En Essonne, près 44 000 projets de recrutement sont prévus par les entreprises en 2022

Connaître les prévisions de recrutement des entreprises d’Île-de-France sur l’année à venir, c’est l’objectif de l’enquête annuelle sur les besoins en main-d’œuvre (BMO) réalisée par Pôle Emploi, depuis 2002. Pour l’année 2022, plus de 530 000 projets de recrutement sont envisagés par les sociétés franciliennes. Parmi les départements d’Île-de-France, l’Essonne connaît la plus importante augmentation des projets de recrutements. Une hausse de 22,7 % par rapport à 2021 avec 43 902 prévisions. Mais les entreprises essonniennes rencontrent des difficultés pour trouver des nouveaux collaborateurs. Les détails avec Margot Cantero, directrice territoriale de Pôle Emploi dans le département de l’Essonne.

Actu-Juridique : En quoi consiste l’enquête annuelle des besoins en main-d’œuvre (BMO) de Pôle Emploi ?

Margot Cantero : L’enquête sur les besoins en main-d’œuvre est réalisée chaque année depuis 20 ans, par Pôle Emploi. Le principe est d’interroger les entreprises sur leurs projets d’emploi. L’antériorité démontre une fiabilité des informations recueillies. Les besoins exprimés par les entreprises sont même souvent minimisés. Ainsi, l’enquête besoin de main-d’œuvre permet d’anticiper les besoins des entreprises et ainsi de préparer les demandeurs d’emploi à acquérir les compétences attendues en achetant des formations adaptées aux besoins. Elle sert aussi à appréhender les tensions sur certains secteurs et à identifier les difficultés de recrutement.

Actu-Juridique : Quels sont les enseignements de l’enquête BMO 2022 dans le département de l’Essonne ?

Margot Cantero : Avant de développer, il faut savoir que l’enquête BMO de 2022 a été réalisée en fin d’année 2021. À ce moment-là, il n’y avait pas encore la guerre en Ukraine et ses conséquences. Les chiffres de l’enquête BMO de cette année doivent être relativisés par rapport à ce facteur-là. Nous ne savons pas si cette crise géopolitique aura un impact sur les projets de recrutement des entreprises. En Essonne, environ 6 000 entreprises ont répondu à l’enquête pour l’édition 2022. À l’échelle de l’Île-de-France, le département essonnien représente 8 % des prévisions d‘embauche, avec près de 44 000 projets identifiés. Comme sur l’ensemble du territoire francilien, nous constatons une augmentation conséquente. En Essonne, la hausse des besoins de main-d’œuvre pour 2022 atteint 22,7 % par rapport à 2021. C’est la plus forte de la région. En revanche, sur notre territoire, les entreprises ont le sentiment que les recrutements vont être compliqués. C’est une particularité de l’Essonne puisque ce sentiment est partagé par 48 % des sociétés interrogées contre 45 % au niveau régional.

Actu-Juridique : Sur les difficultés de recrutement, quels sont les domaines d’activité concernés par ce sentiment ?

Margot Cantero : Au niveau de l’Île-de-France, nous avons identifié huit secteurs en tension. C’est le cas du bâtiment, de l’industrie, du transport, de la logistique, de la restauration, du numérique ou encore de la santé. L’Essonne n’est pas atypique, les difficultés de recrutement sont aussi concentrées sur les mêmes domaines. La pénurie de main-d’œuvre est importante pour les métiers du bâtiment de manière générale, pour les agents d’entretien, et encore les ouvriers de l’emballage. En Essonne, le secteur de la logistique est fortement représenté. Un domaine présent du fait de la proximité avec l’aéroport d’Orly et aussi parce qu’il y a beaucoup de fonciers disponibles. Tous les grands logisticiens sont implantés en Essonne notamment Amazon à Brétigny-sur-Orge, Stef à Bondoufle ou encore Kuehne + Nagel au Plessis-Pâté.

Dans les métiers de la santé, du soin à domicile ou encore dans l’industrie, il y a aussi de nombreux projets de recrutement qui peuvent être difficiles à pourvoir. Certains secteurs souffrent parfois d’une mauvaise image (temps de travail, contraintes horaires, conditions de travail, bas salaires) ou d’une méconnaissance de l’activité, c’est le cas de l’industrie par exemple. Les équipes de Pôle emploi ont donc pour mission de valoriser certains métiers ou encore de les expliciter. Nous disposons de plusieurs outils pour mener ces actions. C’est le cas de la découverte des métiers qui va du webinaire jusqu’à l’immersion professionnelle au sein des entreprises. Nous avons aussi la méthode « approche compétences » qui permet d’identifier les compétences transférables d’un métier à un autre, ou encore le développement des compétences des demandeurs d’emploi par le biais d’une large gamme de formations disponibles.

Actu-Juridique : Quelles actions mettez-vous en place pour répondre à ce besoin de connaissance des métiers auprès du public de Pôle Emploi ?

Margot Cantero : Si nous continuons avec l’exemple de l’industrie, pour faire connaître les métiers de ce secteur, nous organisons des sessions « découverte de métier ». Des demandeurs d’emploi peuvent aller dans des entreprises industrielles ou participer à des webinaires sur ce domaine d’activité. Nous avons aussi un accès au Campus Fab de Bondoufle. C’est une sorte de showroom de l’industrie mis en place par la faculté des métiers et le groupement des industries métallurgiques. C’est une vitrine qui permet aux demandeurs d’emploi et aux conseillers Pôle Emploi de s’acculturer aux métiers de l’industrie. Nous travaillons avec les employeurs pour diversifier les façons de recruter. À travers l’immersion professionnelle, le demandeur d’emploi peut prendre conscience de l’environnement du secteur d’activité et des compétences à acquérir. C’est applicable pour tous les secteurs qui rencontrent des difficultés de recrutement.

