L’effectivité des droits sociaux au prisme du non-recours

Publié le 09/01/2018

Loin d’être emblématique d’une ineffectivité des droits sociaux, le phénomène du non-recours est un effet du subjectivisme qui imprègne, de plus en plus, le droit de l’aide et de l’action sociale et qui, par rétroaction, pose la question de leur effectivité qui est une problématique juridique car elle au cœur du questionnement relatif aux effets du droit, singulièrement aux effets du droit de l’aide et de l’action sociales.

« Le phénomène du non-recours aux droits sociaux est devenu un enjeu de société important. En effet, le renoncement des personnes à l’aide théoriquement organisée pour elles est un frein puissant à l’efficacité des politiques de solidarité. Il est nécessaire d’interroger nos dispositifs de solidarité et d’établir les raisons pour lesquelles les personnes modestes qu’ils sont supposés aider s’en détournent ». Cet extrait du plan gouvernemental contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de janvier 2013 illustre, de manière explicite, la mise à l’agenda politique d’une problématique sociale mise en exergue, depuis les années 1980, par des acteurs administratifs et le secteur associatif1. Elle soulève la question de l’évaluation des politiques publiques. Partant, elle est devenue un objet de connaissance de la sociologie2 et de la science politique3.

Selon Philippe Warin, « le non-recours renvoie aux personnes qui, en tout état de cause, ne bénéficient pas d’offres publiques, de droits ou de services, auxquelles elles pourraient prétendre »4. Cette définition réfléchit la complexité du phénomène que corrobore la typologie explicative des formes du non-recours établie par les chercheurs de l’ODENORE :

  • la non-connaissance lorsque l’offre n’est pas connue ;

  • la non-réception, lorsque l’offre est connue, demandée mais pas obtenue ou réalisée ;

  • la non-demande, quand l’offre est connue mais pas demandée, ou bien un droit ouvert mais la prestation non utilisée.

Ce travail d’élucidation a contribué à faire du non-recours, un sujet du débat public, d’autant qu’il présente un coût non négligeable pour les finances publiques5. Ce fait social interpelle le droit de l’aide et de l’action sociales, car il pose la question de l’effectivité des droits sociaux6.

Au regard de la littérature sociologique et de la science politique, il ne fait aucun doute que le non-recours est emblématique d’une ineffectivité des droits sociaux. Ce constat est aussi partagé par le juriste. « Une règle méconnue ou non appliquée est une règle dont l’esprit, l’objectif est violé, quelles que soient les raisons de sa méconnaissance ou de son inapplication »7. À l’opposé de cette acception, le non-recours ne sera pas envisagé comme symptomatique d’une ineffectivité mais comme le produit d’une norme qui produit des effets. À la différence de l’efficacité qui se préoccupe des seuls effets souhaités d’une norme, l’effectivité peut être appréhendée comme « la production, par la norme juridique, d’effets compatibles avec les finalités qu’elle poursuit »8. Cette approche qui traduit une conception renouvelée de l’effectivité subsume « à la fois les effets concrets ou symboliques, les effets juridiques, économiques, sociaux ou de quelqu’autre nature, les effets désirés ou non voulus, prévus ou non intentionnels, immédiats ou différés, à la seule condition qu’ils n’entrent pas en contradiction avec les finalités des règles de droit évalués »9. Elle postule que « l’effectivité du droit dépasse celle de son application ou de son utilisation »10 et qu’elle est « la qualité d’une norme qui produit des effets »11. Sous ce prisme, le non-recours aux droits sociaux sera conçu, ici, comme un effet, certes non désiré ou non voulu par le législateur, de l’orientation subjectiviste du droit de l’aide et de l’action sociales (I). Par rétroaction, le non-recours pose un certain nombre de défis au droit de l’aide et de l’action sociales qu’il conviendra de relever (II).

I – Le non-recours aux droits sociaux, un effet de l’orientation subjectiviste du droit de l’aide et de l’action sociales

La subjectivation n’est pas réductible au droit de l’aide et de l’action sociales12. Si elle est loin d’être inédite, cette subjectivation s’avère toutefois atypique dans une discipline, marquée du sceau de la solidarité sociale qui en constitue l’essence, en raison de l’individualisme méthodologique dont elle est empreinte (A). Celle liaison demeure problématique car elle éprouve le droit de l’aide et de l’action sociales en faisant de celui-ci, un « droit sans sujet »13 et sans objet en raison de son incomplétude, de ses impensés (B).

A – Le droit de l’aide et de l’action sociales sous l’emprise de l’individualisme méthodologique

La subjectivation du droit de l’aide sociale est informée par le législateur qui traduit en acte les promesses républicaines formulées dans le préambule de la constitution de 1946. Elle épouse tous les principes de l’individualisme méthodologique14 aux fins de légitimer un processus visant à faire des droits sociaux des droits subjectifs individuels.

Sous ce fondement, le législateur a, au cours de ces dernières années, institué le droit pour ceux qui ne travaillent pas en raison de la situation économique, un droit à un revenu d’existence avec la loi n° 88-108 du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d’insertion (RMI) désormais dénommé revenu de solidarité active (RSA) à la suite de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le RSA et réformant les politiques d’insertion. À raison dudit alinéa qui postule, par ailleurs, le droit à la protection de la santé, le législateur a aussi consacré le droit pour les personnes défavorisées d’accéder aux soins en vertu de la loi n° 99-641 portant création d’une couverture maladie universelle (CMU)15. Last but not least, le législateur a consacré le droit au logement opposable (DALO) des personnes en difficulté de logement avec la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

Ce panorama, qui est loin d’être exhaustif, est, ut singuli, emblématique de ce processus de subjectivation. Il traduit une évolution visant, de plus en plus, à reconnaître des droits subjectifs aux particuliers qu’ils peuvent juridiquement faire valoir auprès des personnes publiques16. En l’espèce, il s’est agi, pour le législateur, de subjectiver des droits assimilés par le juge constitutionnel à des droits objectifs qui s’imposent au législateur sous la forme d’objectifs à valeur constitutionnelle comme l’illustre le DALO17. Cet aspect du processus de subjectivation du droit de l’aide et de l’action sociales rejoint la thèse d’une partie de la doctrine pour qui la subjectivation de ces droits par le juge constitutionnel faciliterait leur effectivité, singulièrement le droit au logement. « S’agissant ainsi du logement, il conviendrait probablement qu’à terme le juge reconnaisse non plus seulement un objectif mais bel et bien un droit »18.

