Le traité d’Aix-la-Chapelle. Nouvelle étape du couple franco-allemand

Publié le 13/03/2019

La coopération franco-allemande est un des piliers de la construction européenne depuis les années 1960. Le 22 janvier 2019, une nouvelle étape du couple franco-allemand a été franchie. Le traité d’Aix-la-Chapelle renforce des liens déjà solides tout en ouvrant de nouvelles voies d’intégration et de coopération. Union dans la diversité, solidarité, confiance et assistance mutuelles, union qui fait la force et principe d’ouverture sont les maîtres mots de la philosophie de ce nouveau traité.

À l’heure des plus grandes incertitudes sur le « Brexit », terme désormais courant pour signifier la demande de sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni, le rapprochement franco-allemand est nécessaire. C’est en tout cas le sens que l’on peut donner au traité d’Aix-la-Chapelle, signé à la date ô combien symbolique du 22 janvier 2019. Le 22 janvier rappelle immanquablement la date du 22 janvier 1963 qui est celle de la signature du traité de l’Élysée.

Le traité de l’Élysée est signé lors des débuts de la construction dite alors « communautaire ». L’Union européenne n’existe alors pas encore, les Britanniques ne participent pas à la construction communautaire, et le Conseil de l’Europe connaît ses premières réalisations1.

Le traité de l’Élysée portait la philosophie suivante. Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Adenauer signaient un traité de coopération destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République fédérale d’Allemagne.

À la suite de la déclaration commune du président de la République française et du chancelier de la République fédérale d’Allemagne, en date du 22 janvier 1963, sur l’organisation et les principes de la coopération entre les deux États, les dispositions suivantes ont été agréées :

S’agissant de l’organisation des relations entre les deux États, le traité prévoit que les chefs d’État et de gouvernement donnent en tant que de besoin les directives nécessaires et suivent régulièrement la mise en œuvre du programme fixé par les stipulations du traité. Ils se réunissent à cet effet chaque fois que cela est nécessaire et, en principe, au moins 2 fois par an.

Les ministres des Affaires étrangères veillent à l’exécution du programme dans son ensemble. Ils se réunissent au moins tous les 3 mois. Sans préjudice des contacts normalement établis par la voie des ambassades, les hauts fonctionnaires des deux ministères des Affaires étrangères, chargés respectivement des affaires politiques, économiques et culturelles, se rencontrent chaque mois alternativement à Paris et à Bonn, à l’époque – puisque la date de 1963 correspond à la période où les deux Europe, Est et Ouest, ne sont pas encore réconciliées – pour faire le point des problèmes en cours et préparer la réunion des ministres. D’autre part, les missions diplomatiques et les consulats des deux pays ainsi que leurs représentations permanentes auprès des organisations internationales prennent tous les contacts nécessaires sur les problèmes d’intérêt commun.

Des rencontres régulières étaient prévues entre autorités responsables des deux pays dans les domaines de la défense, de l’éducation et de la jeunesse. Elles ne devaient en rien affecter le fonctionnement des organismes déjà existants – commission culturelle franco-allemande, groupe permanent d’État-major – dont les activités seront au contraire développées :

a) les ministres des Affaires étrangères devaient être représentés à ces rencontres pour assurer la coordination d’ensemble de la coopération ; les ministres des Armées ou de la Défense devaient se réunir au moins 1 fois tous les 3 mois. De même, le ministre français de l’Éducation nationale devait rencontrer, suivant le même rythme, la personnalité qui serait désignée du côté allemand pour suivre le programme de coopération sur le plan culturel ;

b) les chefs d’État-major des deux pays devaient se réunir au moins une fois tous les 2 mois ; en cas d’empêchement, ils seront remplacés par leurs représentants responsables ;

c) enfin, le haut-commissaire français à la Jeunesse et aux Sports devait rencontrer, au moins 1 fois tous les 2 mois, le ministre fédéral de la Famille et de la Jeunesse ou son représentant.

Dans chacun des deux pays, une commission interministérielle est chargée de suivre les problèmes de la coopération. Elle est présidée par un haut fonctionnaire des Affaires étrangères et comprend des représentants de toutes les administrations intéressées. Son rôle est de coordonner l’action des ministères intéressés et de faire périodiquement rapport à son gouvernement sur l’état de la coopération franco-allemande. Elle a également pour tâche de présenter toutes suggestions utiles en vue de l’exécution du programme de coopération et de son extension éventuelle à de nouveaux domaines.

Le traité avait aussi mis en place un programme de travail entre les deux États. Dans le domaine des affaires étrangères, les deux gouvernements se consultent, avant toute décision, sur toutes les questions importantes de politique étrangère, et en premier lieu sur les questions d’intérêt commun, en vue de parvenir, autant que possible, à une position analogue. Cette consultation porte entre autres sur les sujets suivants : problèmes relatifs aux communautés européennes et à la coopération politique européenne ; relations Est-Ouest, à la fois sur le plan politique et sur le plan économique ; affaires traitées au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et des diverses organisations internationales auxquelles les deux gouvernements sont intéressés, notamment le Conseil de l’Europe, l’Union de l’Europe Occidentale, l’Organisation de coopération et de développement économique, les Nations unies et leurs institutions spécialisées. Ces éléments sont pour le moins datés, et en même temps, tellement révélateurs d’une époque, en partie révolue grâce à la fois à l’intégration européenne et au développement des relations internationales.

