Épargne retraite : déblocage anticipé pour les indépendants

Publié le 12/12/2020

La troisième loi de finances pour 2020 autorise les travailleurs non-salariés à procéder à des rachats de leur épargne retraite constituée sur les contrats Madelin et les plans nouveaux d’épargne retraite (PER) individuels, avant le 31 décembre prochain, dans la limite de 8 000 €. Les sommes débloquées bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à 2 000 €.

Pour redonner un peu de souffle aux entrepreneurs touchés par les répercussions économiques de la crise sanitaire, le gouvernement les autorise à puiser exceptionnellement dans leur épargne retraite, et ce, à des conditions fiscales avantageuses. À cette fin, l’article 12 de la troisième loi de finances pour 2020 a créé un nouveau – mais temporaire – cas de déblocage anticipé de l’épargne retraite dans la limite de 8 000 €, et ce, avant le 31 décembre prochain (L. n° 2020-935, 30 juil. 2020, JO : 31 juill. 2020, art. 12). Les sommes ainsi débloquées sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 2 000 €.

Les bénéficiaires de la mesure

Ce dispositif exceptionnel s’adresse aux personnes ayant le statut de travailleur non-salarié mentionnées par l’article L. 144-1, 1° et 2° du Code des assurances. Il s’agit :

– des personnes exerçant une activité professionnelle non-salariée non-agricole ou ayant exercé une telle activité et bénéficiant à ce titre d’une pension de vieillesse ;

– des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricoles, leurs conjoints et leurs aides familiaux, sous réserve qu’ils relèvent du régime d’assurance vieillesse de base et qu’ils justifient de la régularité de leur situation vis-à-vis de ce régime.

En pratique, il peut s’agir des personnes exerçant leur activité à titre individuel ainsi que des associés de sociétés.

Contrats Madelin et PER individuels

Les plans pouvant faire l’objet du déblocage exceptionnel et temporaire sont les contrats dits « Madelin » et « Madelin agricole », mentionnés à l’article L. 144-1 du Code des assurances. Sont également concernés les plans nouveaux d’épargne retraite (PER) individuels visés par l’article L. 224-28 du Code monétaire et financier (CMF).

Pour mémoire, ces contrats ont pour objet l’acquisition et la jouissance de droits viagers personnels payables à l’adhérent à compter au plus tôt de la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ou à l’âge légal de départ à la retraite. Les contrats « Madelin » peuvent en outre prévoir des garanties de prévoyance (maladie, maternité, incapacité de travail, invalidité, décès, dépendance) et de perte d’emploi subie.

Deux limites au rachat

Le déblocage des sommes n’est pas illimité. Tout d’abord, la loi prévoit que ne peuvent être débloquées que les sommes placées dans des contrats souscrits par l’assuré ou par le titulaire, ou auxquels il a adhéré avant le 10 juin 2020.

Ensuite, les sommes pouvant être rachetées en dehors des cas de déblocage classique ne doivent pas dépasser un plafond de 8 000 €. Ce plafond est global et concerne tous les contrats et plans d’épargne retraite du travailleur non-salarié. Ainsi, si l’assuré demande le déblocage anticipé auprès de plusieurs assureurs ou gestionnaires différents, il doit fournir à chacun une attestation sur l’honneur indiquant qu’il respecte bien la condition relative au plafond. L’assureur a l’obligation de verser les fonds dans un délai d’un mois.

Les travailleurs non-salariés souhaitant bénéficier de la mesure de déblocage exceptionnel doivent formuler leur demande complète auprès de l’assureur ou du gestionnaire avant le 31 décembre 2020.

Fiscalité et prélèvements sociaux

La possibilité de déblocage anticipé s’accompagne d’un traitement fiscal favorable puisque les sommes rachetées sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de 2 000 €, au titre de l’année du versement.

Une incertitude persiste pour les cas où le travailleur non-salarié dispose de plusieurs plans, et a fait des demandes auprès de plusieurs assurances ou gestionnaires, et que lui sont versées des sommes en 2020 et des sommes en 2021, ce qui pourra arriver lorsque la demande de déblocage sera formulée au cours du mois de décembre 2020. Dans cette situation, comment sera apprécié le plafond de l’exonération à 2 000 € ? Le plafond s’appliquera-t-il pour chaque année ? Les commentaires de l’administration sont les bienvenus sur ce point. À noter que l’exonération ne concerne pas les prélèvements sociaux qui restent dus.

Retraite, épargne

Mesure anti-abus contre une double exonération

La loi ne fixe aucune condition d’affectation des sommes rachetées, le travailleur non-salarié qui bénéficie du dispositif étant libre d’en disposer sans conditions. Les sommes débloquées sur le fondement du dispositif exceptionnel pourraient, si elles n’étaient pas consommées, être reversées sur un contrat d’épargne retraite. Le législateur a expressément prévu cette hypothèse et l’a assortie d’une mesure anti-abus afin que les sommes débloquées et non soumises à l’impôt sur le revenu ne bénéficient du traitement fiscal favorable des versements classiques.

En effet, les cotisations versées sur les contrats Madelin sont déductibles des bénéfices professionnels. Cette déduction est limitée à 10 % du bénéfice imposable plafonné à 8 plafonds annuels de la Sécurité sociale (PASS) auxquels s’ajoutent 15 % du bénéfice imposable compris entre 1 et 8 PASS, ou à 10 % d’un PASS (CGI, art. 154 bis). Quant aux versements sur les PER individuels, le titulaire peut les déduire de son bénéfice professionnel s’il est soumis à un régime réel d’imposition ; à défaut, il peut les déduire de son revenu global, en respectant un certain plafond de déduction (CGI, art. 163 quatervicies, I). Il est d’ailleurs possible de renoncer à la déduction des versements, ce qui permet de n’être taxé que sur les produits capitalisés lors de la sortie en capital, et sur une fraction des aréages en cas de sortie en rente.

Le législateur a donc prévu que les sommes débloquées et exonérées à hauteur de 2 000 €, et reversées sur un PER ne puissent pas être déduites : « le montant admis en déduction du résultat imposable ou du revenu net global au titre de l’année 2020, et le cas échéant au titre de l’année 2021, est diminué du montant des sommes qui auront été débloquées en application du présent dispositif ».

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