Dans un autre registre, la loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale19 institutionnalise les droits désormais reconnus à ceux qui relèvent de l’action sociale et médico-sociale en leur qualité d’usagers des établissements sociaux et médico-sociaux20, en l’occurrence, le droit à la dignité, au respect de la vie privée, à la vie familiale, à l’égalité de traitement, le droit au consentement. Pour l’essentiel, ces droits sont la déclinaison des droits de l’homme au profit d’une catégorie de personnes dans leur situation particulière.

Corrélativement, cette subjectivation se traduit par une volonté manifeste de prendre en considération la situation des individus. Il est désormais question, dans le secteur de l’action sociale et médico-sociale, de projet personnalisé, de projet individualisé. Ceci est expressément prescrit par l’article 3 de la loi du 2 janvier 2002 (CASF, art. L. 116-2) qui précise que : « L’action sociale et médico-sociale est conduite dans le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains avec l’objectif de répondre de façon adaptée aux besoins de chacun d’entre eux ». Ce principe général se décline, à titre illustratif, dans l’article L. 262-27 du Code de l’action sociale et des familles qui dispose : « Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique ». Cet aspect constitue, du reste, pour l’ensemble des auteurs, un caractère du droit à l’aide sociale21. Cette prise en compte de la subjectivité est informée dans le contrat passé avec l’usager22 qui formalise les objectifs de la prise en charge.

Cette articulation conventionnelle des droits subjectifs individuels dans le contrat de séjour est le point de cristallisation d’un phénomène plus global, à savoir la généralisation du contrat dans le droit de l’aide et de l’action sociales23. C’est le point d’orgue du processus de subjectivation. Elle vise à faire de l’usager, l’acteur de sa prise en charge, de son projet24. C’est le leitmotiv actuel de l’action sociale et médico-sociale.

Cette généralisation du contrat induit des conséquences inédites pour les usagers des établissements publics où il a toujours été convenu que ces derniers étaient dans une situation réglementaire et non contractuelle25. Outre son caractère virtuel26 et les doutes juridiques qu’il suscite27, ce contractualisme s’avère, en l’espèce, problématique car il postule la faculté pour l’usager de ne pas contracter et donc de renoncer à sa prise en charge. Ce droit de consentir entretient un lien affinitaire avec l’individualisme libéral si l’on définit les droits individuels comme des droits « dont le libre exercice est assuré à l’individu dans le régime d’État, tant à l’égard de la puissance publique, qu’à l’égard des autres hommes »28. Cet individualisme devient équivoque si l’on considère qu’il « ne consiste pas seulement dans les mœurs de liberté, il pose une question de droit, il postule le droit individuel, c’est-à-dire le droit de l’individu à l’encontre de la société »29. Dans le cas présent, il induit un risque d’opposition entre individualisme et solidarité, entre droit objectif et droit subjectif. Le droit objectif encourt alors le risque de devenir un droit sans objet car cet individualisme est de nature à compromettre les objectifs actuels du droit de l’aide et de l’action sociales qui visent à garantir la cohésion sociale, à favoriser l’insertion, l’inclusion sociale des personnes en situation d’exclusion qui constitue un des nouveaux principes essentiels de la politique juridique dans cette discipline. Le risque est réel au regard de son incomplétude, de ses impensés.

B – Le pouvoir d’exiger, un impensé de la politique de subjectivisation du droit de l’aide et de l’action sociales

La subjectivation des droits sociaux ne relève pas de l’évidence. Pour la doctrine privatiste, les droits sociaux s’insèrent difficilement dans la catégorie des droits subjectifs30. L’obstacle n’est toutefois pas dirimant si l’on admet, à la suite des travaux de Roger Bonnard31, l’existence de droits publics subjectifs dont font partie les droits sociaux.

En identifiant le fondement du droit subjectif dans le droit objectif, l’auteur définit le premier comme un pouvoir d’exiger. « Pour Bonnard, le pouvoir d’exiger n’existe que si trois conditions sont remplies : qu’une obligation juridique pèse sur le sujet passif, que son titulaire ait un intérêt personnel à obtenir ce qu’il exige, que le sujet actif ait la possibilité d’agir en justice afin de vaincre une éventuelle opposition à la satisfaction de l’exigence émise »32. L’observation du droit de l’aide et de l’action sociales répond partiellement à ces exigences théoriques.

S’agissant de la condition relative à l’obligation juridique du sujet passif, celle-ci semble réunie. Sa portée est cependant d’intensité variable pour les sujets passifs que sont les collectivités publiques (l’État et les collectivités territoriales) et le législateur.

Pour les collectivités publiques, sa portée varie selon qu’il s’agisse d’aide sociale ou d’action sociale. Cette distinction impacte la portée de l’obligation mise à la charge de celles-ci. En effet, il est acquis que l’aide sociale constitue, à la différence de l’action sociale qui relèverait de l’ordre de la faculté, une obligation imposée aux collectivités publiques par la loi33. Elle se traduit par le caractère obligatoire des dépenses d’aide sociale (CGCT, art. L. 3321-1) pour la collectivité départementale qui dispose, depuis la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, d’une compétence de droit commun en matière d’aide sociale. Cette obligation de mise en œuvre de l’aide sociale qui pèse sur l’administration, singulièrement sur la collectivité départementale s’assimile juridiquement à une véritable obligation de résultat susceptible de garantir le pouvoir d’exiger du sujet actif. Elle ne présente pas la même caractéristique pour le législateur à qui incombe constitutionnellement l’obligation de concrétiser, les droits sociaux inscrits dans la constitution, notamment dans le préambule de la constitution de 1946, tel le droit d’obtenir un emploi inscrit à l’alinéa 5 aux termes duquel « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ». La portée de ce droit doit cependant être relativisée car le pouvoir constituant n’enjoint au législateur qu’une obligation de moyens. « Ce droit n’assigne (…) pas aux pouvoirs publics une obligation de résultat (…) il leur assigne néanmoins une obligation de moyens : en d’autres termes, l’État est juridiquement tenu, dans la mesure où la sauvegarde de l’emploi se présente comme un véritable objectif constitutionnel, de tout mettre en œuvre pour permettre à chacun d’avoir un travail »34. Cette analyse prévaut aussi pour le droit à la protection de la santé qui figure à l’alinéa 11 dudit préambule35.

Il y a une corrélation entre cette analyse et le fait que le juge constitutionnel traite les droits sociaux comme des droits objectifs prenant la forme d’objectifs de valeur constitutionnelle dont « la consécration (…) s’explique par le souci d’assurer l’effectivité des droits et libertés constitutionnels »36. Leur consécration ne saurait toutefois occulter « le fait qu’ils ne constituent que des obligations de moyens (…) l’inexistence d’obligations de résultat s’accompagne d’une marge d’appréciation pour réaliser ces objectifs »37. Ceci emporte une conséquence majeure pour le pouvoir d’exiger qui n’est que partiellement garanti dans ce cas.

