Métropole du Grand Paris : les critiques acerbes de la Cour des comptes

Publié le 01/12/2022
Grand Paris
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Créée le 1er janvier 2016, la métropole du Grand Paris (MGP) peine toujours, sept ans plus tard, à endosser son rôle d’organisateur de l’espace métropolitain que lui octroie la loi. Dans un rapport d’observation, la chambre régionale des comptes (CRC) d’Île-de-France affirme que les difficultés de la nouvelle collectivité s’expliquent notamment par des statuts issus « d’un compromis aussi inédit que difficile à mettre en œuvre ».

Apur, 2016

Un budget en « trompe-l’œil », « des actions peu structurantes à l’échelle métropolitaine », « aucune dynamique de rationalisation », c’est peu dire que la chambre régionale des comptes d’Île-de-France n’est pas tendre avec l’action de la métropole du Grand Paris. La collectivité, nouvelle dans son genre à l’échelle nationale, est « mal née » juge l’institution dans un rapport dévoilé fin octobre.

Mille-feuille francilien

Parmi les nombreuses critiques formulées, la plus sévère concerne sans aucun doute l’inexistante application des prérogatives que la loi confère à la MGP. En effet, de la métropole mondiale qui devait structurer la région parisienne pour tenir la dragée haute à Londres, New York ou encore Tokyo, il n’existe en pratique qu’un maillon administratif supplémentaire, méconnu qui plus est des habitants. Une gageure dans un territoire dans lequel il est déjà difficile de s’y retrouver quant aux pouvoirs de chacune des collectivités. L’objectif de simplification est en soi largement raté juge la chambre régionale. Ainsi, chacune des 130 communes qui composent la métropole est « membre à la fois de la MGP et d’un EPT (établissement public territorial). En revanche, ces deux niveaux d’administration n’ont quasiment pas de relations institutionnelles ». Conséquence : seule la complexité organisationnelle du territoire francilien s’en est trouvée renforcée. Pour y voir plus clair dans ce mille-feuille, la Cour recommande d’ailleurs de « préciser les critères de partage de compétences entre la MGP les communes et les territoires, lorsque la définition d’un intérêt métropolitain est requise ».

Depuis sept ans, pour tenter d’exister face à la région, la ville de Paris et les autres collectivités, la MGP s’est surtout « affirmée dans l’exercice de ses compétences environnementales en procédant à l’adoption du plan climat-air-énergie métropolitain (PCAEM) et en instituant la zone à faible émission (ZFE) métropolitaine », note la chambre régionale des comptes. Des sujets majeurs, certes, mais soumis aux vents contraires de la critique et des polémiques. La métropole vient du reste d’annoncer qu’elle ajournait le calendrier d’application de sa ZFE pour les vignettes Crit’Air 3. Celui-ci entrera en vigueur en 2025 au lieu du 1er juillet 2023. Un recul qui révèle, pour les défenseurs de la mesure, la faiblesse politique de la métropole. Pourtant, rappelle le rapport de la chambre, « la MGP a connu une montée en charge de ses compétences », depuis sa création en 2016. Or celle-ci ne semble pas en mesure de les appliquer : « Elle n’exerce toujours pas les importantes responsabilités qui lui ont été reconnues par le législateur à l’échelle de son territoire », cingle la CRC. Parmi celles-ci, la politique de l’habitat résonne comme un échec cuisant tant elle apparaissait comme « l’une des raisons fondamentales de sa création par le législateur », de surcroît dans une région où la problématique du logement cristallise les tensions depuis des décennies et où les besoins sont toujours plus pressants dans un contexte marqué par la zéro artificialisation des sols. En la matière, la région, à travers le schéma directeur de la région d’Île-de-France (SDRIF), reste le gardien du temple. Même constat pour les prérogatives liées au développement et l’aménagement économique, social et culturel normalement dévolues à la métropole par l’article L5219-1 du Code général des collectivités territoriales. Seule l’opération d’aménagement de la Plaine Saulnier à Saint-Denis, où doit être construit le Centre aquatique olympique (CAO) pour les JO, constitue « une exception avec l’implication directe de la MGP », relève le rapport.

Un budget minimal

De fait, si la métropole du Grand Paris rencontre tant de difficulté à exercer ses pouvoirs, c’est qu’elle n’est dotée que d’un budget négligeable. Celui-ci s’établit, chaque année, entre 50 et 100 millions d’euros en fonds propre. Soit environ 10 € par habitant. Impossible pour la collectivité dans ce cas « d’améliorer le cadre de vie de ses habitants, de réduire les inégalités entre les territoires qui la composent, de développer un modèle urbain, social et économique durable, moyens d’une meilleure attractivité et compétitivité au bénéfice de l’ensemble du territoire national », comme lui somme de le faire le législateur. « La petite taille budgétaire de la MGP et la faiblesse de ses moyens d’action résultent directement de choix partagés avec ses communes membres. Elle est à la mesure de l’étroitesse des compétences que lui ont transférées les communes et les EPT », explique la chambre régionale.

En clair, la MGP peine à imposer son autorité sur ses membres. Et sans nouvelle réforme de l’organisation territoriale en Île-de-France, difficile d’imaginer une inversion de cette tendance. Communes, intercommunalités, départements, régions, aucune collectivité ne souhaite transférer certaines de ses compétences au profit de la métropole. « Mal née », la métropole pourrait aussi vite disparaître.

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