Entreprise individuelle : les contours du patrimoine professionnel

Publié le 27/05/2022
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Le 15 mai 2022, le nouveau statut unifié d’entrepreneur individuel est entré en vigueur. Les biens constituant le patrimoine professionnel ont été définis par un décret du 28 avril 2022. Ils déterminent le gage des créanciers professionnels.

La réforme des professionnels indépendants entre peu à peu en vigueur. La notion phare de patrimoine professionnel vient en effet d’être définie par décret.

Une protection minimale et automatique

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante (JORF n° 0038 du 15 février 2022) a réformé l’entreprise individuelle, créant un statut unifié de l’entrepreneur indépendant. Tous les entrepreneurs individuels – commerçants, artisans, professionnels libéraux – sont désormais soumis au même statut. « L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes, indique l’article L. 526-22 du Code de commerce.

La loi met fin au statut d’entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL), sans toutefois faire disparaître les 100 000 EIRL existant qui peuvent continuer leur activité sous cette forme. Il n’est en revanche plus possible d’en créer. La loi met également fin aux différents mécanismes d’insaisissabilité des biens immobiliers : la protection automatique de la résidence principale, auquel l’entrepreneur pouvait renoncer, et la protection sur demande par déclaration d’insaisissabilité des biens immobiliers détenus en direct. Désormais, tous les biens personnels de l’entrepreneur, immobiliers comme mobiliers, sont protégés, et ce, de façon automatique. L’entrepreneur n’a pas de démarche à effectuer en ce sens. En effet, le patrimoine privé n’entre pas dans le gage des créanciers professionnels, sauf si l’entrepreneur a aménagé ce régime par des garanties conventionnelles. Ce régime s’applique à raison des créances nées à partir du 15 mai 2022.

La notion de patrimoine professionnel

L’article 1 de la loi définit le patrimoine professionnel de l’entrepreneur indépendant. « Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé ». Le patrimoine personnel ou privé de l’entrepreneur individuel est défini en négatif : il correspond à tout ce qui n’est pas compris dans le patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel. Il est donc important de savoir ce qui entre dans la définition du patrimoine professionnel.

Le décret pris pour l’application de l’article 1er vient d’être publié (Décret n° 2022-725 du 28 avril 2022 relatif à la définition du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel et aux mentions sur les documents et correspondances à usage professionnel, JORF n° 0100 du 29 avril 2022). Il est entré en vigueur le 15 mai 2022. Il concerne les entrepreneurs individuels, les créanciers et les établissements de crédit et sociétés de financement. Ainsi le décret détermine les éléments susceptibles d’être inclus dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel en raison de leur utilité, dont la notion est précisée.

Des biens utiles à l’activité

La liste des biens utiles à l’activité figure sous l’article R. 526-26-I du Code de commerce. Les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l’activité professionnelle, s’entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité.

Le décret en propose une liste, puisqu’il les introduit avec la mention « tels que ». Il vise :

– le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d’un professionnel libéral ;

– les biens meubles, comme la marchandise, le matériel et l’outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;

– les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l’entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel, les actions ou parts d’une telle société ;

– les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne ;

– les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du Code de la sécurité sociale et L. 123-24 du présent code, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

Le décret apporte une précision pour l’entrepreneur individuel qui est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires. Dans ce cas, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l’ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

La charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires qu’il élève concernant l’inclusion ou non de certains éléments d’actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier. Toutefois, la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu’il a procédé à une mesure d’exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.

Le gage des créanciers

En principe, la séparation des patrimoines permet de protéger le patrimoine privé des créanciers professionnels. Toutefois, la loi prévoit la possibilité de prendre des sûretés conventionnelles, ou de renoncer au bénéfice de la protection du patrimoine privé un engagement spécifique, par exemple en appui d’une demande d’une ligne de crédit bancaire.

De la même façon, seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

Aussi, la distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel ne l’autorise pas à se porter caution en garantie d’une dette dont il est débiteur principal.

Les mentions obligatoires

Le décret du 28 avril détermine également les mentions que doit apposer l’entrepreneur individuel pour l’exercice de son activité professionnelle dans les documents et correspondances à usage professionnel.

La dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage doit être précédée ou suivie immédiatement des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ». La dénomination figure sur les documents et correspondances à usage professionnel de l’intéressé. Chaque compte bancaire dédié à son activité professionnelle ouvert par l’entrepreneur individuel doit contenir la dénomination dans son intitulé. Enfin, le décret précise qu’à défaut d’immatriculation, la première utilisation de la dénomination vaut date déclarée de début d’activité pour identifier le premier acte exercé en qualité d’entrepreneur individuel.

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