Actu-Juridique : Quels sont les types d’entreprise qui font face à des besoins de recrutement pour 2022 ?

Margot Cantero : Globalement, les projets de recrutement sont portés à 41,7 % par les entreprises de 0 à 9 salariés. Mais il y a de nombreux besoins en prévision et une forte évolution concernant les sociétés de 200 salariés et plus. Elles ont retrouvé une certaine confiance. 2021 restait une année particulière. Nous étions encore impactés par des périodes de confinement. Il y avait encore de la frilosité. En 2022, il y a de réels besoins avec peut-être un effet rattrapage par rapport à l’an dernier.

Actu-Juridique : Au vu de l’enquête BMO 2022, quelles leçons tirez-vous de cette édition ?

Margot Cantero : Les besoins en recrutement ressentis par les entreprises sont très importants pour cette année. Près de 44 000 projets c’est assez conséquent dans le département de l’Essonne. Ensuite, nous devons poursuivre notre travail pour réduire les tensions sur le marché du travail dans les secteurs d’activité où les recrutements sont compliqués. J’ai déjà évoqué plusieurs solutions mais nous pouvons parler aussi de la formation directement en entreprise. Nous allons développer et renforcer ce type d’action cette année. Nous proposons aux sociétés de former leurs futurs salariés. Elles sont de plus en plus en nombreuses à avoir ce souhait, à être conscientes de la difficulté de recruter et donc à s’engager dans une autre manière de trouver les futurs collaborateurs.

Actu-Juridique : Comment fonctionne ce système de formation des demandeurs d’emploi au sein des entreprises ?

Margot Cantero : En amont, nous présentons plusieurs profils de demandeur d’emploi qui ont des compétences approchantes. Mais, ces personnes n’ont pas tous les savoir-faire attendus par l’entreprise. L’employeur grâce à l’Action de formation préalable au recrutement (AFPR) ou au dispositif Préparation opérationnelle à l’emploi (POE) a l’opportunité de former son futur salarié aux compétences manquantes. Ces compétences peuvent être techniques mais aussi relatifs aux savoir-faire. De plus en plus d’entreprises sont prêtes à former sur leur site. Elles sont près de 45 % à nous le dire. Après, nous travaillons aussi beaucoup sur les habiletés. C’est-à-dire que nous mesurons la capacité d’une personne à acquérir une compétence, plus ou moins rapidement. Nous utilisons la méthode de recrutement par simulation. Nous élaborons des tests avec les employeurs pour permettre de savoir si un demandeur d’emploi peut acquérir les compétences attendues dans un métier. Ces tests sont, au préalable, réalisés auprès des salariés de l’entreprise afin d’avoir une référence pour permettre de jauger les résultats du demandeur d’emploi testé.

Actu-Juridique : Vous avez un exemple concret ?

Margot Cantero : Récemment, j’ai été dans une entreprise essonnienne qui s’appelle SMPF. Située à Bondoufle, elle est spécialisée dans l’industrie et plus spécifiquement dans la métallurgie. Elle réalise les petites séries de pièces industrielles, ce sont des produits extrêmement fins pour la manipulation desquels la précision et la minutieux sont nécessaires. Sur ce type de poste, elle rencontrait des difficultés de recrutement. Le responsable est venu présenter son entreprise et ses métiers à des demandeurs d’emploi que nous avions sélectionné. Deux personnes n’ayant jamais travaillé dans l’industrie ont été recrutées. Parmi elles, il y avait une ancienne couturière. Elle a pu transférer ses compétences et en particulier la minutie à sa nouvelle activité.

Actu-Juridique : Enfin, comment évolue le nombre de demandeurs d’emploi dans le département de l’Essonne ?

Margot Cantero : Il y a une baisse de plus de 12 % de la demande d’emploi en Essonne sur l’année 2021. La diminution est plus conséquente concernant les jeunes. Aujourd’hui, nous mettons en place des dispositifs particuliers d’accompagnement. C’est le cas du contrat engagement jeune. Un accompagnement intensif qui peut être adossé à une allocation de 500 € par mois. Cela permet au jeune d’être déchargé des besoins financiers urgents. Nous travaillons aussi beaucoup sur les demandeurs d’emploi de longue durée (supérieur à 24 mois). La crise sanitaire a engendré une année blanche et les temps de chômage se sont donc allongés. Nous mettons en place un parcours sur six mois pour les accompagner notamment vers les métiers en tension.

Globalement, au niveau du territoire, l’Essonne est un département très contrasté. On y trouve à l’Ouest de grands groupes plutôt orientés dans la recherche et le développement et une population plus qualifiée. À l’Est, il y a plus de difficultés, des personnes un peu moins qualifiés. C’est ce public que nous ciblons notamment à travers des programmes qui s’inscrivent dans la politique de la ville. Le sud du département est, quant à lui plus rural. Il y a quelques entreprises de niche. La difficulté la plus prégnante est la mobilité géographique avec des petites communes pas toujours bien desservies. Mais nous accompagnons aussi les demandeurs d’emploi à augmenter leur mobilité.