La législation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement à l’épreuve du droit de l’urbanisme

Publié le 22/06/2018

Lorsque le permis de construire autorisant la construction d’une installation classée d’un parc éolien a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire est compétent pour prononcer la démolition de l’éolienne implantée en méconnaissance des règles d’urbanisme.

Cass. 3e civ., 14 févr. 2018, no 17-14703, FS–PB

1. Retour sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. Par arrêté préfectoral du 8 avril 2005, le préfet du Morbihan a délivré un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison à la société ZJN GmbH. Ce permis a été transféré par arrêté préfectoral le 3 décembre 2007 à la société Parc éolien du Guern. Trois de ces éoliennes ont été mises en service à compter du 29 décembre 2008. Dans un arrêt du 7 avril 2010, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’arrêté préfectoral du 8 avril 2005. Cette annulation est devenue définitive le 28 septembre 2012, à la suite du rejet du pourvoi par décision du Conseil d’État considérant l’étude d’impact insuffisante et l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité publique. L’association contre le projet éolien de Guern et un groupe de riverains ont alors assigné la société devant la juridiction civile sur le fondement des articles L. 480-13 du Code de l’urbanisme et 1240 du Code civil pour demander la démolition des installations et obtenir des dommages-intérêts. En effet, l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la loi de 2015 disposait que le juge judiciaire est compétent pour prononcer la démolition de la construction si le permis de construire a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. En défense, la société soulève alors l’incompétence du juge judiciaire pour connaître de cette prétention (fondement sur une jurisprudence constante du Tribunal des conflits1 qui exclut l’intervention du juge judiciaire susceptible de remettre en cause les prescriptions édictées par l’Administration). La cour d’appel retient cette exception de procédure et décline la compétence du juge judiciaire. Elle considère en effet que le juge judiciaire n’a pas la compétence pour ordonner la démolition de ces installations même si le juge administratif a annulé le permis de construire pour sanctionner le non-respect des prescriptions des règles de l’urbanisme. Les juges d’appel refusent que la démolition ne remette en cause la poursuite de l’activité de ces installations alors que leur exploitation relève de la réglementation relative aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Insatisfaits de cette décision, les requérants se pourvoient en cassation. La première chambre civile devait alors déterminer si le juge judiciaire est compétent pour demander la démolition d’une ICPE lorsque le permis de construire est annulé par la juridiction administrative pour non-conformité aux règles d’urbanisme mais que l’exploitation a été autorisée par la police spéciale des ICPE. La difficulté réside dans l’application de deux régimes juridiques distincts à ces éoliennes, le Code de l’urbanisme et la réglementation relative à l’exploitation des ICPE. La première chambre civile de la Cour de cassation retient ici une interprétation souple du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires en matière d’ICPE. En effet, le principe de séparation tel que prévu par la loi des 16-24 août 1790 interdit au juge judiciaire de substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative qui agit dans son domaine de compétence. Or, les mesures relatives à la construction ou démolition d’éoliennes relèvent du pouvoir de police spéciale. Ainsi, le juge administratif est en principe seul compétent pour connaître de la demande relative à la démolition des éoliennes au regard notamment des règles de sécurité publique et de protection de la nature. Néanmoins, la première chambre civile précise que le juge judiciaire est compétent pour ordonner la démolition de l’éolienne implantée en méconnaissance des règles d’urbanisme dès lors que la juridiction administrative a au préalable annulé le permis en autorisant la construction. En définitive, il semble que la Cour de cassation applique l’article L. 430-13 du Code de l’urbanisme pour justifier l’intervention du juge judiciaire sans tenir compte du régime des ICPE. Cette solution semble amorcer un revirement de jurisprudence. En effet, dans une décision récente du 25 janvier 2017 n° 15-25526, la première chambre civile soutenait que « c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que la demande tendant à obtenir l’enlèvement des éoliennes litigieuses, au motif que leur implantation et leur fonctionnement seraient à l’origine d’un préjudice visuel et esthétique et de nuisances sonores, impliquait une immixtion du juge judiciaire dans l’exercice de cette police administrative spéciale »2. On conçoit donc qu’aux termes de l’arrêt rendu par la haute juridiction, cette dernière continue à préciser les conditions préalables d’application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme (I) au regard de l’action en démolition d’une installation classée (II).