S’agissant de la seconde condition posée par Roger Bonnard, à savoir un titulaire ayant un intérêt personnel à obtenir ce qu’il exige, l’observation atteste que ce prérequis est largement rempli. Sur ce point, l’aide sociale présente toutes les caractéristiques d’un droit subjectif car il s’agit d’une prérogative reconnue à des bénéficiaires par le droit « en raison de l’appartenance à des catégories déterminées par des caractéristiques personnelles (jeunesse, âge, vieillesse, infirmité, maternité sexe) ou sociales (revenus et résidence) »38. En la circonstance et selon un procédé classique de la construction juridique du social39, le législateur définit le champ personnel et matériel d’application de l’aide sociale ainsi que des mécanismes de protection juridique destinés à permettre au bénéficiaire de faire valoir son droit auprès des tiers40. Certaines pesanteurs juridiques peuvent néanmoins justifier que le bénéficiaire potentiel n’ait aucun intérêt personnel à exiger le bénéfice de l’aide à laquelle il a juridiquement droit. Elles découlent du caractère récupérable des prestations d’aide sociale41.

Nonobstant une tendance récente visant à limiter les prestations sociales pouvant faire l’objet d’une récupération, son caractère principiel induit la possibilité pour les bénéficiaires de renoncer à leurs droits comme l’atteste le cas de la prestation spécifique dépendance42 aujourd’hui remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie43. C’est un truisme de dire que certains des bénéficiaires potentiels n’avaient aucun intérêt personnel à exiger le bénéfice de cette prestation en raison du risque qu’ils encouraient. La récupération est indubitablement de nature dissuasive44.

La dernière exigence conditionnant le pouvoir d’exiger posée par Roger Bonnard soulève la question de la justiciabilité des droits sociaux. Or cette question est loin d’être certaine. Elle est l’objet de controverses doctrinales45. Si l’on peut admettre qu’« aucun obstacle théorique ne s’oppose (…) à la justiciabilité des droits sociaux »46, l’observation du droit positif demeure toutefois triplement problématique sur ce point.

En premier lieu, l’intervention du juge s’avère hypothétique, voire inenvisageable dans certaines occurrences. C’est le cas notamment du droit à l’emploi dont la portée s’avère, de jure et de facto, limitée. « L’étendue voire l’existence du droit se trouvent étroitement subordonnées, à l’instar des autres droits créances, à l’attitude adoptée par le pouvoir législatif ou réglementaire : puisque c’est à ce seul pouvoir qu’il revient de créer les conditions permettant audit droit de prendre corps, le chômeur ne disposant d’aucune action en justice lui offrant la possibilité d’exiger de l’État qu’il en assure la garantie ».

Dans d’autres circonstances, c’est la circonspection qui prévaut. Sans que l’on puisse établir une relation de causalité, ce constat – l’impossibilité d’exercer une action en justice pour faire valoir les droits créances – prend tout son sens dans un contexte marqué par le renouveau de l’opposabilité des droits sociaux car celle-ci conditionnerait leur exigibilité47 à la suite de l’adoption du DALO, à savoir le droit pour toute personne de disposer d’un logement décent, qui n’était jusqu’alors qu’un objectif assigné aux pouvoirs publics. Afin de rendre effectif cet objectif, le législateur en fait un droit opposable : celui-ci est d’abord garanti par le biais d’un recours amiable auprès d’une commission de médiation afin de faire reconnaître le caractère prioritaire de sa demande puis le cas échéant par un recours contentieux devant le tribunal administratif en cas de carence de l’État afin que soit ordonné le logement ou relogement des demandeurs48. En dépit de son caractère original, la circonspection l’emporte car le mécanisme est sans effet direct pour le requérant. En effet, la loi prévoit que le juge peut assortir son injonction d’une astreinte qui n’est pas versée au demandeur-requérant mais affectée à un fonds d’aménagement urbain destiné à financer le logement social. Il en résulte que ce n’est pas un recours indemnitaire. En l’espèce, l’office du juge équivaut à celui d’un juge de l’injonction qui ne garantit pas, ou à défaut indirectement, le respect du droit d’accéder à un logement décent et indépendant comme le dénotent les différents rapports du comité chargé du suivi du DALO49. Une solution palliative semble émerger sous l’égide du juge administratif qui a ouvert la voie d’un contentieux indemnitaire en reconnaissant aux demandeurs la possibilité d’engager la responsabilité de l’État pour défaut d’exécution du jugement ayant ordonné un relogement ou encore pour carence dans la mise en œuvre du DALO50. Comme l’indique le Conseil d’État dans une décision du 28 mars 2013, il s’agit d’une requête distincte de celle par laquelle le requérant demande au tribunal administratif d’ordonner son logement ou relogement au titre du recours DALO51. Cette décision exemplifie la complexité qui caractérise le contentieux de l’aide sociale.

Cette complexité est, par ailleurs, problématique en raison du morcellement du contentieux de l’aide sociale entre trois ordres de juridiction, à savoir la juridiction administrative, la juridiction judiciaire et les juridictions sociales administratives spécialisées52. Afin de remédier à cette complexité organisationnelle, la loi du 18 novembre 2016 de « modernisation de la justice du XXIe siècle » dite loi J21 prévoit, au 1er janvier 2019, la suppression des juridictions administratives spécialisées et le transfert de leurs compétences aux juridictions de droit commun, à savoir les juridictions administrative et judiciaire. Bien que simplificatrice, cette option maintient néanmoins l’éclatement de ce contentieux entre ces deux ordres de juridiction. Elle suscite une certaine réserve eu égard aux difficultés contentieuses générées, sur un plan général, par la dualité juridictionnelle qui caractérise l’organisation juridictionnelle française. C’est le signe que le processus de subjectivation est à parfaire afin de garantir un véritable pouvoir d’exiger aux bénéficiaires de l’aide sociale.

II – Les défis posés au droit de l’aide et de l’action sociales par le non-recours aux droits sociaux

S’il n’est pas symptomatique d’une ineffectivité des droits sociaux car « il y a effectivité de la règle non appliquée »53, le phénomène du non-recours n’en est pas moins signifiant pour le droit de l’aide et de l’action sociales. Il a une vertu réflexive car la question de l’effectivité des droits sociaux qu’il dégage est l’occasion de poser celle de leur mise en œuvre, de leur réalisation par le droit de l’aide et de l’action sociales. « En impliquant qu’il est dans la nature de la règle de droit de se réaliser, l’effectivité s’intéresse au développement des virtualités de la règle de droit par le droit lui-même (…) l’effectivité du droit se situe à l’intérieur même du droit et la question de la réalisation n’impose pas un passage par les faits »54. Tel est l’enjeu juridique du non-recours. À ce titre, outre une réflexion sur le pouvoir d’exiger, le droit de l’aide et de l’action sociales doit, notamment, relever deux principaux défis. Le premier est d’ordre formel et a trait au renforcement de la procéduralisation de ce droit (A). Le second est davantage substantiel et porte sur la consécration juridique éventuelle d’un droit à l’accompagnement (B).

