Transfert d’un juge polonais sans son consentement : primauté du droit de l’Union
Saisie par une juridiction polonaise d’un litige concernant le transfert d’un juge d’une section à juge unique vers une autre, la CJUE rappelle, tout d’abord, que le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union constitue un principe général du droit de l’Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres, qui a été consacré par la CEDH.
Selon la Cour, les mutations non consenties d’un juge vers une autre juridiction ou entre deux sections d’une même juridiction sont potentiellement de nature à porter atteinte aux principes d’inamovibilité et d’indépendance des juges.
La Cour précise que l’exigence d’indépendance des juges impose que le régime applicable aux mutations non consenties de ceux-ci présente, à l’instar des règles en matière disciplinaire, notamment les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque que cette indépendance soit mise en péril par des interventions externes directes ou indirectes.
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, du Traité de l’Union et le principe de primauté du droit de l’Union doivent être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’une demande de récusation se greffant sur un recours par lequel un juge en fonction au sein d’une juridiction susceptible d’interpréter et d’appliquer le droit de l’Union conteste une décision l’ayant muté sans son consentement, doit, lorsqu’une telle conséquence est indispensable au regard de la situation procédurale en cause pour garantir la primauté du droit de l’Union, tenir pour non avenue une ordonnance par laquelle une instance, statuant en dernier degré et en formation à juge unique, a rejeté ledit recours, s’il ressort de l’ensemble des conditions et des circonstances dans lesquelles s’est déroulé le processus de nomination de ce juge unique que cette nomination est intervenue en violation manifeste de règles fondamentales faisant partie intégrante de l’établissement et du fonctionnement du système judiciaire concerné et que l’intégrité du résultat auquel a conduit ledit processus est mise en péril en semant des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’indépendance et à l’impartialité du juge concerné, de telle sorte que ladite ordonnance ne peut être considérée comme émanant d’un tribunal indépendant et impartial, préalablement établi par la loi.
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