Yvelines (78)

Bientôt une charte de l’arbre à Maisons-Laffitte

Publié le 13/12/2022
Arbre, nature, enfants
Volodymyr/AdobeStock

La mairie de Maisons-Laffitte, dans les Yvelines (78), est engagée dans la rédaction d’une charte de l’arbre. Ce n’est pas la première fois qu’une commune ajoute en France un outil juridique pour protéger les arbres. Il en existe déjà près d’une quinzaine en France métropolitaine.

Maisons-Laffitte est une ville des Yvelines (78) connue pour son château et bien sûr son parc, inscrit au titre des monuments historiques en 1963. Entre ce lieu remarquable, les espaces verts, le verger communal ou encore la coulée verte, la commune de Maisons-Laffitte profite d’un environnement particulièrement arboré. « Le parc présente un riche patrimoine arboré : environ 22 000 arbres répartis entre les différents alignements et réserves boisées, et une dizaine d’espèces représentées », précise le plan local d’urbanisme (PLU). Ce n’est donc pas étonnant qu’associations locales et mairie se mobilisent en ce sens pour l’élaboration de la première « charte de l’arbre » de Maisons-Laffitte.

Une telle charte rejoint un mouvement déjà à l’œuvre dans d’autres communes françaises qui tentent de considérer l’arbre, non plus comme un bien immeuble, mais comme un élément qui mérite d’être protégé. Cet outil permet de rassembler les différents acteurs et actrices d’un même territoire. Chaque ville est libre de définir les objectifs et les contraintes en fonction de ses spécificités. La charte est enfin un document qui doit permettre la facilitation de la prise de décisions politiques.

Pour le cas de Maisons-Laffitte, cette nouvelle charte vient s’ajouter aux dispositions déjà présentes dans le PLU, modifié en 2017. Serge Godaert est maire adjoint de Maisons-Laffitte, délégué à l’urbanisme et à l’aménagement urbain, conseiller de quartier de la zone du Petit Parc : « Pourquoi cette charte ? Pour qu’elle soit utile et qu’elle serve ! Nous en tiendrons compte pour tous les permis et déclarations préalables déposés, sans faire atteinte à la propriété privée. L’idée est que la charte soit contraignante mais utilisable. Lorsque des promoteurs vendent des propriétés avec certains spécimens d’arbres, nous sommes obligés de trouver un moyen de les protéger et une assise pour la prise de décision. C’est une question de patrimoine, mais aussi d’écologie puisque l’on sait que les arbres agissent sur la qualité de l’air, de l’eau, de tout notre environnement » !

Des associations mobilisées

Un collectif de cinq associations souhaite depuis longtemps la mise en place d’un tel document : A.R.B.R.E.S. (à compétence départementale et nationale), Qualité de Ville Maisons-Laffitte, Maisons-Laffitte Développement Durable, Le Patrimoine et l’Association Syndicale du Parc de Maisons-Laffitte. Ces dernières ont été consultées par la mairie, tout comme les conseils de quartier, l’Architecte des bâtiments de France ou encore toute personne intéressée. « J’ai aussi fait une intervention et écoute de toutes les associations locales. Ça ne pouvait pas être plus démocratique. Nous avons reçu un certain nombre de choses que nous sommes en train de distiller », assure Serge Godaert.

« Depuis plusieurs années, les habitants de Maisons-Laffitte constatent une disparition accélérée des espaces de verdure en zone urbaine mais aussi au sein de leur parc historique, nous répond ce collectif par mail. Ils assistent trop souvent à des abattages et à des élagages abusifs, y compris d’arbres centenaires dans les propriétés. De trop nombreux arbres situés dans les espaces privés n’ont pas pu être préservés au nom d’une application exorbitante du droit de la propriété par l’autorité municipale. Les outils juridiques disponibles pour assurer la protection du patrimoine arboré de Maisons-Laffitte étant devenus insuffisants ou inopérants. Les cinq associations ont décidé de promouvoir la rédaction d’une Charte de l’arbre engageante pour la ville ».

Par courrier, le collectif a donc fait parvenir cinq propositions à la mairie et l’incite à annexer cette charte au PLU. Ce qui ne semble pas être dans le projet de la ville.

Pas de modification de PLU prévue : du « droit souple » ?

« Une modification du PLU est une procédure lourde, répond Serge Godaert. Donc il vaut mieux faire un document qui apporte une assise de réglementation. On l’a déjà fait – on a refusé certains projets parce qu’ils enlevaient plusieurs arbres. On veut protéger les beaux arbres en fonction de la conjoncture du moment ».

Pour le collectif, pourtant, « incorporer la Charte de l’arbre (ou certaines composantes de la Charte) au PLU permet de la rendre visible et plus contraignante pour l’ensemble des acteurs publics et privés. Le PLU de Maisons-Laffitte a déjà prévu quelques dispositions de protection des espaces boisés dans le parc. Il s’agit donc de les enrichir, de les renforcer et de les élargir à l’ensemble de l’espace urbain. La cohérence entre la Charte de l’arbre, le PADD et le PLU doit être clairement affirmée par l’autorité municipale. Une charte de l’arbre exigeante ne doit pas être comprise comme un outil visant à freiner les opérations d’urbanisme. À l’inverse, elle doit, par ses exigences, encourager les opérations de qualité ».

