Harcèlement scolaire via internet et les médias sociaux : quels moyens de lutte ?
Le harcèlement scolaire est un fléau mondial qui touche en France 700 000 enfants. Loin de s’arrêter aux portes des établissements scolaires, le harcèlement intervient partout et n’importe quand, via internet et les médias sociaux. Conscient des conséquences dévastatrices qu’ont sur les victimes le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement ou encore la cyberviolence, le droit français a créé une large réglementation destinée à combattre ce phénomène. Toutefois, malgré les dispositifs mis en place, le harcèlement scolaire, notamment en ligne, se fait toujours aussi présent. Aussi, ne faudrait-il pas repenser cette problématique afin de dégager de nouveaux moyens de lutte, notamment s’agissant de l’outil de communication privilégié des enfants et des adolescents, le smartphone ? La présente étude a pour objectif de répondre à cette question.
1. Le harcèlement scolaire est un phénomène mondial. Comme le révèle l’UNICEF dans un rapport publié en 2018, « la moitié des élèves âgés de 13 à 15 ans dans le monde, soit près de 150 millions d’adolescents, rapportent avoir été exposés à la violence entre pairs à l’école et aux abords de l’école »1. Aux États-Unis2, les études rapportent qu’un élève sur quatre a été victime de harcèlement scolaire au cours de son cursus. La France, quant à elle, est loin d’être épargnée. La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)3, indique que 700 000 enfants et adolescents sont victimes de harcèlement scolaire, soit 1 élève sur 104. D’après ces données, le harcèlement touche l’ensemble des niveaux du système éducatif (maternelle, école élémentaire, collège et lycée). Mais concrètement, comment se manifeste le harcèlement scolaire ?
2. Le harcèlement est une violence exercée par un ou plusieurs élèves à l’encontre de l’un de ses pairs. Cette violence peut être aussi bien physique et prendre la forme de bagarres lors des récréations ou à la sortie de l’établissement scolaire, que d’ordre moral et prendre la forme d’injures, de moqueries, d’humiliations, d’intimidation, de diffamation, d’incitation au suicide ou encore de vengeances notamment avec l’essor du revenge porn5 ou du sexting6. De nos jours, le harcèlement moral a tendance à proliférer via internet (e-mails, blogs, forums, jeux en ligne), l’usage des médias sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat ou encore YouTube) et des téléphones portables (SMS). On dénomme cette pratique le « cyberharcèlement » et/ou la « cyberviolence ». Les personnes en cause dans ces « raids numériques »7 sont souvent appelées des « cyberharceleurs » ou « haters ». De la sorte, par le biais d’écrans (smartphones, tablettes, ordinateurs), le harcèlement dépasse les murs de l’école pour s’immiscer dans le quotidien de l’élève (à la maison, dans ses activités de loisirs, etc.).
3. La fréquence des attaques de cyberharcèlement et de cyberviolence est variable d’une victime à l’autre. Certains élèves ne sont confrontés qu’à un seul épisode de harcèlement au cours de leur scolarité tandis que d’autres vivent avec le harcèlement tout au long de celle-ci. Dans tous les cas, comme le soutiennent Marion K. Underwood et Samuel E. Ehrenreich, dans leur étude « The power and the pain of adolescents “digital communication” : Cyber victimization and the perils of lurking »8, il ne faut pas sous-estimer l’impact d’une seule de ces attaques de harcèlement sur internet car elle peut avoir de graves répercussions. En effet, parmi les conséquences fréquentes du harcèlement scolaire, on trouve : la phobie scolaire, l’anxiété, le trouble du sommeil ou encore la dépression. Ce sont là des maux qui viennent affecter non seulement l’apprentissage de l’élève mais aussi son bon développement. Et encore, ce n’est pas là la pire de ses conséquences : la plus terrible d’entre elles est le suicide. Ainsi, Le Parisien a rapporté récemment9 qu’une enfant âgée de 11 ans, qui avait été harcelée pendant plusieurs mois par des élèves de sa classe, s’est donné la mort chez elle afin d’échapper à ses bourreaux.
