Brexit : après la chambre internationale, voici l’arbitrage simplifié !

Publié le 26/03/2020

Le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJP) a publié le 31 janvier un rapport recommandant la mise en place d’une procédure d’arbitrage simplifié. Celle-ci a vocation à compléter l’offre post-Brexit amorcée avec la création de la Chambre internationale.

Paris renforce encore son offre visant à accueillir le contentieux financier international londonien. Dans un rapport daté du 30 janvier 2017 le Haut comité attirait déjà l’attention sur le fait que le Brexit allait faire perdre aux décisions de justice britanniques le bénéfice du mécanisme de reconnaissance et d’exécution automatique (sans exequatur) des décisions de justice. Or on évalue à 10 000 le nombre de dossiers de contentieux international des affaires jugées chaque année à Londres. La perte de la reconnaissance, en compliquant leur exécution au sein de l’Union européenne va faire perdre beaucoup d’attraits à la justice londonienne. D’où l’idée du Haut comité de recommander la création de chambres internationales à Paris. Le tribunal de commerce en disposait déjà d’une, il s’agissait donc de développer son activité et de créer par ailleurs une Chambre internationale à la cour d’appel de Paris pour les recours. Celle-ci a été mise en place en septembre 2018. Selon les dernières statistiques publiées pour le mois de février 2020, le nombre de plaideurs s’élève à 374, issus de 65 pays différents couvrant tous les continents. Les plus représentés sont l’Europe qui compte 25 pays y compris la Russie et l’Ukraine, et l’Afrique, représentée également par 25 pays dont l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, le Sénégal, la Cote d’Ivoire, l’Afrique du Sud ainsi que la plupart des pays du Golfe. Viennent ensuite l’Asie (dont la Chine, la Corée, l’Inde, le Japon, Singapour) et l’Amérique (dont notamment les États-Unis, Brésil, Panama, Venezuela). Le Top 5 des pays représentés parmi les plaideurs étrangers sont l’Allemagne, les États–Unis, le Royaume-Uni, Luxembourg et (ex aequo) Hong Kong et l’Algérie. On trouvera sur le site de la cour d’appel de Paris, la composition de cette chambre, la procédure aménagée qui y est proposée et une sélection de décisions déjà prononcées.

Une certaine méfiance à l’égard des coûts

Cette fois, le Haut comité revient avec un nouveau rapport. Il s’agit toujours de développer la place de Paris mais en complétant l’offre avec une proposition d’arbitrage simplifié à destination de l’univers de la banque et de la finance. Si le monde de la finance connaît et pratique l’arbitrage, celui-ci n’y est pas encore très répandu. Le rapport constate que ces acteurs « ont en effet recours à l’arbitrage pour régler directement des litiges relatifs aux matières bancaire et financière impliquant des contreparties de marchés émergents, des contreparties souveraines, des opérations sophistiquées comme les dérivés, ou encore celles nécessitant une procédure privée telle la gestion d’actifs et les investissements. Plus indirectement, ils peuvent avoir recours à l’arbitrage lorsque l’opération principale (d’export par exemple) comprend un mécanisme d’arbitrage et qu’il peut être souhaitable que le financement lié à cette opération fasse également l’objet d’une procédure d’arbitrage par cohérence, y compris dans le cadre des mécanismes de substitutions par les prêteurs dans les droits de l’emprunteur défaillant. Ils l’utilisent peu, en revanche, dans les litiges domestiques en France et dans la plupart des pays de l’Union ». Pour le dire plus simplement, la maîtrise des coûts est stratégique pour un directeur juridique d’établissement financier. Donc dans un pays où la justice comme en France fonctionne correctement et à peu de frais, l’arbitrage n’a aucun intérêt. En revanche, dans les litiges plus rares, appelant la confidentialité, ou les litiges internationaux concernant des pays dont la justice n’inspire pas confiance, l’arbitrage retrouve tout son intérêt. Aussi et surtout, de nombreux contrats français renvoient actuellement aux juridictions britanniques, ce qui n’a plus de sens avec le Brexit. D’où l’intérêt de proposer un arbitrage made in France. Ce d’autant plus que Paris est une place d’arbitrage très reconnue.

Simplifier et accélérer

Forts de  ces constats, les auteurs ont décidé d’évaluer le rapport de la planète financière à l’arbitrage pout se mettre en capacité de lui proposer une solution sur-mesure.  C’est ainsi qu’est née l’idée d’une procédure accélérée, révélant ainsi que le temps est l’élément le plus important aux yeux de la finance. Et pour cause, l’arbitrage était déjà plus coûteux que la justice, plus il dure plus il coûte. Il est donc recommandé aux institutions d’arbitrage de proposer dans leurs règlements des procédures à arbitre unique avec proposition de calendrier resserré, limitation du nombre de mémoires échangés, encadrement de l’audition des témoins. Le tout assorti d’un calculateur de coûts d’arbitrage approximatifs, différenciant les différents cas de figure possibles dont le nombre des arbitres, la complexité de la procédure, etc. La finance est également attentive à la compétence des arbitres dans des domaines ultra-complexes où ses professionnels se meuvent avec facilité mais qui peuvent être plus obscurs à des non habitués. Il est donc recommandé de proposer des listes indicatives d’arbitres spécialisés en matière financière. La publication des sentences, anonymisées, pourrait également lever l’obstacle lié au besoin de jurisprudence des établissements bancaires dans certains contentieux. Enfin, le Haut comité préconise de mener des opérations de communication pour convaincre à l’intérieur des établissements et en particulier les juristes, de l’intérêt de l’arbitrage.

Toutes ces recommandations s’inscrivent dans une perspective de droit constant. Elles n’impliquent que la seule modification de leurs règlements par les institutions d’arbitrage. Reste à savoir quel volume de dossiers est susceptible d’être concerné. Or, cela demeure pour l’instant un mystère.

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