Pablo, 29 ans, a menacé un instituteur : neuf mois ferme

Publié le 04/05/2022

Le 14 avril, la 13e chambre correctionnelle de Créteil examinait le cas d’un instituteur agressé par un parent devant une école primaire d’Ivry. L’enseignant a porté plainte pour « qu’il le laisse tranquille. ».

Pablo, 29 ans, a menacé un instituteur : neuf mois ferme
Tribunal judiciaire de Créteil, salle des pas perdus. Photo : ©P. Anquetin

« Oui », « non », « Je suis né en 1993 ». Depuis le box des prévenus, Pablo* 29 ans, nerveux, parle fort et trop près du micro. Sa voix sature la salle d’audience quand il répond aux questions du président. Il est poursuivi pour des menaces et un crachat sur un instituteur à Ivry trois jours plus tôt.

La mère et l’enfant ont déménagé

Rachid*, la victime, du même âge que le prévenu, s’approche de la barre pour confirmer sa déposition. Il raconte que Pablo est venu devant l’école pour essayer de trouver son fils dont il n’avait plus de nouvelles ; les parents sont séparés. Pablo était alcoolisé, titubant et ce n’est pas la première fois, explique l’instituteur : « Quand il voyait l’enfant et sa mère, il les suivait. » Mais ils ont déménagé et depuis un mois le petit n’est plus scolarisé dans cette école. Ne les voyant plus jamais, Pablo a cru qu’on lui cachait l’enfant.

Ce jour-là, l’instituteur a pris l’initiative de lui parler pour expliquer : « Votre enfant n’est plus là. Si c’est votre enfant. Il faut aller vous faire reconnaître à la mairie. ». Cette phrase a mis le père en rage. Il commencé à vociférer, à se déshabiller, à insulter Rachid pourtant athlétique : « Tu dis qu’il est pas là, alors qu’il est là. Tu vas voir, je vais te tuer, je vais te baiser ». S’en suivent d’autres menaces fleuries et Pablo va jusqu’à cracher sur le scooter de Rachid. La directrice de l’école a fini par appeler la police. L’instituteur explique encore qu’il est inquiet car son propre fils est scolarisé dans la même école et que Pablo l’a vu partir à vélo. « Je demande juste qu’il me laisse tranquille. »

« C’est un complot »

A ce moment, une douzaine de collégiens en visite groupée pénètrent dans la salle en file indienne et s’installent sur deux rangs, avec des précautions de communiants. Depuis un moment Pablo s’agite derrière la vitre du box. A son tour de s’expliquer :

« — Je suis censé faire quoi Monsieur le juge ?

— Quelle est votre position sur ces faits ?

— C’est un complot. On m’accuse que c’est pas mon fils. La directrice a toujours voulu prendre des distances avec moi. Je suis déjà rentré dans l’école pour demander s’il allait bien. On m’a répondu qu’il fallait une preuve de paternité. C’est mon fils, je l’ai reconnu à l’hôpital ; je me suis occupé de lui tout seul à un moment donné. Ce jour-là, je voulais juste savoir comment il allait. Personne ne m’avait donné l’info, je me suis imaginé le pire… »

Les policiers ont également affirmé qu’il les avait insultés au commissariat. « Je suis un peu claustrophobe. J’ai des problèmes de respiration, de tension… Ils m’ont traité comme un chien. Même un chien on le traite mieux, on lui donne à manger. On lui fait des câlins… »

Refoulé des urgences psychiatriques

Pour se rassurer, il boit, il fume du cannabis, il prend de la codéine, dit l’enquête de personnalité. Mais aucune pathologie psychiatrique n’est signalée. Pourtant, trois jours avant les faits, il s’était présenté aux urgences psychiatriques de l’hôpital Saint-Antoine, sans avoir été admis. On survole son histoire : une mère décédée jeune ; il est le cadet d’une fratrie de quatre élevée d’une main de fer par un père disparu il y a un an. « Mes parents n’ont jamais su m’aimer » a dit Pablo à l’enquêtrice. Il a travaillé comme maçon, agent d’entretien, livreur… Il touche encore 700 € d’assurance chômage. Quatre condamnations au casier, dont deux pour violences sur conjointe. « C’était de la légitime défense » répond-il.

Un brin embarrassée, la procureure ajoute : « J’apprends que le ministère public demande la mise à exécution d’une peine de six mois de prison. Vous allez en détention ce soir, Monsieur. » Il ne semble pas comprendre, attend la suite. Elle continue en citant une main courante déposée pour les mêmes faits six mois plus tôt. « Son agressivité n’est pas maîtrisée, même devant une école, devant des enfants. Il n’arrive pas à se calmer. Dans le box, il est encore très nerveux. Ça compte. » Pendant que Pablo scrute ses ongles, elle requiert huit mois ferme et six avec sursis, l’interdiction de paraître devant l’école et de contact avec les victimes.

Peine plus sévère

Son avocate informe le tribunal que Pablo a été hospitalisé trois semaines à Saint-Anne. « Puis il est passé devant les urgences Saint-Antoine. On lui a dit : ‘Circulez, il n’y a rien à voir’. Et aujourd’hui on a une procureure qui dit : ‘Je n’ai rien d’autre à requérir’. Il n’a pourtant commis aucune violence physique. Il est malade et en réelle détresse, mais il vient d’apprendre qu’il pourra voir son fils en visite médiatisée. Comment peut-on imaginer qu’une incarcération à Fresnes va le faire avancer dans ses problèmes ? »

Le tribunal va plus loin que les réquisitions : neuf mois fermes et cinq avec sursis, mandat de dépôt, interdiction de paraître à l’école, de contact avec les victimes et obligation de soins. Une fois encore, c’est en dernier recours que l’institution scolaire a dû faire appel à l’institution judiciaire.

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