En ce qui concerne l’aide aux pays en voie de développement, les deux gouvernements confrontent systématiquement leurs programmes en vue de maintenir une étroite coordination. Ils étudient la possibilité d’entreprendre des réalisations en commun. Plusieurs départements ministériels étant compétents pour ces questions, du côté français comme du côté allemand, il appartient aux deux ministères des Affaires étrangères de déterminer ensemble les bases pratiques de cette collaboration.

Les deux gouvernements étudient en commun les moyens de renforcer leur coopération dans d’autres secteurs importants de la politique économique, tels que la politique agricole et forestière, la politique énergétique, les problèmes de communications et de transports et le développement industriel, dans le cadre du marché commun, ainsi que la politique des crédits à l’exportation.

En matière de défense, les objectifs poursuivis dans ce domaine sont les suivants : sur le plan de la stratégie et de la tactique, les autorités compétentes des deux pays s’attachent à rapprocher leurs doctrines en vue d’aboutir à des conceptions communes. Des instituts franco-allemands de recherche opérationnelle sont créés. Les échanges de personnel entre les armées sont multipliés ; ils concernent en particulier les professeurs et les élèves des écoles d’État-major ; ils peuvent comporter des détachements temporaires d’unités entières. Afin de faciliter ces échanges, un effort est fait de part et d’autre pour l’enseignement pratique des langues chez les stagiaires.

En matière d’armement, les deux gouvernements s’efforcent d’organiser un travail en commun dès le stade de l’élaboration des projets d’armement appropriés et de la préparation des plans de financement. À cette fin, des commissions mixtes étudient les recherches en cours sur ces projets dans les deux pays et procéderont à leur examen comparé. Elles soumettent des propositions aux ministres qui les examinent lors de leurs rencontres trimestrielles et donnent les directives d’application nécessaires. Les gouvernements mettent à l’étude les conditions dans lesquelles une collaboration franco-allemande pourra être établie dans le domaine de la défense civile.

Dans le domaine de l’éducation, l’effort devait porter principalement sur les points suivants : s’agissant de l’enseignement des langues, les deux gouvernements reconnaissent l’importance essentielle que revêt pour la coopération franco-allemande la connaissance dans chacun des deux pays de la langue de l’autre. Ils s’efforceront, à cette fin, de prendre des mesures concrètes en vue d’accroître le nombre des élèves allemands apprenant la langue française et celui des élèves français apprenant la langue allemande. Le gouvernement fédéral examinera, avec les gouvernements des Länder, compétents en la matière, comment il est possible d’introduire une réglementation qui permette d’atteindre cet objectif. Dans tous les établissements d’enseignement supérieur, il conviendrait d’organiser un enseignement pratique de la langue française en Allemagne et de la langue allemande en France, qui devrait alors être ouvert à tous les établissements. S’agissant de la question des équivalences, les autorités compétentes des deux pays seront invitées à accélérer l’adoption des dispositions concernant l’équivalence des périodes de scolarité, des examens, des titres et diplômes universitaires.

Le traité comporte un important volet de coopération en matière de recherche scientifique. Les organismes de recherche et les instituts scientifiques développent leurs contacts en commençant par une information réciproque plus poussée, des programmes de recherche concertée sont établis dans les disciplines où cela se révèle possible. Ainsi par exemple, le programme dit Procope est en œuvre en 2019. L’objectif de ce programme est de développer les échanges scientifiques et technologiques d’excellence entre les laboratoires de recherche des deux pays, en favorisant les nouvelles coopérations et la participation de jeunes chercheurs et doctorants. Tous les domaines scientifiques sont concernés par ce programme. Seront considérés comme prioritaires les domaines scientifiques dont les thématiques figurent dans le programme-cadre pour la recherche et l’innovation Horizon 20202.

Toutes les possibilités devaient être offertes aux jeunes des deux pays pour resserrer les liens qui les unissent et pour renforcer leur compréhension mutuelle. Les échanges collectifs seront en particulier multipliés. Un organisme destiné à développer ces possibilités et à promouvoir les échanges est créé par les deux pays avec, à sa tête, un conseil d’administration autonome. Cet organisme dispose d’un fonds commun franco-allemand qui sert aux échanges entre les deux pays d’écoliers, d’étudiants, de jeunes artisans et de jeunes travailleurs.

Les dispositions finales prévoyaient que les directives nécessaires seront données dans chaque pays pour la mise en œuvre des principes alors actés. Les ministres des Affaires étrangères étaient chargés de rendre compte des réalisations acquises à chacune de leurs rencontres.

Le principe de la loyauté avec les partenaires européens était prévu par les stipulations selon laquelle les deux gouvernements tiendront les gouvernements des autres États membres des communautés européennes informés du développement de la coopération franco-allemande.

