Barreau de l’Essonne : des JOP sans conséquence sur l’activité des avocats, mais des projets de rentrée
Alors que la période des Jeux olympiques de Paris vient de s’achever, le Barreau de l’Essonne n’a pas connu de rebond d’activité estivale liée à l’événement. Mais le bâtonnier, Ibrahima Boye, entend démultiplier les projets afin de mieux faire connaître les talents de son département. Rencontre.
Actu-Juridique : Les Jeux olympiques de Paris (JOP) ont-ils eu un impact sur votre barreau ?
Ibrahima Boye : J’avais sensibilisé les confrères à cette perspective en évoquant la possibilité de différer leurs congés, mais nous n’avons eu aucun impact ! Certes, nous ne comptions pas de site olympique, néanmoins, trois lignes de RER (B, C et D) passaient dans notre département. Avec un afflux de touristes, j’ai pensé que nous pourrions voir l’activité augmenter en lien avec des infractions commises dans les transports. Mais force est de reconnaître que ça n’a pas été le cas, sans doute eu égard au déploiement policier important, qui a sans doute été dissuasif.
A-J : Cela a-t-il créé un peu de déception de la part des avocats ?
I.B. : Non, parce que nous avons conservé le même nombre d’avocats de permanence. Ceux qui restent habituellement pendant l’été pour travailler sont restés, et je ne pense pas que les avocats aient engagé une organisation particulière par rapport aux JOP.
A-J : La période JOP étant passée, pouvez-vous revenir sur les initiatives lancées afin de mieux faire connaître les avocats de votre barreau, avec notamment l’envie de mieux être identifiés par les acteurs locaux ?
I.B. : L’Essonne se veut terre d’avenir, je crois sincèrement à l’idée d’un barreau d’avenir, au-delà du slogan. L’Essonne est un département très jeune, qui compte beaucoup d’activités économique ou intellectuelle. Son point névralgique en est le plateau de Saclay, que je considère comme à la fois La Défense et la Silicon Valley de l’Essonne, au regard des entreprises, comme des grandes écoles (École polytechnique, Centrale Supelec…) qui s’y installent progressivement. Notre barreau ressemble donc à ce département en ce qui concerne la jeunesse des confrères et leurs multiples compétences. Aujourd’hui, au vu des CV des confrères essonniens, nous couvrons toutes les branches du droit (droit de la presse, de l’assurance, des transports, droit fiscal ou encore des collectivités territoriales…).
A-J : Quels sont les impératifs pour améliorer encore l’image de votre barreau ?
I.B. : Il y a trois axes : d’abord, bien se former ; bien communiquer, c’est-à-dire faire savoir son savoir-faire ; enfin s’ouvrir davantage vers l’extérieur, avec de nouveaux partenariats ou en donnant un autre virage à des partenariats qui existent déjà. Ces trois points forment le socle du « barreau d’avenir ». Sur la formation, j’estime qu’il faut valoriser ces compétences et aller au-delà de l’obligation des 20 heures de formation continue. Avoir une spécialisation ou au moins être à jour de sa formation universitaire, pour pouvoir adapter sa pratique à l’évolution de la société. Car le droit est une science sociale, donc nous sommes forcément impactés par l’environnement dans lequel il doit s’opérer. Notre activité, à la base, c’est le droit, bien sûr, mais nous devons nous former à tout, dont l’IA qui peut impacter notre mode de fonctionnement, afin de bien mesurer les enjeux du département, non comme institution mais comme territoire d’intervention.
A-J : Justement, quelles sont les spécificités de votre territoire ?