4. Face à ces constats, il est certain que le droit doit être un allié au soutien de toutes ces victimes. Ce qui nous amène à nous interroger sur la réglementation française actuelle : est-elle suffisamment efficace pour lutter contre ce fléau ? Ne faudrait-il pas élaborer de nouveaux moyens de lutte ? Pour répondre à ces questions, il convient d’abord d’analyser la réglementation française en la matière : évaluer ses points forts et ses faiblesses (I) et s’attarder ensuite sur la possible mise en place de nouveaux mécanismes visant à renforcer les moyens de lutte (II).
I – La réglementation française en matière de harcèlement scolaire : étude des risques subsistants
5. En France, le droit ne dispose pas d’une réglementation spécifique sur le harcèlement scolaire, comme dans d’autres pays, à l’image des États-Unis, dont certains États se sont attelés à cette tâche. On peut citer l’État du New Jersey qui dispose depuis le 5 janvier 2011 d’une loi spécifique sur le harcèlement scolaire dite Anti-Bullying Bill of Rights Act (ABR), amendée pour la dernière fois en mars 201210. Pour sa part, le droit français rattache le harcèlement scolaire à des composantes de cette thématique (diffamation, usurpation d’identité, revenge porn, contenus pornographiques sur internet, droit à l’image, droit au respect de la vie privée, inégalité entre les hommes et les femmes) et s’attache plus précisément depuis ces dernières années à réglementer davantage le harcèlement via internet.
6. Ainsi pour l’heure, la France, consciente des conséquences néfastes de ce phénomène et pour éviter « que les comportements les plus indignes ne fassent l’objet d’une forme de propagande tacite »11, a élaboré une série de lois visant à neutraliser ces agissements. Tout d’abord, a été adoptée la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes12, qui est venue définir le cyberharcèlement, dans son article 222-33-2-2 du Code pénal. Ensuite, a été adoptée la loi du 7 octobre 2016 pour une république numérique13. Parmi les nombreuses mesures prévues par cette dernière, figure le droit à l’oubli numérique pour les mineurs, qui permet à un mineur d’« obtenir plus facilement et plus rapidement l’effacement d’un contenu en ligne le concernant (par exemple, des photos déplaisantes sur un réseau social) »14. Cette loi a également permis la création d’un nouvel article au sein du Code pénal. Il s’agit de l’article 226-2-1 du Code pénal, qui vient sanctionner, entre autres, la pratique du revenge porn15. Après les grands apports de ces deux textes, le droit français s’est attaché, par deux lois en date du 3 août 2018, à réglementer, d’une part l’utilisation du téléphone portable16 dans les établissements scolaires et d’autre part, à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes17.
7. Plus particulièrement, la loi réglementant l’usage du téléphone portable à l’école18 interdit par principe toute utilisation du téléphone portable ainsi que tout terminal de communication électronique dans les écoles et collèges (pour les lycées, il s’agit d’une option qui peut être introduite au sein des règlements intérieurs)19. Cette interdiction est justifiée par la lutte contre le cyberharcèlement ou encore contre les images pornographiques, facilement accessibles aux enfants via ces moyens de communication. Toutefois, la loi prévoit également des exceptions20. Ainsi, le règlement intérieur des établissements scolaires peut autoriser l’usage des téléphones portables sous certaines conditions (usage pédagogique, dans des lieux précis de l’établissement). Enfin, en cas de non-respect de ces règles, la loi permet la confiscation de l’appareil.
8. Outre ces dispositions, la France poursuit toujours ses efforts, puisqu’un nouveau projet de loi dit loi Avia et visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, a vu le jour le 20 mars 2019. La loi a été adoptée à l’Assemblée nationale le 9 juillet 2019, puis renvoyée au Sénat pour examen. Elle a pour objectif de supprimer les contenus haineux sur internet (médias sociaux, moteurs de recherche). En ce sens, les opérateurs auront l’obligation, une fois le contenu haineux notifié, de le supprimer sous 24 heures21, sans quoi l’opérateur pourra se voir sanctionné financièrement. Cette sanction sera « déterminée et prononcée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et susceptible d’atteindre 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial de ces opérateurs »22. En complément de ces lois, la commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ainsi que certaines associations comme e-Enfance23 s’emploient à protéger les mineurs sur internet (mise en place d’un numéro vert – le 3020 –, création d’un prix « Non au harcèlement »24, conseils pour se protéger en ligne25).