A – Le renforcement de la procéduralisation du droit de l’aide et de l’action sociales

Paradoxalement, l’individualisation véhiculée par le processus de subjectivation des droits sociaux s’adresse, à l’instar des droits civils et politiques, à un individu universel, abstrait. C’est la conséquence du mode de construction juridique de la protection sociale assistancielle. Afin de désigner les personnes destinatrices d’une prestation de l’aide sociale, le droit de l’aide sociale procède à une catégorisation du social55. Or « le plus souvent, les catégories ainsi construites se tiennent à distance des rapports sociaux réels et se constituent comme des ensembles artificiels et déconnectés des situations sociales concrètes. Ainsi, les notions d’enfant à charge, (…) de personne âgée, d’invalide ou d’handicapé sont autant de constructions qui transcendent les conditions concrètes de vie des personnes concernées et les réfèrent à des catégories transversales et par là artificielles »56. La question de savoir si les droits sociaux sont des droits universels ou des droits conditionnels est, du reste, loin d’être résolue57.

Pour sortir de cette aporie, l’idée d’un droit procédural semble parfaitement idoine58. Pour l’essentiel, la procéduralisation du droit vise à rapprocher les autorités normatives des destinataires des normes, les faire participer à l’élaboration desdites normes auxquelles ils seront assujettis. Posant le cadre conceptuel d’un nouveau mode de régulation sociale, il convient de la mettre en perspective avec le regain actuel de la revendication démocratique illustrée par les concepts de contre-démocratie, de démocratie du public, de démocratie continue59 et de démocratie participative.

Dans le sillage de la stratégie pour l’inclusion définie à Lisbonne en 2000 qui assigne aux politiques d’inclusion sociale l’objectif d’associer l’ensemble des acteurs concernés, y compris les administrés, le législateur a, notamment60, institué, sur un plan général, dans la loi du 2 janvier 2002 précitée, le principe de la participation des résidents aux projets des institutions sociales et médico-sociales par le biais d’un conseil de vie sociale. À titre particulier, ce principe vaut aussi pour les bénéficiaires du RSA61. Ce dispositif est éclairant sur les mérites de l’idée consistant à faire participer les destinataires d’une norme à son application. Il a notamment contribué à une meilleure connaissance du RSA62.

Réciproquement, il illustre les insuffisances du droit positif en la matière. Ce dernier souffre d’un manque d’un véritable cadrage général d’où une organisation variable selon les départements63. La procéduralisation du droit de l’aide sociale et de l’action sociales suppose que « les normes qui aménagent de telles procédures et de telles distributions de compétences déterminent également un cadre de principes généraux que doivent respecter les acteurs, sous le contrôle du juge »64. Au-delà, cet exemple est aussi évocateur quant à la place donnée à la participation dans le droit positif : celle-ci se limite à l’application de la loi.

L’enjeu consiste à faire participer les destinataires à l’élaboration de la loi dans un pays encore marqué par un certain légicentrisme et où la loi est considérée comme le garant de la protection des droits et libertés. Cette option est de nature à favoriser à la fois le rapprochement entre auteurs et destinataires des normes et la participation de ceux-là à l’élaboration de celles-ci. Elle pétitionne des changements d’ordre légistique pouvant augurer un recours plus systématique à l’expérimentation législative introduite par le constituant à l’article 37-1 de la constitution qui autorise « la loi ou le règlement à comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental ».

Cette nouvelle technique légistique qui emprunte à la méthode scientifique65 repose sur une double intervention du législateur : celui-ci doit d’abord autoriser l’expérimentation puis la clore en adoptant une seconde loi généralisant l’expérience. Outre le fait qu’elle présente l’avantage sur le plan de la légistique de s’interroger sur l’opportunité d’une réforme, l’expérimentation peut, dans ces deux occurrences, constituer un nouveau mode de régulation sociale plus démocratique permettant à la fois le rapprochement du législateur des destinataires des prestations d’aide légale et corrélativement, leur contribution à la réalisation des objectifs poursuivis66. Dans une perspective systémique et afin de garantir son efficacité, l’association des collectivités territoriales, singulièrement des départements, apparaît souhaitable eu égard à leur qualité de chef de file de l’action sociale et médico-sociale. Nonobstant les réserves qu’elle a suscitées67, l’expérimentation du RSA qui présentait la particularité de coupler l’expérimentation-normative au titre de l’article 37-1 et l’expérimentation-compétences de l’article 72-468, a jeté les bases d’un droit de l’aide et de l’action sociales négocié. À cette fin, il conviendrait de renforcer parallèlement le rôle des représentants des bénéficiaires. En effet, la pratique des équipes pluridisciplinaires précitées témoigne d’un impérieux besoin de formation des représentants des bénéficiaires afin que ces deniers soient véritablement en mesure d’assurer leur fonction représentative.

B – Vers la consécration juridique d’un droit à l’accompagnement ?

Non consubstantiel au droit, l’accompagnement a investi, au cours de ces dernières années, le champ juridique69. Désormais, on accompagne les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les jeunes en difficultés, les chômeurs, les bénéficiaires du RSA, les patients. Sa propagation est, selon la loi d’Aristote, inversement proportionnelle à sa compréhension. Sa portée juridique est loin d’être circonscrite. « Aujourd’hui, le corps de règles régissant cette dernière se révèle suffisamment imposant et diversifié pour que l’on puisse conclure à l’existence d’un véritable droit de l’accompagnement. Mais à l’évidence, l’évolution n’est pas achevée : à une époque qui ne se lasse pas de découvrir, de revendiquer et de consacrer de nouveaux droits-créances, nul doute que cette évolution ne tendra pas seulement au renforcement d’un droit de l’accompagnement ; elle tendra aussi et surtout, de manière quasi inéluctable, à l’essor et à la consécration d’un droit toujours plus étendu à l’accompagnement »70. Ce propos suscite une interrogation : faut-il concrétiser un droit à l’accompagnement ? Elle pose, insidieusement, celle de son utilité, de sa fonction juridique.

Appréhender la fonction juridique du droit à l’accompagnement s’avère une nécessité dans ce contexte de subjectivation des droits sociaux. Parallèlement, plus les droits sociaux ont gagné du terrain, plus la question de leur effectivité se pose comme l’exemplifie le phénomène du non-recours. Dans cette perspective, la question de son articulation avec les autres droits sociaux doit être envisagée. Il convient alors d’esquisser les contours d’une fonction juridique de ce droit et corrélativement les moyens de garantir son respect.

