installation »11. Il en résultait que l’obligation de remise en état valait tout autant à l’encontre des installations classées autorisées qu’à celles qui leur sont connexes12. En l’espèce, les installations classées n’étaient pas implantées sur la parcelle objet de la vente, mais elles étaient situées à proximité de cette dernière si bien que la Cour de cassation a fait prévaloir l’article L. 514-20 du Code de l’environnement.

10. Autres exclusions. Par ailleurs, sont exclues par une interprétation a contrario de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement la vente d’immeubles ayant abrité des installations classées pour la protection de l’environnement. De même, ne sont pas visées la cession d’un fonds de commerce ou bien encore la vente d’actions de la société exploitant ou ayant exploité l’activité classée13. Quid de la location des terrains ou des installations14 ?

B – Limites quant aux actes : les autres actes de mutation exclus de l’article L.514-20 du Code de l’environnement.

11. Actes de mutation à titre onéreux : l’échange. En dépit des similitudes entre le contrat de vente et l’échange, issues de l’article 1707 du Code civil, qui assimile les règles du consentement et de la chose, force est cependant de remarquer que l’article L. 540-12 du Code de l’environnement ne semble pas s’appliquer15. Il suffit pour se convaincre de l’intérêt que produit l’échange de parcelles de compulser la jurisprudence en la matière. C’est ainsi qu’une cour d’appel énonce à bon droit que l’échange des biens ruraux, accompli sans fraude, échappe au droit de préemption du preneur en place et qu’il n’est pas interdit au bailleur de recevoir, en contrepartie d’un fonds rural, un bien qui n’a pas ce caractère16. En revanche, une cour d’appel a pu décider que la disproportion des biens échangés, manifestée par l’existence d’une soulte de vingt-mille francs, qui dépassait de beaucoup la valeur du hangar acquis par les acquéreurs et qui se trouvait augmentée par l’engagement pris par le vendeur de réparer à ses frais la toiture de ce bâtiment, excluait la qualification d’échange et que l’acte du 24 février 1973 était en réalité une vente en vue d’empêcher le preneur d’exercer son droit de préemption17. On se rend bien compte de l’intérêt de l’opportunité de l’échange de site industriel relevant du régime de l’autorisation18.

12. Actes de mutation à titre gratuit : donation. De la même manière, il est intéressant de remarquer que les mutations à titre gratuit telles les donations sont exclues du champ d’application de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement19. On peut se demander, ici encore, si l’exclusion des mutations à titre gratuit de l’article L. 514-20 du Code de l’environnement n’a pas pour but de déplacer la difficulté au regard de la garantie des vices cachés en cas de revente du bien donné.

13. Conclusion. Si le contrat de vente de terrain ayant supporté une installation classée soumise à autorisation ou d’une installation connexe reste avant tout un acte courant, pour autant il obéit à des dispositions réglementaires spécifiques qui requièrent des compétences en matière environnementale.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Pelet D., « Installation classée : périmètre de l’obligation d’information du vendeur », Dalloz actualité, 11 déc. 2018.
  • 2.
    V. not. Aynès L., « Formalisme et prévention », in Le droit du crédit au consommateur, 1982, Litec ; Aubert J.-L., « Le formalisme », rapp. de synthèse, Journée J. Flour, sous l’égide de l’association H. Capitant, Defrénois 30 août 2000, n° 37213, p. 939.
  • 3.
    Coutant J.-F. et Salvador O., 104e Congrès des notaires de France, « Le développement durable, un défi pour le droit : Réflexions sur quelques déclarations en matière environnementale », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière 2008, p. 1144.
  • 4.
    Passim, n° 17.
  • 5.
    Au grand dam de la doctrine, le projet de la chancellerie ne consacre pas la distinction entre les obligations de moyens et de résultat, laissant cette distinction dans le « non-dit », sinon dans le « non-droit » : http://reforme-obligations.dalloz.fr/.
  • 6.
    L’obligation d’information environnementale (C. envir., art. L. 514-20), http://www.cheuvreux-notaires.fr.
  • 7.
    Deharbe D., « La DIA et les informations sur la pollution… un couple de jeunes mariés », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière 2014, p. 1305.
  • 8.
    Lacoste-Masson N. et a., « Manquement à l’obligation d’information », in Le Lamy Assurances, n° 2170, Wolters Kluwer.
  • 9.
    Cass. 3e civ., 11 mars 2014, n° 12-29556.
  • 10.
    Squillaci V, « L’obligation d’information du vendeur prévue par l’article L. 514-20 du Code de l’environnement ne s’applique que lorsqu’une ICPE a été implantée sur le terrain vendu (Cass. 3e civ., 22 nov. 2018, n° 17-26209) », https://www.green-law-avocat.fr/.
  • 11.
    C. envir., art. R. 512-32, abrogé par le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale.
  • 12.
    Deharbe D. et Borrel Y, « Obligation administrative de remise en état », JCl. Environnement et Développement durable 2018.
  • 13.
    Asscher J., « L’article L. 514-20 du Code de l’environnement : une obligation d’information tronquée », Gaz. Pal. 22 déc. 2007, n° H0581, p. 15.
  • 14.
    Lindon C., et a, « Installations classées », in Le Lamy environnement, 2018, Wolters Kluwer.
  • 15.
    Asscher J., « L’article L. 514-20 du Code de l’environnement : une obligation d’information tronquée », Gaz. Pal. 22 déc. 2007, n° H0581, p. 15.
  • 16.
    Cass. 3e civ., 7 janv. 1972, n° 70-12626.
  • 17.
    Cass. 3e civ., 15 mars 1977, n° 75-14664.
  • 18.
    Asscher J., « L’article L. 514-20 du Code de l’environnement : une obligation d’information tronquée », Gaz. Pal. 22 déc. 2007, n° H0581, p. 15.
  • 19.
    Asscher J., « L’article L. 514-20 du Code de l’environnement : une obligation d’information tronquée », Gaz. Pal. 22 déc. 2007, n° H0581, p. 15.