9. À présent qu’a été exposée la réglementation française permettant de lutter contre le harcèlement scolaire, se pose la question de savoir, en pratique, comment les mineurs auteurs de cyberharcèlement et/ou de cyberviolence à l’encontre d’un élève sont sanctionnés. De manière générale, les sanctions ne dépassent pas le cadre de l’établissement scolaire26 (avertissement, exclusion temporaire de l’établissement, voire définitive)27. Toutefois, certains parents, lorsqu’ils ont suffisamment de preuves, n’hésitent pas à porter plainte. Ainsi, deux filles de 11 ans ont récemment été mises en examen28 pour harcèlement moral et violences aggravées à l’encontre d’une élève de leur école. En conséquence, depuis la rentrée scolaire, elles suivent toutes deux un parcours de réparation pénale29. Cette mesure éducative a pour objectif d’éviter la récidive du mineur en le faisant travailler sur ses actes. On propose ainsi au mineur de « s’engager dans une démarche de réparation, sur une durée de 3 à 6 mois »30.
10. En somme, au regard de l’ensemble des moyens destinés à lutter contre le harcèlement scolaire, notamment sur internet et dans les médias sociaux, il est certain que la France montre une réelle et constante volonté de stopper ces agissements néfastes. Mais alors, pourquoi de nombreux enfants continuent-ils d’être victimes de harcèlement scolaire ? Serait-ce à dire que la réglementation actuelle n’est pas assez efficace ? Ces questions nous conduisent à notre second point d’étude où il s’agit de comprendre la persistance du harcèlement scolaire et la nécessité de créer de nouveaux moyens de lutte contre lui. En ce sens, nous focaliserons notre attention sur l’élaboration de nouveaux systèmes de sécurité pour les smartphones.
II – La création de nouveaux systèmes de sécurité pour les smartphones comme moyen de lutte contre le cyberharcèlement et la cyberviolence
11. Avant de traiter de nos propositions relatives à la création de nouveaux systèmes de sécurité pour les smartphones comme moyen de lutte contre le cyberharcèlement et la cyberviolence, il semble opportun de comprendre de manière sommaire la relation problématique qu’entretient le mineur avec internet et les médias sociaux, afin de déterminer un remède applicable sur le long terme. Cette relation mineur/internet a fait l’objet de nombreuses études en psychologie. Bien entendu, nous ne pouvons faire état dans la présente analyse de l’ensemble de celles-ci. Toutefois, trois d’entre elles retiennent notre attention.
12. Dans la première étude, datée de 2017 et intitulée « The power and the pain of adolescents’ digital communication : “Cyber victimization” and the perils of lurking »31, il ressort que les mineurs ont soif de communication numérique parce que c’est un espace de rencontre entre pairs, d’exploration de l’identité et de la sexualité, mais surtout parce qu’enfants et adolescents sont conscients que tous leurs amis ainsi qu’un public imaginaire peuvent les observer. Et c’est en ce sens qu’il n’est pas étonnant de constater que plus cette communication numérique est forte chez un mineur, plus il pourra être dévasté s’il est victime d’un épisode de cyberharcèlement32. Or cette communication numérique ne pourrait avoir autant de force si les smartphones et tablettes n’avaient jamais existé. Serait-ce à dire alors que ce type d’écran aurait un effet d’addiction ? Dans une autre étude, publiée en 2019 et intitulée « L’addiction aux smartphones : validation française de l’échelle Internet Addiction Test-version smartphone (IAT-smartphone) et caractéristiques psychopathologiques associées »33, il est rapporté que « le smartphone ne serait pas un objet d’addiction en tant que tel, mais plutôt un média permettant un accès extrêmement facile aux multiples usages et constamment accessible au sujet pour assouvir son besoin de connexion et jouant un rôle facilitant et accélérant de l’addiction à internet »34. Ainsi les smartphones s’avèrent des outils au service de l’addiction à internet. Les enfants et adolescents seraient donc sous l’emprise de certains contenus accessibles via internet. Mais quelles en sont les conséquences ?