L’époque de la signature de ce traité, la guerre froide séparant l’Europe dite de l’Est et l’Europe dite de l’Ouest était encore bien présente et le traité avait alors dû prévoir qu’à l’exception des clauses concernant la défense, le traité s’applique également au Land de Berlin, sauf déclaration contraire faite par le gouvernement de la République fédérale d’Allemagne au gouvernement de la République française dans les 3 mois qui suivront l’entrée en vigueur du traité.

Les deux gouvernements prévoyaient alors d’apporter les aménagements qui se révéleraient désirables pour la mise en application du traité. L’entrée en vigueur était conditionnée, comme pour les traités internationaux en principe, par la ratification par chaque État selon ses règles constitutionnelles respectives.

Ce traité a connu de nombreuses réalisations. Sans être exhaustif, il est possible de citer l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ). Cet organisme est créé dès juillet 1963 afin de rapprocher jeunes Français et Allemands. Derrière le projet se trouve l’idée que la réconciliation et l’approfondissement de la relation passent aussi par la société civile. L’OFAJ permet ainsi à des jeunes de 3 à 30 ans de participer à des échanges des deux côtés du Rhin dans les domaines scolaire, professionnel ou associatif. Vivre une expérience physique dans l’autre pays devant favoriser la « compréhension mutuelle entre les peuples ».

L’OFAJ n’organise pas lui-même les rencontres, mais apporte un soutien financier et opérationnel aux structures compétentes. Pendant les 10 premières années de son existence, l’organisme connaît une activité intense, et permet à près de 300 000 jeunes d’explorer la culture de l’autre pays. Si elle a depuis connu une baisse de son financement, ce sont tout de même 8,2 millions de jeunes qui ont participé aux échanges depuis 19633.

Avant la fin des années 1980, les divergences des dirigeants français et allemand sur la question nucléaire et sur l’OTAN rendaient difficilement concevable la perspective d’une entente dans le domaine stratégique. L’occasion des célébrations pour le 20e anniversaire du traité de l’Élysée, le chancelier Helmut Kohl invite François Mitterrand à délivrer un discours depuis la tribune du Bundestag, alors ouest-allemand. C’est l’occasion pour le chef de l’État français de rappeler à quel point l’entente et l’amitié franco-allemande sont indispensables au continent européen pour préserver la paix, ce que des siècles d’hostilité leur ont bien appris. Un long chemin a été parcouru depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la relation entre les deux États voisins, autrefois ennemis, a permis à l’Europe d’entreprendre le chemin de l’intégration, seule manière qui s’offre à eux pour s’imposer dans un monde bipolaire4.

En 1987, une nouvelle impulsion est donnée par Helmut Kohl et François Mitterrand. Bonn et Paris prennent conscience de leurs objectifs communs, et accélèrent la coopération dans le domaine militaire : un conseil de sécurité franco-allemand est créé, suivi de la brigade franco-allemande en 1989. Composée de bataillons français, allemands et mixtes, elle intervient pour la première fois en Bosnie en 2002-2003 puis en Afghanistan en 2004-2005. La brigade compte dans ses rangs 6 000 hommes et femmes, et sa dernière intervention remonte à 2015, au Mali. L’initiative a surtout contribué à la création de l’Eurocorps en 1992, un corps européen qui devait permettre une plus grande indépendance vis-à-vis de l’OTAN.

Basée sur un fonctionnement unique en Europe, la brigade présente toutefois des limites. En 2015, des parlementaires français regrettaient que les soldats communiquent maintenant en anglais, et non plus en allemand et français comme c’était le cas lors de sa création. Ils relevaient également les disparités matérielles entre Français et Allemands, et la sous-utilisation de la brigade, pourtant un symbole important de la réconciliation5.

Le 30 mai 1992 à 20 heures, la même image s’affiche simultanément sur les écrans des téléspectateurs français et allemands. C’est celle d’une grande soirée culturelle à l’opéra de Strasbourg, qui marque le lancement de la chaîne franco-allemande Arte. Le projet initié par Helmut Kohl et François Mitterrand est ambitieux : utiliser la télévision et des émissions culturelles pour « favoriser la compréhension et le rapprochement entre les peuples ».

De nombreux obstacles se dressaient pourtant devant la création d’une chaîne binationale. La première est la structure totalement différente de l’audiovisuel dans les deux pays. Alors qu’il est centralisé en France, il est du ressort des Länder en Allemagne. Il faut ainsi l’accord des 11 ministres-présidents des régions d’Allemagne de l’Ouest pour signer le traité qui établit les fondements de la chaîne en 1990. Le groupe est fondé 1 an plus tard, en 1991, établissant le siège à Strasbourg ainsi qu’un pôle propre à chaque pays, à Baden-Baden et à Paris.

L’autre difficulté est celle de la programmation, alors que la compétition audiovisuelle dans les deux pays est rude. Comment attirer devant les mêmes programmes deux peuples fondamentalement différents ? Depuis la création de la chaîne, les chiffres d’audience sont en constante augmentation, mais restent modestes. En Allemagne, Arte était crédité de 1 % de la part d’audience en 2016. En parallèle du côté français, elle connaissait la plus haute audience de son histoire avec 2,3 % des parts6.

