Cette semaine chez les Surligneurs : peut-on hospitaliser de force les toxicomanes ?

Publié le 16/12/2022

Éric Ciotti, élu dimanche dernier à la tête des LR,  a le projet d’hospitaliser sous contrainte les toxicomanes installés dans la rue. Les Surligneurs expliquent pourquoi cela risque d’être plus compliqué qu’il n’y parait. Les spécialistes du legal checking nuancent également l’affirmation de Valérie Pécresse sur le rôle que celle-ci dit avoir joué dans la limitation de l’augmentation du pass Navigo. 

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Éric Ciotti entend procéder à « l’hospitalisation sous contrainte des toxicomanes installés dans la rue » 

C’est dans le programme qui lui a valu d’être tout récemment élu président du parti Les Républicains : Éric Ciotti veut créer une procédure d’hospitalisation sous contrainte ”des toxicomanes installés dans la rue pour les soigner et garantir la sécurité publique et la quiétude de tous”.

L’obligation de soins est une mesure qui existe déjà dans un certain nombre de cas.

Ainsi, lorsqu’une personne est signalée par les services médicaux et sociaux, le directeur de l’Agence régionale de santé peut faire ”procéder à un examen médical et à une enquête sur la vie familiale” et si la personne est en effet intoxiquée, il ”lui enjoint d’avoir à se présenter dans un établissement agréé, choisi par l’intéressé, ou à défaut désigné d’office, pour suivre une cure de désintoxication et d’en apporter la preuve ”. Le procureur de la République peut aussi enjoindre à un toxicomane de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique prenant la forme d’une mesure de soins ou de surveillance médicale. Le juge d’instruction, celui des enfants, ou encore le juge de la détention et des libertés peuvent également ordonner des soins. Enfin, le juge pénal peut condamner une personne qui s’est rendue coupable d’un délit, à une peine complémentaire sous forme d’injonction thérapeutique, que le directeur de l’agence régionale de santé fera appliquer. En cas d’inexécution, l’intéressé encourt un an d’emprisonnement et une amende.

Dans tous ces cas, le toxicomane n’est pas hospitalisé sous contrainte, il n’y a pas d’atteinte à sa liberté d’aller et venir. Il doit seulement se désintoxiquer.

Or, l’hospitalisation sous contrainte est une forme d’enfermement, actuellement régie par le Code de la santé publique avec deux situations possibles. La première est celle d’un ”péril imminent” pour la personne en cause ou son entourage : toute personne ”atteinte de troubles mentaux (…) lorsque les deux conditions suivantes sont réunies” : il faut que les ”troubles mentaux rendent impossible le consentement de la personne, et que ”son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d’une surveillance médicale régulière”. Cette hospitalisation correspond donc à une situation bien particulière où la personne est hors d’état de consentir de façon raisonnée à des soins, et en état de péril. Ce n’est pas le cas du toxicomane visé par le projet d’Éric Ciotti. La seconde situation est celle de la personne ”dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public”. Là encore, le toxicomane n’entre pas dans cette catégorie. Dans les deux cas, le juge des libertés et de la détention est saisi pour contrôle, car il s’agit de priver une personne de sa liberté.

Le risque juridique, si Éric Ciotti veut créer ce nouveau cas d’hospitalisation contrainte, c’est que le Conseil constitutionnel juge disproportionnée l’atteinte à la liberté d’aller et venir, car si certains toxicomanes menacent assurément leur sécurité et celle des autres, ce n’est pas le cas de tous. Le seul moyen de faire passer une telle mesure serait de la réserver aux cas d’atteinte avérée à la sécurité publique, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.  On est donc loin d’une mesure générale d’enfermement des toxicomanes de rue.

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Valérie Pécresse, présidente de l’établissement Ile-de-France Mobilités : « pour vous, abonnés au Navigo, j’ai réussi à contenir (la) hausse à 84,10 euros au lieu de 100 euros ». 

Valérie Pécresse est présidente de l’établissement Île-de-France Mobilités en tant que présidente de la région Île-de-France. Elle a adressé un message sur les boîtes mail de l’ensemble des abonnés au passe Navigo qui permet d’emprunter pratiquement tous les transports publics de la région. Le tarif actuel de ce passe mensuel est de 75.20 euros. Selon les informations rapportées par la presse, il aurait dû passer à 100 euros en 2023, ce qui a fait trembler les franciliens. Mais l’augmentation sera finalement limitée : 84.10 euros, ce qu’a ainsi officialisé Valérie Pécresse dans son message, en s’attribuant le mérite de cette modération : “Pour vous, abonnés au Navigo, j’ai réussi à contenir cette hausse à 84.10 euros au lieu de 100 euros. J’aurais aimé limiter cette hausse encore davantage, en mettant à contribution les entreprises, au même titre que les collectivités locales et les voyageurs. Malheureusement, le gouvernement s’y est opposé”.

Loin de nous l’idée de sous-estimer les contraintes liées à l’inflation, aux nouvelles infrastructures en construction, et donc au financement des transports publics. Le financement des transports franciliens (environ 10.6 milliards d’euros pour 2023) diffère de celui des autres régions en raison de leur densité. Parmi les sources, le prix payé par l’usager (4 milliards), le versement destiné au financement des services de mobilité dû par les employeurs publics et privés (avec au moins onze salariés), dont le dont le taux varie actuellement de 1.6 % à 2.95 % selon les communes concernées (environ 4.5 milliards). À cela s’ajoute l’obligation pesant sur les employeurs de rembourser à tous leurs salariés la moitié du coût de leur titre de transport. Et puis il y a les “concours publics”, autrement dit les subventions versées par la région Île-de-France et les départements et communes qui la composent, soit environ 1,690 milliard. À cela s’ajoute un financement de l’État sous deux formes : une subvention, et une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE, qui est payée notamment quand on fait le plein de son véhicule).

Face aux besoins croissants, il n’y avait pas de solution indolore. Augmenter le versement mobilité serait revenu à augmenter les prélèvements obligatoires, ce que seule la loi peut faire ; or c’est contraire aux promesses de campagne d’Emmanuel Macron. Après une intense pression de Valérie Pécresse auprès de tous les financeurs mais aussi auprès des opérateurs de transports, l’État a consenti une aide exceptionnelle de 200 millions d’euros, qu’il a fallu compléter. Un effort a été demandé à la SNCF et à la RATP (qui seront un peu moins subventionnées) ; aux collectivités territoriales, qui ont finalement consenti à augmenter leur part de 7,5 % ; et à l’usager, avec l’augmentation du prix du ticket. C’est donc aussi grâce à tous les contribuables de France que le prix des transports franciliens n’augmentera que de 8.90 euros en 2023 et pas de 24.80 euros comme redouté.

Contacté, l’établissement Île-de-France Mobilités entend souligner le rôle de sa présidente, qui a réuni tous les acteurs autour d’une table pour résoudre l’équation et assurer l’équilibre budgétaire pour 2023. Il juge également que l’effort budgétaire de l’État (200 millions) est minime au regard des besoins, des efforts consentis par les autres acteurs, et par rapport à ce que d’autres États européens ont apporté à leurs opérateurs de transports en commun.

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