13. Selon une troisième étude publiée en 2019 et intitulée « Emprise et déprise des images : une analyse des pratiques numériques des adolescents »35, portant sur la question de l’emprise des images sur les adolescents, il ressort que « la circulation dérégulée des images violentes, sexuelles ou haineuses sur les plates-formes numériques met à mal les repères des adolescents et des professionnels »36 et qu’en ce sens, pour faire face à cette problématique, « le travail sur l’expression des émotions dans leur lien avec les valeurs que partagent les jeunes semble nécessaire pour développer leurs capabilités face aux médias numériques »37. Ainsi inclure dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge et ce, chaque année, un travail sur les émotions (apprendre à les définir, à les reconnaître, à les contextualiser, à évaluer leur valeur et portée, etc.), semble un point essentiel pour le développement social et émotionnel de l’enfant. Il s’agit là d’une mesure à long terme. C’est pourquoi celle-ci doit s’accompagner de mesures ayant des effets immédiats. Ceci nous amène à traiter de la création de nouveaux systèmes de sécurité pour les smartphones.
14. Les prochains développements feront état de trois propositions complémentaires et destinées, de manière générale à protéger tous les enfants sur internet, et de manière spécifique à lutter efficacement contre le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement et la cyberviolence.
15. Tout d’abord, il faudrait créer un système permettant aux établissements scolaires de bloquer, au sein de leurs locaux, l’accès à un internet classique ainsi qu’à toutes les applications incluses et téléchargées (Facebook, Instagram, photothèque, appareil photo/vidéo, Itunes, etc.) accessibles via smartphones, tablettes, baladeurs numériques type iPod Touch, montres connectées, etc. La création d’un tel système de sécurité permettrait aux enfants d’être protégés des contenus inappropriés sur internet (images violentes, sexuelles, haineuses, etc.) et de mettre fin au cyberharcèlement et à la cyberviolence entre élèves (prolifération des rumeurs sur les réseaux sociaux, prise de photos ou de vidéos à l’insu des victimes, etc.) au sein de l’établissement. En contrepartie de ce blocage et dans le cadre de certaines activités pédagogiques nécessitant internet, les élèves pourraient se connecter à l’intranet-internet38 propre à chaque établissement, à l’aide d’un identifiant et d’un mot de passe. La mise en œuvre de cette proposition semble peut-être complexe, mais elle mérite que l’on s’y attarde, au regard des enjeux précités.
16. Dans un autre temps et en soutien à ce procédé, il faudrait créer, de manière plus générale pour la protection des mineurs sur internet, un nouveau système de sécurité pour les smartphones qui permettrait de bloquer l’accès aux applications téléchargeables et aux contenus inappropriés sur internet, en fonction de l’âge de l’utilisateur. Il s’agirait de répertorier, dès l’achat du smartphone, le nom du titulaire de l’abonnement, du nom de l’utilisateur (pour les mineurs) à l’image du contrôle parental mobile39 mis en place par de nombreux opérateurs tels qu’Orange, SFR ou Bouygues Telecom. Toutefois, ce contrôle se voudrait infaillible, puisqu’aujourd’hui « le filtrage se fait au niveau des serveurs de l’opérateur, avant que l’information n’arrive sur le terminal. Du coup, il suffit d’une demande au service client pour l’activer. [Mais] un bémol de taille : le téléphone n’est plus protégé dès qu’il se connecte en Wi-Fi »40.
17. Dès lors, selon notre proposition, lorsqu’une personne majeure souscrirait à un abonnement téléphonique pour un mineur, elle devrait obligatoirement le signaler dans le contrat d’abonnement, en fournissant la date de naissance de l’enfant, ainsi qu’une pièce d’identité du mineur41. Par exemple, lorsqu’un parent prendrait un abonnement pour un enfant âgé de 11 ans, ce dernier ne pourrait pas avoir accès aux applications comme Facebook ou Instagram sur son smartphone (il ne pourrait pas les télécharger). En revanche, dès ses 13 ans, elles lui seraient accessibles. Ce système de contrôle d’accès incomberait aux opérateurs de téléphonie.
