Chronique de QPC (Janvier - Juin 2018) (1re partie)
La présente chronique porte sur les questions prioritaires de constitutionnalité rendues publiques par le Conseil constitutionnel entre le 1er janvier et le 30 juin 2018. Cette étude, placée sous l’égide de l’Institut de recherche juridique interdisciplinaire (IRJI François-Rabelais – EA 7496) de l’université de Tours, a été écrite par Olivier Cahn, professeur de droit privé et de sciences criminelles, Gwenola Bargain et Camille Dreveau, maîtresses de conférences en droit privé, Benjamin Defoort, professeur de droit public, Patrick Mozol et Pierre Mouzet, maîtres de conférences HDR en droit public, ce dernier en assumant la responsabilité.
Introduction
Le principe de « fraternité » n’ayant été consacré tambour battant qu’au semestre suivant dans la décision relative au « délit de solidarité » n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet (le 14, plus indiqué, était dit-on férié), le premier semestre 2018 ne nous offre qu’un menu ordinaire. Foin de « grande décision », la collection n’en est pas moins instructive. D’autant que la sérénité qu’apporte le classicisme des raisonnements constitutionnels n’empêche en rien, c’est bien le moins, que soient abordées des questions de société cruciales, notamment dans le domaine professionnel comme en matière répressive ou avec les[...]
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« Chronique de QPC », LPA 6 août 2017, n° 138a2, p. 3.
Le décompte n’est pas simple : par exemple, un arrêt de rejet pour défaut d’intérêt à agir n’est pas considéré comme « décision de non-renvoi » sur le site du Conseil constitutionnel et, partant, n’est pas compté ici ; non plus qu’un autre, du 19 octobre, qui y est signalé comme « introuvable » et n’est pas répertorié sur le site du Conseil d’État ; à l’inverse, il manque sur ce dernier un arrêt du 20 octobre 2017 (n° 412262). En outre, les requêtes jointes et les QPC différentes d’une même requête sont considérées ici comme relevant d’un arrêt unique.
Les deux « décisions » de la QPC 709 du 1er juin (le mot y est au pluriel) étant en fait une seule.
Seul le « principe de participation des travailleurs » du 8e alinéa du préambule de 1946 fonde isolément la réserve de constitutionnalité de la décision n° 2017-686 QPC du 19 janvier 2018.
Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-687 QPC : le principe qu’il lui était demandé « de reconnaître » était celui selon lequel « l’exclusivité des droits patrimoniaux attachés à une œuvre intellectuelle doit nécessairement s’éteindre après l’écoulement d’un certain délai » (§ 15).
Craignant sans doute la portée d’une autre solution, alors que l’article 14 est le plus précis et le plus technique du texte de 1789, le Conseil constitutionnel avait jugé dès le printemps 2010 que ses dispositions « sont mises en œuvre par l’article 34 de la constitution et n’instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l’occasion d’une instance devant une juridiction, à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la constitution » (Cons. const., 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC ; Cons. const., 30 juill. 2010, n° 19/27 QPC). Une curieuse tentative de rattacher aussi à l’article 14 l’égalité devant la commande publique a par ailleurs été repoussée comme manquant en fait (Cons. const., 21 nov. 2014, n° 2014-429 QPC).
« La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ».
Il s’agit, en creux, de cette fameuse formule consacrée dès la jurisprudence IVG de 1975 selon laquelle le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un « pouvoir général d’appréciation et de décision » de même nature que celui du Parlement ; ce semestre : Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-698 QPC ; Cons. const., 18 mai 2018, n° 2018-706 QPC ; Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-710 QPC.
Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC, Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; Cons. const., 13 juin 2018, n° 2018-713/714 QPC.
Cons. const., 2 mars 2018, nos 2017-693 et 2017-694 QPC ; Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-699 QPC.
Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-699 QPC ; Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-700 QPC : absence (exceptionnelle) de M. Jospin L. et absence de M. Charasse M.
Décision n° 2018-706 QPC, affaire de l’apologie du terrorisme : absence à la séance du 17 de M. Hyest J.-J., qui s’est déporté, et Mme Lottin D.
M. Pinault s’est déporté sur la saisine de la Fédération bancaire française (QPC n° 2017-685), précise le commentaire officiel.
M. Charasse M. dans les affaires n° 2017-687 QPC du 2 février et n° 2018-701 QPC du 20 avril et Mme Lottin D. dans l’affaire n° 2018-704 QPC du 4 mai se sont déportés, signalent leurs commentaires.
Les deux séries sont formellement distinguées depuis la décision n° 2016-541 QPC du 18 mai 2016.
Sur une quinzaine de décisions, six sont concernées ce semestre. La note en délibéré est enregistrée le jour même de l’audience publique, ou le lendemain, mais le Premier ministre a à plusieurs reprises pris une semaine, voire deux.
