JO de la Justice : le marathon judiciaire
Deux affaires cette année ont marqué les esprits en raison de leur exceptionnelle longueur : le volet financier de Karachi, examiné en appel au mois de juin dernier, et l’affaire Altran, repartie en cassation au mois de mai. Peut-on juger correctement au bout de plusieurs décennies ?
L’affaire Altran est l’un des deux grands scandales financiers français du début des années 2000, avec Vivendi. La société était accusée d’avoir enjolivé ses comptes 2001 et 2002. La première audience correctionnelle s’était tenue à Paris en 2016. Nous étions déjà 14 ans après les faits. Le 16 mai dernier, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt, sur renvoi après cassation. Lequel a été frappé d’un pourvoi. L’affaire est donc repartie pour deux ans de procédure minimum. Elle a déjà 22 ans.
La valse des records
Le volet financier de l’affaire Karachi n’a rien à lui envier. La Cour de justice de la République a examiné l’affaire début 2021, nous étions alors 25 ans après les faits, à savoir le financement de la campagne électorale d’Edouard Balladur en 1995. L’ancien premier ministre a été relaxé, tandis que François Léotard a été condamné à deux mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende (lire nos chroniques ici).
Des francs et des euros….
Le volet correctionnel a été examiné en appel au mois de juin dernier. L’ancienneté des faits interroge sur la capacité de la justice à juger quand certains acteurs sont morts, que les vivants ne se souviennent plus et que c’est à peine si l’on comprend encore les mécanismes qui étaient à l’œuvre alors que tout a changé, les hommes, les lois, et la société. Parfois même, comme dans l’affaire Karachi, la monnaie puisque les contrats étaient en francs. Une difficulté qui s’accroît à proportion de la complexité des affaires. C’est précisément pour cela que la prescription existe : passé un certain temps, le dépérissement des preuves et l’effacement des souvenirs ne permettent plus de juger (lire notre article ici). Et encore, les règles de la justice garantissent-elles un minimum de droits qu’on ne retrouve pas chez sa lointaine cousine, la justice médiatique qui s’est illustrée récemment en condamnant un homme mort depuis près de 20 ans pour des faits nettement plus anciens encore (lire le décryptage de l’affaire de l’Abbé Pierre ici).
Bien sûr, tout n’est pas de la faute de la légendaire « lenteur de la justice ». La stratégie procédurale des avocats y joue son rôle aussi, de même que la complexité des dossiers, surtout s’ils possèdent une dimension internationale qui impose des coopérations avec les systèmes étrangers. Sans oublier la procédure elle-même qui ne facilite pas toujours les choses…
Référence : AJU456596