I.B. : Contrairement à ce que les gens pensent, ce département est plus rural qu’urbain. Lors d’une réunion avec les maires ruraux de l’Essonne, nous avons abordé les problématiques que rencontrent les communes rurales. Il se trouve que ces communes n’ont pas forcément les mêmes outils juridiques ou administratifs que les communes urbaines. Mais il n’empêche qu’elles ont le droit d’être accompagnées, par exemple, dans le cas d’occupation illégale du domaine public, que ce soit en lien avec le passage de gens du voyage ou des autorisations de travaux non respecté. Certains maires se sentent démunis lorsque leurs plaintes sont classées sans suite. Il existe donc des besoins d’accompagnement sur l’aspect droit public, mais aussi sur l’aspect pénal : un classement sans suite ouvrant d’autres modes de poursuite (citation directe, saisine du procureur général de la cour d’appel, saisine d’un tribunal civil…). Notre idée est donc de s’ouvrir à toutes les communes du département, y compris les communes rurales, qui sont moins bien loties que les communes urbaines qui elles sont dotées souvent de services juridiques.
A-J : Vous évoquiez l’importance de la formation. Quid de la nécessité de mieux vous faire connaître ?
I.B. : En tant que bâtonnier, je suis invité à différentes manifestations des collectivités locales (vœux, assemblées générales etc.), j’en profite toujours pour faire connaître nos différentes compétences.
A-J: Et les relations avec les entreprises ?
I.B. : Il nous appartient de démontrer aux entreprises locales que nous avons les compétences dont elles ont besoin. Aussi, il faut rencontrer, partager des expériences avec elles à l’occasion de déjeuners-débats, de colloques, etc.
A-J: Votre barreau est-il attractif, notamment pour les jeunes ?
I.B. : Il l’est de plus en plus, car notre barreau est un barreau familial. C’est un avantage, surtout pour des jeunes : il est rassurant d’appartenir à un barreau où l’on est sûr de trouver un accueil chaleureux. Les stages obligatoires n’existent plus au niveau national (il y a un projet de système de référent au niveau national), mais dans notre barreau nous avons déjà mis en place ce genre dispositif depuis des années. Nous sommes en avance ! Tout comme sur la question des modes de résolution amiables des litiges, nous comptons une association de médiation depuis plus de 20 ans. Je suis convaincu que nous sommes un barreau moderne, d’avenir. Et puis, l’Essonne est le 9e département le plus riche de France. C’est donc un département avec de nombreuses potentialités, l’avenir y est !
A-J: Vous souhaitez aussi éviter les déserts juridiques. Quelles sont vos pistes ?
I.B. : Ce département est essentiellement rural, pas toujours très bien desservi du point de vue des transports, surtout dans sa partie sud. Et le ratio de rentabilité de nos cabinets est plus avantageux dans certaines zones rurales que dans certaines communes urbaines. Je comprends les difficultés pour un jeune de s’installer dans des endroits où il y a moins de monde. Mais je reste persuadé qu’après le Covid, de nouvelles modalités d’occupation de nos territoires (le transfèrement de la ville vers les campagnes, le développement du télétravail) ont entraîné l’arrivée de nouveaux justiciables, dans des zones anciennement considérés comme des déserts juridiques.
A-J :Avez-vous d’autres idées en tête ?
I.B. : Il y a quelques mois, j’ai été invité par le barreau d’Épinal qui célébrait son bicentenaire. En partenariat avec une société de transport, les avocats ont mis en place un bus juridique, afin d’aller à la rencontre de justiciables dans des endroits reculés des Vosges. J’ai beaucoup apprécié cette initiative et j’aimerais, avant la fin de mon mandat, en faire de même dans notre département. Je pense aussi ouvrir le barreau vers d’autres institutions (armée, hôpitaux…). Je suis convaincu qu’il faut porter le droit partout et au-delà de ce qui existe aujourd’hui (points d’accès au droit, PAD, Maison de justice et du droit MJD, mairies, etc.). Nos partenaires habituels (université, prison, auxiliaires de justice) peuvent aussi devenir nos clients. Et avec internet, le besoin de droit est présent. Paradoxalement, plus les justiciables ont accès au droit par internet, et plus ils sont en demande de droit en présentiel.
Référence : AJU015g9