En somme, on peut conclure du traité de l’Élysée et de ses réalisations, plus ou moins perceptibles par les peuples, selon les domaines, qu’il est une réussite à plusieurs titres. En effet, en premier lieu, il a consolidé, de manière bilatérale, en plus de la dimension multilatérale via la construction communautaire, la réconciliation franco-allemande. Il n’a, en deuxième lieu, en aucun cas nui à la construction communautaire d’abord européenne. Au contraire, la solidité du couple franco-allemand a sans doute pu contribuer à dénouer des crises. En troisième lieu, les dirigeants, sur la base de ce traité, chacun selon son style, et selon les contextes nationaux et internationaux, ont marqué de leur empreinte, de gestes forts et symboliques, la paix entre les peuples. Que l’on pense au lancement du Conseil européen par Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’Estaing, les mains unies de François Mitterrand et Helmut Kohl ou encore le geste affectueux d’Angela Merkel à l’égard d’Emmanuel Macron, et l’on mesure, par quelques images fortes, le chemin parcouru.

55 ans plus tard, l’Union européenne a été créée, la construction européenne a connu de larges succès, même si des insuffisances demeurent. Le traité d’Aix-la-Chapelle s’inscrit dans une continuité de coopération étroite entre la France et l’Allemagne. Son contenu s’organise en l’affirmation de principes forts autour de la volonté de souveraineté européenne (I) et autour de la poursuite et l’enrichissement des domaines de coopération déjà prévus depuis le traité de l’Élysée (II). Enfin, de nouveaux domaines sont désormais intégrés dans le champ de coopération et d’intégration du couple franco-allemand (III).

I – Une recherche affichée de souveraineté européenne

Le titre même du traité, qui porte sur « l’intégration » et la « coopération » franco-allemande, reprend immanquablement la dialectique européenne. Ces termes caractérisent des domaines d’intégration au sens de la limitation de la souveraineté des États, décidant de travailler davantage en commun, et des domaines de coopération, en tant que les États coopèrent sans renoncer à leurs titres de compétences.

Le traité s’inscrit ainsi parfaitement dans la logique européenne et dans la recherche d’une souveraineté européenne. Le préambule affirme en effet que : « Convaincues que l’amitié étroite entre la France et l’Allemagne a été déterminante et demeure un élément indispensable d’une Union européenne unie, efficace, souveraine et forte ». Cette formule ne peut manquer de rappeler le discours du président Emmanuel Macron à la Sorbonne à l’automne 2017. Dans ce discours, il donnait le triptyque suivant à propos de l’Union européenne : « souveraine, unie et démocratique ». Le terme de souveraineté est ici essentiel. Car à force d’intégration et de coopération entre les États européens, de mise en commun de compétence, une force européenne s’est créée. La souveraineté européenne se superpose à la souveraineté des États, sans pour autant la faire disparaître.

Le président Macron s’était alors, en 2017, ainsi prononcé : « La seule voie qui assure notre avenir, celle dont je veux vous parler aujourd’hui, c’est à nous, à vous de la tracer. C’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. Ayons ensemble l’audace de frayer ce chemin. Comme je l’ai assumé à chaque instant devant les Français, je le dis aujourd’hui avec une conviction intacte : l’Europe que nous connaissons est trop faible, trop lente, trop inefficace, mais l’Europe seule peut nous donner une capacité d’action dans le monde, face aux grands défis contemporains.

L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c’est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts. Il y a une souveraineté européenne à construire, et il y a la nécessité de la construire. Pourquoi ? Parce que ce qui constitue, ce qui forge notre identité profonde, cet équilibre de valeur, ce rapport à la liberté, aux droits de l’Homme, à la justice est inédit sur la planète. Cet attachement à une économie de marché, mais à la justice sociale l’est tout autant. Ce que l’Europe représente, nous ne pouvons pas le confier aveuglément, ni de l’autre côté de l’Atlantique, ni aux confins de l’Asie. C’est à nous de le défendre et de le construire dans cette mondialisation.

Et donc au lieu de concentrer toute notre énergie sur nos divisions internes, comme nous le faisons maintenant depuis trop longtemps, au lieu de perdre nos débats dans une guerre civile européenne – car de débats budgétaires en débats financiers, en débats politiques c’est bien de cela dont il s’agit – nous devons plutôt considérer comment faire une Europe forte, dans le monde tel qu’il va. Et comme construire, ainsi, les six clés de la souveraineté indispensables pour y réussir »7.

Les termes de cohésion, de solidarité et de valeurs communes sont mis en avant dans le préambule du traité. La France et l’Allemagne rappellent l’engagement de l’Union européenne en faveur d’un marché mondial ouvert, équitable et fondé sur des règles, dont l’accès repose sur la réciprocité et la non-discrimination et qui est régi par des normes environnementales et sociales élevées. Il est remarquable que ces deux États placent, dans le texte du traité, sur le même plan le nécessaire respect de leurs règles constitutionnelles et des règles du droit européen. Les principes adoptés dans le traité d’Aix-la-Chapelle le sont ainsi « conformément à leurs règles constitutionnelles et juridiques nationales respectives et dans le cadre juridique de l’Union européenne ». La maturité de la souveraineté européenne se lit dans les termes retenus.

