Chez les Surligneurs : La lutte contre les antivax ne doit pas porter atteinte à la liberté d’expression

Publié le 01/12/2023

Un projet de loi déposé au Sénat le 15 novembre se fixe pour objectif de lutter contre les antivax. Attention toutefois à ne pas pénaliser toute critique du discours sanitaire, mettent en garde les Surligneurs. Cette semaine, les spécialistes du legal checking reviennent aussi sur les compétences du département et l’euro numérique. 

Chez les Surligneurs : La lutte contre les antivax ne doit pas porter atteinte à la liberté d'expression

Projet de loi contre les dérives sectaires créant un délit de provocation à l’abandon de traitement médical : les risques pour la liberté d’expression

Un projet de loi a été déposé par le gouvernement au Sénat le 15 novembre, dont l’objet est de renforcer la lutte contre les dérives sectaires qui ont pris de l’ampleur avec la crise sanitaire, notamment le dénigrement systématique de certaines techniques médicales.

Dans ce projet, un nouvel article du code pénal (223-1-2) serait ainsi rédigé : « Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique ».

Bien des personnalités antivaccins se sont insurgées contre ce texte qui serait liberticide et interdirait toute critique à l’encontre de certaines techniques médicales. Ce nouveau délit est calqué dans une large mesure sur celui de « provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap », de la loi du 29 juillet 1881 (article 24).

Or, les discours remettant en cause des techniques médicales éprouvées causent des troubles non seulement aux récepteurs en tant qu’individus, qui risquent de tomber malade ou de voir leur mal aggravé, mais aussi à la société entière en raison des risques de contagion. Incontestablement, ce texte va obliger les personnes opposées à certaines techniques médicales conformes aux données acquises de la science, à nuancer leur discours.

Reste que ce texte, en l’état, risque de ne pas franchir l’obstacle du Conseil constitutionnel.

Il arrive que des médecins versent dans le charlatanisme, c’est-à-dire le fait de présenter un remède comme miraculeux alors qu’il ne l’est pas. Ils risquent la radiation par l’ordre (article R. 4127-39 du code de déontologie médicale). Et lorsque le charlatan n’est pas médecin, soit il préconise personnellement à un individu un remède illusoire et se rend coupable d’exercice illégal de la médecine (article L. 4161-1 du code de la santé publique) ; soit il s’exprime sur internet ou en réunion à l’intention d’une communauté d’individus qu’il a réussi à fidéliser. C’est essentiellement ce type de comportement que vise le projet de loi, car il passait entre les mailles des filets du Code pénal. Mais le délit nouveau est défini de façon si large qu’il risque de viser toute critique et de tourner à la censure au profit d’un discours sanitaire officiel. Ce risque est accru par le caractère flou du texte en l’état.

Ce texte présente en effet une incohérence : est puni le fait de provoquer à abandonner ou s’abstenir de suivre un traitement, lorsque ce traitement ou cet abandon « est présenté comme bénéfique pour les personnes visées” alors qu’en réalité elles courent un risque sanitaire grave “compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes ». Or, comment celui qui émet dans un média ou lors d’une réunion un discours tendant à abandonner ou refuser un traitement, peut-il savoir que son public « souffre d’une pathologie » ?

Et surtout, il existe d’autres délits sur lesquels s’appuyer, comme la mise en danger d’autrui (article 223-1 du code pénal), voire la non-assistance à personne en péril lorsque la personne visée encourt un risque vital immédiat, ce qui était le cas pour les personnes atteintes de la covid durant la pandémie (article 223-6 du code pénal).

En somme, ce projet poursuit incontestablement un but de santé publique en visant les personnes qui, en particulier depuis la crise sanitaire, se sont fait un devoir de mettre en doute des techniques médicales pourtant éprouvées, de façon bruyante et sans réelle argumentation autre que l’insinuation. Il y va de l’ordre public sanitaire, composante de l’ordre public pouvant justifier des limitations à la liberté d’expression comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel le 9 juin 2020. Mais à condition que ces limitations soient nécessaires et proportionnées, et donc claires.

