Office du juge dans l’appréciation de la violation d’une servitude conventionnelle

Publié le 05/04/2024

Office du juge dans l'appréciation de la violation d'une servitude conventionnelle

Les voisins d’une parcelle appartenant à une SCI concluent avec elle une convention de servitude dite de « cour commune », pour leur permettre de construire une piscine à proximité de la limite séparative des deux fonds, dans le respect des dispositions réglementaires applicables fixant la distance minimale entre les constructions.
Après expertise, la SCI les assigne en justice pour non-respect de la convention violation de règles d’urbanisme et demandent la démolition d’une partie de la plage de la piscine, déplacement d’un local technique, rebouchage d’une fenêtre donnant, selon elle, une vue irrégulière sur son fonds et démolition de divers ouvrages.

Lorsqu’un propriétaire consent à grever son fonds d’une servitude dite « de cour commune », pour permettre au propriétaire du fonds voisin d’obtenir une autorisation d’urbanisme pour l’édification d’un ouvrage à proximité de la limite séparative, en assurant le respect des distances réglementaires applicables, le propriétaire du fonds dominant s’oblige, réciproquement, à respecter l’emplacement convenu de la construction, dont dépend la délimitation de la zone frappée d’interdiction de bâtir grevant le fonds servant.

L’inexécution de cette obligation est de nature à justifier la démolition de l’ouvrage, dans la mesure nécessaire au respect de la convention des parties.

La cour d’appel relève que la servitude litigieuse était définie comme une interdiction de bâtir sur une bande de terrain de la propriété de la SCI, d’une largeur de trois mètres et d’une superficie de vingt-cinq mètres carrés, puis que cette convention avait été conclue pour répondre à une condition posée par l’autorité administrative pour autoriser la construction d’une piscine à l’emplacement envisagé, la zone frappée d’interdiction de construire permettant le respect de la distance minimale réglementaire de cinq mètres devant exister entre la piscine et le fonds voisin.

Elle relève, en outre, qu’une clause de la convention renvoyait à un plan signé par les parties et annexé à l’acte authentique, ce dont elle déduit, par une interprétation souveraine, que l’ambiguïté du rapprochement de ces deux écrits rend nécessaire, que les parties se sont accordées sur la distance de cinq mètres prévue entre les ouvrages à construire et la limite de la servitude constituée.

Faisant siennes les conclusions de l’expert sur ce point, elle retient que l’implantation de la plage de la piscine et celle du local technique ne sont pas conformes au plan établi dans le cadre de la demande d’autorisation de travaux, sur la base duquel la SCI avait accepté de grever son fonds d’une interdiction de bâtir sur une bande de terrain délimitée dans ces conditions.

Elle peut en déduire que l’engagement souscrit par le propriétaire du fonds dominant, lors de la conclusion de la convention de cour commune, n’a pas été respecté.

Mais pour condamner les propriétaires du fonds dominant à procéder au rebouchage de la fenêtre située en face de la propriété de la SCI, l’arrêt retient qu’il n’est pas établi que cette ouverture, dont le verre est translucide, n’est pas ouvrante et que le rapport d’expertise démontre qu’elle ne respecte pas la distance exigée par l’article 678 du Code civil, pour être située à un mètre soixante-dix par rapport à la limite séparative et que les photographies illustrant le constat sont « particulièrement éloquentes », sans répondre aux conclusions de ces propriétaires, qui soutenaient qu’en raison de l’installation par la SCI elle-même d’un brise-vue et d’un enrochement en limite de leurs deux fonds, aucune vue ne pouvait être exercée depuis cette fenêtre, la cour d’appel ne justifie pas sa décision.

Et ne justifie pas encore sa décision la cour d’appel qui, pour condamner ces mêmes propriétaires à démolir l’extension du bâtiment servant de chambre, relève que l’expert a indiqué que ces ouvrages ne sont pas conformes au POS ni au PLU, pour être situés à moins de cinq mètres par rapport à la limite séparative de leurs fonds respectifs et, d’une part, que cette construction sans autorisation administrative constitue une faute, d’autre part, que cette proximité et le non-respect des distances réglementaires sont de nature à réduire les droits à construire de la SCI, sans répondre aux conclusions des propriétaires, qui soutenaient que la mesure de démolition ordonnée concernant une partie de leur domicile portait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée et familiale.

Enfin, ne satisfait toujours pas aux exigences de motivation la cour d’appel qui, pour condamner les propriétaires à démolir partiellement le parking suspendu et à ramener la place de stationnement à un mètre quatre-vingt-dix de la limite séparative, retient que la place de stationnement ne respecte pas les distances prévues par l’article 678 du Code civil, ce qui est de nature à priver la SCI de ses droits réels tenant à la servitude de vue, sans répondre aux conclusions de ceux-ci, qui soutenaient avoir installé un brise-vue en bois rendant impossible une vue directe sur la propriété de la SCI depuis leur place de stationnement.

Sources :
Rédaction
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