18. De même, on pourrait étendre ce système de sécurité pour les smartphones à internet de manière générale, en allant plus loin que le système du contrôle parental actuel pour les appareils mobiles. En effet, aujourd’hui, par exemple, il est possible de paramétrer les smartphones « de façon à bloquer certains services ou contenus (…). Reste qu’il suffit à [l’]enfant de réinitialiser son téléphone pour contourner ces restrictions »42. Ainsi, selon notre proposition, il faudrait créer un internet mobile en fonction de l’âge de l’utilisateur, une sorte d’« Internet Kids »43. De la sorte, un enfant âgé de 13 ans surfant sur internet ne pourrait pas avoir accès aux contenus inappropriés pour son âge. L’avantage d’un tel procédé, s’il venait à voir le jour, serait qu’il permettrait enfin aux enfants d’être en sécurité lorsqu’ils sont en possession d’un smartphone (via l’utilisation d’un Internet Kids et d’applications débloquées en fonction de l’âge). De plus, cette proposition est en adéquation avec la commission européenne qui met en avant via son site Better internet for kids44 un ensemble de conseils dont le but est de créer un meilleur internet pour les enfants.
19. Enfin, la troisième proposition, en soutien aux deux autres et qui permettrait de lutter efficacement contre le harcèlement scolaire et plus largement d’œuvrer à la protection des mineurs sur internet, reprend une idée développée dans l’article intitulé « L’exploitation des mineurs dans les médias sociaux : faut-il s’alerter ? »45. Il s’agirait, pour bénéficier de l’accès aux médias sociaux, de « s’inscrire sur un site spécifiquement dédié à la gestion de ces médias sociaux46 ». Pour cela, il faudrait créer « un site répertoriant l’ensemble des médias sociaux existants. Dans une démarche pédagogique, nous donnerions à ce site le nom de “Centre de gestion des médias sociaux (CGMS)”. Pour s’inscrire, il faudrait fournir : nom(s), prénom(s), adresse postale, adresse mail, numéro de téléphone, copie de la [pièce] d’identité, lettre-type d’accord parental pour les mineurs, lettre-type de consentement des mineurs de 13 ans et plus (…). Une fois les pièces fournies, elles seraient analysées par le CGMS qui validerait ou non l’inscription. Dans le premier cas, si l’inscription est validée, la personne physique recevrait un identifiant ainsi qu’un mot de passe par email (modifiable ensuite par l’utilisateur). Dans le second cas, si l’inscription n’est pas validée (par exemple, dans le cas où la demande est faite par un enfant de 10 ans), aucun identifiant ni mot de passe ne seraient donnés. Le but visé par la nécessité d’obtenir un identifiant et un mot de passe auprès du CGMS serait que, sans cela, il serait impossible de se connecter à des médias sociaux, comme il est impossible sans identifiant Apple d’acheter des musiques, des films, ou encore des livres sur iTunes Store. Il s’agirait en quelque sorte d’un filtrage d’accès aux médias sociaux »47. Il est certain que la mise en œuvre d’une telle proposition contribuerait à la protection de tous les enfants sur internet.
20. Dans tous les cas, si une telle régulation venait à être mise en place, elle devrait impérativement provenir d’une initiative gouvernementale, en raison, notamment de la réglementation relative à la divulgation des données personnelles48. En outre, nous sommes conscients que la réalisation de ces trois propositions demanderait sans doute quelques années. Cependant, elles ne semblent pas impossibles à concrétiser, ce qui est plutôt encourageant.