I – Les conditions préalables d’application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

2. Installations classées au regard des règles d’urbanisme. Pour la haute juridiction l’annulation du permis de construire des éoliennes par la juridiction administrative résulte bien du non-respect des prescriptions urbanistiques (A), d’autant plus qu’une telle mesure aurait pour effet de remettre en cause la poursuite de l’activité de ces installations (B).

A – L’exigence de fond : constatation préalable de l’annulation du permis de construire par le juge administratif

3. Dualité législative. Telles qu’elles sont réglementées par la première loi n° 2010-788 du 12 juillet 20103 portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle II, les éoliennes terrestres ont connu maintes dispositions concernant leur classement sous le régime juridique des installations classées4. Pour autant cela a conduit le législateur à consacrer un droit acquis de l’exploitant à poursuivre l’exploitation de celles construites antérieurement à ce classement à condition de se faire connaître du préfet dans l’année suivant la publication du décret conformément aux articles L. 513-1 et L. 553-1 du Code de l’environnement5. On comprend donc sans peine que les parcs éoliens sont soumis à deux législations différentes : le droit de l’environnement ainsi que le droit de l’urbanisme, ou parfois les enjeux sont certes déterminants mais également contradictoires.

4. Permis de construire et transfert à une tierce personne. Au cas d’espèce6, le préfet du Morbihan avait délivré à la société ZJN Grundstucks-Verwaltungs GmbH un permis de construire de quatre éoliennes et un poste de livraison sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Guern. Par arrêté du 3 décembre 2007, ce permis a été transféré à la société Parc éolien Guern. Notons, à cet égard, que le permis de construire présente un caractère réel tant et si bien qu’il demeure attaché au terrain et non à la personne qui en est titulaire7. Il se peut que le permis de construire soit transféré à une tierce personne8. Il n’y a plus lieu de rechercher les sources du transfert de permis de construire, comme le faisait auparavant l’Administration9, puis le juge administratif10 qui ont façonné une procédure de transfert et introduit ce concept nouveau au sein des autorisations individuelles. Dorénavant, l’article A. 431-8 du Code de l’urbanisme dispose que « la demande de transfert d’un permis de construire en cours de validité est établie conformément au formulaire enregistré par le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique sous le numéro Cerfa 13412 »11. Dans notre affaire, trois éoliennes ont été mises en service à compter du 29 décembre 2008 et que, par arrêt du 7 avril 2010, devenu définitif à la suite du rejet du pourvoi par décision du Conseil d’État du 28 septembre 2012, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé l’arrêté préfectoral du 8 avril 2005. Il résulte nettement de la part de la doctrine que le transfert n’est valable que si le permis de construire est légal12. En l’espèce, le conseil d’État a rejeté le pourvoi de la société Parc éolien de Guern et a ainsi confirmé l’annulation du permis de construire pour deux motifs :

  • l’insuffisance de l’étude d’impact au regard des dispositions de l’article L. 553-2 du Code de l’environnement et de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 ;

  • la méconnaissance de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme sur la situation et les dimensions des constructions et du risque porté à la sécurité publique.

De plus, si l’annulation du permis initial par le juge administratif n’a pas été prononcée, ou si son retrait n’est pas légalement intervenu, ledit permis est susceptible d’être transféré13. Relativement au retrait du permis de construire, il convient de relever qu’il résulte de l’article L. 424-5 du Code de l’urbanisme que « la décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de 3 mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ». En principe, le délai commence à courir lorsque l’arrêté de retrait de permis de construire est signé par l’autorité compétente14. Il est de jurisprudence constante qu’il convient de distinguer entre les décisions attributives et les simples décisions récognitives. Sont créatrices de droit, et dès leur signature, les décisions attributives avant même leur notification ou leur publication15. En revanche, les décisions dites récognitives qui se bornent à tirer les conséquences d’une situation juridique qu’elles n’ont pas créée, ne sont par conséquent pas créatrices de droit16.

