Panorama de droit administratif (15 octobre – 30 novembre 2020)

Publié le 27/05/2021

Deux décisions intéressantes du Tribunal des conflits dans cette sélection : l’une précisant que la présence d’une clause exorbitante bénéficiant au cocontractant privé dans un contrat ne lui imprime pas un caractère administratif et l’autre admettant l’existence d’un déni de justice, hypothèse suffisamment rare pour être signalée. Deux arrêts de section du Conseil d’État précisent, pour l’un, les obligations financières de l’État vis-à-vis d’un accompagnant scolaire et pour l’autre, l’obligation d’information du patient hospitalisé.

On notera les décisions précisant la notion de dépenses électorales, le mode de calcul du préjudice d’une collectivité territoriale dû à une faute des services fiscaux, qu’un agent sans affectation n’a pas droit au RTT, qu’une commune peut justifier d’un intérêt à agir contre le refus des autorités étatiques de prendre des mesures contre le changement climatique et que la collectivité employeur peut être garantie par une autre collectivité responsable de la maladie professionnelle d’un de ses agents.

N’est pas administratif le contrat dont la clause exorbitante bénéficie à la personne privée

T. confl., 2 nov. 2020, n° 4196, Sté Eveha. Si un contrat passé entre une personne publique et une personne privée qui comporte une clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs, est un contrat administratif1, la circonstance que le contrat litigieux, passé entre la société publique locale d’aménagement (SPLA) Pays d’Aix territoires et l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), comporte des clauses conférant à la SPLA des prérogatives particulières, notamment le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat pour motif d’intérêt général, n’est pas de nature à faire regarder ce contrat comme administratif, dès lors que les prérogatives en cause sont reconnues à la personne privée contractante et non à la personne publique.

Toutefois, il résulte des articles L. 521-1, L. 522-1, L. 523-1, L. 523-8, L. 523-8-1, L. 523-10 et R. 545-24 du Code du patrimoine que le législateur a entendu créer un service public de l’archéologie préventive et a notamment, dans ce cadre, chargé l’INRAP de réaliser des diagnostics d’archéologie préventive et d’effectuer, dans les conditions prévues par le Code du patrimoine, des fouilles. Il suit de là que le contrat par lequel la personne projetant d’exécuter les travaux qui ont donné lieu à la prescription, par l’État, de réaliser des fouilles d’archéologie préventive confie à l’INRAP, établissement public, le soin de réaliser ces opérations de fouilles a pour objet l’exécution même de la mission de service public de l’archéologie préventive et que ces opérations de fouilles, dès lors qu’elles sont effectuées par cet établissement public dans le cadre de cette mission de service public, présentent le caractère de travaux publics2.

Conditions d’existence d’un déni de justice

T. confl., 2 nov. 2020, n° 4194, Mme D. et a. La juridiction administrative, saisie d’une demande de condamnation d’un centre hospitalier régional (CHR) à raison d’un retard de diagnostic et de traitement, a mis à la charge de cet établissement la moitié des conséquences dommageables subies par les requérants, compte tenu des fautes respectives de celui-ci et d’un médecin traitant.

Saisie de l’assignation du médecin traitant en responsabilité et en indemnisation, la juridiction judiciaire a écarté l’existence d’une faute de l’intéressé, mis celui-ci hors de cause et rejeté les demandes.

Les demandes successivement portées par les requérants devant les juridictions des deux ordres ayant le même objet, les décisions déférées étant définitives et présentant entre elles une contrariété conduisant en l’espèce, à un déni de justice au sens de l’article 15 de la loi du 24 mai 1872, la requête est recevable3.