Me Jody Granados est avocate au barreau de Versailles, spécialisée dans le droit de l’environnement et sans lien avec le dossier : « Une « charte de l’arbre » simple, qui ne retranscrit pas ses engagements dans un document réglementaire (tel un PLU et/ou un règlement de voirie) ou ne prend pas assise sur un outil juridique particulier, n’a pas de valeur normative, précise-t-elle. En ce sens, on peut citer un jugement du tribunal administratif d’Orléans du 19 avril 2016 (n° 1502245) : « Considérant que les requérants invoquent la violation de la  » charte de l’arbre  » adoptée par une délibération du conseil municipal de la commune de Bourges le 20 avril 2012 ; que, toutefois cette charte, si elle traduit une position de principe de respect des arbres déclinée en divers engagements moraux, elle se limite  » éventuellement à inclure dans le plan local d’urbanisme des règles de protection des arbres  » et est dépourvue de valeur normative ». » Me Jody Granados note cependant « que la circonstance qu’une telle délibération n’a pas de valeur juridique contraignante ne doit pas conduire à nuancer sa portée pratique. Dans les faits, ce type de document qui entre dans la catégorie des « documents de cadrage », des « guides de bonnes pratiques/de bonnes conduites », relève de la « soft law » (« droit souple »). Cette notion renvoie aux documents dont le mode d’élaboration est libre, qui ne sont pas contraignants mais qui contribuent à modifier les comportements. Ils ont donc une portée utile ». À cela s’ajoutent « une forte valeur symbolique et une certaine utilité politique » : élus et décideurs prennent en compte le fait de mieux intégrer le patrimoine végétal dans l’aménagement du territoire.

L’arbre : un droit à améliorer ?

L’arbre est considéré comme un bien immobilier, au sens de l’article 518 du Code civil, qui dispose : « Les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature. » L’article 673 du même Code prévoit, quant à lui, que « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ». Mais depuis quelques années, certains professionnels du droit et associations veulent faire évoluer le droit. Ainsi, le 5 avril 2019 était symboliquement proclamée la Déclaration des Droits de l’Arbre lors d’un colloque à l’Assemblée nationale.

« Dans le contexte actuel et grave de dérèglement climatique, il est clair que nous avons tous le devoir d’identifier de nouveaux outils, notamment juridiques, pour protéger l’environnement, poursuit Me Jody Granados. Dans ce cadre, l’arbre est effectivement un « objet pertinent » lorsqu’on souhaite développer un droit de l’environnement ».

Selon elle, que les justifications s’appuient sur une approche « utilitariste et anthropocentrique » (les arbres contribuent à l’amélioration de notre bien-être physique et mental), sur une approche complémentaire tendant à considérer l’arbre comme un « bien commun d’intérêt général, transgénérationnel » ou sur le fait qu’ils soient des êtres vivants, au même titre que les animaux, « ce que l’on retiendra c’est que, sur le plan des idées, c’est une très bonne chose que des communes saisissent tout l’enjeu qu’il y a à prendre en compte le patrimoine arboré (qui fait partie du « patrimoine commun de la nation » visé à l’article L. 110-1 du Code de l’environnement) dans les projets de constructions, d’aménagements, etc. ». Pour l’avocate, « il serait tout de même utile de vérifier si les collectivités locales utilisent déjà correctement tous les outils juridiques mis à leur disposition ». Elle pense notamment à la bonne maîtrise des classements et zonages (espèces protégées, espaces boisés classés y compris pour des arbres isolés, espaces verts protégés, sites d’intérêt paysager, espaces naturels sensibles, sites classés patrimoines remarquables, périmètre de protection des monuments historiques, etc.) ou au respect des réglementations particulières « telles que celle protégeant les allées et alignements d’arbres bordant une voie de communication ». Code de l’urbanisme, Code de l’environnement, Code du patrimoine, ou encore Code forestier permettent en effet d’assurer une protection des arbres, « certes conditionnée mais réelle », contre l’abattage et les dégradations.

Une autre problématique doit être soulevée pour Me Jody Granados : l’articulation entre cette volonté de protéger le patrimoine arboré et les droits existants, comme le droit de propriété. « Pour donner un exemple, l’article 673 du Code civil, tel qu’éclairé par la jurisprudence, consacre le droit imprescriptible du propriétaire sur le fonds duquel s’étendent les branches de l’arbre du voisin de contraindre celui-ci à les couper. L’articulation entre ces dispositions légales et la proposition contenue dans la « Contribution pour une Charte de l’Arbre ambitieuse à Maisons-Laffitte » (une proposition du collectif d’associations de Maisons-Laffitte, NDLR), tendant à soumettre à une déclaration préalable les élagages impliquant la coupe de branches d’un diamètre supérieur à 10 centimètres, serait loin d’être évidente ».

À Maisons-Laffitte comme ailleurs, une Charte de l’arbre n’est pertinente que si elle est bien rédigée, mise en œuvre et appliquée ! Encore en rédaction, une première version de la charte devrait être rendue d’ici la fin de l’année, avant d’entrer dans un processus de relectures. « Nous prenons le temps, dit Serge Godaert. S’il le faut, nous referons des réunions. Maisons-Laffitte doit avoir une protection importante pour préserver ses arbres et notre environnement ».

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