21. Au terme de cette étude, il ressort que la réglementation française montre une réelle volonté de lutter contre le harcèlement scolaire, le cyberharcèlement ou encore la cyberviolence. Toutefois, les dispositifs mis en place ne sont pas aujourd’hui à même d’éradiquer ce fléau. C’est pourquoi nous en concluons qu’il était nécessaire de repenser globalement cette problématique, afin de trouver de nouveaux moyens de lutte. Enfin, n’oublions pas que le mieux serait d’agir au plus vite, car comme le rappelle Henrietta Fore, directrice générale de l’UNICEF, « la violence est une leçon inoubliable qu’aucun enfant n’a besoin d’apprendre ». Et il en va de même pour le harcèlement.
Notes de bas de pages
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1.
UNICEF, « Violence à l’école et aux abords de l’école », 14 sept. 2018, https://www.unicef.fr/article/la-moitie-des-adolescents-dans-le-monde-sont-victimes-d-actes-de-violence-l-ecole-et-aux ; v. aussi le rapport sur la campagne mondiale, #ENDviolence, de l’UNICEF, https://www.unicef.org/publications/files/Violence_in_the_lives_of_children_and_adolescents.pdf.
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2.
Ces données sont accessibles sur le site officiel du gouvernement américain consacré au bullying : https://www.stopbullying.gov/media/facts/index.html#ftn2 ; pour une lecture plus approfondie, v. Bradshaw C. P., Sawyer A. L. et O’Brennan L. M., « Bullying and peer victimization at school : Perceptual differences between students and school staff », School Psychology Review, 2007, 36 (3), p. 361-382.
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3.
Selon un rapport en date de 2015 ; v. le site officiel du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, « Non au harcèlement – campagne 2017 : “Le harcèlement, pour l’arrêter, il faut en parler” », v. https://www.education.gouv.fr/cid122362/non-au-harcelement-le-harcelement-pour-l-arreter-il-faut-en-parler.html.
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4.
Battaglia M., « Harcèlement scolaire : un élève sur dix est concerné », 9 nov. 2017, Le Monde, v. https://www.lemonde.fr/education/article/2017/11/09/harcelement-scolaire-un-eleve-sur-dix-est-concerne_5212707_1473685.html.
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5.
V. Sigot M., « Le revenge porn », Dalloz IP/IT 2018, p. 342 : dans cet article, Maurane Sigot définit ainsi le revenge porn ou « la revanche pornographique » comme « la pratique consistant à se venger de son ancienne compagne ou ancien compagnon en diffusant d’elle ou de lui, le plus souvent en ligne, des contenus érotiques ou pornographiques ».
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6.
« Fusion des termes “sex” et “texting” – ou “textos” en français » in Robitaille Froidure A., « Sexting : les adolescents victimes (consentantes ?) de la révolution numérique », 2014, La Revue des Droits de l’Homme : https://journals.openedition.org/revdh/786.
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7.
V. à propos de cette appellation, Quéméner M., « Quelles sont les innovations principales introduites par la loi du 3 août 2018 “renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes” visant à lutter contre le cyberharcèlement ? », RLDI 2018/périodique, n° 153.
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8.
Underwood K. M. et Ehrenreich E. S., « The power and the pain of adolescents “digital communication” : Cyber victimization and the perils of lurking », vol. 72, n° 2, 2017, American Psychologist, p. 144-158.
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9.
Brigaudeau C., « Harcèlement scolaire : en 2019, on meurt encore d’être un élève isolé et moqué », 2 juin. 2019, Le Parisien, v. http://www.leparisien.fr/societe/harcelement-scolaire-en-2019-on-meurt-encore-d-etre-un-eleve-isole-et-moque-02-07-2019-8108337.php.
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10.
Une version PDF est accessible via ce lien : Anti-Bullying Bill of Rights Act, https://www.njleg.state.nj.us/2012/Bills/PL12/1_.PDF.
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11.
Propos tenus par le président de la République dans son discours à l’Élysée pour la journée contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre 2017, et qui traitait également du harcèlement sur les réseaux sociaux : v. Leloup D. et Audureau W., « Violences faites aux femmes : Emmanuel Macron souhaite un meilleur contrôle des jeux vidéo, des réseaux sociaux et de la pornographie », 25 nov. 2017, Le Monde, v. https://www.lemonde.fr/pixels/article/2017/11/25/violences-faites-aux-femmes-emmanuel-macron-souhaite-un-meilleur-controle-des-jeux-video-des-reseaux-sociaux-et-de-la-pornographie_5220411_4408996.html.
