Chez les Surligneurs : En cas de victoire du RN, les fonctionnaires pourront-ils désobéir ?

Publié le 05/07/2024

Si le RN accède au pouvoir, les fonctionnaires auront-ils le droit de désobéir ? Les Surligneurs vous répondent. Cette semaine, les spécialistes du legal checking se penchent aussi sur le rôle de chef des armées du président de la République et sur l’avenir d’Emmanuel Macron après les élections. Pourra-t-il rester en poste ? 

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Législatives 2024 : Sophie Binet (CGT) : « Je trouve légitime que les fonctionnaires refusent d’appliquer toutes les directives contradictoires aux principes républicains » en cas de victoire du RN

Peu avant le premier tour des élections législatives, à l’issue duquel le Rassemblement national a fini en tête, Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a déclaré qu’il serait légitime que les fonctionnaires refusent de suivre les ordres de l’administration en cas de victoire du RN. Le juge tranchera cette question au cas par cas.

Les fonctionnaires doivent observer un devoir d’obéissance à leur hiérarchie (article L121-10 du code de la fonction publique). S’il se soustrait à ce devoir, il encourt des sanctions disciplinaires. Voilà pour le principe, qui est toutefois assorti d’exceptions.

Un fonctionnaire peut désobéir à un ordre de sa hiérarchie si deux conditions sont réunies. L’ordre doit être illégal (par exemple l’ordre d’emprisonner quelqu’un sans aucune poursuite) et compromettre gravement un intérêt public (par exemple provoquer la mort de personnes). Le juge administratif estime que ces conditions doivent être cumulées, une seule ne suffit pas.

Mais le juge va plus loin en affirmant que l’agent « a le devoir de faire part de ses objections » face à certains ordres (Conseil d’État, 5 décembre 2011). L’agent n’a donc plus le choix : il doit se soustraire à un ordre si les deux conditions vues plus haut sont réunies. C’est ainsi que le secrétaire général de la préfecture de la Gironde Maurice Papon a pu être condamné en 1997 pour avoir obéi aux ordres de déporter des juifs dans la région bordelaise vers les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale.

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Législatives 2024 : Pour Marine Le Pen, en période de cohabitation, le titre de chef des Armées du président de la République n’est qu’honorifique

Marine Le Pen, députée réélue du Rassemblement national, a déclaré qu’en cas de cohabitation à l’issue du second tour des élections législatives, « le titre de chef des Armées du président de la République ne sera qu’honorifique« . Elle avance par là que c’est le gouvernement et sa majorité à l’Assemblée nationale qui décideront des questions de défense et de relations extérieures. En droit, elle a raison, à quelques nuances près.

L’article 20 de la Constitution prévoit que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation« . Il faut entendre par là que le Premier ministre et son gouvernement, sous le contrôle du Parlement, conduisent la politique intérieure et extérieure de la Nation. Le président de la République a un rôle symbolique de ratification. La Constitution confère tout de même un rôle au Président dans la négociation des traités (article 52), soit en suivant sa propre politique, soit en se faisant l’écho du gouvernement, mais c’est bien le Parlement qui doit adopter l’accord final avant toute ratification (article 53). C’est également le Parlement qui vote le budget, et donc décide de l’envoi de l’aide à l’Ukraine, par exemple.

Sur la question de la défense nationale, l’article 20 prévoit que le gouvernement « dispose de l’administration et de la force armée » et l’article 21 que le Premier ministre « est responsable de la Défense nationale« . Cependant, en vertu de l’article 15 de la Constitution, le chef de l’État « préside les conseils et comités supérieurs de la Défense nationale« . Une place non négligeable donc sur les questions stratégiques, et qui confère le dernier mot au Président, s’agissant notamment de l’ordre d’activation des forces nucléaires (décret de 1996). Reste que si le Président a un rôle prédominant, c’est le Premier ministre et le ministre des Armées qui mettent en œuvre et financent la décision du Président. De plus, l’article 35 de la Constitution prévoit que c’est le Parlement qui autorise la déclaration de guerre. Le gouvernement décide d’envoyer des soldats à l’étranger en informe le Parlement, mais a besoin de son autorisation après quatre mois d’intervention.

Jusqu’à présent, c’est le Président qui règle les questions de défense et de relations internationales. Cette pratique ne respecte pourtant pas la lettre de la Constitution, à l’exception de règles ponctuelles mentionnées plus haut donnant une prédominance au Président. Le Président et le Premier ministre se répartissent les attributions : la politique intérieure pour le gouvernement et la représentation de l’État à l’extérieur pour le Président. Pour coller à la lettre de la Constitution, le gouvernement devrait reprendre la main sur la défense et les relations extérieures, laissant le Président en arrière-plan, comme le veut le fonctionnement d’un régime parlementaire.

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Législatives 2024 : selon François Baroin, Emmanuel Macron « ne pourra pas constitutionnellement » rester à l’Élysée jusqu’en 2027

François Baroin, maire LR de Troyes, envisage déjà l’avenir d’Emmanuel Macron après les législatives, affirmant que celui-ci ne pourra pas « constitutionnellement » rester en poste. C’est faux, puisque « constitutionnellement » rien, ou presque, ne peut contraindre le président de la République à quitter ses fonctions.

Il n’existe que deux modalités juridiques pour un président de quitter l’Élysée avant la fin de son mandat. La première est la démission. Charles de Gaulle est le seul Président de la Ve République à avoir démissionné, en 1969. La seconde est la destitution, qui ne s’est encore jamais produite. La procédure de destitution est prévue à l’article 68 de la Constitution. Le Président peut être destitué par le Parlement réuni en haute cour, « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat« . Les décisions de réunion de la haute cour et de la destitution sont prises à la majorité des deux tiers, ce qui ne rend pas la chose évidente.

Outre ces deux cas de figure, dont une, la démission, qui ne dépend que du Président, rien ne permet de mettre fin prématurément au mandat d’Emmanuel Macron.

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