« Dans dix ans, la Seine-Saint-Denis aura toute sa place en Ile-de-France »

Publié le 08/11/2016

La Seine-Saint-Denis pâtit souvent d’une image négative. Souvent, le département est associé à un taux de chômage élevé, à la précarité sociale, aux quartiers ghettos. Si cette réalité existe, elle mérite d’être nuancée, car le 93 est également un territoire dynamique, attractif pour les entreprises. Pour Gérard Lissorgues, président de la CCI de Seine-Saint-Denis, le département est appelé à se développer économiquement dans les années à venir. Selon lui, on n’a pas fini d’entendre parler du 93… et en bien.

Les Petites Affiches – Quelle est la situation économique de la Seine-Saint-Denis ?

Gérard Lissorgues – C’est un territoire très dynamique. C’est le département d’Ile-de-France qui a créé le plus d’entreprises l’année dernière. Nous avons trois pôles très attractifs : les secteurs de la Plaine Saint-Denis, autour du Stade de France, Roissy, et Le Bourget, où l’aérien est en plein essor. De grosses entreprises, comme SFR ou SNCF, se sont implantées dans le 93 dernièrement. Corollaire de ce dynamisme économique, la Seine-Saint-Denis est le troisième plus gros contributeur de TVA au niveau national. Le département a une face plus sombre : le taux de RSA est le plus important de France métropolitaine, et le taux de chômage est de 13 %, soit 4 % de plus que la moyenne d’Ile-de-France. Enfin, si de nombreuses entreprises sont créées, elles sont loin d’être toutes pérennes. La Seine-Saint-Denis est le département avec la plus grande proportion d’entreprises qui échouent entre 3 et 5 ans. C’est donc un département très contrasté.

LPA – Pourquoi les créateurs d’entreprises échouent-ils autant ?

G. L. – Beaucoup de gens en recherche d’emploi créent des entreprises. Le problème est que, souvent, ces personnes ne sont pas assez préparées et accompagnées. C’est la mission de la CCI d’aider les créateurs d’entreprises à consolider leurs projets. Nous leur apportons notre savoir-faire et notre expertise. Nous avons mis en place différents dispositifs pour aider à la création et à la transmission d’entreprise, et inciter les entreprises à s’installer dans notre département. À la CCI, nous recevons les créateurs d’entreprises et accompagnons 3 000 projets par an. Nous proposons un stage « 5 jours pour entreprendre », au cours duquel nous donnons aux aspirants entrepreneurs les bases pour démarrer leur entreprise et une orientation vers les possibles sources de financement. Nous avons également des réseaux, comme le Réseau Entreprendre 93, qui aide les entrepreneurs à démarcher les banques pour obtenir des financements.

LPA – Quels sont les atouts du 93 pour une entreprise ?

G. L. – Nous sommes le département d’Ile-de-France qui compte le plus de zones franches urbaines, aujourd’hui appelées « territoires d’entrepreneurs ». Ces zones bénéficient d’exonérations fiscales et sociales très incitatives. Nous en comptons dix sur le département. 9 700 entreprises se sont implantées sur ces zones franches entre 2014 et 2015, ce qui correspond à 10 % d’implantation supplémentaire par rapport au reste du département. Les premières années, ces exonérations sont très intéressantes, mais elles vont en décroissant. Par ailleurs, la CCI de Seine-Saint-Denis soutient un certain nombre de lieux dédiés aux jeunes entrepreneurs : les incubateurs et les pépinières d’entreprises. Ces dispositifs permettent aux créateurs d’entreprises de bénéficier à la fois de locaux à des prix très avantageux, et de conseils de la CCI.

LPA – Que recouvrent ces expressions « incubateurs » et « pépinières » ?

G. L. – Les incubateurs sont des lieux où les créateurs d’entreprises peuvent mûrir leur projet. Cela correspond au tout premier stade de la création d’entreprise. La société n’a pas encore d’existence juridique, le futur chef d’entreprise est encore en train de penser son projet. On met à sa disposition à des conditions très avantageuses un local dans lequel il peut rester entre six et dix-huit mois. Des conseillers de la CCI viennent régulièrement sur place pour donner des conseils et aider le créateur d’entreprise à évaluer la faisabilité de son projet. Nous avons cinq structures de ce type. Ensuite, pour accompagner ceux qui ont déjà créé des entreprises, nous avons des pépinières. Concrètement, ces pépinières sont des espaces de bureaux partagés, avec des loyers peu élevés. Là encore, des conseillers de la CCI viennent régulièrement discuter avec les créateurs d’entreprises. Les entrepreneurs sont accueillis dans ces pépinières pour une durée maximale de quatre ans. Enfin, lorsque les entreprises sont encore fragiles et n’ont pas la possibilité d’avoir leurs propres locaux, elles peuvent bénéficier des hôtels d’entreprises. Notre département en compte également cinq. Cette fois, les entrepreneurs sont en autonomie complète. Ils n’ont plus de conseils, uniquement un hébergement à moindre coût.

LPA – Tous ces dispositifs permettent-ils de créer de l’emploi ?

G. L. – La finalité est évidemment de créer de l’emploi localement. Compte tenu de la situation économique du pays, le taux de chômage est encore haut, mais on peut présumer que c’est mieux que si rien n’était fait. Au vu du nombre de projets sur le département, je suis optimiste. Le projet Europa City, qui consiste en la création d’un centre de loisirs et de commerce à la frontière entre le Val-d’Oise et la Seine-Saint-Denis, devrait générer une activité importante. Il est prévu la création de 10 000 emplois à l’horizon 2024 du fait de ce seul projet. Des grandes entreprises s’implantent chez nous. SFR représente 7 500 salariés. Aujourd’hui, ces entreprises sont arrivées avec leurs salariés mais à terme, elles devraient employer des habitants du département.

LPA – Comment envisagez-vous l’avenir économique du département ?

G. L. – Le problème auquel nous nous heurtons aujourd’hui est l’enclavement du département. C’est très compliqué d’aller de Clichy-sous-Bois à Roissy, par exemple. Le RER B est insuffisant. Les transports seront beaucoup plus développés d’ici une dizaine d’années, et cela aura certainement des répercussions très positives sur la vie économique. Le département a de nombreux atouts. Nous avons du terrain, ce qui est rare en Ile-de-France. Depuis le départ des industries, nous avons même des friches industrielles d’une superficie considérable… Le départ de PSA, c’est 170 hectares de terrain vide. Nous avons aussi de la main-d’œuvre potentielle, à condition toutefois de bien orienter les jeunes vers les métiers nécessaires aux entreprises et de bien dimensionner l’appareil de formation. Tout cela attirera des entreprises. Je prends le pari que dans dix ans, la Seine-Saint-Denis sera devenue « the place to be ». Si en plus on parvenait à obtenir les Jeux olympiques de 2024…

LPA – Qu’espérez-vous de ces Jeux olympiques ?

G. L. – Sans aucun doute, les JO pourraient constituer un accélérateur du développement économique du département et renforcer son attractivité. La majorité des épreuves se dérouleraient en Seine-Saint-Denis, puisque le département compte le Stade de France, une piscine olympique… Le village olympique serait logiquement basé dans le 93. Même s’il ne dure que quinze jours ou un mois avec les jeux paralympiques, cet événement mondial, le plus médiatisé, a des retombées positives très importantes. Imaginez l’activité qui serait générée dans le département si l’on devait y créer un village olympique. Cela serait un formidable accélérateur de croissance.

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