On observe en effet que les références aux constitutions nationales et au cadre juridique de l’Union européenne sont mises sur le même plan dans la formulation du traité. Il en ressort un double cadre juridique à respecter : celui des normes suprêmes de chaque État, à savoir les normes constitutionnelles d’une part, et les traités européens, auxquels un traité bilatéral ne saurait porter atteinte d’autre part.

C’est dans ce double cadre que la coopération et l’intégration franco-allemande s’inscrivent.

II – La continuité et l’enrichissement des domaines de coopération initiés par le traité de l’Élysée

Les domaines de la défense et de la culture étaient déjà présents dans le traité de l’Élysée et ont donné lieu à une série de réalisations concrètes. De nouvelles impulsions sont prévues dans ces domaines.

La coopération entre les deux États se fait à la fois au niveau national, à travers les échanges entre le Bundestag et l’Assemblée nationale et aussi au niveau décentralisé. La coopération décentralisée est en effet un élément essentiel de la coopération franco-allemande. Le domaine de l’action extérieure est ainsi approfondi (A), de même que les domaines de l’éducation et de la culture (B).

A – Les coopérations approfondies dans le domaine extérieur

Le chapitre II du traité est consacré à la paix, la sécurité et le développement. Selon l’article 3 du traité : « Les deux États approfondissent leur coopération en matière de politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et intérieure et de développement tout en s’efforçant de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe. Ils se consultent afin de définir des positions communes sur toute décision importante touchant leurs intérêts communs et d’agir conjointement dans tous les cas où cela est possible ».

Ces domaines de la défense entrent à la fois dans le champ traditionnel de coopération entre la France et l’Allemagne et dans les défis européens. Ainsi l’expression importante à relever dans cet article 3 du traité est celle de « renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe ».

C’est dans le cadre de leurs engagements internationaux et de l’intégration européenne que l’article 4 du traité précise que « les deux États, convaincus du caractère indissociable de leurs intérêts de sécurité, font converger de plus en plus leurs objectifs et politiques de sécurité et de défense, renforçant par là même les systèmes de sécurité collective dont ils font partie. Ils se prêtent aide et assistance par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée, en cas d’agression armée contre leurs territoires ».

La notion d’assistance mutuelle est mise en avant, mais il faut souligner qu’elle est déjà présente dans le traité sur l’Union européenne, à l’article 42-7 : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».

Le traité d’Aix-la-Chapelle prévoit encore que les deux États s’engagent à renforcer encore la coopération entre leurs forces armées en vue d’instaurer une culture commune et d’opérer des déploiements conjoints. Ils intensifient l’élaboration de programmes de défense communs et leur élargissement à des partenaires. Ce faisant, ils entendent favoriser la compétitivité et la consolidation de la base industrielle et technologique de défense européenne. Ils sont en faveur de la coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense, sur la base de leur confiance mutuelle. Les deux États élaboreront une approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints. La notion de confiance mutuelle est ici centrale.

Le principe d’un organe commun est acté par le traité. Les deux États instituent le conseil franco-allemand de défense et de sécurité comme organe politique de pilotage de ces engagements réciproques. Ce conseil se réunira au plus haut niveau à intervalles réguliers.

S’agissant des affaires étrangères et de la coopération internationale, les souverainetés de chaque État sont certes maintenues. Cependant des échanges de haut niveau sont prévus par le traité. Il est en effet prévu des échanges de personnels de haut rang, ainsi que des échanges au sein des représentations permanentes des deux États auprès des Nations unies à New-York, en particulier entre leurs équipes du Conseil de sécurité, leurs représentations permanentes auprès de l’OTAN et leurs représentations permanentes auprès de l’Union européenne, ainsi qu’entre les organismes des deux États chargés de coordonner l’action européenne.

L’article 8 du traité est particulièrement ambitieux. Il prévoit que « dans le cadre de la charte des Nations unies, les deux États coopéreront étroitement au sein de tous les organes de l’Organisation des Nations unies. Ils coordonneront étroitement leurs positions, dans le cadre d’un effort plus large de concertation entre les États membres de l’Union européenne siégeant au Conseil de sécurité des Nations unies et dans le respect des positions et des intérêts de l’Union européenne. Ils agiront de concert afin de promouvoir aux Nations unies les positions et les engagements de l’Union européenne face aux défis et menaces de portée mondiale. Ils mettront tout en œuvre pour aboutir à une position unifiée de l’Union européenne au sein des organes appropriés des Nations unies. Les deux États s’engagent à poursuivre leurs efforts pour mener à terme des négociations intergouvernementales concernant la réforme du Conseil de sécurité des Nations unies. L’admission de la République fédérale d’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies est une priorité ».

