Cette semaine chez les Surligneurs : l’équation impossible à Mayotte

Publié le 26/05/2023

À l’occasion de l’opération Wuambushu, en cours à Mayotte, les Surligneurs reviennent sur l’histoire compliqué de cette île. Les spécialistes du legal checking se penchent également cette semaine sur les sanctions contre la Russie, la couleur des drapeaux et le sort des activistes du climat en justice. 

Cette semaine chez les Surligneurs : l'équation impossible à Mayotte

Un territoire, deux revendications : l’équation impossible à Mayotte ?

En 2019, lorsque le président Macron m’avait reçu, il avait déclaré en conférence de presse que Mayotte était française. Ce à quoi j’avais répondu qu’elle était comoriennea affirmé le président comorien début mai 2023. Mayotte, île française depuis 1841, est un département au sens de l’article 73 de la Constitution française. Dans le même temps, la Constitution comorienne énonce que le territoire des Comores est composé de Grande Comore, d’Anjouan, de Mohéli et de Mayotte.

Cet antagonisme a plusieurs raisons.  D’un point de vue purement géographique, Mayotte se situe bien dans l’archipel des Comores composé de quatre îles principales. D’un point de vue historique, Mayotte a été la première île à devenir française en 1841, suivie en 1886 des trois autres. L’ensemble est ensuite devenu un “Territoire d’Outre-mer”. D’un point de vue politique, lors du référendum du 22 décembre 1974, à la question “Souhaitez-vous que le territoire des Comores soit indépendant”, trois îles ont répondu “oui” à plus de 94 %, tandis qu’à Mayotte c’est le “non” qui l’a emporté à 63,82 %.

Dès lors, deux solutions se présentaient. Soit considérer les résultats du référendum d’un point de vue global et reconnaître l’indépendance de l’ensemble de l’archipel, sans tenir compte du souhait des électeurs mahorais de demeurer une composante de la République française. Soit dissocier les îles de l’archipel pour leur accorder un statut différent selon les résultats du référendum. C’est ce dernier choix qui a été fait par les autorités françaises en 1975, quelques mois après la proclamation unilatérale de l’indépendance des Comores. Par la suite, à l’occasion de deux référendums organisés en 1976, les électeurs mahorais se sont prononcés chaque fois très nettement pour le maintien de Mayotte dans la République puis en faveur de la départementalisation.

Depuis, les Comores ont toujours revendiqué leur souveraineté sur Mayotte sur la scène internationale, arguments accueillis tant par l’Assemblée générale des Nations-Unies et par l’ONU elle-même. Deux principes de droit international s’opposent : tandis que Mayotte invoque le principe d’intangibilité des frontières (interdisant de séparer les différentes composantes de l’archipel), la France brandis le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (imposant de tenir compte de la volonté de la population de Mayotte).

Les tensions entre la France et les Comores perdurent malgré le maintien du dialogue, notamment en raison de la réaction française à la pression migratoire avec l’opération Wuambushu, en cours à Mayotte depuis le 24 avril 2023.

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Petit point sur les sanctions européennes contre la Russie depuis le début de la guerre, à la veille du onzième « paquet »

Dans la déclaration commune de la France et de l’Ukraine publiée suite à la réunion des présidents de l’Ukraine et de la République française du 14 mai, ces derniers se sont accordés sur la nécessité d’accroître les pressions collectives sur la Russie par de nouvelles sanctions afin d’affaiblir la capacité de ce pays à poursuivre la guerre. Ils ont évoqué la nécessité d’intensifier les efforts pour garantir une mise en œuvre efficace des sanctions et empêcher et prévenir le contournement des sanctions dans et par des pays tiers.

Quelques jours plus tôt, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen a déclaré que « Nous continuons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour éroder la machine de guerre de Poutine et ses revenus…l’accent est désormais mis sur la répression du contournement, en collaboration avec nos partenaires internationaux ». Elle annonce également que la Commission a proposé un onzième paquet de sanctions à l’encontre de la Russie. Tentons de remettre en perspective.