5. Annulation du permis de construire par le juge administratif. Alors que le pétitionnaire obtenant un refus du permis de construire peut par la voie d’action, déposer une requête pour excès de pouvoir devant le juge administratif afin d’obtenir l’annulation de l’acte administratif, le juge administratif peut rentier ou annuler le permis de construire. En outre, le juge pénal peut être saisi de la question de la légalité d’un acte administratif au cours d’un procès conformément à l’article 111-5 du Code pénal, lorsque de cet examen dépend l’issue du procès qui lui est soumis : l’exception d’illégalité17. En l’espèce, l’annulation du permis de construire partant du transfert de permis ne faisait aucun doute comme l’avait jugé le Conseil d’État en date du 28 septembre 2012 en estimant qu’aux termes de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique. Il en est de même si les constructions projetées, par leur implantation à proximité d’autres installations, leurs caractéristiques ou leur situation, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique ». Relativement aux éoliennes, l’enjeu principal est la rupture de pales associée à un risque de projection18. Force est de remarquer que le juge administratif tient compte d’autres éléments pour fonder sa décision d’annulation du permis de construire telles que la topographie ou la possibilité de vents violents : « la cour a estimé que les caractéristiques de la topographie ne pouvaient constituer un obstacle à la projection de pales sur les habitations concernées ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la topographie des lieux pour apprécier l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité publique au sens de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme doit être écarté ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la cour s’est fondée sur la dimension des éoliennes en cause, composées d’un mat d’une hauteur de cent mètres et d’un rotor d’un diamètre de 80 mètres, sur la présence de maisons d’habitation situées à 380 mètres et 450 mètres d’une des éoliennes en cause, dans une zone directement exposée aux risques de projection de pales, et sur la survenance de vents très violents dans la zone concernée pouvant provoquer la destruction totale ou partielle des éoliennes, pour en déduire que le préfet du Morbihan avait entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en délivrant le permis contesté ; que la cour, par une décision suffisamment motivée, s’est ainsi livrée à une appréciation souveraine des faits et des pièces du dossier qui, contrairement à ce que soutiennent la société et le ministre requérants, est exempte de dénaturation ; que si la cour a relevé que l’éolienne E4 était située à 380 mètres des habitations du lieu-dit Les bruyères, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la distance exacte serait de 412,5 mètres ; qu’une telle erreur purement matérielle était, en l’espèce, sans incidence sur l’appréciation souveraine à laquelle s’est livrée la cour »19.

B – Remise en cause de la poursuite de l’activité du parc classé

6. Le régime des installations classées fonctionnant au bénéfice des droits acquis20. Le système d’implantation des parcs éoliens est soumis à un régime juridique draconien imposé par de nombreuses dispositions législatives et réglementaires. On sait que les éoliennes dont la hauteur du mât et de la nacelle au-dessus du sol est supérieure ou égale à 12 mètres sont soumises à permis de construire conformément à l’article R. 421-2 du Code de l’urbanisme. De plus, l’article L. 553-1 du Code de l’environnement ajoute que lorsque l’éolienne a une hauteur de mât de plus de 50 mètres, le projet est soumis à une étude d’impact et à une enquête publique21. En l’espèce, l’arrêt souligne que « les éoliennes relèvent de deux législations distinctes, celle relative aux règles de l’urbanisme pour leur construction et, depuis la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, celle relative aux installations classées pour la police de l’environnement (ICPE) pour leur exploitation. Au titre de la seconde, les éoliennes ont été intégrées à la nomenclature des ICPE par le décret du 23 août 2011. La loi a néanmoins consacré un droit acquis de l’exploitant à poursuivre l’exploitation de celles construites antérieurement à ce classement à condition de se faire connaître du préfet dans l’année suivant la publication du décret (articles L. 513-1 et L. 553-1 du Code de l’environnement) ». Manifestement, l’exploitation du parc éolien était en conformité avec les textes environnementaux.

