Les modes alternatifs de règlement des différends, une opportunité pour les avocats

Publié le 30/03/2023

Après la création d’une commission dédiée au sujet l’an passé, le Conseil national des barreaux (CNB) a organisé fin 2022 la première édition des États généraux des modes alternatifs de règlement des différends (MARD). L’objectif ? Accompagner le développement des pratiques innovantes au sein de la profession. « Les modes alternatifs s’inscrivent dans le champ du droit positif », affirme Hirbod Dehghani-Azar, avocat et président de la commission ad hoc « MARD » au sein du CNB. Retour d’expériences.

Actu-Juridique : Quels sont les modes alternatifs de règlement des différends ?

Hirbod Dehghani-Azar : Les MARD sont des outils qui permettent à plusieurs parties de régler leur contentieux, qu’il soit de nature civile, familiale, administrative ou commerciale, sans obligatoirement recourir à une solution juridictionnelle. Il existe, dans le droit français, différents types de MARD : la médiation, la conciliation, la procédure participative assistée par un avocat, la procédure participative de mise en état, le droit collaboratif et enfin l’arbitrage qui est un mode alternatif et pas amiable. Historiquement, ces modes alternatifs ont été établis dans le droit français par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Actu-Juridique : Pourquoi le Conseil national des barreaux (CNB) a-t-il d’organisé la première édition des États généraux des MARD ? Les connaissances des avocats sont-elles insuffisantes à ce sujet ?

Hirbod Dehghani-Azar : Nous observons un vrai développement des MARD ces dernières années. Le rapport du Comité Sauvé sur les États généraux de la justice recommande, parmi d’autres mesures, d’instaurer une « politique nationale proactive des modes alternatifs des différends ». Évidemment, les avocats sont pleinement impliqués dans ce sujet, puisque ce sont eux, par exemple, qui peuvent mener une procédure participative assistée ou une procédure participative de mise en état. Ainsi, il nous semblait essentiel de développer une culture commune pour que l’ensemble des confrères se saisissent des opportunités offertes par les MARD, aussi bien pour eux que pour leurs clients. Depuis une dizaine d’années, le droit régissant les MARD a aussi considérablement évolué mais certains d’entre nous, peut-être habitués de longue date à d’autres pratiques, ont du mal à percevoir les avantages des modes alternatifs de règlement. Il est donc de notre ressort, au sein du CNB, de les aider et de les former. Aussi, nous avons veillé durant ces États généraux à inviter des professeurs d’universités, des experts judiciaires, ou encore des magistrats. Le sujet des MARD intéresse et concerne tous les acteurs de la justice.

Actu-Juridique : Quels sont les avantages, pour les justiciables, de recourir aux MARD ? Permettent-ils avant tout de désencombrer la justice et donc d’être plus efficaces pour les citoyens ?

Hirbod Dehghani-Azar : Si l’objectif de l’usage des MARD est de « désencombrer », comme vous le dites, la justice, il n’est en aucun cas le mien. En tant qu’avocat, ma seule motivation, et c’est aussi je le sais celle de mes confrères, est d’offrir aux justiciables la solution la plus adéquate à leurs situations judiciaires particulières. Ainsi, les MARD sont des possibilités parmi d’autres. Nous constatons néanmoins, il est vrai, que les délais de la justice ne sont pas toujours proportionnés aux attentes de nos clients. Les MARD peuvent donc représenter des alternatives intéressantes.

De mon point de vue, les modes alternatifs s’inscrivent dans le champ du droit positif. Recourir à la médiation ou à la conciliation, par exemple, permet d’apaiser durablement les contentieux entre les parties sans qu’il y ait nécessairement un « vainqueur » et un « perdant » stricto sensu. Grâce aux modes alternatifs, un dialogue est toujours maintenu entre les parties. C’est un élément essentiel dont les bienfaits s’inscrivent sur le long terme quand il s’agit de l’un de vos proches ou d’une personne de votre entourage. Quand bien même vous auriez remporté un jugement contre votre voisin, vous continuerez à vivre à côté de chez lui. Il est donc préférable de sauvegarder une relation apaisée et non pas une relation fondée sur de la rancœur. Les MARD, par leur fonctionnement, permettent de purger les conflits, de gagner du temps et de sauvegarder la relation.

Actu-Juridique : Certains peuvent assimiler les MARD à une forme de privatisation de la justice, que répondez-vous à cela ?

Hirbod Dehghani-Azar : C’est un argument que je n’entends pas ! Je rappellerai que si la loi oblige, depuis décembre 2019, le recours à une tentative de médiation, de conciliation ou de procédure participative pour des litiges ne dépassant pas 5 000 €, personne n’est obligé d’aller au terme de ce préalable. Chaque citoyen reste, in fine, libre de mener une action en justice s’il le souhaite. Néanmoins, il est aussi utile de savoir que l’on peut trouver une solution à son contentieux d’une manière différente qu’à travers l’action « classique » en justice. Comme je vous le disais, cela peut s’avérer pertinent notamment pour les affaires de voisinage, les affaires commerciales ou familiales.

Actu-Juridique : Faut-il étendre le champ d’utilisation des MARD pour aider à leur développement ?

Hirbod Dehghani-Azar : Je ne crois pas qu’il faille encore changer la loi en la matière. Il serait déjà opportun d’utiliser pleinement le potentiel existant des MARD. C’est d’ailleurs dans ce sens que le Conseil national des barreaux a organisé les premiers États généraux « MARD » en septembre dernier, où a été créée la commission ad hoc que je préside. Pour le citoyen, il serait bénéfique d’adopter des dispositions fiscales pour promouvoir les MARD ou d’organiser des campagnes d’information.

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