Vincent Nioré : Le rapport Perben innove en matière de secret professionnel

Publié le 27/08/2020

Dominique Perben a remis le 27 aout à Eric Dupond-Moretti le rapport que lui avait commandé Nicole Belloubet en mars sur l’avenir de la profession d’avocat. Le groupe de travail a fait le choix de se concentrer, en raison du contexte économique difficile engendré par la crise sanitaire, sur des propositions très concrètes dont il a même rédigé les textes quand elles impliquaient une modification législative ou réglementaire.

L’une des 13 propositions du rapport vise à renforcer le secret professionnel. Vincent Nioré, avocat au barreau de Paris et candidat au vice-bâtonnat, connait bien le sujet pour avoir représenté le bâtonnier de Paris dans de nombreuses perquisitions chez des confrères.

Pour lui,  ce volet du rapport comporte de véritables innovations. 

Vincent Nioré : Le rapport Perben innove en matière de secret professionnel
Dominique Perben (à droite) remet son rapport à Eric Dupond-Moretti le 27 août à la Chancellerie (Photo : ©O. Dufour)

Actu-Juridique : Que pensez-vous des propositions du rapport Perben visant à renforcer le secret professionnel des avocats  ? 

Vincent Nioré : Sur cette partie précise, le rapport Perben innove vraiment. D’abord en rappelant la nécessité d’un secret professionnel tant en conseil qu’en défense. Cela parait peut-être évident aux avocats, mais c’est loin de l’être quand on se retrouve devant le juge des libertés et de la détention (JLD) dans le prolongement d’une perquisition. En effet, le JLD à Paris qui consacre le secret en matière de défense pénale et restitue des éléments saisis ne reconnait pas en revanche  le secret professionnel en matière de conseil parce que nous ne sommes pas dans l’exercice des droits de la défense. Il convient de reprendre le dialogue avec ce magistrat sur ce thème et il est bon que le rapport Perben rappelle les fondamentaux.

Ainsi, il est proposé de préciser à l’alinéa 2 de l’article 56-1 du code de procédure pénale qui prévoit que le magistrat mène la perquisition sans porter atteinte au libre exercice de la profession d’avocat, la formule « que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense ». Surtout, ce rapport innove en confiant au bâtonnier, outre son pouvoir d’être présent aux perquisitions et de contester les saisies, celui de réclamer la nullité d’une perquisition. Le rôle de bâtonnier s’assimile réellement à celui d’un avocat de la défense pur et dur. 

Actu-Juridique : Dans quelles circonstances le bâtonnier pourrait-il réclamer l’annulation d’une perquisition chez un avocat ? 

VN. : Le groupe de travail préconise de préciser à l’article 802-2 du code de procédure pénale que le bâtonnier ou son représentant peut, dans un délai d’un an après la perquisition, demander l’annulation de celle-ci si l’avocat n’a pas été poursuivi devant une juridiction d’instruction ou de jugement au plus tôt six mois après l’accomplissement de cette mesure. C’est un nouveau pouvoir important qui serait ainsi confié au bâtonnier renforçant son rôle de protecteur des droits de la défense que lui assigne la chambre criminelle lorsqu’il conteste une saisie. 

Actu-Juridique : Le rapport préconise également un renforcement significatif des pouvoirs du JLD…

VN : En effet, et il le fait à deux niveaux. D’abord, il prévoit que dans le cadre d’une enquête préliminaire, toute mesure coercitive, que ce soit une perquisition, une interception téléphonique ou une communication de fadettes devra faire l’objet d’une décision du JLD motivée par des indices précis préexistants de la participation de l’avocat à la commission d’une infraction. Cette notion d’indices préexistants est capitale, je me suis beaucoup battu pour obtenir sa reconnaissance dans la jurisprudence du JLD en contestation de perquisition.

Par ailleurs, jusqu’ici la perquisition n’est soumise à l’autorisation du JLD que dans le cadre de l’enquête préliminaire, lorsque l’infraction poursuivie est réprimée d’une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à trois ans. Autrement dit, le procureur doit la demander, mais pas le juge d’instruction. Le rapport innove encore en proposant que toutes les décisions coercitives à l’égard d’un avocat, perquisition , interception de communication  téléphonique mais aussi communication de fadettes, soit soumise à « un double regard », autrement dit à l’autorisation du JLD.

Le JLD devient un mega juge autorisant ou non, en amont, les mesures intrusives ou coercitives relatives aux avocats, qu’elles émanent d’un juge d’instruction ou d’un procureur. Le JLD est ainsi désormais l’organe effectif de contrôle  de la loyauté et de la régularité de la procédure. Il faut simplement espérer qu’il disposera des moyens nécessaires à l’accomplissement d’une aussi lourde mission. Ce qui supposera un renforcement des effectifs.

Un voeu : le groupe de travail aurait pu aller plus loin en associant le bâtonnier aux débats devant le JLD et en lui octroyant d’une manière générale en amont le pouvoir de contestation de la mesure intrusive qu’il possède déjà en matière de perquisition. 

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