Cette semaine chez les Surligneurs : Le passe vaccinal est-il « un montage juridique scabreux » à visée « pécuniaire » ?

Publié le 07/01/2022

Selon certains députés LR, le passe vaccinal aurait pour but de permettre à l’État, en contournant l’obligation législative de vaccination, d’échapper à l’exigence de réparer  les préjudices liés à la vaccination. Les Surligneurs, spécialisés dans le legal checking,  vous expliquent pourquoi ils se trompent. De son côté, Christiane Taubira préconise une sanction fiscale plus sévère de l’évasion fiscale. Problème, les outils existent déjà. Quant à Manuel Valls, il aura bien du mal à suspendre le regroupement familial car c’est un droit très protégé, tant par la Constitution que par les textes européens. 

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Ce n’est pas pour des raisons financières que l’Etat n’impose pas la vaccination, contrairement à ce qu’affirment Philippe Gosselin, député LR et Alain Houpert, sénateur LR

Dans une tribune publiée au FigaroVox le 2 janvier 2022, les deux parlementaires affirment que “le choix d’un « passe vaccinal» est un moyen pour l’État d’échapper aux conséquences juridiques et pécuniaires (sic) d’une vaccination obligatoire par la loi”. Etant donné que le code de la santé publique prévoit une prise en charge par l’Etat des effets indésirables des vaccins obligatoires, les parlementaires estiment que cela permet d’y échapper s’agissant  du vaccin contre la Covid-19. Ainsi, selon eux, l’État “se défausse en bricolant le montage juridique scabreux d’un « passe vaccinal » pour tous”.

Pourtant, la loi du 5 août 2021 (article 18) qui a créé le passe sanitaire et rend obligatoire la vaccination à l’égard de certaines professions, oblige l’État à prendre en charge “la réparation intégrale des préjudices directement imputables” à cette vaccination. L’ONIAM (Office national des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales) se tient prêt à dédommager les victimes, comme indiqué sur son site : la procédure est en place. Cette prise en charge est prévue depuis la loi du 23 mars 2020, qui prévoit une indemnisation en cas de conséquences indésirables des mesures prises dans le cadre de l’urgence sanitaire.

Un artisan plombier par exemple, qui a dû cesser son activité professionnelle en raison de troubles oculaires liés à ce vaccin, a été indemnisé. Des parents ont aussi pu obtenir une indemnisation pour leur fils ayant développé une narcolepsie avec cataplexie. Une procédure spécifique d’indemnisation avait été mise en place.

Enfin, il faut préciser que pour la vaccination non obligatoire, s’agissant d’une responsabilité liée à un produit de santé, l’ONIAM n’aura pas à indemniser s’il est prouvé que le vaccin est défectueux. Ce sera alors aux laboratoires concernés d’assumer les conséquences, devant un juge.

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Christiane Taubira souhaite une politique fiscale plus sévère à l’égard de ceux qui tentent d’échapper à l’impôt alors que la loi les punit déjà

Dans une tribune publiée le 29 décembre 2021, Christiane Taubira estime qu’il faut punir plus sévèrement les évasions fiscales. La question de la politique fiscale figure parmi les idéaux de gauche que Christiane Taubira défend en souhaitant une politique fiscale qui “punisse sévèrement” ceux qui “s’organisent pour échapper à l’impôt”.

Toutefois, la fraude est déjà sévèrement punie dans le Code général des impôts qui comporte des dispositions pénales sévères contre ceux qui s’organisent pour échapper à l’impôt (articles 1741 et suivants). Par exemple, dissimuler volontairement une part des sommes soumises à impôt ou organiser son insolvabilité peut entraîner une sanction de 500 000 euros d’amende et de 5 ans d’emprisonnement. L’administration fiscale peut, au besoin, aller chercher son dû en saisissant directement les biens des contribuables récalcitrants. Enfin, s’il y a eu des amnisties fiscales par le passé pour faire revenir certains capitaux en France, celles-ci n’ont plus cours actuellement.

De plus, aggraver les sanctions ou systématiser les contrôles revient à augmenter encore l’impôt en pratique. Mais si la fraude devient plus difficile, il se trouvera toujours des fraudeurs plus chevronnés. Et pour les moins chevronnés, il restera quelques solutions légales : travailler moins pour payer moins d’impôts, ou encore l’exil fiscal, qui est légal.

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Une commune ne peut pas saisir directement le Conseil constitutionnel, mais elle a la possibilité de déposer ses arguments quand il a déjà été saisi

 La Collectivité européenne d’Alsace (CEA) a annoncé le 29 décembre 2021, par le biais de son président, Frédéric Bierry, son intention de saisir directement le Conseil constitutionnel “du projet de loi de finances 2022 [qui] contient un amendement voté aux seules fins de permettre l’enfouissement définitif des 42 000 tonnes de déchets stockés dans les galeries minières du site Stocamine de Wittelsheim”. Cependant, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité a priori que par le Président de la République, le Premier ministre, les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, 60 députés ou 60 sénateurs (article 61 de la Constitution).

En revanche, la Collectivité peut envoyer ses arguments via une “porte étroite” (expression du Doyen Vedel) : au moment où le Conseil constitutionnel est saisi s’ouvre une sorte de procès contre la loi que le Parlement vient d’adopter. Les tiers, dont les collectivités territoriales, peuvent alors déposer un argumentaire, c’est-à-dire un mémoire ou dossier dans lequel un citoyen, une entreprise, une collectivité peut contester – mais aussi défendre – la constitutionnalité d’une loi nouvellement adoptée. Le contenu de cette contribution extérieure est rendu public sur le site du Conseil constitutionnel en même temps que la décision.

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Manuel Valls souhaite suspendre le regroupement familial et le mariage avec les étrangers, mais c’est contraire au droit européen et droit national

Le 19 décembre sur Europe 1, l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Valls a déclaré vouloir stopper l’immigration, estimant que la France devait “reprendre le contrôle de la politique migratoire”. Selon lui, ce contrôle doit passer par la suspension du regroupement familial et du mariage entre français et étrangers. C’est une proposition souvent formulée par les personnalités politiques de droite qui rencontre pourtant de nombreux obstacles juridiques.

Le droit au regroupement familial est protégé par la Constitution française (alinéa 10 du préambule de la Constitution de 1946), le Conseil constitutionnel s’est fondé sur cette disposition en 1993, pour considérer que tout individu avait le droit de mener une vie familiale normale, qu’il soit étranger ou français. De plus, la directive de l’Union européenne de 2003 prévoit et encadre le regroupement familial, et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Ainsi, le Conseil d’État a suspendu, en janvier 2021, la décision du Premier Ministre “d’interrompre, en raison de l’épidémie de covid-19, la délivrance de visas de regroupement familial aux conjoints et enfants d’étrangers non-européens résidant en France”.

Le droit au mariage est également un droit fondamental protégé par le droit européen (article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), qu’il soit célébré entre deux Français ou entre un Français et un étranger. Le Conseil constitutionnel confirmait en 2003 que les étrangers, même en situation irrégulière, doivent pouvoir se marier.

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