Inhabituel : une médiation (réussie) entre le ministre de la Justice et la plus haut juge du pays… au Québec !

Publié le 05/05/2023
Inhabituel : une médiation (réussie) entre le ministre de la Justice et la plus haut juge du pays… au Québec !
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La justice québécoise, ces temps-ci, est à l’honneur au ministère de la Justice, place Vendôme.

Ce serait notamment lors de sa rencontre, en novembre 2022, avec des magistrats à Montréal, et en particulier en assistant à une conférence de règlement amiable tenue par l’honorable juge Suzanne Gagné, que le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti se serait convaincu de lancer sa politique nationale de l’amiable, avec pour objectif de  rendre enfin effectif l’office conciliatoire du juge français (M. A Lombard, « la conversion de Dupond-Moretti vers la justice amiable », L’Opinion, 26 avril 2023).

Cette transposition en France de cette conférence de règlement amiable en audience de règlement amiable n’est pas si simple tant nos systèmes et cultures judiciaires sont à des années lumières.

Une réorganisation de la justice québecoise sous tension

En témoigne, cette médiation rapportée par le journal québécois « Le Devoir », qui nous paraît ici extraordinaire, entre le ministre de la Justice québécois, Simon Jolin-Barrette et la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, le médiateur-facilitateur étant un juge à la retraite et ancien sous-ministre de la Justice,  Jacques Chamberland.

Cette médiation, qui a duré trois mois, a permis aux protagonistes de trouver un accord sur le différend les opposant (qualifié  de bras de fer) et qui a défrayé la chronique :

  • d’un côté, la juge en chef a décidé de réduire le nombre de jours pendant lesquels les juges siègent au criminel (un jour sur deux), en raison de la complexification du droit et de la procédure (ce qui avait pour conséquence d’augmenter le temps de traitement des affaires criminelles) ;
  • de l’autre côté, le ministre de la justice a manifesté son opposition à cette décision.

L’accord prévoit une hausse du nombre de juges mais il ne suffira peut-être pas à résoudre la crise de fonctionnement que connaît aussi la justice québécoise (Journal « Le Devoir », 25 avril 2023), les délais judiciaires explosant en raison notamment de la pénurie de personnel.

Cette culture du dialogue au plus haut sommet de l’État peut nous surprendre, nous qui sommes plus habitués à une culture de l’affrontement et de la verticalité. Espérons en tout cas que cette culture va finir par se répandre dans notre société et dans notre organisation judiciaire.

De prochains décrets imminents en France

Pour en revenir à nos affaires franco-françaises, les choses bougent sur le chemin de l’amiable.

Le décret rectificatif relatif au Conseil national de la médiation et réécrivant l’article 750-1 du Code de procédure civile (amiable préalable obligatoire pour les litiges de 5 000 euros et les troubles anormaux de voisinage) vient d’être examiné par le Conseil d’État et le projet de décret sur la césure et l’audience de règlement amiable est en phase de consultation intensive au ministère de la Justice et notamment à la direction des affaires civiles et du Sceau.

La médiation et les modes amiables à la croisée des chemins

Si le projet de l’audience de règlement amiable annoncé par le ministre de la Justice est de nature à rendre enfin effectif l’office conciliatoire du juge, le projet dans sa rédaction actuelle, peut sembler trop timide en ne valorisant pas suffisamment le rôle proactif du juge ( N. Bastuck « L’avenir de la justice passe-t-il par la médiation ? » Le Point, 28 avril 2023).

Comme pour la médiation, lorsque le juge estime que l’affaire qui lui est soumise présente des critères d’éligibilité à une conciliation, il faut qu’il puisse enjoindre aux parties elles-mêmes de rencontrer le juge conciliateur afin que ce dernier puisse leur expliquer, après les avoir entendues, tout l’intérêt que peut présenter la conciliation pour leur affaire, au regard de leurs intérêts et de leurs besoins. Car autrement, comment les parties pourraient-elles être suffisamment éclairées pour prendre leur décision, en connaissance de cause, d’entrer ou non dans un processus de conciliation et de faire le choix du mode de résolution des litiges le plus adapté à leur affaire ?

 Aussi, l’arbitrage qui sera retenu sur cette question, sera le marqueur de la politique nationale annoncée de l’amiable, les freins étant encore nombreux et de tous horizons pour contrer l’efficacité d’un tel changement de paradigme dans l’office du juge. Espérons que ce soit la vision dynamique et volontariste qui l’emporte !

De l’audace ! de l’audace ! Nos concitoyens attendent une justice civile rénovée, pragmatique, plus humaine, qui réponde à leurs attentes et qui joue pleinement son rôle de garant de la paix sociale.

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