La question de la fonction juridique du droit à l’accompagnement fait écho à l’interrogation plus générale relative aux finalités du droit71. Celui-ci ayant pour objet d’organiser la société, il ne fait aucun doute, pour la philosophie du droit, que ce dernier a une fonction sociale. Cette finalité caractérise, à titre particulier, le droit de l’aide et de l’action sociales qui a pour fondement la solidarité sociale72. Ce questionnement sur la fonction du droit autorise donc une réflexion plus technique, d’ordre légistique, relative à la fonction juridique du droit à l’accompagnement. Définie comme l’art de faire la loi, la légistique « propose des solutions pour améliorer la qualité de la loi. Or la qualité d’une chose ne peut être appréhendée qu’à partir du rôle ou de la fonction que l’on prête à celle-ci a priori. Prétendre améliorer la qualité des lois suppose donc de répondre au préalable à la question : qu’attendons-nous de nos lois »73. Que peut-on attendre du droit à l’accompagnement afin qu’il ne soit pas un droit de plus ?

Dans cette perspective, il apparaît que la vraie question est moins de consacrer un droit à l’accompagnement ut singuli que d’en faire, sur le modèle du droit attaché au droit de propriété, une prérogative arrimée à une prestation sociale. Sous cet angle, le droit à être accompagné devient un droit conditionné, finalisé, causé par l’atteinte de certains objectifs. Dans cette occurrence, il devient un moyen, un point d’ancrage de nature à garantir l’effectivité de ces droits qui constitue une exigence constitutionnelle aux yeux du juge constitutionnel comme l’illustre cette formule récurrente : « Qu’il incombe au législateur, comme à l’autorité réglementaire, conformément à leurs compétences respectives, de déterminer, dans le respect des principes posés par ces dispositions, les modalités concrètes de leur mise en œuvre ». Il en résulte que le droit à l’accompagnement ne saurait être, comme le réclament les acteurs du secteur social et médico-social, un droit à l’accompagnement pour tous74. En raison de sa fonction, il doit demeurer, à l’instar de ce qui prévaut déjà pour les bénéficiaires du RSA, un droit corrélé à d’autres droits sociaux. Cette fonction juridique l’objective en orientant le comportement, les conduites de ceux qui sont chargés de le mettre en œuvre.

Cette charge incombe en premier lieu au législateur qui doit d’abord se poser la question de savoir si la consécration d’un tel droit répond à un véritable besoin et s’il est de nature à garantir l’effectivité des droits auxquels il est rattaché en raison de leur valeur constitutionnelle. Cette objectivation du droit de l’accompagnement emporte une conséquence majeure pour le législateur. Il doit s’assurer, conformément aux préceptes de la légistique, de l’efficacité de son œuvre. « La loi devra être élaborée de manière à assurer la réalisation des objectifs qu’elle poursuit. À cet égard, la légistique préconise l’adéquation entre les objectifs qu’elle se propose d’atteindre et les moyens qu’elle déploie pour ce faire. Il s’agit alors d’assurer l’efficacité de la loi, c’est-à-dire de lui faire produire dans la réalité les effets attendus. La notion d’efficacité renvoie à l’analyse des effets concrets de la loi, c’est-à-dire à sa capacité à agir sur le réel »75. À ce titre, il doit définir de manière très précise l’objet de l’accompagnement et les organismes qui seront chargés de le mettre en œuvre.

Elle repose, en second lieu, sur le juge de la constitutionnalité des lois et du juge de la légalité. Dans la mesure où il s’agit d’assurer le respect d’exigences constitutionnelles, en l’occurrence les droits sociaux, l’intervention du juge de la constitutionnalité des lois s’avère nécessaire. Il veille à ce que le droit à l’accompagnement garantisse la mise en œuvre des droits sociaux. Pour ce faire, il peut recourir à la catégorie fonctionnelle des garanties légales des exigences constitutionnelles. « Les garanties légales sont établies “au service” des exigences constitutionnelles en tant que moyen de les mettre en œuvre. Il s’avère, en effet, que la généralité de leur formulation nécessite l’intervention d’un texte d’application (…). À l’inverse d’un contrôle de conformité d’une loi à la constitution, qui manifeste un lien hiérarchique entre deux normes, le contrôle des garanties légales a pour effet de créer un cadre d’intervention du législateur »76. Elles servent notamment à veiller au respect des droits sociaux77. Dans cette optique, le droit à l’accompagnement pourrait juridiquement être conçu comme une garantie légale destinée à garantir l’effectivité des droits sociaux auxquels il est corrélé.

Conséquemment, l’office du juge de la légalité s’avère particulièrement décisive. Il a pour tâche de préserver l’effet utile, en raison des doutes qui prévalent encore quant au caractère normatif des droits sociaux78, du droit à l’accompagnement informé par le législateur. Sa jurisprudence actuelle semble animée par cette préoccupation. Afin de garantir l’opposabilité et l’effectivité du droit au logement, il a fait œuvre utile en élargissant les possibilités de recours à ses bénéficiaires79. S’agissant des personnes en situation de handicap, il a institué le principe d’une obligation de résultat pesant sur l’État relativement au droit à la scolarisation de ces dernières en cas de carence de l’État80, puis à l’occasion de l’affaire, dite affaire Amélie81. En l’espèce, le juge de première instance considère que l’État est tenu à une obligation de résultat quant à l’objet même du droit reconnu à la personne en situation de handicap, à savoir l’accueil dans un établissement. La portée de cette décision doit toutefois être relativisée car elle demeure isolée faute d’appel de l’État82. Cette circonstance n’est pas dirimante car cette décision est symptomatique des contraintes juridiques83 qui pèsent désormais sur les acteurs juridiques, singulièrement l’administration. Ces derniers ne sauraient s’exonérer de leurs obligations en invoquant, par exemple, la saturation d’un dispositif d’accueil84.

Son office devra aussi tendre à sanctionner, sous le fondement de l’article 54 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne intégrée dans le traité établissant une constitution européenne85, les abus de droits de la part des bénéficiaires du droit à l’accompagnement afin que ce dernier ne soit pas détourné de son objet car il ne faudrait pas qu’il contribue, à l’instar du droit d’accès aux documents administratifs, « à développer une vue égoïste de l’intérêt général »86 qu’engendre la subjectivation.