Il convient d’insister ici sur la notion d’échanges et en aucun cas de fusion de représentation que ce soit. Le domaine de la sécurité internationale ne peut se penser sans des réflexions sur la sécurité intérieure. En effet, ces dernières années sont marquées par une nécessité vitale de coopération des États en matière de renseignement dans le cadre de la lutte contre la criminalité. Dans ce sens, le traité prévoit que les gouvernements des deux États renforcent encore leur coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, ainsi que leur coopération dans le domaine judiciaire et en matière de renseignement et de police. Ils mettent en œuvre des mesures communes de formation et de déploiement et créent une unité commune en vue d’opérations de stabilisation dans des pays tiers.

Dans son discours à Aix-la-Chapelle, le président Macron résume la philosophie des choix actés par les deux États : « Vous venez de décrire ce traité, Madame la chancelière. Beaucoup de ce qui est inscrit là semblait impossible il y a encore quelques années. La solidarité en matière de défense, que nous actons entre nous, est unique. Elle vient conjurer des décennies de division. Elle porte un projet de protection et de défense. Ce que nous portons en matière de culture, d’éducation, d’innovation, c’est notre capacité à préparer nos peuples face à toutes ces menaces, tous ces défis, pour pouvoir porter une part de l’ambition du monde. Ce que nous actons, en matière de convergence économique et sociale, c’est le rapprochement progressif de nos sociétés, de ce qui, depuis trop d’années, bien souvent, diverge. Ce que nous actons, c’est le rapprochement de régions frontalières, de la création d’une dynamique nouvelle, qui correspond à la réalité vécue au quotidien par tant de nos concitoyens. C’est par les symboles comme par les gestes du quotidien, en facilitant la vie des dizaines de milliers de frontaliers, qui habitent d’un côté et travaillent de l’autre, que nous construisons aussi cette unité »8. Ce même jour de signature du traité d’Aix-la-Chapelle, la chancelière allemande Angela Merkel se prononçait ainsi : « Nous nous rappelons la vision et la détermination de Konrad Adenauer et de Charles de Gaulle. Ils ont fait avancer ce processus et l’ont rendu irréversible avec le traité de l’Élysée. Et nous nous souvenons de tous ces hommes et femmes politiques courageux qui ont consacré toute leur énergie au service de l’amitié franco-allemande. Je voudrais citer à titre d’exemple des hommes politiques comme Valéry Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt, Helmut Kohl et François Mitterrand. Mais ce qui est au moins aussi important, ce sont les milliers de maires, de responsables dans les villes jumelées, les responsables des 180 programmes d’échanges universitaires, les 8 millions de jeunes qui ont pu faire connaissance grâce au travail de l’Office franco-allemand pour la jeunesse. Je voudrais saluer tous ces représentants ici aujourd’hui »9.

La coopération internationale avec les pays tiers est en outre renforcée par le traité. Selon son article 7 : « Les deux États s’engagent à établir un partenariat de plus en plus étroit entre l’Europe et l’Afrique en renforçant leur coopération en matière de développement du secteur privé, d’intégration régionale, d’enseignement et de formation professionnelle, d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes, dans le but d’améliorer les perspectives socio-économiques, la viabilité, la bonne gouvernance ainsi que la prévention des conflits, la résolution des crises, notamment dans le cadre du maintien de la paix, et la gestion des situations d’après-conflit. Les deux États instituent un dialogue annuel au niveau politique en matière de politique internationale de développement afin d’intensifier la coordination de la planification et de la mise en œuvre de leurs politiques ».

B – Les rapprochements accrus en matière d’éducation et de culture

Enfin, le champ de l’éducation et de la culture se voit encore approfondi par le traité. Selon l’article 9 du traité, les deux États reconnaissent le rôle décisif que jouent la culture et les médias dans le renforcement de l’amitié franco-allemande. En conséquence, ils sont résolus à créer pour leurs peuples un espace partagé de liberté et de possibilités, ainsi qu’un espace culturel et médiatique commun. Ils développent la mobilité et les programmes d’échanges entre leurs pays, en particulier à l’attention des jeunes dans le cadre de l’OFAJ, et définissent des objectifs chiffrés dans ces domaines. Afin de favoriser des liens toujours plus étroits dans tous les domaines de l’expression culturelle, notamment au moyen d’instituts culturels intégrés, ils mettent en place des programmes spécifiques et une plate-forme numérique destinés en particulier aux jeunes. Selon les articles 10 et 11, Les deux États rapprochent leurs systèmes éducatifs grâce au développement de l’apprentissage mutuel de la langue de l’autre, à l’adoption, conformément à leur organisation constitutionnelle, de stratégies visant à accroître le nombre d’élèves étudiant la langue du partenaire, à une action en faveur de la reconnaissance mutuelle des diplômes et à la mise en place d’outils d’excellence franco-allemands pour la recherche, la formation et l’enseignement professionnels, ainsi que des doubles programmes franco-allemands intégrés relevant de l’enseignement supérieur.

Les deux États favorisent la mise en réseau de leurs systèmes d’enseignement et de recherche ainsi que de leurs structures de financement. Ils poursuivent le développement de l’université franco-allemande et encouragent les universités françaises et allemandes à participer à des réseaux d’universités européennes. Ces éléments sont essentiels dans le cadre des réflexions européennes sur la formation supérieure. Les projets de l’Union européenne pour des réseaux d’universités européennes sont l’actualité de 201910. Le couple franco-allemand pourra ainsi en être un moteur.