7. Le droit de l’environnement à l’épreuve du droit de l’urbanisme. Dans cette affaire, les requérants avaient alors excipé l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme afin d’obtenir la démolition des éoliennes dont le permis de construire avait été définitivement annulé. En effet, l’article L. 480-13 du Code de l’environnement prévoit que lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de 2 ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative.

8. Déclinatoire de compétence. Il convenait de s’interroger alors sur la question de savoir si le juge judiciaire pouvait prononcer la démolition des éoliennes en vertu de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme de l’article quand bien même ces dernières bénéficiaient d’une autorisation au titre de la police administrative spéciale des installations classées pour la protection de l’environnement. En l’espèce, les juges du fond estiment que « du fait de l’existence d’une police spéciale en matière d’installation classée, le juge judiciaire ne peut intervenir sur ces IPCE que de manière ponctuelle. Il ne peut ordonner des mesures (telles qu’une démolition) qui feraient obstacle à la continuation de l’exploitation et qui conduiraient ainsi à priver d’effet le droit acquis de l’exploitant à poursuivre l’exploitation des éoliennes. Le principe de la séparation des pouvoirs interdit au juge judiciaire de substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative et de priver d’effet les autorisations que celle-ci a délivrées. En conséquence, il convient de se déclarer incompétent rationæ materiæ en ce qui concerne la demande de démolition des éoliennes exploitées et de renvoyer les demandeurs à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Rennes ». La haute juridiction censure la cour d’appel de Rennes aux visas des articles L. 480-13 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, ensemble la loi des 16-24 août 1793 et le décret du 16 fructidor, an III.

II – Le régime juridique de l’action en démolition d’une installation classée

9. Limitation du champ d’application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. En censurant les juges du fond au visa notamment de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, la Cour de cassation considère que le juge judiciaire est compétent pour ordonner la démolition de l’éolienne implantée en méconnaissance des règles d’urbanisme dans sa rédaction alors applicable (A) car la loi Macron du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques en a réduit le champ d’application (B).

A – La démolition d’une installation classée édictée par l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

10. L’article 1240 du Code civil et l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. En l’espèce, « l’Association contre le projet éolien de Guern, M. X et quatorze autres riverains ont assigné la société, sur le fondement des articles L. 480-13 du Code de l’urbanisme et 1382, devenu 1240 du Code civil, pour voir ordonner le démontage des éoliennes et du poste de livraison et obtenir le paiement de dommages-intérêts ». Il n’est pas inutile de rappeler que lorsqu’une construction est construite sans autorisation individuelle, l’article 1240 du Code civil peut trouver à s’appliquer et la prescription extinctive sera alors de 10 ans calculés à compter de « la manifestation du dommage » conformément à l’article 2270-1 du Code civil22. À l’inverse, dans l’hypothèse où la construction a été édifiée conformément à un permis de construire légal ou annulé, l’action du voisin est ouverte dans un délai de 5 ans à partir de l’achèvement des travaux aux termes de l’article L. 480-1323. Pour autant, la nouvelle rédaction de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme distingue nettement l’action en démolition et celle en dommages et intérêts et elle prévoit un délai de prescription différend, force est d’observer que le législateur a maintenu l’exigence de fond24 consistant en la constatation préalable de l’annulation du permis de construire par le juge administratif.

11. L’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme : domaine d’application. La rédaction initiale de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, issue de la loi du 31 décembre 1976, a été modifiée par la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (JO 16 juill. 2006, p. 10662)25, disposait qu’une construction édifiée en application d’un permis de construire pouvait être démolie lorsque le permis a été annulé par le juge administratif et lorsque la construction méconnaît les règles d’occupation des sols26. Comme le relève, à juste titre, la doctrine, l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme est toutefois limité, quant au fond, aux actions qui reposent sur une violation des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique27. Dans l’arrêt rapporté, le préfet du Morbihan avait délivré à la société ZJN Grundstucks-Verwaltungs GmbH un permis de construire quatre éoliennes et un poste de livraison sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Guern.