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12.
L. n° 2014-873, 4 août 2014, pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes : JO n° 0179, 5 août 2014.
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13.
L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016, pour une République numérique : JO n° 0235, 8 oct. 2016.
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14.
« République numérique : que change la loi du 7 octobre 2016 ? », 19 octobre 2016, vie-publique.fr, v. https://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/loi-internet/republique-numerique-que-change-loi-du-7-octobre-2016.html.
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15.
En effet avant cette loi, la jurisprudence faisait une interprétation stricte des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal, ce qui pouvait conduire à de fâcheuses décisions. Il en a été ainsi de l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 16 mars 2016 (Cass. crim., 16 mars 2016, n° 15-82676). Pour en savoir plus, v. Francillon J., « Cyber-harcèlement et interprétation stricte des textes en matière pénale », RSC 2016, p. 96 et Le Maigat P., « Revenge porn et cyber-harcèlement. Schizophrénie ou déconnexion du juge pénal ? », Gaz. Pal. 19 avr. 2016, n° 262j4, p. 12.
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16.
L. n° 2018-698, 3 août 2018, relative à l’encadrement de l’utilisation du téléphone portable dans les établissements d’enseignement scolaire : JO n° 0179, 5 août 2018.
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17.
L. n° 2018-703, 3 août 2018, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes : JO n° 0179, 5 août 2018.
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18.
C. éduc., art. L. 511-5.
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19.
V. Meuris-Guerrero F., « Éducation. Peut-on confisquer au collégien son smartphone ? », Comm. com. électr. 2018, alerte n° 63 (sept.).
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20.
Il en est ainsi des enfants handicapés : C. éduc., art. L. 511-5, al. 3.
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21.
Pour plus de détails quant à ce projet de loi et les critiques dont il fait l’objet, v. Pierrat E. et Ullern C., « Lutte contre la haine sur internet : quelle(s) décision(s) attendre du législateur ? », RLDI 2019/périodique, n° 160.
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22.
Proposition de loi visant à lutter contre la haine sur Internet, v. http://www.assemblee-nationale.fr/15/propositions/pion1785.asp.
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23.
V. le site officiel de e-Enfance : https://www.e-enfance.org.
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24.
Les informations concernant le prix : « Non au harcèlement 2019/ 2020 » sont disponibles sur le site d’Éduscol : https://eduscol.education.fr/cid72752/prix-mobilisons-nous-contre-harcelement.html.
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25.
V. la page du site de la Cnil : « Réagir en cas de harcèlement en ligne », 11 févr. 2019, https://www.cnil.fr/fr/reagir-en-cas-de-harcelement-en-ligne.
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26.
C. éduc., art. R. 511-13.
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27.
Il est également possible de saisir la direction académique des services de l’Éducation nationale (Dasen) pour demander un changement d’établissement.
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28.
« Deux collégiennes de 11 ans mises en examen pour harcèlement moral en Moselle », 3 juill. 2019, Ouest France, v. https://www.ouest-france.fr/grand-est/metz/deux-collegiennes-de-11-ans-mises-en-examen-pour-harcelement-moral-en-moselle-6428464.
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29.
Fichter M., « Contre le harcèlement scolaire, la réparation pénale, une mesure méconnue mais “très efficace” », 10 sept. 2019, France Bleu, v. https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/contre-le-harcelement-scolaire-la-reparation-penale-une-mesure-meconnue-mais-tres-efficace-1568106515 ; Clavel J. « La réparation pénale : une nouvelle utopie ? », AJ pénal 2012, p. 326.
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30.
V. le site de l’association d’aide pénale qui présente et détaille le déroulement de la réparation pénale : http://www.aide-penale.fr/reparation-penale.
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31.
Underwood K. M. et Ehrenreich E. S., « The power and the pain of adolescents “digital communication” : Cyber victimization and the perils of lurking », vol. 72, n° 2, 2017, American Psychologist, p. 144-158.
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32.
