Record de fréquentation pour le 72e Congrès des experts-comptables

Publié le 14/11/2017

Tenu à Lille fin septembre, le 72e Congrès des experts-comptables a été l’occasion pour la profession de regarder vers l’avenir. Et notamment vers la spécialisation et l’activité de conseil qui devrait prendre une place croissante dans les cabinets.

L’expert-comptable reste aujourd’hui incontournable dans le paysage économique français. Avec plus de 21 000 experts répartis sur le territoire qui accompagnent plus de deux millions d’entreprises, il en est l’interlocuteur par excellence, notamment dans le tissu des TPE-PME. Mais comme pour de nombreuses professions juridiques, la transition numérique a exigé des professionnels du chiffre une nécessaire remise en question. En réponse à la perte de valeur des missions de comptabilité traditionnelles, le Conseil supérieur de l’ordre a fait preuve d’un fort volontarisme pour diriger les experts-comptables vers une spécialisation accrue et le développement des activités de conseil au sein des entreprises. Ce n’est donc pas un hasard si la thématique du 72e Congrès des experts-comptables, tenu à Lille du 27 au 29 septembre 2017, n’était autre qu’« Expert-Comptable – Expert-Conseil ». Avec un record d’affluence sur les trois journées de conférences et ateliers (4 852 congressistes présents), il semble que la profession ait répondu présente à l’appel du Conseil supérieur de l’ordre.

Accueilli en invité d’honneur, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a clôturé le congrès en répondant aux professionnels du chiffre. Sa première prise de parole devant la profession depuis sa prise de fonction lui a permis de témoigner de son soutien : « Je crois profondément dans l’avenir des experts-comptables et des commissaires aux comptes ». Dans le détail, le ministre s’est montré favorable à une simplification du crédit impôt recherche « afin que les TPE et PME puissent y avoir accès beaucoup plus largement qu’aujourd’hui » ainsi qu’en une transformation du CICE en allégement de charges. Sur l’épineux dossier de la déclaration sociale nominative (DSN), il a annoncé recevoir au ministère les organismes complémentaires qui ne se sont pas encore mis aux normes pour que le nécessaire soit effectué « À quoi est-ce qu’il sert de mettre en place une déclaration sociale nominative simplifiée si les organismes complémentaires (…) ne sont pas en mesure d’appliquer cette simplification ? ». Le ministre de l’Économie a également évoqué la modernisation des logiciels de caisse, dont l’adaptation est prévue à partir du 1er janvier 2018 et la création d’un fonds pour l’innovation de rupture doté de 10 milliards d’euros. Sous les applaudissements de la salle, Bruno Le Maire, a conclu son discours en réaffirmant qu’il comptait sur les experts-comptables et commissaires aux comptes pour accompagner la transformation de l’économie « et pour expliquer [aux entrepreneurs] le cap que nous fixons qui est celui d’une économie compétitive qui se redresse, qui crée de la prospérité et qui crée des emplois. » Charles-René Tandé, président du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables, revient pour les Petites Affiches sur cet événement et les chantiers à venir.

Les Petites Affiches

Le 72e Congrès de l’ordre des experts-comptables a eu lieu fin septembre à Lille, comment cela s’est-il passé ?

Charles-René Tandé

Cela a été un grand succès de fréquentation avec 4 850 confrères qui sont venus, ce qui signifie qu’un quart de la profession s’est rendue à Lille. On peut affirmer que deux raisons les ont poussés à venir : le thème concentré sur le conseil et la rencontre des partenaires avec 200 exposants présents. Nous avons aussi eu l’honneur de recevoir la visite de notre ministre de tutelle, Bruno Le Maire, qui a d’ailleurs accepté un déjeuner où nous avons pu avoir un discours franc et direct sur la situation économique actuelle. C’est toujours une bonne chose de pouvoir apporter un retour de terrain aux décideurs politiques. Le plan croissance que je souhaite lancer correspond d’ailleurs à la volonté de remettre l’économie en marche affichée par l’État. Nous avons actuellement des premiers signaux positifs, mais il faut qu’il y ait une mobilisation générale pour que nos entreprises gagnent en performance. Et en la matière, je peux que souligner la nécessité de notre rôle d’accompagnateur de l’entreprise au sein de l’économie.

LPA

La thématique était « Expert-comptable, expert-conseil », le conseil est-il devenu la priorité pour vous ?

C-R T

Le conseil n’est évidemment pas une nouveauté pour notre profession, mais l’évolution de notre métier nous oblige à faire plusieurs constats. Le premier est que les missions traditionnelles ont perdu de leur valeur de par l’automatisation du flux comptable. Le deuxième est que face à un monde qui devient toujours plus complexe, les dirigeants de petites entreprises peuvent se sentir seuls et sont en demande d’un éclairage. Nous sommes le conseil naturel dans les petites et moyennes entreprises, il est donc nécessaire et logique que l’expert-comptable puisse répondre à ces attentes. Bien sûr, les domaines potentiels que l’on peut aborder sont vastes et nous ne pouvons pas mener toutes les missions, mais nous devons être le premier niveau de détection de ces besoins ou insuffisances. Et si nous ne sommes pas en mesure de les traiter nous-mêmes, nous pouvons très bien orienter nos clients vers les spécialistes qui ont les compétences requises.