En fin de compte, le non-recours s’avère juridiquement fécond en soulevant la question de l’effectivité des droits sociaux. Généré par la subjectivation du droit de l’aide et de l’action sociales, il trouve sa réponse dans et par le droit. Celle-ci ne saurait aboutir à une survalorisation de l’individu mais contribuer à faire advenir une société des égaux faisant place à la singularité87. À la différence de l’individualisme, celle-ci « ne peut prendre forme que dans la relation à autrui »88. Elle invite à penser autrement les droits subjectifs. Éclairés par cette exigence, ceux-ci deviennent légitimes parce qu’au service de l’institutionnalisation du social que le droit est chargé d’informer.

Notes de bas de pages

  • 1.
    V. Revil H., Le recours aux aides et aux soins : quelles réalités ?, Conférence donnée dans le cadre des mardis de l’Espace des sciences, https://www.youtube.com/watch ?v=BTTYsi8uYq0.
  • 2.
    V. Duvoux N., « Le RSA et le non-recours », http://www.laviedesidees.fr/Le-RSA-et-le-non-recours.html ; Thirot M., « Le non-recours aux aides aux vacances en Martinique. Pourquoi une politique d’action sociale ne parvient-elle pas à toucher sa cible ? », http://sociologies.revues.org/5523.
  • 3.
    Warin P., « Qu’est-ce que le non-recours aux droits sociaux ? », www.laviedesidees.fr/spip.php?page=print&id_article=1097 ; v. aussi du même auteur, « Le non-recours aux droits. Question en expansion, catégorie en construction, possible changement de paradigme dans la construction des politiques publiques », https://sociologies.revues.org/4103#ftn1 ; Warin P., « Le non-recours par désaccord. Welfare stigma et catégorie du non-recours », in Jaeger M. (dir.), Usagers ou citoyens, 2011, Dunod, p. 117-136. Pour un aperçu de l’ensemble de la littérature consacrée à ce fait social ; v. aussi le site de l’Observatoire des non recours aux droits et services (ODENORE), https://odenore.msh.alpes.fr.
  • 4.
    Warin P., « Qu’est-ce que le non-recours aux droits sociaux », art. préc.
  • 5.
    ODENORE, L’envers de la « fraude sociale », le scandale du non-recours aux droits sociaux, 2012, La découverte.
  • 6.
    Les droits sociaux seront appréhendés ici comme un « ensemble de droits, tels que le droit au logement, (…) le droit à la protection de la santé, le droit à des moyens convenables d’existence. Ces droits se caractérisent par la réunion de trois critères à la fois d’ordre formel (sources et textes proclamatoires), matériel (champ d’application) et téléologique (objets et finalités de leurs proclamations) », in Roman D., « Droits des pauvres, pauvres droits ? », 2010, Recherches sur la justiciabilité des droits sociaux, http://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/Justiciabilit_C3_A9_droits_sociaux_rapport_final.pdf.
  • 7.
    Roman D., « Les enjeux juridiques du non-recours aux droits », RDSS 2012, p. 604.
  • 8.
    Leroy Y., L’effectivité du droit au travers d’un questionnement en droit du travail, 2011, LGDJ, Bibliothèque de droit social, p. 342.
  • 9.
    Ibid., p. 339.
  • 10.
    Ibid., p. 317.
  • 11.
    Ibid., p. 339.
  • 12.
    Elle innerve l’ensemble du droit administratif. V. not. Foulquier N., Les droits publics subjectifs des administrés. Émergence d’un concept en droit administratif français du XIXe au XXe siècle, 2003, Dalloz, Nouvelle bibliothèque ; Sirinelli J., « La subjectivisation du recours pour excès de pouvoir », RFDA 2016, p. 529-544 ; François-Lubin B., « La modification des contrats des agents de droit public », AJFP 2015, p. 11-18.
  • 13.
    Nous empruntons cette expression au doyen Hauriou M. qui considère qu’« en définitive, tout droit demeure objectif tant qu’il “ne s’est pas traduit en une situation juridique appropriable. Les droits objectifs sont alors des “droits sans sujet” », cité par Fournié F., Recherches sur la décentralisation dans l’œuvre de Maurice Hauriou, t. 26, 2005, LGDJ, Bibliothèque de droit public, p. 522.
  • 14.
    V. Boudon R. et Fillieule R., Les méthodes en sociologie, 2012, PUF, Que sais-je ?, p. 41-91, http://www.cairn.info/les-methodes-en-sociologie--9782130606338-page-41.htm.
  • 15.
    Il convient de noter que la CMU dite de base n’existe plus depuis le 1er janvier 2016 : elle a été remplacée par la protection universelle maladie (PUMA) créée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Avec cette réforme, toute personne qui travaille ou réside en France de manière stable et régulière a droit à la prise en charge de ses frais de santé. Seule la CMU dite complémentaire subsiste.
  • 16.
    V. la définition des droits publics subjectifs donnée par Foulquier N., ibid., p. 405.
  • 17.
    V. la décision du Conseil constitutionnel qui énonce que « la possibilité pour toute personne de disposer d’un “logement décent” est un objectif de valeur constitutionnelle », Cons. const., 19 janv. 1995, n° 94-359 DC, cons. 7.
  • 18.
    V. Borgetto M. et Lafore R., La République sociale : contribution à l’étude de la question démocratique en France, 2000, PUF, p. 245-246. Et les auteurs d’ajouter, « la proclamation d’un tel droit (…) aurait (…) le mérite de déboucher sur une meilleure protection juridique de l’individu dans la mesure où, contrairement au droit qui doit être concilié avec d’autres droits de même valeur, l’objectif de valeur constitutionnelle est amené fréquemment, pour sa part, à s’effacer s’il entre conflit soit avec une nécessité d’intérêt général (par exemple alimenter le budget de l’État), soit avec un droit fondamental (par exemple le droit de propriété) ».
  • 19.
    V. Borgetto M., « Les lois des 2 janvier et 4 mars 2002 : 10 ans après », RDSS 2012, p. 411 et s.
  • 20.
    Cette catégorie est définie, de manière énumérative, au CASF, art. L. 312-1.
  • 21.
    V. Borghetto M. et Lafore R., Droit de l’aide et de l’action sociale, 7e éd., 2009, Montchrestien, Domat, droit public, p. 98-99 ; Aubin E., Droit de l’aide et de l’action sociales, 3e éd., 2011, Gualino, Master pro, p. 37. Pour les premiers, « il y a droit subjectif lorsque les caractéristiques propres au sujet de droit doivent être prises en compte pour l’attribuer » ; v. aussi Aubin E., ibid., p. 37.
  • 22.