Underwood K. M. et Ehrenreich E. S., « The power and the pain of adolescents’ digital communication: Cyber victimization and the perils of lurking », vol. 72, n° 2, 2017, American Psychologist, p. 144-158.
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33.
Barrault S. et a., « L’addiction aux smartphones : validation française de l’échelle Internet Addiction Test-version smartphone (IAT-smartphone) et caractéristiques psychopathologiques associées », 2019, L’Encéphale 45, p. 53-59.
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34.
Barrault S. et a., « L’addiction aux smartphones : validation française de l’échelle Internet Addiction Test-version smartphone (IAT-smartphone) et caractéristiques psychopathologiques associées », 2019, L’Encéphale 45, p. 53-59.
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35.
Jehel S., « Emprise et déprise des images : une analyse des pratiques numériques des adolescents », 2019, Les cahiers de la justice, p. 117.
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36.
Jehel S., « Emprise et déprise des images : une analyse des pratiques numériques des adolescents », 2019, Les cahiers de la justice, p. 117.
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37.
Jehel S., « Emprise et déprise des images : une analyse des pratiques numériques des adolescents », 2019, Les cahiers de la justice, p. 117.
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38.
V. la page Internet Éduscol « Des infrastructures numériques au service des usages » : https://eduscol.education.fr/cid57394/des-infrastructures-numeriques-au-service-des-usages.html.
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39.
V. par exemple le contenu du contrôle parental de l’opérateur Orange : https://boutique.orange.fr/mobile/options/controle-parental-mobile.
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40.
Brosset C., « Smartphone le contrôle parental », https://www.quechoisir.org/conseils-smartphone-le-controle-parental-n11171/ ; ceci figure également dans les conditions détaillées de certains opérateurs tels qu’Orange : « Contrôle Parental mobile est une option disponible sur le réseau mobile uniquement qui ne fonctionne ni en Wi-Fi ni avec un terminal BlackBerry associé à une offre, une option ou un service BlackBerry », v. https://boutique.orange.fr/mobile/options/controle-parental-mobile.
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41.
Dans le cas où un parent disposerait d’un smartphone (contrat : au nom du parent et utilisateur : nom du parent) et qu’il déciderait de le céder à son enfant mineur, il devrait en informer l’opérateur de télécommunication, en fournissant les nom et prénom du nouvel utilisateur, sa date de naissance ainsi que la copie d’une pièce d’identité du mineur.
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42.
V. Brosset C., « Smartphone le contrôle parental », https://www.quechoisir.org/conseils-smartphone-le-controle-parental-n11171/ ; v. aussi sur le site officiel d’Apple : « Utiliser le contrôle parental sur l’iPhone, l’iPad et l’iPod touch de votre enfant », https://support.apple.com/fr-fr/HT201304.
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43.
Il faut comprendre sous l’appellation « Internet Kids », un Internet filtrant l’ensemble des contenus et leur accès en fonction de l’âge de l’enfant, à l’image de l’application téléchargeable YouTube Kids.
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44.
Le site officiel de Better Internet for Kids : https://www.betterinternetforkids.eu ; v. aussi sur le site officiel de la commission européenne, la page intitulée « Creating a Better Internet for Kids » : https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/content/creating-better-internet-kids-0.
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45.
Labatut T., « L’exploitation des mineurs dans les médias sociaux : faut-il s’alerter ? », LPA 6 juin 2019, n° 145d6, p. 10.
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46.
Labatut T., « L’exploitation des mineurs dans les médias sociaux : faut-il s’alerter ? », LPA 6 juin 2019, n° 145d6, p. 10.
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47.
Labatut T., « L’exploitation des mineurs dans les médias sociaux : faut-il s’alerter ? », LPA 6 juin 2019, n° 145d6, p. 10.
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48.
« 50 millions de comptes Facebook piratés : comment savoir si vous êtes concerné et comment réagir ? », 29 sept. 2018, Ouest France, https://www.ouest-france.fr/societe/50-millions-de-comptes-facebook-pirates-comment-savoir-si-vous-etes-concerne-et-comment-reagir-5992929.