Chez les Surligneurs : un maire peut-il limiter le nombre d’animaux par foyer ?

Publié le 29/09/2023

La maire d’Emberménil (54) a décidé de limiter par voie d’arrêté le nombre d’animaux domestiques par foyer, mais tout ceci est-il bien légal ? Pas vraiment, on vous explique pourquoi. Cette semaine, les spécialistes du legal checking reviennent également sur le mode de scrutin mal connu des élections sénatoriales et sur les pouvoirs réels de Charles III. 

Chez les Surligneurs : un maire peut-il limiter le nombre d'animaux par foyer ?

Bruits d’animaux et plaintes : le maire d’Emberménil (54) interdit d’avoir plus d’un coq, une oie, une pintade et deux chiens

La maire d’Emberménil, petite commune en Meurthe-et-Moselle (54), a décidé de limiter par arrêté le nombre d’animaux par foyer : pas plus d’”un coq, une oie, une pintade et deux chiens” au motif que ces animaux engendreraient de nombreuses nuisances sonores et donc des plaintes des administrés. L’arrêté entend  “limiter sur l’ensemble de la commune les bruits gênants occasionnés par les animaux vis-à-vis de leur intensité, de leur durée, de leur caractère agressif ou répétitif”. Cet arrêté semble a priori illégal.

En effet, le maire est chargé de la police municipale sur son territoire : il peut sur ce fondement prendre des mesures afin de faire cesser les troubles à l’ordre public, dont “les atteintes à la tranquillité publique telles que […] les bruits”(articles L .2212-1 et L. 2212-2 CGCT)

Les mesures de police administrative prises pour faire cesser un tel trouble ont pour caractéristique principale de limiter un certain nombre de libertés individuelles. En l’occurrence, l’arrêté en question interdit de posséder le nombre d’animaux que l’on souhaite et vient limiter le droit de propriété et le droit de détenir des animaux (article 17 DDHC et article L. 214-2 du code rural)

Or, une mesure de police administrative doit être proportionnée au but poursuivi. Le juge administratif, s’il était saisi, procéderait à un contrôle de proportionnalité et raisonnerait en fonction des conditions suivantes :

L’adéquation de la mesure, d’abord, conduit le juge à se poser la question suivante : y a-t-il un lien suffisant entre l’objectif visé (la tranquillité publique) et la mesure prise ? L’arrêté permet-il effectivement de faire cesser les troubles ? L’éducation des chiens, par exemple, pourrait éviter des bruits excessifs.

La nécessité de la mesure, ensuite : existait-il d’autres solutions ? Souvent, il suffit d’un simple courrier de rappel concernant la tranquillité du voisinage ou les sanctions prévues en cas de tapage nocturne (article R. 632-2 du code pénal) ou de “bruit particulier […] de nature à porter atteinte à la tranquillité du voisinage” (article R. 1333-7 du code de la santé publique). Si ces mesures restent sans effet alors le maire peut passer aux mesures plus sévères, comme une interdiction.

Enfin, le juge exige une proportionnalité entre la gravité du trouble et l’atteinte aux libertés. Dans cette affaire, non seulement l’arrêté pose directement une interdiction absolue quant au nombre d’animaux que l’on peut posséder, mais il s’applique également sur l’ensemble de la commune, alors même que les troubles se concentrent sur une partie seulement. Ce caractère général et absolu de la mesure la rend très vraisemblablement illégale.

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 Sénatoriales 2023 : comment sont élus les sénateurs ?

Ce dimanche 24 septembre ont eu lieu les élections sénatoriales, une échéance aussi incomprise qu’ignorée des citoyens, qui n’y participent pas directement. Mais comment se déroule l’élection de nos sénateurs ?

Pour rappel, le Sénat est la seconde chambre du Parlement français, après l’Assemblée nationale, avec moins de pouvoirs. À la différence de l’Assemblée, le Sénat n’a pas le dernier mot lors du vote d’une loi et ne peut pas renverser le gouvernement en engageant sa responsabilité (articles 45 et 49 de la Constitution). Les deux chambres forment le pouvoir législatif, qui vote les lois et contrôle l’action du gouvernement (article 24 de la Constitution).

Autre différence, alors que les députés sont élus au suffrage direct et représentent l’ensemble de la nation, les sénateurs représentent les collectivités territoriales dont ils sont issus. Ils sont élus pour six ans par un collège électoral, qui comprend les conseillers municipaux, départementaux, régionaux, les députés et les autres sénateurs  (article L. 280 du code électoral et article LO275 du code électoral).

Lors des élections sénatoriales de septembre 2023, seuls 170 sièges sur les 348 ont été remis en jeu car tous les trois ans, c’est la moitié de l’hémicycle qui est renouvelée. De plus, l’élection du Président du Sénat a lieu à chaque renouvellement partiel (article 32 de la Constitution).

Enfin, selon les circonscriptions, le scrutin est soit majoritaire (et donc uninominal), soit de liste (plusieurs noms) à représentation proportionnelle. Tout dépend du nombre de sénateurs à renouveler par circonscription, nombre défini par la population de cette circonscription, qu’elle soit de la métropole ou d’outre-mer (article L. 294 du code électoral). En fonction de la densité de la population, chaque circonscription dispose d’un ou plusieurs sénateurs, comme Paris qui en a 12.

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Le Roi nu : les pouvoirs du monarque britannique

Fin septembre 2023, le roi Charles III était en visite d’État en France, la première depuis son accession au trône. Retour sur le pouvoir et les prérogatives dont dispose le monarque britannique, et son rôle plus symbolique que juridique.

Contrairement à la France, le Royaume-Uni ne dispose pas d’une Constitution codifiée dans un seul document dont découlerait l’ensemble des normes constitutionnelles et qui serait supérieure aux lois du Parlement. Avec la Chambre des Communes et la Chambre des Lords, le monarque forme l’entité institutionnelle du “King in Parliament“.

Cependant, les pouvoirs du souverain sont principalement restreints par la Constitution et le Bill of Rights de 168 qui consacre la souveraineté du Parlement.

En tant que monarque, Charles III dispose de certains pouvoirs comme la nomination du Premier ministre, le droit de grâce, ou le pouvoir de déclarer la guerre. Mais la quasi-totalité de ces prérogatives est en réalité sous contrôle du gouvernement dont les membres sont en principe des parlementaires élus démocratiquement. Il promulgue également les lois, mais il s’agit d’un acte symbolique puisqu’aucune promulgation n’a été refusée par la Couronne depuis 1708. Le monarque n’est que la voix du gouvernement et s’appuie la grande majorité du temps sur les conseils des membres du Parlement, comme l’illustre la cérémonie traditionnelle du “King’s speech’’.

Si le souverain britannique fait tout pour ne pas avoir d’incidence dans le processus démocratique, sa présence est omniprésente dans la vie de ses sujets. Il figure par exemple sur les billets de banque.

Mais le monarque ne se cantonne pas à une place purement symbolique de la représentation de l’État. À plusieurs reprises, la Reine fut notamment contrainte de jouer un rôle dans la désignation du chef de gouvernement lorsqu’aucun nom n’émergeait naturellement pour former un gouvernement en 1957 et en 1963. Le monarque dispose également d’un droit de regard sur les lois qui concernent directement la famille royale.

Tout est fait pour éviter que le monarque ne fasse usage de son pouvoir de façon personnelle et discrétionnaire, au risque de mettre en péril la Constitution britannique, mais certains usages constitutionnels ménagent encore un pouvoir décisionnaire résiduel au monarque.

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