    V. Moulay-Leroux S., « Le contrat avec l’usager : paradigme ou parasite de la relation d’aide ? », RDSS 2012, p. 5-17.
  • 23.
    V. Aubin E., op. cit., p. 47.
  • 24.
    L’accent mis sur l’autonomie de la personne n’est cependant pas dépourvu d’ambiguïté. Selon Robert Castel, « cette logique sous-estime gravement la disparité des situations entre contractants et place le bénéficiaire d’une prestation en situation de demandeur faisant comme s’il disposait du pouvoir de négociation nécessaire pour nouer une relation de réciprocité avec l’instance qui dispense les protections » : Castel R., L’insécurité sociale, 2003, Seuil, La République des idées, p. 78 ; v. aussi Duvoux N., « L’expérience vécue par les publics des politiques d’insertion », Inf. soc., 2012/1, p. 108-115.
  • 25.
    Cette interprétation a, du reste, été récemment confirmée par le Conseil d’État qui considère que la nature de la relation juridique liant un usager à un établissement ou service social ou médico-social (ESSMS) de droit public n’était pas contractuelle malgré la signature d’un contrat de séjour : CE, 5 juill. 2017, n° 399977.
  • 26.
    V. Aubin E., op. cit., p. 48, pour illustrer le caractère virtuel de cette contractualisation, l’auteur s’appuie sur les propos de Robert Castel qui a écrit, « cette logique sous-estime gravement la disparité des situations entre contractants et place le bénéficiaire d’une prestation en situation de demandeur faisant comme s’il disposait du pouvoir de négociation nécessaire pour nouer une relation de réciprocité avec l’instance qui dispense les protections ».
  • 27.
    Il est problématique sur le plan de la hiérarchie des normes, v. Lafore R., « À propos de la convention du 1er janvier 2001 : où en est le paritarisme ? », Dr. soc. 2001, p. 354. Par ailleurs, il n’a pas de véritable contenu juridique, v. Damon J., « Partenariat et politique sociales », RDSS 2009, p. 149.
  • 28.
    Hauriou M., cité par Fournié F., op. cit., p. 160, note 26.
  • 29.
    Ibid., p. 59-60.
  • 30.
    V. Pichard M., « Les droits sociaux et les catégories de la doctrine privatiste ». http://www.raison-publique.fr/aricle497.html. V. not. la note 13, p. 8. La difficulté devient épineuse en raison de l’incertitude quant à la nature du droit de l’aide et de l’action sociales d’où émanent les droits sociaux. Il serait un droit mixte pour certains auteurs. L’obstacle n’est pas dirimant si l’on fait prévaloir « l’ambiance “publiciste” » du droit de l’aide et de l’action sociales, v. Aubin E., op. cit., p. 34-36.
  • 31.
    V. Moutouallaguin S. et Bonnard R., « Entre héritage et conception subjectiviste du droit public », RFDA 2015, p. 177 et s.
  • 32.
    Ibid., p. 183.
  • 33.
    V. Borghetto M. et Lafore R., Droit de l’aide et de l’action sociale, 7e éd., 2009, Montchrestien, Domat, droit public, p. 75 et s. ; Aubin E., op. cit., p. 45-47.
  • 34.
    Borghetto M. et Lafore R., Droit de l’aide et de l’action sociale, op. cit., p. 484-485. Cette analyse est aussi partagée par Aubin E., op. cit., p. 165.
  • 35.
    V. Aubin E., op. cit., p. 405.
  • 36.
    De Montalivet P., « Les objectifs de valeur constitutionnelle », http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-20/les-objectifs-de-valeur-constitutionnelle.50643.html.
  • 37.
    Ibid.
  • 38.
    Roman D., « Introduction. Les droits sociaux, “droits des pauvres” ou droits de l’homme ? » in Roman D. (dir.), Les droits sociaux, entre droits de l’homme et politiques sociales : quels titulaires pour quels droits ?, 2012, LGDJ, p. 13-14.
  • 39.
    V. Lafore R., « La juridicisation des problèmes sociaux : la construction juridique de la protection sociale », Inf. soc. 2010/1, p. 20-22.
  • 40.
    V. à ce sujet, CASF, art. L. 311-5 issu de la loi du 2 janv. 2002 préc.
  • 41.
    Le principe est posé dans CASF, art. L. 132-8. De nature alimentaire, l’aide sociale a, très tôt, été assimilée à un prêt, à une avance remboursable justifiant conceptuellement le principe selon lequel la collectivité débitrice puisse faire valoir son droit à récupération, v. Berthet P., « Le principe de la récupération des prestations d’aide sociale : réalité et perspectives », RDSS 2002, p. 293 et s.
  • 42.
    L. n° 97-60, 24 janv. 1997, tendant, dans l’attente du vote de la loi instituant une prestation d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes, à mieux répondre aux besoins des personnes âgées par l’institution d’une prestation spécifique dépendance.
  • 43.
    V. Sueur J.-P., L’aide personnalisée à l’autonomie : un nouveau droit fondé sur le principe d’égalité, rapp. remis à Martine Aubry, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, mai 2000, p. 7.
  • 44.
    Elle peut expliquer l’une des formes de non-recours préc. établies par l’ODENORE, à savoir la non-demande, quand l’offre est connue mais pas demandée, ou bien un droit ouvert mais la prestation non utilisée.
  • 45.
    V. Boucobza I., « La justiciabilité des droits sociaux dans la doctrine constitutionnaliste », www.raison-publique.fr/article498.html ; Roman D., « Droits des pauvres, pauvres droits ? Recherches sur la justiciabilité des droits sociaux », op. cit. ; Roman D., « L’opposabilité des droits sociaux », Inf. soc. 2013/4, p. 33-42.
  • 46.
    Roman D., « L’opposabilité des droits sociaux », op. cit., p. 36.
  • 47.
    Ibid., p. 34.
  • 48.
    CCH, art. L. 441-2-3-1-1, qui définit les différents cas de recevabilité de ce recours.
  • 49.
    À titre d’illustration, v. le 7e rapp. du comité de suivi de la loi sur le DALO, publié le 20 janvier 2015, http://www.hclpd.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Dalo_Expulsion.pdf.
  • 50.
    CAA Paris, 20 sept. 2012, n° 11PA04843, Mme Kebdani ; CAA Paris, 22 nov. 2012, n° 12PA01577, M. B.
  • 51.
    CE, 4e-5e ss-sect. réunies, 28 mars 2013, n° 341269, cons. 2.
  • 52.
    V. « Le contentieux de l’aide et de l’action sociales », ASH, Les numéros juridiques, 19 juin 2009, n° 2614 ; v. aussi, le rapp. de l’inspection générale des affaires sociales et de l’inspection générale des services judiciaires, « Appui à l’organisation du transfert du contentieux des TASS, TCI et CDAS vers les nouveaux pôles sociaux des TGI », février 2016, http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/2015-126R.pdf.