Avant même la guerre en Ukraine, la Russie faisait déjà l’objet de sanctions de la part de l’UE à la suite de l’annexion de la Crimée et de l’absence de mise en œuvre des accords de Minsk de 2014.

Face à l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie en février 2022, le Conseil de sécurité de l’ONU a tenté de réagir, en vain à cause du véto russe. Mais l’UE, ses États membres, le Royaume-Uni et les États-Unis ont réagi, notamment lors de l’annexion des régions du Dombass et de Louhansk à la Russie.

Les sanctions ont été prises par « paquets«  successifs dont les cibles sont des personnes physiques, des personnes morales, des biens se trouvant sur le territoire de l’UE et des entreprises européennes en leur interdisant de commercer avec la Russie, la Biélorussie et même l’Iran. Ces sanctions visent des secteurs particulièrement stratégiques : les banques russes ont été déconnectées de systèmes de paiement par carte de crédit (Visa, Mastercard), le pétrole russe est interdit à l’importation, certains biens à double usage (civil et surtout militaire) ont été interdits à l’exportation vers la Russie, l’espace aérien européen est interdit aux aéronefs russes, etc. De plus, l’UE a récemment étendu ses sanctions à certains services, médias et visas. Toutefois, ne sont pas concernées les exportations de denrées alimentaires et de produits agricoles, ni les transactions liées au retraitement de l’Uranium.

Le onzième paquet qui sera prochainement adopté entend éviter le contournement des sanctions précédentes. Il s’agit ainsi d’empêcher les firmes étrangères et les pays tiers d’aider la Russie à importer des biens de façon détournée, même si sur le plan diplomatique, ces sanctions risquent de provoquer des tensions.

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Bataille autour des drapeaux français et européen : et les couleurs deviennent politiques

Le 9 mai 2023, l’Assemblée nationale discute de la proposition de loi visant à rendre obligatoire le pavoisement des drapeaux français et européen sur le fronton des mairies. Alors que le député, Jean-Philippe Tanguy (RN) déclare dans le débat  qu’ “il n’y a que trois couleurs, trois couleurs face auxquelles les Français s’inclinent devant leurs morts, dans leurs écoles, dans nos cérémonies : le blanc, le bleu, le blanc et le rouge (sic)”, il convient de se pencher sur l’histoire de ces drapeaux.

A la fin du XVIIIème siècle, la combinaison des couleurs blanc, bleu et rouge est à la mode. Ces couleurs sont celles de la révolution américaine, et elles se retrouvent sur le drapeau de la jeune république des États-Unis d’Amérique. La France, qui a participé au combat pour l’indépendance des Etats-Unis, s’affiche en tricolore comme les Américains et les Britanniques. Au lendemain du 14 juillet 1789, les trois couleurs s’imposent sur les cocardes et lentement parmi les drapeaux officiels. En 1794, la Convention nationale décide que pour “tous les vaisseaux de la République” il n’y aura plus qu’un pavillon unique avec trois bandes verticales de même largeur aux couleurs nationales, le bleu près de la hampe. Ce pavillon deviendra progressivement le drapeau français.

Le drapeau tricolore subira une éclipse de 1814 à 1830, durant laquelle le drapeau blanc s’imposera avec Louis XVIII et Charles X. Puis le duc d’Orléans fera son entrée en scène le 31 juillet 1830, au balcon de l’Hôtel de ville de Paris avec La Fayette, tenant dans ses mains le drapeau tricolore. La France avait retrouvé ses “couleurs nationales”, lesquelles connurent encore deux menaces.

En février 1848, Paris s’éveille couvert de barricades ; Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils, mais la tentative d’instaurer une régence échoue et la République est proclamée. Brandi par les insurgés, le drapeau rouge les accompagne à l’Hôtel de ville où ils demandent son adoption officielle en tant que “symbole de la misère du peuple et signe de rupture avec le passé”. Cette tentative échoua. Le drapeau rouge tentera, à nouveau en vain, de s’imposer une dernière fois avec la Commune de Paris en 1870.