Cela avait été le cas dès la décision Cons. const., 22 sept. 2010, n° 2010-33 QPC, puis la décision Cons. const., 8 juill. 2011, n° 2011-147 QPC ; il y eut ensuite quatre censures d’office en 2013 (décisions n° 2013-318 QPC, n° 2013-328 QPC, n° 2013-336 QPC et n° 2013-343 QPC), deux en 2014 (décisions n° 2014-388 QPC et n° 2014-398 QPC), deux en 2016 (décisions n° 2015-523 QPC et n° 2016-554 QPC) et une en 2017 (décision n° 2017-624 QPC).
Cons. const., 13 juill. 2011, n° 2011-153 QPC ; Cons. const., 25 nov. 2011, n° 2011-199 QPC ; Cons. const., 30 mars 2012, n° 2012-227 QPC ; Cons. const., 22 janv. 2016, n° 2015-517 QPC.
Ainsi quand, dans la QPC n° 2015-530 du 23 mars 2016, « le Conseil constitutionnel a relevé d’office le grief tiré de ce que les dispositions contestées, en instituant un droit à pension uniquement pour celles des personnes de nationalité française qui possèdent cette nationalité à la date de promulgation de la loi, méconnaîtraient le principe d’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales, qui découle du douzième alinéa du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 », tout en censurant au nom de la seule égalité devant la loi, soulevée par le requérant, sans examiner cet « autre grief ».
« Selon l’une des parties intervenantes, les dispositions contestées porteraient également atteinte à l’article 12 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, en ce qu’elles permettraient de déléguer à des agents privés de sécurité le soin de procéder à des palpations de sécurité, à l’inspection visuelle et à la fouille des bagages dans l’espace public. »
Le grief tiré de l’article 12 de la Déclaration de 1789, écarté « en tout état de cause » dans la décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, avait déjà conduit à une censure dans la décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 (« en autorisant toute personne morale à mettre en œuvre des dispositifs de surveillance au-delà des abords “immédiats” de ses bâtiments et installations et en confiant à des opérateurs privés le soin d’exploiter des systèmes de vidéoprotection sur la voie publique et de visionner les images pour le compte de personnes publiques, les dispositions contestées permettent d’investir des personnes privées de missions de surveillance générale de la voie publique »).
Sauf les collectivités territoriales mais y compris un établissement public, le domaine de Chambord, et une fondation de droit privé suisse, l’agence mondiale antidopage.
Le Conseil constitutionnel (dont la décision n’est pas commentée sur son site internet) rappelle avoir, dans sa décision du 29 mars, « spécialement examiné » les dispositions en cause, alors transmises par le Conseil d’État, et qui lui sont en l’espèce renvoyées par un arrêt de la chambre criminelle du 11 avril… faisant lui-même référence à sa propre audience publique du 14 mars.
Décisions n° 2017-694 QPC, n° 2018-698 QPC, n° 2018-706 QPC, n° 2018-707 QPC, n° 2018-710 QPC, n° 2018-711 QPC, n° 2018-712 QPC et n° 2018-716 QPC.
Notons toutefois que la chambre criminelle se refuse à une telle qualification dans son arrêt du 7 février 2018 (QPC n° 2018-704), dans un dernier attendu inhabituel, lapidaire sinon condescendant : « si cette disposition tend à éviter qu’un accusé soit jugé sans l’assistance d’un avocat et au-delà d’un délai raisonnable, l’appréciation, non motivée, par le seul président de la cour d’assises, des motifs d’excuses invoqués par l’avocat qu’il a lui-même commis pour assurer la défense d’un accusé, peut être de nature à porter atteinte aux droits de la défense, reconnus par le Conseil constitutionnel comme découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme du 26 août 1789 ».
Le Conseil constitutionnel, dans la décision n° 2017-695 QPC refuse ainsi de réexaminer les dispositions de l’article L. 228-2 CSI déjà déclarées conformes dans la QPC n° 2017-691.
Verpeaux M., « L’obligation de motiver le choix de la peine par les cours d’assises », AJDA 2018, p. 1565.
Verpeaux M., op. cit., AJDA 2018, p. 1564. Le commentaire officiel de la décision n° 2017-694 QPC du 2 mars 2018 la présente comme « rompant avec sa jurisprudence antérieure » du fait d’une « formulation générale nouvelle » de l’obligation de motivation.
Cons. const., 11 déc. 2015, n° 2015-491 QPC ; Cons. const., 27 déc. 2012, n° 2012-284 QPC.
Cons. const., 29 déc. 2013, n° 2013-357 QPC ; Cons. const., 23 sept. 2016, n° 2016-565 QPC.
V l’article 13 du règlement intérieur sur la QPC, seconde phrase : aucune n’a encore été tardive. La première phrase prévoit la rectification d’office, après information des parties et autorités. Le texte est silencieux sur le délai imparti au Conseil ; en 2012, il a répondu en moins de quinze jours et, en 2015 et en 2018, en un mois et demi.