12. L’exception d’illégalité et l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme. En ce domaine, la question du rapport respectif entre les articles 111-5 du Code pénal et L. 480-13 du Code de l’urbanisme, soulève fréquemment des difficultés, notamment en matière de retrait de permis de construire. En effet, il pourrait apparaître facile de vérifier l’étendue de la compétence du juge pénal en matière d’infraction aux règles de droit de l’urbanisme tant les incriminations urbanistiques font florès. Il n’empêche, que la Cour de cassation a rendu un arrêt récent28 qui considère que la justice pénale est compétente en vertu de l’article 111-5 du Code pénal, pour apprécier, par voie d’exception, la légalité d’un acte administratif29.

B – Modifications législatives apportées à l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme

13. La réforme de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme conforme à la constitution. Aux termes d’une décision du 10 novembre 201730, le Conseil constitutionnel a estimé que la nouvelle procédure de l’action en démolition de la construction est conforme à la constitution. En effet, associations requérantes, rejointes par certaines parties intervenantes, reprochent à ces dispositions d’interdire sur la majeure partie du territoire national l’action en démolition d’une construction édifiée en méconnaissance d’une règle d’urbanisme, sur le fondement d’un permis de construire annulé par le juge administratif. Il en résulterait une méconnaissance du droit des tiers d’obtenir la « réparation intégrale » du préjudice causé par une telle construction et une atteinte disproportionnée au principe de responsabilité. En faisant obstacle à l’exécution de la décision d’annulation du permis de construire par le juge administratif, ces dispositions méconnaîtraient également le droit à un recours juridictionnel effectif, qui implique celui d’obtenir l’exécution des décisions juridictionnelles. Enfin, ces dispositions violeraient le principe de contribution à la réparation des dommages causés à l’environnement garanti par les articles 1er et 4 de la Charte de l’environnement31. C’est ainsi que le Conseil considère que « les mots “et si la construction est située dans l’une des zones suivantes” figurant au premier alinéa du 1° et les a à o du même 1° de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, sont conformes à la constitution »32. C’est ainsi qu’il a restreint le champ d’application de l’action en démolition à certaines zones spécifiques telles que la bande littorale de 100 mètres mentionnée aux articles L. 121-16, L. 121-17 et L. 121-19. La plupart des auteurs s’accordent à reconnaître que le législateur a souhaité faire évoluer le droit de l’urbanisme sans heurter la protection de l’environnement33. Gageons que les dispositions édictées à l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme y pourvoiront. Mais surtout que l’effet dissuasif s’épanouisse sur le terrain !

