Saint Denis – Pierrefitte : bientôt la deuxième commune d’Île-de-France !
L’année 2024 sera celle du grand tournant pour les deux villes de Seine-Saint-Denis : Saint-Denis et Pierrefitte. En effet, avec la création d’une commune nouvelle en janvier 2025, celle-ci deviendra la plus peuplée d’Île-de-France, après Paris. Stella Dupont, députée Renaissance, coautrice du rapport mission flash sur les Communes Nouvelles, évoque pour Actu-Juridique les avantages et les inconvénients d’un tel rapprochement de communes.
Tout a commencé au printemps 2023. Lors des conseils municipaux de Saint-Denis et Pierrefitte-sur-Seine, le vœu est simultanément adopté de former une commune nouvelle. Un dispositif appliqué depuis 2010 qui permet la fusion de plusieurs communes limitrophes, les anciennes communes conservant le statut de communes déléguées. En France, 787 communes nouvelles ont été créées depuis 2010.
Ce statut est créé par l’article 21 de la loi no 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. La loi no 2015-292 du 16 mars 2015 « relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes » a incité les municipalités à la création de communes nouvelles en instaurant un pacte financier garantissant pendant trois ans le niveau des dotations de l’État, aux communes. Ce processus, visant entre autres à mutualiser les coûts et proposer plus de services aux habitants, avait jusqu’à présent été principalement plébiscité par les communes rurales, même si des agglomérations comme Cherbourg en Cotentin (81 600 habitants), Annecy (122 000 habitants) et Évry-Courcouronnes (66 000 habitants) avaient franchi le pas respectivement en 2016, 2017 et 2019.
La démarche des municipalités a été résumée ainsi par le maire de la première commune de Seine-Saint-Denis, Mathieu Hanotin : « Cette démarche découle d’un constat simple : en petite couronne francilienne, une ville de 150 000 habitants est plus à même de fournir un service public municipal fort. Avec mon homologue pierrefittois, Michel Fourcade, nous voulons des villes équilibrées, solidaires, apaisées et harmonieuses. Nous souhaitons plus de services publics de qualité pour les Dionysiens et les Pierrefittois. C’est l’essence même de nos programmes et des engagements pris devant les électeurs en 2020 : un mandat pour agir au service des habitants plus fragilisés qu’ailleurs. En unissant nos forces, c’est ce que nous réussirons à construire. La commune nouvelle nous donnera une force incontestable pour investir et répondre aux défis du XXIe siècle. J’insiste sur un point : cette commune nouvelle n’aura aucun impact sur les impôts des Dionysiens. C’est grâce à notre bonne gestion des finances de la collectivité que nous pouvons mettre en place ce projet. Dans les prochains mois, nous reviendrons régulièrement vers vous afin de construire ensemble notre nouvelle commune ».
Politiquement comme financièrement, la fusion semble être un choix judicieux : la commune nouvelle deviendra la deuxième ville la plus peuplée d’Île-de-France, après Paris. « Saint-Denis et Pierrefitte se donnent ainsi les moyens de peser dans les débats à venir pour choisir librement leur destin et obtenir plus de financement pour un service public municipal encore plus fort. À court et moyen termes, la commune nouvelle verra ses recettes augmenter via une hausse de la dotation globale de financement de l’État. En effet, l’État prévoit un bonus d’au moins 6 € par an et par habitant pendant trois ans. Soit un total de 2,7 millions d’euros. Pour Saint-Denis, cela signifie continuer à investir massivement pour l’avenir », rassurent les élus.
Pierrefitte ne sera pas un énième quartier de Saint-Denis
Même si la loi ne prévoit pas de consultation obligatoire des électeurs et électrices, plusieurs rendez-vous ont été proposés en ce début d’année 2024, aux habitants des deux communes pour répondre aux questions éventuelles. Des ambassadeurs et ambassadrices du projet ont été également missionnés pour aller à la rencontre des citoyens. Sur le site créé : Demain-commune.fr: les deux municipalités ont anticipé des inquiétudes légitimes qui pourraient légitimement poindre : l’augmentation des impôts locaux à Saint-Denis (« Pour les Dionysiens, l’engagement de ne pas augmenter les impôts locaux pendant le mandat sera tenu. En alignant les taux d’imposition des deux villes, la commune nouvelle va engager la baisse de la fiscalité pour les Pierrefittois. Plus largement, les économies d’échelle ou les mutualisations de services réalisées seront toutes réinvesties au bénéfice des habitants dans le développement de politiques publiques »), la perte d’identité de la commune de 29 000 habitants face à la troisième ville la plus peuplée d’île-de-France, avec 110 000 habitants (« Pierrefitte ne sera pas un quartier de plus de Saint-Denis, mais aura le statut de commune déléguée, avec un maire délégué. Les noms de rues et d’écoles, comme les codes postaux resteront les mêmes. Les clubs sportifs arboreront toujours leurs couleurs. Les deux hôtels de ville accueilleront des mariages. La commune déléguée de Pierrefitte continuera de délivrer l’ensemble des actes d’état civil et d’assurer la relation de proximité »).
