Rétroactivité d’une loi fiscale et coopération issue de la directive recouvrement
En exécution d’une demande d’assistance internationale au recouvrement formulée par le Royaume-Uni, l’administration fiscale délivre à un contribuable une mise en demeure tenant lieu de commandement de payer une certaine somme correspondant à des allégements fiscaux, dont il avait bénéficié au Royaume-Uni, remis en cause par la législation de cet État.
Après avoir contesté le commandement de payer, l’intéressé assigne l’administration fiscale afin de le voir annuler.
Toute contestation relative à la créance, au titre exécutoire établi par l’État membre requérant ou à l’instrument informatisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’ État membre requis est portée devant l’instance compétente de l’État membre requérant et toute contestation relative aux mesures exécutoires prises par l’ État membre requis ou à la validité de la notification, par ce même État membre, de la créance, du titre exécutoire ou de l’instrument uniformisé permettant l’adoption de mesures exécutoires dans l’État membre requis est portée par son destinataire devant l’instance compétente de l’ État membre requis.
Lorsqu’ils mettent en œuvre les dispositions de la directive recouvrement, les États membres font une application directe du droit de l’Union.
Interprétant la directive recouvrement, la CJUE juge que, s’il relève en principe de la compétence exclusive des instances de l’État membre où l’autorité requérante a son siège de connaître du bien-fondé des contestations portant sur la créance ou le titre exécutoire, à titre exceptionnel, les instances de l’État membre où l’autorité requise a son siège sont habilitées à vérifier si l’exécution dudit titre serait de nature à porter atteinte notamment à l’ordre public de ce dernier État membre et, le cas échéant, à refuser d’accorder l’assistance en tout ou en partie ou à la subordonner au respect de certaines conditions.
Elle juge encore que l’assistance prévue par la directive recouvrement est, ainsi que l’intitulé et divers considérants de cette dernière l’indiquent, qualifiée de « mutuelle », ce qui implique, notamment, qu’il appartient à l’autorité requérante de créer, avant qu’elle présente une demande de recouvrement, les conditions dans lesquelles l’autorité requise pourra utilement, et en conformité avec les principes fondamentaux du droit de l’Union, accorder son assistance.
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour ordonner la mainlevée de la mise en demeure tenant lieu de commandement de payer, après avoir énoncé que le principe de non-rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle qu’en matière répressive et que si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif impérieux d’intérêt général qui ne peut se réduire à un intérêt financier, retient que le législateur britannique a supprimé de manière rétroactive les allègements fiscaux dont l’intéressé a bénéficié en poursuivant un intérêt uniquement financier et en déduit que l’administration fiscale aurait dû refuser d’accueillir la demande d’assistance au recouvrement présentée par le Royaume-Uni comme portant atteinte à l’ordre public français.
Or, ni l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, ni l’article 1er de son 1er protocole additionnel ni l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union ne font de la non-rétroactivité d’une loi fiscale non répressive un principe d’ordre public, pas plus que le Conseil constitutionnel ne lui reconnaît de valeur constitutionnelle, de sorte que le recouvrement, par l’administration fiscale française, d’une créance fondée sur une loi étrangère rétroactive qui pouvait être contestée par son redevable devant les juridictions de l’ État requérant, ne peut être refusé pour ce seul motif.
Le principe de non-rétroactivité d’une loi fiscale non répressive n’est pas de ceux qui permettent à l’autorité requise de refuser son assistance en ce qu’il ne porte pas atteinte à l’ordre public français.
Sources :