Ultime menace, le drapeau blanc est revendiqué par le comte de Chambord lors des élections législatives de 1871 qui ont résulté une majorité monarchiste, mais divisée entre les Bourbons et les Orléanistes. La tentative échoua alors que naissait la Troisième République. C’est alors que les couleurs deviendront politiques. Le blanc restera associé à la monarchie de l’Ancien Régime et à la nostalgie des monarchistes légitimistes. Le rouge demeurera la couleur de la rupture : il deviendra la couleur des socialistes, révolutionnaires et communistes. Le bleu symbolisera le compromis entre les partis.

En 1955, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe adopta un emblème azur portant une couronne de douze étoiles d’or. Ce drapeau fut adopté en 1983 par le Parlement européen avant qu’il ne devienne également l’emblème de la Communauté européenne en 1986 (devenue UE). C’est parce que le bleu est reconnu par tous comme une couleur politique modérée et consensuelle qu’il est devenu une couleur internationale adoptée par les grands organismes comme l’ONU, l’Unesco, l’UE. Le bleu est un sensible trait d’union entre la France des rois et l’Europe des peuples.

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Procès Dernière Rénovation : “Ce que j’ai fait, Madame la présidente, je ne l’ai pas fait pour moi, je l’ai aussi fait pour vous »

Cinq militants du collectif de “résistance civile” Dernière Rénovation – connu pour ses actions coup de poing visant à dénoncer l’inaction climatique du gouvernement – ont été condamnés à 35 heures de travaux d’intérêt général pour avoir bloqué l’autoroute A6. Trois autres militants ayant refusé ces travaux, ils ont écopé d’amendes de 500 à 1080 euros.

Le Tribunal de Créteil a considéré qu’ils avaient effectivement entravé la circulation et mis en danger la vie d’autruialors que leur défense plaidait, pour justifier leur action, l’état de nécessité et l’exercice de la liberté d’expression (art. 122-7 code pénal). Le code pénal prévoit en effet l’absence de responsabilité pénale pour une personne agissant de façon nécessaire et proportionnée “face à un danger actuel ou imminent” qui la “menace elle-même, autrui ou un bien”.

Alors que les activistes espéraient faire évoluer la jurisprudence, la justice n’a jamais accepté d’appliquer l’article 122-7 au dérèglement climatique, estimant que le danger encouru n’était pas imminent, ou que l’action des militants n’était pas de nature à le neutraliser — en tout cas pas le moyen le plus adéquat pour le faire.

Le deuxième argument de la défense était la “désobéissance civile”: les militants écologistes n’auraient fait que se placer “du bon côté de l’histoire”, celle écrite par ceux qui ont désobéi à la loi pour la faire évoluer.

Cette notion, théorisée en 1849 par Henry David Thoreau, correspond à la nécessité pour le citoyen de se rebeller contre les “lois injustes”. Pour entrer dans le cadre de la désobéissance civile selon cette théorie, l’infraction doit être consciente, publique, collective et non violente. Ses auteurs, qui défendent une cause d’intérêt général, doivent en accepter les sanctions.

Cette notion n’est toutefois pas reconnue en droit français en dehors du cas de résistance à l’oppression (art. 2 DDHC). Néanmoins, peu avant, le 22 septembre 2021, la Cour de cassation semblait avoir ouvert la voie au rattachement de la désobéissance civile à la liberté d’expression (art. 11 DDHC). La défense arguait que “dissuader quelqu’un qui porte un débat d’intérêt général, c’est le museler, c’est le bâillonner, et c’est violer sa liberté d’expression. Notre présence ici même est constitutive d’une ingérence dans leur liberté”.

Les arguments de la défense n’ont cependant pas réussi à faire pencher la balance du côté des militants alors même que l’une d’entre eux déclarait : “ce que j’ai fait, Madame la Présidente, je ne l’ai pas fait pour moi. Je l’ai aussi fait pour vous.”.

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