LPA

Vos confrères ne craignent-ils pas l’abandon des missions traditionnelles ?

C-R T

Il y a différentes sensibilités sur le sujet, certains confrères ont conscience qu’il est nécessaire d’évoluer et juge que c’est une bonne chose, car cela offre un intérêt nouveau au métier. Il est vrai cependant que lorsqu’on aborde la question de la spécialisation, certains experts qui ont de petits cabinets témoignent de leur inquiétude et m’expliquent qu’ils ne peuvent être spécialistes de tout. Mais ce n’est pas la question, ni ce qui est demandé : il est possible de développer son propre réseau avec des partenariats. Je le dis volontiers à ceux qui abordent la question avec moi : tout le monde doit réfléchir à son positionnement. Qu’est-ce que j’ai envie de faire ? Qui est ma clientèle ? Quel est mon marché et les moyens dont je dispose ? Quelles sont mes compétences dans le cabinet ? À partir de ces questions, on va développer plusieurs axes pour se positionner sur tels ou tels domaines. Ces évolutions sont inéluctables et il vaut mieux que nous soyons acteurs du changement plutôt que le subir. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place une démarche initiée lors du Congrès à Lille, et qui sera largement poursuivie lors du prochain congrès d’octobre 2018 à Clermont-Ferrand.

LPA

Se mettre au conseil c’est aussi entrer sur un marché très concurrentiel. Que peut apporter un expert-comptable au chef d’entreprise qu’il ne trouvera pas ailleurs ?

C-R T

En premier lieu il faut rappeler que notre profession est réglementée et possède une déontologie stricte, ce qui nous différencie immédiatement de nombreux acteurs sur ce marché. Mais surtout, nous sommes déjà dans l’entreprise et sommes les plus à même de détecter ses besoins. Entrer sur ce marché c’est certes entrer en concurrence avec d’autres, mais c’est aussi faire appel à eux. Je ne pense pas qu’il faille traiter le sujet sous l’angle de la concurrence, le marché du conseil est assez grand pour accueillir tout le monde, mais plutôt sur cette question-clé : « Que peut-on faire pour que nos entreprises soient meilleures demain ? » Selon l’étude Xerfi, le marché du conseil représente 80 milliards d’euros en France, je suis frappé de constater que ce chiffre est quatre fois moins important qu’en Allemagne. Pourquoi le marché du conseil est si faible en France ? L’une des raisons principales est probablement culturelle, en France les dépenses sont perçues comme une charge même quand il s’agit d’investissements. Et lorsqu’on n’investit pas, on se rend compte que les marges de l’entreprise diminuent.

LPA

Globalement, comment se sent la profession face aux défis qui l’attendent ?

C-R T

On a ressenti une très bonne ambiance au Congrès avec les experts-comptables présents et je vois personnellement les choses avec optimisme. Mes confrères sont conscients des changements à opérer et abordent un état d’esprit plutôt conquérant. Lorsque j’interviens dans les assemblées générales j’entends des confrères qui sont remontés sur les sujets traditionnelles, c’est-à-dire face aux contraintes ou obligations qui pèsent toujours autant. Mais sur les enjeux technologiques d’évolution, il y a un discours optimiste et une volonté d’adaptation.

LPA

La réforme du prélèvement à la source a été repoussée à 2018, est-ce que le délai supplémentaire sera suffisant ?

C-R T

Nous sommes tout d’abord satisfaits de ce report, car la gestion des DSN [Déclaration sociale nominative] est particulièrement compliquée, notamment en ce qui concerne les organismes complémentaires. Les problématiques que l’on a pour nos clients c’est la mise en application de certaines mesures qui peuvent être délicates.

LPA

À l’issue de votre élection à la tête de l’ordre en mars dernier, vous aviez affirmé votre volonté d’être mieux entendu par les pouvoirs publics, la situation est-elle meilleure à ce jour ?

C-R T

Je le pense, la présence d’un ministre de l’Économie et des Finances à notre écoute au 72e Congrès des experts-comptables est déjà un signe positif. Celui-ci en a profité pour affirmer qu’il nous associera sur la loi entreprise qu’il portera. Par ailleurs, nous avons de nombreux échanges et déjeuners avec les parlementaires de différents groupes. Il y a un travail de fond qui a été engagé pour apporter notre éclairage sur les décisions politiques. L’avenir nous le dira, mais j’espère qu’il y a certains points où nous serons entendus afin que les choix politiques se fassent aussi dans l’intérêt des entreprises.