Family buy out : de la souplesse sur les holdings Dutreil

Publié le 23/03/2021

Par voie de réponse ministérielle, Bercy a admis explicitement que les titres soumis à un engagement Dutreil puissent être apportés à des sociétés holding distinctes et non pas obligatoirement à une holding commune aux actionnaires engagés dans le pacte Dutreil. Une position officielle propre à rassurer les intervenants et conseils en family buy out.

Depuis la création des pactes Dutreil par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique afin d’alléger la transmission des entreprises par voie de donation ou de succession, le législateur n’a eu de cesse d’adapter le dispositif aux réalités des affaires. Alors que depuis le 1er janvier 2019, il est possible d’apporter immédiatement des titres d’une société possédant directement une participation dans l’entreprise faisant l’objet du pacte Dutreil à une holding, un doute demeurait quant à la possibilité pour des héritiers de réaliser l’apport à plusieurs holdings distinctes. Bercy a sécurisé cette possibilité dans une réponse ministérielle (Rép. min., n° 06410, 3 sept. 2020, F. Patriat).

Parmi les conditions, les parts ou les actions doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de 2 ans au jour de la transmission. L’engagement doit avoir été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés. Le présent engagement peut également être pris par une personne seule, pour elle et ses ayants cause à titre gratuit.

Les engagements collectifs souscrits à compter du 1er janvier 2019 doivent porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées, et 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées.

En pratique, l’engagement collectif est réputé acquis lorsque le défunt ou le donateur, avec son conjoint ou son partenaire de pacs a détenu pendant au moins 2 ans, les titres représentant les seuils exigés en droits financiers et en droits de vote (et que cette personne, son conjoint ou son partenaire exerce depuis 2 ans dans la société concernée son activité professionnelle principale ou certaines fonctions de direction). Cet assouplissement permet aux donataires ou légataires de bénéficier de l’exonération partielle même lorsqu’aucun engagement collectif n’a été souscrit avant la transmission, faute de préparation.

Au moment de la transmission, chacun des héritiers doit prendre un engagement individuel de conserver les parts ou actions transmises pendant au moins 4 ans à compter de la fin de l’engagement collectif.

Family buy out

La loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a introduit une mesure d’assouplissement en autorisant l’apport de titres à une société holding pendant la période d’engagement collectif de conservation. Elle a ouvert la voie plus largement à l’insertion des pactes Dutreil dans les stratégies de family buy out (FBO). En effet, le FBO est une technique intéressante de transmission d’entreprise familiale, qui cumule les opportunités relevant du droit des successions et les intérêts des opérations de leverage buy out (LBO), notamment les leviers financiers.

« Dans ce schéma, un chef d’entreprise fait une donation-partage de son patrimoine à ses enfants et attribue les titres de son entreprise, via sa holding, à ceux de ses enfants qui sont intéressés par la reprise de l’entreprise », explique Stéphane de Lassus, avocat, associé du cabinet Charles Russell Speechlys. « L’intérêt de cette opération est notamment de figer la valeur de l’entreprise à transmettre au jour de la donation. De la sorte, l’ouverture de la succession ne donnera pas lieu à des comptes entre les héritiers. Les héritiers de l’entreprise concluent un pacte Dutreil qui réduit considérablement les droits de donation puisqu’il ne va porter que sur 25 % de la valeur des titres transmis. Si la composition du patrimoine principalement constitué par l’entreprise ne permet pas d’allotir équitablement chacun des enfants, les héritiers repreneurs doivent dédommager les seconds en leur versant une soulte. Pour la financer, ils peuvent actionner les leviers de financement du LBO. Comme leur en offre la possibilité la loi de finances pour 2019, ils peuvent constituer une holding à laquelle ils apportent les titres soumis aux pactes Dutreil. La holding emprunte et verse la soulte aux héritiers non-repreneurs. Les repreneurs financent alors le remboursement de la soulte grâce aux dividendes provenant de la société holding créée ».

Family buy out : de la souplesse sur les holdings Dutreil
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Apports à plusieurs holdings

Depuis le 1er janvier 2019, l’apport n’emporte pas rupture de l’engagement de conservation sous réserve, notamment, que l’actif brut de la société bénéficiaire de l’apport soit composé à plus de 50 % de participations dans la société soumises aux engagements de conservation, que les bénéficiaires de l’exonération en détiennent au moins 75 % du capital et des droits de vote et que l’un d’entre eux en assure la direction. En outre, la société bénéficiaire de l’apport doit s’engager à conserver ces participations jusqu’au terme des engagements de conservation. Quant aux héritiers, donataires ou légataires associés de la société bénéficiaire des apports, ils doivent conserver, pendant cette même durée, les titres reçus en contrepartie de l’apport. En cas d’apport de titres d’une société possédant directement une participation dans l’entreprise faisant l’objet du pacte Dutreil, l’actif brut de la société bénéficiaire de l’apport doit être composé à plus de 50 % de participations directes ou indirectes avec un niveau d’interposition au plus, soumises aux obligations de conservation et la société bénéficiaire de l’apport doit s’engager à conserver ces participations jusqu’au terme des engagements de conservation. Les héritiers, donataires ou légataires associés de la société bénéficiaire des apports doivent conserver, pendant cette même durée, les titres reçus en contrepartie de l’apport.

La question posée en juillet 2018 par le sénateur François Patriat au ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance portait sur le point de savoir si l’apport, par chacun des enfants, des titres reçus et de la soulte (passif), dans des holdings distinctes (répondant par ailleurs aux autres conditions prévues au f de l’article 787 B), remplit les conditions fixées par le f de l’article 787 B du Code général des impôts. Autrement dit, les enfants donataires sont-ils obligés d’apporter leurs titres à une holding commune pour conserver le régime de faveur, ou peuvent-ils le faire à leur propre société holding de manière séparée ?

Sur ce point, la doctrine administrative évoquait « la société bénéficiaire de l’apport », laquelle « peut regrouper des héritiers, donataires ou légataires de plusieurs souscripteurs de l’engagement collectif de conservation, sous réserve du respect de l’ensemble des conditions prévues au f de l’article 787 B du CGI » (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-20-20, paragraphe 120).

Selon Stéphane de Lassus, « Si aucun texte n’interdisait l’apport à des holdings distinctes, cette possibilité n’était toutefois non plus explicitement envisagée. Pourtant, elle répond à un besoin de gouvernance des familles, dans lesquels il est préférable de disposer d’une holding par branche familiale. Opportunément, Bercy répond favorablement à l’apport à des holdings distinctes, ce qui est de nature à rassurer les familles et leurs conseils ». Dans sa réponse du 3 septembre dernier, le ministère indique en effet que « La circonstance que les apporteurs apportent chacun à une holding distincte ne fait pas en elle-même a priori obstacle à l’application de cette dérogation sous réserve que chacun des apporteurs et chacune des sociétés bénéficiaires des apports, pris isolément respectent l’ensemble des conditions ».

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