Pour ce qui est du calendrier, entre juin et juillet 2024, une charte de gouvernance de la commune nouvelle sera adoptée par les conseils municipaux de Saint-Denis et de Pierrefitte après consultation des habitants et des corps constitués. À l’automne 2024, un arrêté préfectoral actera la création de la commune nouvelle qui prendra effet le 1er janvier 2025. De janvier 2025 à mars 2026, les deux conseils municipaux actuels s’additionneront. 94 élus siégeront en séance (55 Dionysiens et 39 Pierrefittois). Les élections municipales de mars 2026 seront les premières organisées à l’échelle de la commune nouvelle, avec des listes de 61 noms (soit 30 % d’élus en moins) pour un conseil municipal unique, et le choix du maire de la commune nouvelle mais aussi celui de la commune déléguée de Pierrefitte-sur-Seine.
Un modèle qui a montré son efficacité… et ses limites
En octobre 2023, la mission “flash” sur les communes nouvelles présidée par Stéphane Delautrette (PS Haute-Vienne) et Stella Dupont (Renaissance), Maine-et-Loire, remettait son rapport à l’Assemblée nationale. Un document qui dresse le bilan de cette presque décennie de communes nouvelles et énumère les avantages de ce processus pour les communes et leurs habitants, mais aussi les difficultés et points d’attentions que doivent garder les élus en tête avant de se lancer dans les fusions. La mission avait entendu les élus de la future commune nouvelle de Saint-Denis/ Pierrefitte-sur-Seine dans le cadre de ce travail parlementaire.
« Nous avons monté cette mission après plusieurs retours du terrain sur nos circonscriptions. D’abord sur le fait que cela fonctionne : il y a de nombreux avantages en termes de niveau de services proposés aux citoyens et aux municipalités (comme la petite enfance, les services supports, l’entretien des équipements sportifs ou la sécurité des bâtiments publics qui est souvent la dernière roue du carrosse). La mission a également souligné des freins et des difficultés rencontrées par les municipalités. Si des amendements ont été votés en 2021 et 2022 pour sécuriser les communes nouvelles quant à leur dotation, des inquiétudes persistent. Le but avec cette mission était d’aller au-devant des éventuelles difficultés rencontrées par les communes désireuses de passer le cap », nous explique Stella Dupont, élue d’un département qui est passé de 367 communes à 170.
Concernant le cas particulier de Saint-Denis, la députée ne fait pas de différence particulière avec les communes de son bocage angevin : « Quand Jacques Pélissard a porté ce projet, il imaginait quelques villages, pas le rassemblement de 15 clochers, il imaginait quelques villes pas le rassemblement de deux villes de petite couronne. La raison première d’un tel regroupement c’est le projet du territoire regroupé qui doit être au cœur de la motivation à passer le cap, on a des exemples d’opportunisme financier, en général le projet collectif est pas bien construit, je ne pense pas que ce soit la meilleure solution. Pour cette grande commune urbaine, le projet du territoire est la clé du succès ainsi que l’équilibre des services. Il faut penser équilibre global et ne pas sous-estimer la question de l’identité des deux villes : le nouvel ensemble ne doit pas effacer les spécificités des communes ».
Après avoir auditionné les maires concernés, la députée est convaincue qu’il ne s’agit pas dans le cas présent de « déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Elle prévient : la création d’une commune nouvelle ne doit pas se limiter à un agenda purement pratique et économique. « C’est ambitieux de partager un projet comme celui-ci, avec les élus et les habitants. Une commune nouvelle, ce n’est pas l’addition de projets communaux, mais un projet territorial d’ensemble qui structure ensuite le projet politique de la commune concernée. Globalement, on a des élus qui reconnaissent la lourdeur de la tâche, c’est une aventure humaine qui nécessite équipe soudée, compétence des élus pour poser un diagnostic et poser un projet de territoire ». La future commune de Saint-Denis bénéficie déjà d’une bonne coordination entre les deux équipes municipales et le fait que le maire de Saint-Denis soit également président de Plaine Commune est un indice de plus que les choses sont bien lancées. La députée voit même dans le processus de commune nouvelle l’opportunité rare de rassembler les habitants face à un projet commun : « cette démarche implique d’être particulièrement à l’écoute des habitants qui ont passé toute leur vie dans telle rue, qui sont attachés à leur code postal, à leur mairie. Cela peut être l’occasion de développer les conseils de quartiers, de redonner une dynamique d’implication citoyenne aux communes ! »
Référence : AJU012w4