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 Emmanuel Macron déclare que les dépenses des départements sont des “dépenses sociales”

Lors d’un discours prononcé devant l’Association des Maires de France, Emmanuel Macron a jugé que les droits de mutation, qui consistent en une taxe sur les transactions immobilières s’effectuant dans le département et perçue par ce département, n’avaient rien à voir avec les dépenses de ces collectivités, qui seraient exclusivement des dépenses sociales. Une vision très réductrice des missions confiées aux départements par les différentes lois de décentralisation depuis 1982, qui vont bien au-delà de l’aide sociale.

L’article L3211-1 du Code général des collectivités territoriales énumère une partie des compétences du département, parmi lesquelles l’aide sociale occupe une place majeure. C’est lui qui définit et élabore les politiques d’action sociale. Il prend en charge les prestations sociales telles que les aides sociales à l’enfance et aux familles, la protection maternelle et infantile, l’aide personnalisée aux personnes âgées et le revenu de solidarité active (RSA), entre autres.

Cependant, les compétences des départements ne s’arrêtent pas à l’action sociale. Ils ont par exemple une compétence en matière d’éducation, de sécurité ou encore dans des domaines partagés avec les régions et communes : le logement, l’urbanisme, le tourisme et la culture.

De leur côté, les communes ont très tôt développé des actions en matière sociale, dès le XIX° siècle, par exemple avec les établissements de bains-douches ou les logements sociaux. À cela s’ajoutent les centres communaux d’action sociale (CCAS), diverses allocations aux plus démunis, etc. Tout cela représente une partie considérable du budget communal, même si ce n’est pas le rôle essentiel des communes.

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Euro numérique : les enjeux de la protection de la vie privée

Lancé en juin 2021, l’euro numérique a vocation à servir de monnaie numérique de banque centrale, qui serait équivalente aux espèces, mais sous forme électronique. Il viendrait donc en complément des billets et pièces et constituerait une solution de paiement supplémentaire.

Dans notre société toujours plus numérisée, l’euro numérique constituerait donc la prochaine étape dans la vie de notre monnaie unique. Il serait conservé dans un portefeuille électronique placé auprès d’une banque, et permettrait d’effectuer tous les paiements électroniques habituels avec un téléphone ou une carte bancaire, en ligne et hors ligne, et cela à partir de 2027-2030. L’euro numérique nécessiterait une infrastructure financière distincte de celle des cartes de crédit. Il pourrait être basé sur une technologie de registre distribué (comme la blockchain – ou chaîne de blocs), pour garantir sa sécurité et sa traçabilité.

Le 28 juin 2023, la Commission européenne a dévoilé un ensemble de propositions législatives intitulé “Monnaie Unique”, divisé en deux volets. Le premier porte sur le cadre juridique pour une potentielle introduction de l’euro numérique, tandis que le second concerne le statut légal de la monnaie physique en euros.

La mise en place de l’euro numérique implique inévitablement le traitement de données personnelles des utilisateurs dont il est essentiel de garantir sa conformité au Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Le Comité européen de la protection des données (CEPD) a émis un avis en juin 2021, militant pour l’incorporation, dès le stade de la conception de l’euro numérique, d’un principe de respect de la vie privée et de protection des données personnelles applicable dès la conception (privacy by design). Le défi est donc de mettre en place un euro numérique aussi pratique que l’euro en espèces, mais respectueux de la vie privée, notamment car cela conditionne la confiance que les utilisateurs accordent au processus.

Les responsables du traitement devront mettre en place des mécanismes visant à minimiser la collecte et le traitement des données personnelles, tout en préservant la sécurité du dispositif.

Le CEPD souligne aussi la nécessité d’une modalité “hors ligne” de paiement, qui s’effectuerait “en local” : une transaction financière doit pouvoir s’effectuer hors ligne si elle est enregistrée localement sur un terminal de paiement. Elle ne serait transmise qu’ultérieurement lorsque la connexion serait établie. De plus, le CEPD plaide pour une distribution de l’euro numérique par des intermédiaires sans centralisation par la Banque centrale européenne ou même pour la pseudonymisation des données de transaction. Il souhaite encore l’introduction d’un seuil de confidentialité pour les petites transactions en ligne, pour lesquelles il n’y aurait pas de traçage des données. La lutte contre le blanchiment de capitaux ou la lutte contre le financement du terrorisme ne justifie en effet pas le traçage des transactions de très faible montant.

Il restera à mettre tout cela en œuvre concrètement. Nul doute que le CEPD devra encore se prononcer sur les moyens utilisés.

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