Notes de bas de pages

  • 1.
    T. confl., 13 oct. 2015, n° 3964.
  • 2.
    https://www.legifrance.gouv.fr.
  • 3.
    JO, 13 juill. 2012.
  • 4.
    Bergel J.-L., Cassin I., EyrolleS J.-J. et a., « Sur la construction de parcs éoliens », Le Lamy Droit Immobilier, n° 1773, dernière mise à jour juin 2017.
  • 5.
    V. supra.
  • 6.
    Grand R., « Compétence judiciaire pour ordonner la démolition d’une éolienne », Dalloz actualité 23 févr. 2018 ; P. H., « Démolition d’éoliennes : le juge judiciaire est-il compétent ? », BDEI mars 2018, n° 74, p. 19 ; Pastor J.-M., « Partage de compétence juridictionnelle en matière de démolition d’éoliennes », AJDA 2018, p. 371.
  • 7.
    Bergel J.-L., Cassin I., Eyrolles J.-J. et a., « Transfert de permis de construire », Le Lamy Droit immobilier, n° 1857, dernière mise à jour juin 2017.
  • 8.
    Ibid.
  • 9.
    La circulaire n° 73-58 du 16 mars 1973, du ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Équipement, du Logement et du Tourisme, relative à la rédaction des décisions en matière de permis de construire.
  • 10.
    Bien avant que l’Administration ne s’intéresse quelque peu au problème du transfert de permis de construire, la jurisprudence administrative avait déjà évoqué l’hypothèse du transfert dans un arrêt du Conseil d’État du 10 décembre 1965.
  • 11.
    Liet-Veaux G. et Moritz M., « Permis de construire – Décision. Transfert. Caducité », JCl. Administratif, fasc. 526, n° 56, dernière mise à jour 1er juin 2017.
  • 12.
    Ibid., Niel P.-L., « Le permis de construire ne peut être transféré qu’avec l’accord du bénéficiaire initial », Defrénois 30 mai 2005, n° 38163, p. 866.
  • 13.
    Liet-Veaux G. et Moritz M., « Permis de construire – Décision. Transfert. Caducité », JCl. Administratif, fasc. 526, n° 58, dernière mise à jour 1er juin 2017, op. cit.
  • 14.
    Soler-Couteaux P. et Carpentier É., Droit de l’urbanisme, 2015, Dalloz, Hyper-cours, p. 461.
  • 15.
    CE, sect., 19 déc. 1952, Dlle Mattéi : Lebon, p. 594.
  • 16.
    Donnat F. et Casas D., « Les décisions administratives accordant un avantage financier sont, de nouveau, créatrices de droits », AJDA 2002, p. 1434.
  • 17.
    Robert J.-H., « Les champs d’application respectifs des articles 111-5 du Code pénal et L. 480-13 du Code de l’urbanisme », RSC 2017, p. 318 ; « Conséquences fâcheuses de l’application de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme », RSC 2006, p. 838.
  • 18.
    Hercé S., « Le contentieux des éoliennes et la fable du Héron », BDEI juin 2013, n° 45.
  • 19.
    CE, 6e ss-sect., 28 sept. 2012, n° 340285, Inédit au recueil Lebon.
  • 20.
    Baucomont M., London C. et Déprez D., « Maintien de règles complémentaires », Le Lamy Environnement n° 224-5, Installations classées, dernière mise à jour janvier 2018.
  • 21.
    « Le régime juridique d’implantation des parcs éoliens », Formulaires ProActa Pratique Notariale des Contrats Civils et Commerciaux, dernière mise à jour octobre 2015.
  • 22.
    Code de l’urbanisme, 2018, Dalloz, sous C. urb., art. L. 480-13.
  • 23.
    Ibid.
  • 24.
    Stillmunkes J. « Compétence des juridictions judiciaires à l’égard des actes administratifs », JCl. Administratif, fasc. 1056, n° 127, dernière mise à jour 18 janvier 2011.
  • 25.
    Stillmunkes J., « Compétence des juridictions judiciaires à l’égard des actes administratifs », JCl. Administratif, fasc. 1056, n° 127, dernière mise à jour 8 janvier 2011, op. cit.
  • 26.
    Ferjoux F., « Urbanisme : la nouvelle procédure de l’action en démolition est conforme à la constitution (QCP Conseil constitutionnel) », http://www.arnaudgossement.com/archive/2017/11/10/urbanisme-rejet-de-la-question-prioritaire-de-constitutionna-5997817.html.
  • 27.
    Bergel J.-L., Cassin I., EyrolleS J.-J. et a., « Travaux exécutés conformément à un permis de construire », Le Lamy Droit Immobilier, n° 2393, dernière mise à jour juin 2017.
  • 28.
    Cass. crim., 21 nov. 2017, n° 17-80016, FS-PB.
  • 29.
    Niel P.-L., « Compétence du juge pénal pour apprécier, par voie d’exception, la légalité du retrait de permis de construire », LPA 2 mars 2018, n° 133t1, p. 8.
  • 30.
    Déc. Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-672 QPC.
  • 31.
    Déc. Cons. const., 10 nov. 2017, n° 2017-672 QPC, n° 2.
  • 32.
    Ibid., art. 1er.
  • 33.
    Robert L. et Cheysson P., « La loi Macron : accordons nos violons ! », JCP 2015, 2288, n° 40 ; Meng J.-P., « Limitation de l’action civile en démolition sur le fondement de l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme aux seuls secteurs protégés et à risque », Defrénois 15 janv. 2016, n° 121x3, p. 19.
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