Numérique : un ouvrage pour une mise au point juridique

Publié le 25/05/2023

Finance, santé, environnement, sport… Le numérique est partout. Sa propagation dans tous les pans de la société, utile à bien des égards, n’est pas sans poser de nombreux enjeux pour ses promoteurs comme pour les utilisateurs citoyens. C’est pour mieux les cerner que Myriam Quéméner, magistrat et docteur en droit, publie aux éditions Gualino son nouvel ouvrage intitulé : Écosystème numérique : défis juridiques et sociétaux. L’auteure, experte reconnue du sujet, s’estime elle-même « en perpétuelle formation continue ». Entretien.

Gualino

Actu-Juridique : Qu’est-ce qu’un écosystème numérique ?

Myriam Quéméner : L’écosystème numérique, tel que je le perçois, est un ensemble d’acteurs aussi bien publics que privés, qui agissent activement ou non dans la sphère digitale. Cet ensemble, que j’aime appeler aussi « nébuleuse » tant il est difficile d’arrêter une définition les concernant, comprend aussi bien les autorités publiques de régulation, telles que l’ANSSI, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCEP), l’Agence numérique de santé (ANS), que les entreprises de la tech ou les influenceurs. Vous le comprendrez, il est presque impossible de poser les termes du débat de manière arrêtée et précise quand on parle « numérique ». Chaque jour, des innovations apportent son lot de nouveautés en termes d’éthique, de droit, de protection, etc. Néanmoins, dans cet ouvrage que j’ai voulu le plus accessible possible, et pour aider chacun à s’y retrouver, je présente dans un premier temps les aspects juridiques essentiels des principales tendances numériques (intelligence artificielle, data et métavers) avant de dresser un état des lieux des réglementations pour différents secteurs d’activité (santé, finance, environnement, etc.).

AJ : À ce propos, existe-t-il des sujets de réflexion qui inondent tous les secteurs que vous avez sélectionnés et étudiés ?

Myriam Quéméner : Oui, quel que soit le domaine évoqué, nous observons une responsabilité accrue des acteurs. Je pense d’abord aux plateformes avec les règlements européens sur les marchés et services numériques (DMA, DSA) qui mettent fin, en quelque sorte, à l’impunité des géants du numérique. Plus largement, toutes les entreprises qui collectent des données sont également soumises à des obligations de protection dans le cadre du règlement général sur la protection des données (RGPD). Désormais, même les influenceurs verront leurs activités régulées pour éviter les dérives mises à jour ces dernières années.

AJ : À trop réguler, ne risque-t-on pas de freiner l’innovation ?

Myriam Quéméner : Le droit sert justement à trouver la juste nuance entre un laisser-faire qui serait préjudiciable pour les citoyens et une réglementation trop stricte qui empêcherait, comme vous le dites, la libre création numérique. Le droit est un outil favorable à tous. Dans cet ouvrage, je m’attelle à présenter les textes en vigueur ou en cours d’élaboration pour protéger toutes les parties prenantes. Les institutions européennes travaillent actuellement, par exemple, à la mise en place d’un cadre juridique sur l’intelligence artificielle – The Artificial Intelligence Act – sur le principe d’une classification des risques encourus par les utilisateurs. L’objectif premier de ce texte est de créer la confiance nécessaire dans l’intelligence artificielle pour son bon développement. Il en est de même pour le texte MiCA qui traite, lui, de l’encadrement du marché des crypto-actifs.

AJ : Il s’agit là d’un vrai bouillonnement législatif ?

Myriam Quéméner : Oui, tout à fait. Un bouillonnement législatif qui nous pousse, nous juristes et tous les autres spécialistes, à être en perpétuelle formation professionnelle. De nouveaux sujets et de nouvelles problématiques émergent sans cesse. Cet ouvrage, le troisième que je publie pour sonder les bouleversements juridiques engendrés par le numérique, devra nécessairement être mis à jour dans quelques années pour coller à l’actualité. À vrai dire, dans le numérique – puisque l’innovation est la norme – l’évolution est permanente.

AJ : L’Europe est-elle assez armée pour contrer les dérives observées ailleurs, notamment la promotion de fausses informations ?

Myriam Quéméner : Oui, il me semble. Les textes DMA et DSA permettront véritablement de mettre de l’ordre sur le marché numérique européen. Les nouvelles règles seront-elles efficaces longtemps ? Difficile à dire. Il est vrai que nous avons davantage tendance à réagir qu’à prévenir. Néanmoins, les garde-fous mis en place par les institutions européennes et les États membres sont de nature à créer plus de confiance et donc à rassurer les consommateurs et utilisateurs.

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