L’OFAJ, qui existe depuis 1963 a accompli déjà de nombreuses réalisations. L’OFAJ est en effet définie comme une organisation internationale au service de la coopération franco-allemande qui a permis depuis 1963 à près de 9 millions de jeunes de France et d’Allemagne de participer à 320 000 programmes d’échange. Un conseil d’administration, présidé par les deux ministres en charge de la Jeunesse, siège à la tête de l’OFAJ ; il est assisté d’un conseil d’orientation qui élabore des avis et recommandations concernant les orientations et les programmes. Le secrétariat général, instance exécutive du conseil d’administration, est composé de deux secrétaires généraux. Ces domaines classiques sont désormais enrichis de nouveaux champs de coopération.

III – Les nouveaux domaines de coopération intégrés au traité

Les nouveaux domaines inclus dans le traité sont liés aux nouvelles exigences sociétales, en même temps qu’aux évolutions technologiques. C’est ainsi que les exigences environnementales font désormais partie des champs d’action communs (A), de même que les questions liées au développement du numérique (B).

A – L’environnement, enjeu de coopération renouvelée

Depuis les années 1960, les domaines de la protection de l’environnement et du climat sont devenus des enjeux majeurs de nos sociétés. Ainsi selon l’article 18 du traité, « les deux États s’emploient à renforcer le processus de mise en œuvre des instruments multilatéraux relatifs au développement durable, à la santé mondiale et à la protection de l’environnement et du climat, en particulier l’accord de Paris du 12 décembre 2015 et le programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies. À cet effet, ils agissent en rapport étroit afin de formuler des approches et des politiques communes, notamment en mettant en place des dispositifs en vue de la transformation de leurs économies et en favorisant des actions ambitieuses de lutte contre les changements climatiques. Ils garantissent l’intégration de la protection du climat dans toutes les politiques, notamment par des échanges transversaux réguliers entre les gouvernements dans des secteurs clés ».

Sur ce thème, les formulations retenues évoquent les coopérations renforcées, dans la mesure où l’on voit la possibilité d’aller plus vite et plus loin entre la France et l’Allemagne dans le domaine de la protection de l’environnement. Dans le même sens, l’article 19 précise que « les deux États feront progresser la transition énergétique dans tous les secteurs appropriés et, à cet effet, développent leur coopération et renforcent le cadre institutionnel de financement, d’élaboration et de mise en œuvre de projets conjoints, en particulier dans les domaines des infrastructures, des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ». Le domaine du numérique est aussi un nouveau domaine d’action inclut dans le traité.

B – La régulation du numérique, sujet essentiel de coopération

L’article 20 du traité prévoit que la France et l’Allemagne intensifient leur coopération dans le domaine de la recherche et de la transformation numérique, notamment en matière d’intelligence artificielle et d’innovations de rupture. Ils promouvront à l’échelle internationale des directives sur l’éthique des technologies nouvelles. Ils mettront en place, afin de promouvoir l’innovation, des initiatives franco-allemandes qui sont ouvertes à la coopération au niveau européen. Les deux États mettront en place un processus de coordination et un financement commun afin de soutenir des programmes conjoints de recherche et d’innovation. L’article 22 quant à lui précise que les parties prenantes et les acteurs intéressés des deux États sont réunis au sein d’un forum pour l’avenir franco-allemand afin de travailler sur les processus de transformation de leurs sociétés.

Outre les questions d’environnement et de numérique, une volonté nette de rapprocher les économies des deux pays figure à l’article 20 du traité. Celui-ci prévoit que les deux États approfondissent l’intégration de leurs économies afin d’instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes. Le conseil économique et financier franco-allemand favorise l’harmonisation bilatérale de leurs législations, notamment dans le domaine du droit des affaires, et coordonne de façon régulière les politiques économiques entre la République française et la République fédérale d’Allemagne afin de favoriser la convergence entre les deux États et d’améliorer la compétitivité de leurs économies. Le même article précise que les deux États instituent un « conseil franco-allemand d’experts économiques » composé de 10 experts indépendants afin de présenter aux deux gouvernements des recommandations sur leur action économique.

Enfin, le traité prévoit la mise en place d’organes communs et de réunions régulières pour la mise en œuvre des objectifs prévus par le traité. Ainsi, des réunions entre les gouvernements des deux États ont lieu au moins 1 fois par an, alternativement en République française et en République fédérale d’Allemagne. Après l’entrée en vigueur du présent traité, le conseil des ministres franco-allemand adopte un programme pluriannuel de projets de coopération franco-allemande. Les secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande chargés de préparer ces réunions assurent le suivi de la mise en œuvre de ce programme et en font rapport au conseil des ministres. On notera l’importance de la présence, au sein d’un organe de souveraineté comme l’est le gouvernement d’un État, de la présence d’un membre du gouvernement de l’État partenaire. Il est en effet prévu qu’un membre du gouvernement d’un des deux États prend part, 1 fois par trimestre au moins et en alternance, au conseil des ministres de l’autre État. Il sera sans doute important que les médias puissent donner un large écho de cette coopération.

