Cette semaine chez les Surligneurs : le devoir d’assistance en mer
Secourir un navire en détresse en mer est une obligation. Suite au naufrage d’un bateau de migrants au large de la Grèce qui a fait quatre-vingts morts et des centaines de disparus, les Surligneurs rappellent les bases de l’assistance en mer. Cette semaine, les spécialistes du légal checking se penchent aussi sur la légalité de l’abonnement médical à 11,99 euros et sur la situation du suspect de l’agression d’Annecy au regard du droit des étrangers.
Naufrage du bateau de migrants au large de la Grèce : qui aurait dû les secourir ?
Mi-juin 2023, un navire de pêche en provenance de Libye a coulé dans les eaux internationales à 87 km de la Grèce. À bord, selon plusieurs témoins, près de 750 personnes tentaient de rejoindre l’Italie par la Méditerranée. Quatre-vingts morts sont pour l’heure dénombrés et plusieurs centaines de personnes sont encore portées disparues. La Grèce, Frontex, les ONG, la Libye… qui aurait dû leur porter secours ?
Tout d’abord, il incombe au capitaine de tout navire de “prêter assistance à quiconque est trouvé en péril en mer” (art. 98, Convention sur le droit de la mer). L’assistance doit être portée le plus vite possible (Convention SOLAS), sans discrimination et sans aucune considération pour les circonstances dans lesquelles elles sont trouvées (Convention SAR). En pratique, cela concerne tout le monde, depuis les garde-côtes jusqu’aux capitaines de yacht lorsqu’ils sont en mer et qu’ils identifient l’état de détresse d’un navire.
L’état de détresse ne correspond pas seulement au naufrage effectif du navire, mais aussi à la menace d’un danger grave et imminent affectant un navire ou des personnes à son bord. L’article 8 du règlement sur la surveillance maritime précise ces différents critères d’évaluation, notamment : le nombre de passagers rapporté au type de navire, l’existence d’équipements de sécurité, la présence d’enfants ou de personnes décédées.
D’après l’article 10 du règlement Frontex, concernant les opérations de sauvetage en mer, l’Agence doit “assister les États membres dans les situations qui exigent une assistance technique et opérationnelle”. Ainsi, c’est parce qu’un État membre sollicite l’aide de Frontex que cette dernière peut lui apporter son soutien. En pratique, il peut se caractériser par des opérations de surveillance aérienne qui donnent lieu à des alertes à l’attention des autorités nationales, comme ce qui a été allégué par Frontex en réaction au naufrage en juin 2023.
Enfin, les États intéressés doivent se coordonner afin d’assurer un débarquement “dans les meilleurs délais raisonnablement possibles” et “en lieu sûr”, or la Libye (lieu de départ du bateau) pourrait ne pas satisfaire les conditions permettant de garantir la sécurité des personnes. Quant aux États de la région, comme la Grèce, ils ont l’obligation de coopérer afin d’identifier un lieu sûr de débarquement accessible dans un délai raisonnable.
En savoir plus ? Cliquer ici.
Selon l’Ordre des médecins, un réseau de téléconsultations médicales par abonnement mensuel de 11,99 euros serait contraire à la déontologie médicale.
L’Ordre des médecins a publié un communiqué s’opposant à l’initiative du premier groupement de cliniques privées en France (le Groupe Ramsay) de créer un abonnement mensuel de 11,99 euros par mois, avec la garantie pour les patients d’obtenir une téléconsultation 24 heures/24, 7 J/7.
Selon l’ordre, ces téléconsultations « menacent le système de soins et son modèle organisé autour de médecins qui répondent aux besoins de la population dans leur région ». Or le modèle du médecin libéral de campagne au plus près des patients n’exclut en rien d’autre systèmes. Depuis 2021, les téléconsultations sont strictement encadrées : des conditions techniques visant notamment à veiller au secret sont exigées, et le dispositif permet déjà de combler certaines lacunes dans certains territoires et certaines spécialités (art. R. 6316-1s CSP.)
Selon l’ordre encore, ce système remet en cause « le modèle de santé français fondé sur la solidarité et la gratuité des soins ». Or, les soins ne sont aucunement gratuits en France. Tout acte médical est payant même s’il existe une prise en charge par la sécurité sociale et les mutuelles, avec tiers payant.
L’ordre ajoute que ces soins seraient payants sans remboursement. Sous réserve d’éclaircissements sur le modèle économique proposé, deux remarques s’imposent. D’une part, les consultations payantes sans prise en charge par la sécurité sociale existent déjà : ce sont les consultations auprès de médecins non conventionnés. D’autre part, à ce stade, il n’y a pas de raison excluant ces téléconsultations de la prise en charge par la sécurité sociale ou les mutuelles.