  • 53.
    V. Atias P, « Quelle positivité ? Quelle notion de droit ? », APD, t. 27, 1982, p. 170
  • 54.
    Vidal-Naquet A., Les garanties légales des exigences constitutionnelles dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, cité par Marinese V., « Légistique et effectivité », in Champeil-Desplats V. et Lochak D. (dir.), À la recherche de l’effectivité des droits de l’homme, 2008, Presses universitaires de Paris 10, p. 92, note 9 ; v. aussi Mollion G., « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », Rev. française de droit constitutionnel 2005/2, p. 257-289, http://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-2-page-257.htm.
  • 55.
    Lafore R., « La juridicisation des problèmes sociaux : la construction juridique de la protection sociale », art. préc., p. 21.
  • 56.
    Ibid., p. 21.
  • 57.
    Roman D., « Introduction. Les droits sociaux, “droits des pauvres” ou droits de l’homme ? », art. préc., p. 16 et s.
  • 58.
    V. Lenoble J., Droit et communication. La transformation du droit contemporain, 1994, Éditions du CERF.
  • 59.
    V. à ce sujet, Rosanvallon P., La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, 2006, Seuil, Les livres du nouveau monde ; Rousseau D., Radicaliser la démocratie. Propositions pour une refondation, 2015, Seuil.
  • 60.
    Pour un aperçu global, v. Aubin E., op. cit., p. 49-50 ; Ligneau P., « Le rôle reconnu au citoyen dans la loi du 13 août 2004. L’exemple du social », RDSS 2005, p. 17-22.
  • 61.
    CASF, art. L. 262-39.
  • 62.
    V. Drouault M., « Accompagner la participation des allocataires », p. 5, http://www.solidarites-actives.com/pdf/Ansa_AccompagnerParticipationAllocataires_ContributionVF.pdf.
  • 63.
    Ibid., p. 1.
  • 64.
    Champeil-Desplats V., « Effectivité et droits de l’homme : approche théorique », in Champeil-Desplats V. et Lochak D. (dir.), À la recherche de l’effectivité des droits de l’homme, 2008, Presses universitaires de Paris 10, p. 21.
  • 65.
    Sur la notion d’expérimentation, v. Massieu V., « L’expérimentation comme exemple de transposition d’une méthode scientifique hors de son cadre d’origine », http://www.droitconstitutionnel.org/congresNancy/comN3/massieurT3.pdf ; Crouzatier-Durand F, « L’expérimentation locale », RFDA 2004 p. 21-30 ; Faure B., « L’intégration de l’expérimentation au droit public français », in Mouvement du droit public, Mélanges en l’honneur de Franck Moderne, 2004, Dalloz, p. 165-188.
  • 66.
    V. Faure B., op. cit., p. 166.
  • 67.
    V. Long M., « Revenu de solidarité active : l’expérimentation », Dr. soc. 2007, p. 1236.
  • 68.
    Elle est instituée par l’article 72, alinéa 4, de la constitution aux termes duquel, « dans les conditions prévues par la loi organique, et sauf lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti, les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leur compétence ».
  • 69.
    V. le dossier consacré à cette notion, Borgetto M., « L’accompagnement entre droit et pratique », RDSS 2012, p. 975 ; Petit F., « L’émergence d’un droit à l’accompagnement », RDSS 2012, p. 977-984 ; Bres C., Le droit à l’accompagnement, thèse, 2015, Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, disponible sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01408452/document.
  • 70.
    Borgetto M., « La portée juridique de la notion d’accompagnement », RDSS 2012, p. 1040.
  • 71.
    V. Berger J.-L., Théorie générale du droit, 2e éd., 1989, Dalloz, Les méthodes du droit, p. 28 et s.
  • 72.
    Borgetto M. et Lafore R., Droit de l’aide et de l’action sociales, op. cit., p. 29-34.
  • 73.
    Marinese V., « Légistique et effectivité », in Champeil-Desplats V. et Lochak D. (dir.), À la recherche de l’effectivité des droits de l’homme, op. cit., p. 89.
  • 74.
    Fédération des acteurs de la solidarité, « Journées du travail social : un premier pas vers la R-Evolution », http://www.federationsolidarite.org/images/stories/2_les_actions/travail_social/actualites/Actes_JTS_2013_bd.pdf.
  • 75.
    Marinese V., « Légistique et effectivité », art. préc., p. 97-98.
  • 76.
    Mollion G., « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », Rev. française de droit constitutionnel 2005/2, p. 257-289., https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2005-2-p-257.htm.
  • 77.
    Ibid., p. 260.
  • 78.
    Rousseau D., « Préface. Droits des pauvres, pauvres droits ou richesse des pauvres ? », in Roman D. (dir.), Les droits sociaux, entre droits de l’homme et politiques sociales : quels titulaires pour quels droits ?, 2012, LGDJ, p. 6.
  • 79.
    Tsalpatourou V., « Le juge-garant de l’effectivité des droits sociaux : le cas du droit au logement opposable », http://www.droitconstitutionnel.org/congresNancy/comN7/tsalpatourouT7.pdf.
  • 80.
    CE, 8 avr. 2009, n° 311434.
  • 81.
    TA Cergy-Pontoise, 7 oct. 2013, n° 1307736, Jacques L. et a.
  • 82.
    Celui-ci, à la suite des protestations des associations et des familles, a renoncé à faire appel.
  • 83.
    V. Troper M., Champeil-Desplats V. et Grzegorczyk C. (dir.), Théorie des contraintes juridiques, 2005, LGDJ.
  • 84.
    CE, 27 juill. 2016, n° 400055, disponible sur www.conseil-etat.fr. Dans cet arrêt, le juge considère qu’un dispositif d’accueil saturé n’exonère pas le département de prise en charge des mineurs isolés, c’est-à-dire des mineurs étrangers qui se retrouvent seuls sur le territoire français.
  • 85.
    V. art. 54 de cette charte. Bien que d’origine civiliste, le droit public n’est pas rétif à l’abus de droit. V. Eck. L, « Controverses constitutionnelles et abus de droit », www.droitconstitutionnel.org/congresmtp/textes1/ECK.pdf ; Dubouis L., « La, théorie de l’abus de droit et la jurisprudence administrative », Rev. internationale de droit comparé 1964, p. 231-233, disponible sur http://www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_1964_num_16_1_13898.
  • 86.
    Lachaume J.-F., « Participation et services publics locaux », in Les collectivités locales, Mélanges en l’honneur de Jacques Moreau, 2002, Economica, p. 240.
  • 87.
    V. Rosanvallon P., La société des égaux, 2011, Seuil, Les livres du nouveau monde, p. 359-370.
  • 88.
    Ibid., p. 359.