Enfin, l’article 25 du traité met en place un principe que l’on peut appeler d’adaptation ou d’évaluation permanente. Ainsi, il prévoit que les conseils, structures et instruments de la coopération franco-allemande font l’objet d’un examen périodique et sont, en cas de nécessité, adaptés sans retard aux objectifs fixés d’un commun accord. Le premier de ces examens devrait avoir lieu dans les 6 mois suivant l’entrée en vigueur du présent traité et proposer les adaptations nécessaires. Les secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande évaluent régulièrement les progrès accomplis. Ils informent les parlements et le conseil des ministres franco-allemand de l’état général d’avancement de la coopération franco-allemande.

Outre la mise en place d’organes communs, la notion de coopération décentralisée, qui existe déjà, se voit renforcée par le traité. Le traité prévoit l’institution d’un fonds citoyen commun destiné à encourager et à soutenir les initiatives de citoyens et les jumelages entre villes dans le but de rapprocher encore leurs deux peuples. Selon l’article 13 du traité, les deux États reconnaissent l’importance que revêt la coopération transfrontalière entre la République française et la République fédérale d’Allemagne pour resserrer les liens entre les citoyens et les entreprises de part et d’autre de la frontière, notamment le rôle essentiel des collectivités territoriales et autres acteurs locaux à cet égard. Ils entendent faciliter l’élimination des obstacles dans les territoires frontaliers afin de mettre en œuvre des projets transfrontaliers et de faciliter la vie quotidienne des habitants de ces territoires.

Dans ce cadre, les deux États instituent un comité de coopération transfrontalière comprenant des parties prenantes telles que l’État et les collectivités territoriales, les parlements et les entités transfrontalières comme les eurodistricts et, en cas de nécessité, les eurorégions intéressés. Ce comité est chargé de coordonner tous les aspects de l’observation territoriale transfrontalière entre la République française et la République fédérale d’Allemagne, de définir une stratégie commune de choix de projets prioritaires, d’assurer le suivi des difficultés rencontrées dans les territoires frontaliers et d’émettre des propositions en vue d’y remédier, ainsi que d’analyser l’incidence de la législation nouvelle sur les territoires frontaliers.

En somme, ce traité est à la fois une continuité et un élan. La continuité se lit dans le prolongement de coopérations déjà initiées par le traité de l’Élysée. Il s’agit des domaines de l’éducation et de la culture, mais aussi des affaires étrangères et de la défense. Il est possible d’analyser le nouveau traité dans le sens d’une intégration renforcée, d’une coordination des souverainetés nationales dans le cadre d’une souveraineté européenne qui s’ajoute aux souverainetés nationales sans s’y substituer. Les domaines plus nouveaux, relativement pour la protection de l’environnement, et plus franchement pour le numérique, entrent désormais dans le champ de travail en commun des deux États. Le nouvel élan se lit dans l’ampleur inédite des échanges, la grande proximité des gouvernements et des peuples recherchée. Ce traité ne peut s’interpréter que dans un contexte européen.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Le Conseil de l’Europe est créé en 1949, sur une méthode dite intergouvernementale. Il comporte aujourd’hui 47 membres dont les 28 États membres de l’Union européenne.
  • 2.
    https://www.campusfrance.org/fr/procope.
  • 3.
    https://www.touteleurope.eu/actualite/anniversaire-du-traite-de-l-elysee-5-realisations-majeures-du-couple-franco-allemand.html.
  • 4.
    https://fresques.ina.fr/mitterrand/fiche-media/Mitter00018/discours-au-bundestag.html.
  • 5.
    https://www.touteleurope.eu/actualite/anniversaire-du-traite-de-l-elysee-5-realisations-majeures-du-couple-franco-allemand.html.
  • 6.
    https://www.touteleurope.eu/actualite/anniversaire-du-traite-de-l-elysee-5-realisations-majeures-du-couple-franco-allemand.html.
  • 7.
    Discours à la Sorbonne, 26 sept. 2017 : https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2017/09/26/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique.
  • 8.
    https://onu.delegfrance.org/Traite-d-Aix-la-chapelle-discours-du-President-Emmanuel-Macron.
  • 9.
    https://archiv.bundesregierung.de/archiv-de/meta/startseite/discours-de-la-chanceli%C3%A8re-f%C3%A9d%C3%A9rale-angela-merkel-%C3%A0-l-occasion-de-la-signature-du-trait%C3%A9-entre-la-r%C3%A9publique-fran%C3%A7aise-et-la-r%C3%A9publique-f%C3%A9d%C3%A9rale-d-allemagne-sur-la-coop%C3%A9ration-et-l-int%C3%A9gration-franco-allemandes-le-22-janvier-2019-%C3%A0-aix-la-chapelle-1573008.
  • 10.
    https://ec.europa.eu/education/education-in-the-eu/european-education-area/european-universities-initiative_fr.
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