Même si le modèle économique de Ramsey n’est pas encore connu, il est certain que l’abonnement réclamé au patient potentiel ne saurait être intégré au prix de la consultation d’une façon ou d’une autre. Autrement, il y aurait “compérage”, ce qui est interdit (art. R. 4127-23 du code de déontologie). Ainsi, le groupe organisateur doit rester un simple intermédiaire, comme Doctolib qui est rémunéré par les médecins eux-mêmes et non par le patient.
Ce que propose le groupe Ramsay ne saurait sortir de ce cadre s’il fait appel à des médecins libéraux. S’il fait appel à ses médecins salariés de ses propres cliniques, le problème se pose différemment : il revient au chef d’entreprise d’organiser le travail de ses salariés, et le fait de créer un réseau de téléconsultations ne semble pas entrer en contradiction avec le code de déontologie.
Enfin, l’ordre estime que « ce type d’abonnement fait de la médecine un commerce et déconsidère la profession ». Il est vrai que l’article R. 4127-19 du code de déontologie dispose : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce ». Cela interdit les procédés publicitaires de toutes sortes sous peine de sanctions, mais reste à vérifier la manière dont le réseau de téléconsultations serait mis en œuvre. Il n’est pas possible de condamner par principe.
En savoir plus ? Cliquer ici.
L’homme soupçonné d’être l’auteur de l’attaque d’Annecy est un étranger réfugié en Suède. Ce qu’il faut savoir pour comprendre la situation
Le 8 juin dernier, une attaque au couteau à Annecy a touché six personnes, dont quatre très jeunes enfants. L’auteur présumé est d’Abelmasih H., bénéficiaire de la protection subsidiaire obtenue en Suède en 2013, après avoir fui la Syrie au moment du déclenchement de la guerre civile.
Parmi les réactions, Éric Ciotti appelle à ouvrir un “débat majeur sur notre capacité de choisir qui nous ne voulons pas et qui nous voulons accueillir sur notre territoire”, au micro de Franceinfo. Sauf qu’il n’est pas toujours possible de « choisir qui nous ne voulons pas », dans un pays membre de l’Union européenne et partie aux traités internationaux.
En droit international et européen, le droit d’asile est un droit fondamental, garanti par plusieurs textes (Convention de Genève, directives de l’UE, Déclaration universelle des droits de l’Homme, Charte des droits fondamentaux de l’UE). En droit français, le préambule de la Constitution de 1946, prévoit que « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».
La protection internationale peut être accordée à travers le statut de réfugié qui concerne toute personne « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social », qui se situe hors de son pays de nationalité ou de résidence, et ne peut y retourner. En France, ce statut va de pair avec une carte de résident de dix ans. Lorsqu’un demandeur d’asile ne remplit pas les conditions d’obtention du statut de réfugié, mais prouve par exemple qu’il est exposé dans son pays à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, il peut obtenir la protection subsidiaire, accompagnée d’une carte de séjour pluriannuelle d’une durée maximale de quatre ans.
La Suède et la France sont membres de l’espace Schengen, un espace sans contrôles aux frontières, sauf cas particulier, comme c’est le cas en France depuis 2015 (risque terroriste). Ainsi, les bénéficiaires de l’asile dans l’un de ces pays peuvent librement circuler, et n’ont pas non plus besoin d’un visa, à condition de ne pas rester plus de trois mois dans un autre État. C’est donc légalement qu’Abelmasih H. était arrivé en France en octobre dernier, avant d’y faire une demande d’asile, rejetée quatre jours avant les faits.
Une demande d’asile dans l’Union européenne est examinée par un seul État selon certains critères déterminés dans le règlement Dublin III. Une fois la demande effectuée dans un pays, il n’est plus possible pour un ressortissant d’en formuler une autre dans l’Union européenne. C’est donc logiquement que la demande d’Abdelmasih H. qui bénéficiait déjà d’une protection en Suède a été déclarée irrecevable. Pour autant, contrairement à ce qu’a dit Marine Le Pen au lendemain de l’attaque, il n’était pas en situation irrégulière en France. Jusqu’à la notification de la décision le 4 juin, il bénéficiait du statut de demandeur d’asile. Il pouvait donc se maintenir sur le territoire jusqu’à la décision de l’OFPRA. À l’issue de celle-ci, il avait encore la possibilité de faire appel. Dans le cas d’un nouveau refus seulement, il se serait trouvé en situation irrégulière et la Préfecture aurait pu prononcer une OQTF.
L’auteur présumé est pour l’heure mis en examen pour « tentatives d’assassinats » et « rébellion avec armes ». En plus d’une éventuelle condamnation à une peine de prison – qu’il pourrait effectuer en France ou en Suède, pays dans lequel sa famille réside – il pourrait écoper d’une interdiction du territoire français temporaire ou définitive.
En savoir plus ? Cliquer ici.
Référence : AJU374513
