Fleury-Mérogis : derrière un « scandale » écologique, un flot d’injustices
À Fleury-Mérogis, un collège va enfin voir le jour pour la rentrée 2026, après plus d’un demi-siècle de demandes répétées auprès du département. Mais la bonne nouvelle s’accompagne d’une mobilisation contre le site choisi par la mairie : celui des anciens jardins familiaux.
Un « massacre », « les jours malheureux », en novembre 2023, les derniers usagers des jardins familiaux de Fleury et les militants écologistes organisés en collectifs et associations (Fleury naturellement et Sauvons les jardins familiaux) n’avaient pas de mots assez forts pour exposer leur chagrin face aux premiers coups de pelleteuses venus détruire les cabanes des jardins, derrière de hautes clôtures installées en hâte. Une soixantaine d’habitants s’étaient organisés toute une vie dans les 64 parcelles de ce qu’ils appellent un « poumon vert ». « Une espèce protégée de mante religieuse a été découverte sur place, a rappelé au Parisien, Abdel Yassine, membre du collectif Oui au collège mais pas sur les jardins, et ancien élu (DVG) d’opposition. La bétonisation de ces jardins est un non-sens, à contre-courant des enjeux climatiques de protection de la biodiversité. Face à l’inflation, ils sont nombreux à utiliser cet espace pour s’assurer un complément alimentaire. »
En décembre, la situation de Fleury figurait en entame d’une lettre ouverte parue dans le quotidien Libération. « Après trois ans de lutte, le tribunal administratif a ordonné l’expulsion des jardiniers, aussitôt exécutée par le département de l’Essonne et la ville par un saccage des jardins à grand renfort de pelleteuses. Ces jardins familiaux, dont le seul tort est d’être considéré par les pouvoirs publics comme réserves foncières, sont pourtant des espaces verts hérités de génération en génération ». Entre les lignes, la perte des jardins de Fleury-Mérogis – tout comme celle de nombreuses métropoles comme Aubervilliers, Grenoble, Dijon, Marseille et Besançon – semble patrimoniale : « les jardins familiaux, nés à la fin du XIXe siècle, sont bien plus que des espaces cultivés ; ils portent en eux une histoire avant-gardiste et altruiste. Ils étaient une réponse à un besoin vital, offrant aux habitants dépourvus d’espaces extérieurs la possibilité de cultiver leurs propres fruits et légumes à bas coût », précisait la lettre ouverte.
Une triste histoire de terrain
S’il est de bon ton de tirer à boulets rouges sur les collectivités amatrices de bétonisation à outrance pour servir l’appétit des promoteurs, la folie des grandeurs liées aux Olympiades ou les projets ubuesques (comme celui du triangle de Gonesse), l’histoire semble différente à Fleury-Mérogis qui attend depuis plus de cinquante ans un collège pour ses enfants.
La première pierre d’un collège avait été symboliquement posée en 1977, dans un terrain de 7 hectares jouxtant celui de la mairie. Il ne restait qu’à attendre l’accord du département pour lancer les travaux. Problème : la friche a été le théâtre de dépôts de plus de 300 000 tonnes de déchets du BTP (comprenant amiante, fibrociment et hydrocarbure) rendant le terrain inconstructible sans dépollution. Une dépollution qui ne peut commencer avant la fin de la procédure engagée contre l’ancien édile de Fleury-Mérogis de 2009 à 2017, David Derrouet, qui a été mis en examen pour corruption passive et placé sous contrôle judiciaire. Il est soupçonné d’avoir accepté ces déversements en échange de pots-de-vin. Voilà pourquoi, quand le département a accepté la construction d’un collège, la mairie a été obligée de trouver un autre terrain.
La parcelle de 1,7 hectare des jardins familiaux a été rétrocédée par la mairie au département pour un euro symbolique en avril 2021. « Nous avions mis l’affaire du terrain de 7 hectares entre les mains de la justice depuis 2020, ce terrain reste gelé, quand nous avons su que nous avions l’opportunité d’obtenir un collège, mais qu’il fallait pour cela un terrain d’un hectare et demi minimum, le seul qui était disponible était celui dédié aux jardins familiaux. Nous avons trouvé un moyen de relocaliser les jardins familiaux en créant en plus des jardins partagés, tout en gérant le dossier sujet collège ! », explique Olivier Corzani, maire actuel (PC). Le ministère de la Justice a, quant à lui, rétrocédé un terrain de 1,4 hectare en face de la gendarmerie et à quelques pas de la plus grande maison d’arrêt d’Europe pour déplacer les jardins familiaux.
« Chaque hectare, chaque parcelle de jardin est déplacée »
À la fin du mois de février dernier, malgré les secousses de l’hiver, une réunion publique a été organisée par la mairie de Fleury-Mérogis pour présenter les plans du nouveau collège qui pourra accueillir plus de 800 élèves dès la rentrée 2026. Un bâtiment rotond de deux étages, fait de bois chaleureux, en cœur de ville, avec cinq logements de fonction. Une joie pour le maire de Fleury et ses administrés. Jusqu’à présent, les élèves de collège devaient se répartir entre deux établissements, à Sainte-Geneviève-des-Bois et Bondoufle, ce qui impliquait des voyages de 30 à 45 minutes de bus pour les jeunes, avec des liaisons parfois semées d’embûches. « Nous sommes la seule commune de plus de 10 000 habitants en Île-de-France qui n’est pas dotée d’un collège, il était temps que cela change, souligne le maire, Olivier Corzani. Dès 2026, les jeunes seront à 5 ou 10 minutes à pied de leur établissement, pourront rentrer déjeuner chez eux, leurs cartables seront moins lourds… Cela aura un impact certain sur les taux de décrochage scolaire qui sont importants sur une commune comme la nôtre », a souligné l’élu.
Référence : AJU013h6