On comprend mal cette précision, répétée dans les visas, les motifs et le dispositif : en première approche, elle pourrait faire croire que le Conseil constitutionnel procède au contrôle de constitutionnalité de sa propre jurisprudence. Si elle n’a vraisemblablement pas d’autre signification que de rappeler la nécessité, pratique et contentieuse, de lire les lois en vigueur à sa lumière, peut-être vise-t-elle implicitement aussi à souligner l’absence d’autosaisine du Conseil, qui n’avait eu à statuer dans sa précédente QPC que sur une différence de traitement entre Français…
V. CE, 4 mars 2009, n° 302058, min. de la Défense c/ Mme Hadda Lebrache.
Cons. const., 9 janv. 2018, n° 2017-683 QPC ; Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC.
Cons. const., 8 févr. 2018, n° 2017-690 QPC ; Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-692 QPC.
Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-709 QPC ; Cons. const., 8 juin 2018, n° 2018-712 QPC ; Cons. const., 22 juin 2018, n° 2018-715 QPC.
Cons. const., 9 janv. 2018, n° 2017-683 QPC ; Cons. const., 19 janv. 2018, n° 2017-686 QPC ; Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-687 QPC ; Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-697 QPC ; Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-698 QPC ; Cons. const., 20 avr. 2018, n° 2018-702 QPC.
Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-699 QPC ; Cons. const., 20 avr. 2018, n° 2018-701 QPC ; Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-708 QPC ; Cons. const., 8 juin 2018, n° 2018-711 QPC ; Cons. const., 29 juin 2018, n° 2018-716 QPC.
Cons. const., 12 janv. 2018, n° 2017-685 QPC ; Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-687 QPC ; Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-697 QPC ; Cons. const., 25 mai 2018, n° 2018-707 QPC.
Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-687 QPC ; Cons. const., 20 avr. 2018, n° 2018-702 QPC ; Cons. const., 25 mai 2018, n° 2018-707 QPC.
Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-687 QPC ; Cons. const., 6 avr. 2018, n° 2018-698 QPC ; Cons. const., 25 mai 2018, n° 2018-707 QPC.
Cons. const., 18 mai 2018, n° 2017-706 QPC.
Cons. const., 18 mai 2018, n° 2017-705 QPC.
Cons. const., 18 mai 2018, n° 2017-706 QPC ; Cons. const., 1er juin 2018, n° 2018-710 QPC.
Cons. const., 11 janv. 2018, n° 2017-684 QPC ; Cons. const., 16 févr. 2018, n° 2017-691 QPC ; Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; Cons. const., 18 mai 2018, n° 2018-706 QPC.
Cons. const., 4 mai 2018, n° 2018-704 QPC ; Cons. const., 18 mai 2018, n° 2018-705 QPC.
Cette idée par exemple (Cons. const., 25 mai 2018, n° 2018-707 QPC, § 8) : « L’éventualité d’un détournement de la loi ou d’un abus lors de son application n’entache pas celle-ci d’inconstitutionnalité ».
Dans la décision Cons. const., 12 janv. 2018, n° 2017-785 QPC, le Conseil constitutionnel refuse, pour la troisième fois (Cons. const., 17 juill. 2015, n° 2015-475 QPC et Cons. const., 14 janv. 2016, n° 2015-515 QPC), d’en voir une dans le cas qui lui est soumis ; l’idée, sans l’exacte expression, figure également dans la décision Cons. const., 13 avr. 2018, n° 2018-700 QPC.
On voit mal, par exemple, l’inférence qu’est censée traduire la locution « Dès lors » du § 7 de la décision Cons. const., 20 avr. 2018, n° 2018-701 QPC.
Et non pas quatre, comme l’indique un fichage erroné sur le (nouveau) site du Conseil constitutionnel, qui oublie la décision n° 2017-694 QPC.
Cons. const., 2 févr. 2018, n° 2017-688 QPC : report de sept mois.
Cons. const., 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC : report à la même date, donc de six mois.
Cons. const., 2 mars 2018, n° 2017-694 QPC : report d’un an.
Cons. const., 22 juin 2018, n° 2018-715 QPC : report de huit mois.
Mais 13 réserves au total : la limitation du droit de préemption du locataire de bonne foi (QPC n° 2017-683), l’obligation de représentation des deux sexes chez les délégués du personnel (QPC n° 2017-686), le plafonnement de l’assignation à résidence ou de l’interdiction de fréquenter, continue ou non, à une durée totale « cumulée » de 12 mois et l’obligation pour le juge administratif de statuer dans de brefs délais dans les deux cas (QPC n° 2017-691 et QPC n° 2017-695), le contrôle des officiers de police judiciaire sur les palpations, inspections ou fouilles, non discriminatoire, et l’obligation de justifier le renouvellement d’une « zone de protection » ou de proportionner l’interdiction de fréquenter (QPC n° 2017-695), la limitation du pouvoir de résiliation des hôpitaux bailleurs de logement (QPC n° 2018-697) et la justification de la mise en demeure, puis de la fermeture, d’un établissement d’enseignement hors contrat (QPC n° 2018-710).
Jacquinot N., « Regard critique sur la notion de réserve transitoire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », AJDA 2018, p. 2011.
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