Cette semaine chez les Surligneurs : un nouveau délit d’homicide routier, pour quoi faire ?

Publié le 03/03/2023

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a proposé, en réaction à l’affaire Palmade, la création d’un délit d’homicide routier. Une réforme sans grand intérêt aux yeux des Surligneurs. Dans la même affaire, les spécialistes du legal checking nous expliquent comment il faut comprendre le revirement des juges s’agissant du placement en détention provisoire de l’humoriste. Ils reviennent enfin sur la violence des débats à l’assemblée nationale. 

Cette semaine chez les Surligneurs : un nouveau délit d'homicide routier, pour quoi faire ?

Comme leçon de l’affaire Pierre Palmade, Gérald Darmanin propose la création d’un délit d’” homicide routier » en cas d’accident mortel commis sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool

 Alors que Pierre Palmade est placé en détention provisoire pour homicide involontaire, le Ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin a annoncé diverses mesures afin de renforcer la sécurité routière, dont la création d’une infraction “d’homicide routier” visant surtout “les accidents mortels dus à la drogue ou à l’alcool”.

Cette annonce très floue pourrait n’avoir qu’une portée symbolique, c’est-à-dire, écarter l’expression “homicide involontaire”, vécue comme une souffrance pour les familles des victimes et certaines associations. Le gouvernement n’a pas encore déposé de projet de loi à ce sujet. Sans plus de précisions, on peut supposer que le ministre a entendu reprendre une proposition de loi déposée par le groupe LIOT en novembre 2022 prévoyant la création d’une infraction autonome appelée”homicide routier”.

En réalité, il s’agit de renommer le délit existant d’” homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur”, de l’article 221-6-1 du code pénal, en “homicide routier”. Cette modification de la loi serait seulement sémantique et ne modifierait pas les peines applicables à ce délit, entre cinq ans et dix ans selon les circonstances aggravantes.

Contrairement à la proposition de loi du groupe LIOT, Gérald Darmanin a annoncé que seuls les accidents de la route commis sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool seraient qualifiés d’homicide routier. S’il s’en tient à son annonce, un accident mortel dû, par exemple, à un excès de vitesse supérieur à 50 km/h serait toujours qualifié d’” homicide involontaire”, tandis que le délit d’” homicide routier” remplacerait celui d’homicide involontaire sous l’emprise de stupéfiants ou de l’alcool, avec la même peine.

 Une telle réforme, bien que n’alourdissant aucune peine, satisferait certaines victimes moralement mais créerait de nouvelles frustrations. En effet, pourquoi le mot “involontaire” serait-il plus supportable pour les victimes d’accidents ayant eu lieu en raison d’un grand excès de vitesse, que pour les victimes d’une consommation d’alcool ou de stupéfiants ?

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Pierre Palmade finalement en détention provisoire : explication

Le 17 février dernier, Pierre Palmade était mis en examen dans le cadre de l’information judiciaire pour homicide et blessures involontaires. Le juge d’instruction avait ordonné son assignation à résidence avec surveillance électronique. Mais le parquet, qui souhaitait que le comédien soit placé en détention provisoire, a fait appel. Lundi 27 février, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a finalement annulé l’ordonnance du juge d’instruction et ordonné le placement en détention provisoire de Pierre Palmade.

Lorsqu’une information judiciaire est ouverte, le juge d’instruction peut prononcer certaines mesures à l’encontre de la personne mise en examen, comme l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou la détention provisoire. Ces mesures ont pour but de la contraindre à certaines obligations, le temps que l’enquête se poursuive. La détention provisoire est soumise à plusieurs conditions et ne doit intervenir qu’en dernier recours en raison de son caractère particulièrement grave du fait de la privation de liberté à l’encontre du mis en examen, lequel reste présumé innocent.

La chambre de l’instruction, sur appel du parquet, a considéré qu’un tel placement en détention provisoire était justifié par plusieurs motifs : la prévention du renouvellement de l’infraction et la préservation des investigations. Cela ne signifie pas que le juge d’instruction avait commis une erreur en refusant la détention, mais seulement que les juges d’appel ont apprécié différemment les circonstances et les risques d’atteinte au déroulement de l’enquête.

Pierre Palmade fait l’objet d’une enquête parallèle pour détention d’images à caractère pédopornographique, mais ces nouveaux éléments ne concernent en rien l’information pour homicide et blessures involontaires ni son placement en détention provisoire. Il s’agit de deux procédures distinctes.

Pour le moment, il effectue cette détention à l’hôpital. Une fois apte à sortir, les médecins se prononceront sur la compatibilité de son état de santé avec une détention ordinaire en maison d’arrêt ou non.

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Réforme des retraites : une violence inédite au Parlement ?

N’ayant pu être voté dans le temps imparti, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a été transmis en l’état au Sénat pour examen du 2 au 12 mars. Depuis lors, la stratégie d’obstruction et de « bordélisation » (selon Gérald Darmanin) de la NUPES fait l’objet de vives critiques du camp présidentiel, d’une partie des oppositions et des syndicats. Cependant, pour Benjamin Morel, maître de conférences en droit public, « il ne faut pas exagérer la spécificité de ce qui s’est passé », car une forme de virulence au Parlement “a toujours existé dans ses formes actuelles”.

Les débats, même houleux, ont rarement été violents en raison du fait majoritaire. Or, aujourd’hui, la configuration actuelle de l’Assemblée nationale est très différente : le nombre de groupes parlementaires est passé à dix, alors qu’auparavant il oscillait entre quatre et six.

De nouveaux élus LFI “n’ont pas les codes de l’institution et qui d’ailleurs ne cherchent pas à les adopter”, selon un haut fonctionnaire du Palais Bourbon. La constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina relève une nouveauté : « Alors qu’autrefois la violence était le corollaire d’arguments de fond, on a le sentiment qu’aujourd’hui l’invective est l’unique moyen d’attaquer ».

Les attaques personnelles semblent de plus en plus courantes dans l’hémicycle. L’invective serait même « devenue une manière de parler”, “c’est le souci du ‘petit mot’ qui fait parler”, notamment sur les réseaux sociaux. Mais, en 1975, lors des débats sur l’IVG, Simone Veil était déjà la cible de (nombreuses) violentes attaques. Le problème est qu’au cours de ces dernières semaines le niveau des invectives est tombé très bas.

Longtemps, le talent de l’orateur a dépendu de sa capacité à se faire entendre à la tribune, ce qui n’allait pas de soi jusqu’à l’installation des micros. Avant l’essor des réseaux sociaux, l’arrivée des caméras dans l’hémicycle a changé le comportement des parlementaires. Aujourd’hui, alors qu’auparavant les orateurs s’écoutaient et se répondaient, les interventions en séance s’apparentent désormais davantage à une succession de monologues avec pour principale nouveauté « l’entrée massive des opinions personnelles dans l’hémicycle ».

L’examen du projet de réforme des retraites de 2003 donna lieu à un débat en apparence « délirant » (Benjamin Morel), rappelant beaucoup les séances de 2023. L’opposition de gauche de l’époque, dominée par les socialistes, avait aussi choisi l’obstruction, exaspérant la majorité de droite. Par exemple, Jean Lassalle (UDF) avait entonné l’hymne des Pyrénées dans l’hémicycle pour attirer l’attention sur un problème dans sa circonscription. À l’époque, si certains incidents firent l’objet de rappels au règlement, ils étaient plutôt bon enfant. C’est toute la différence avec les débats actuels.

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