Le CHR a tardé à procéder à la recherche des causes des troubles que présentait la victime et à établir un diagnostic pertinent. Un tel retard est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité du CHR. En revanche, il n’est pas établi que la victime présentait, dès la consultation donnée par son médecin traitant, des symptômes qui auraient dû conduire ce dernier à préconiser une hospitalisation en urgence. Dans ces conditions, ce médecin ne saurait être regardé, au motif qu’il s’est borné à orienter sa patiente vers un stomatologue, comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Calcul du préjudice d’une collectivité du fait d’une faute des services fiscaux

CE, 15 oct. 2020, n° 420040, Communauté urbaine de Dunkerque. Une faute commise par l’Administration lors de l’exécution d’opérations se rattachant aux procédures d’établissement ou de recouvrement de l’impôt est de nature à engager la responsabilité de l’État à l’égard d’une collectivité territoriale ou de toute autre personne publique si elle lui a directement causé un préjudice4. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l’Administration et notamment du fait de ne pas avoir versé à cette collectivité ou à cette personne des impôts ou taxes qui auraient dû être mis en recouvrement à son profit. Le montant du préjudice indemnisable doit être calculé en tenant compte, le cas échéant, des impositions qui ont pu être perçues à tort par la même collectivité, à condition que cette perception ait un lien direct avec la faute qui se trouve à l’origine du préjudice dont la réparation est demandée.

Il résulte du 1 de l’article 1960 et du 1 du I de l’article 1641 du Code général des impôts que les dégrèvements prononcés par l’administration fiscale en matière de taxe professionnelle sont supportés par l’État. Par suite, le préjudice indemnisable d’une collectivité ou d’un établissement public de coopération intercommunale ne peut être diminué de sommes ayant fait l’objet d’un dégrèvement pris en charge par l’État.

Conditions de détention et limites des pouvoirs du juge des référés

CE, 19 oct. 2020, n° 439372, Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Les limitations de l’office du juge des référés-libertés découlent des dispositions législatives qui ont créé cette voie de recours et sont justifiées par les conditions particulières dans lesquelles ce juge doit statuer en urgence. Il résulte de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme5 que sa saisine a permis la mise en œuvre de mesures visant à remédier aux atteintes les plus graves auxquelles sont exposées les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires, mais que la cessation de conditions de détention contraires aux exigences de l’article 3 de la convention est subordonnée à l’adoption de mesures structurelles à même de répondre à la vétusté et à la surpopulation du parc carcéral français6. En outre, s’il n’appartient qu’au législateur de tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour s’agissant de l’absence de voie de recours préventive pour mettre fin aux conditions indignes de détention résultant de carences structurelles, il découle des obligations qui pèsent sur l’Administration qu’en parallèle de la procédure prévue à l’article L. 521-2 du Code de justice administrative, le juge de l’excès de pouvoir peut enjoindre à l’administration pénitentiaire de remédier à des atteintes structurelles aux droits fondamentaux des prisonniers en lui fixant, le cas échéant, des obligations de moyens ou de résultat. Il lui appartient alors de statuer dans des délais adaptés aux circonstances de l’espèce. Enfin, les requérants peuvent obtenir l’exécution des décisions prises par le juge administratif dans les conditions définies par le livre IX du Code de justice administrative.

Par ailleurs, la Cour de cassation7 a jugé que « le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant d’empêcher la continuation de la violation de l’article 3 de la convention », en ordonnant, le cas échéant, la mise en liberté de la personne.

Enfin, le Conseil constitutionnel8 a jugé contraire à la Constitution le second alinéa de l’article 144-1 du Code de procédure pénale, dès lors qu’il ne prévoit aucun recours devant le juge judiciaire permettant au justiciable d’obtenir qu’il soit mis fin aux atteintes à sa dignité résultant des conditions de sa détention provisoire, et a reporté au 1er mars 2021 l’abrogation de ces dispositions. Il appartient au législateur de tirer les conséquences de cette déclaration d’inconstitutionnalité.

Eu égard aux conditions générales de détention dans un centre pénitentiaire, notamment dans les cellules, l’absence dans certaines cours de promenade d’abris permettant de se protéger du soleil et des intempéries est de nature à caractériser une violation de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Lorsqu’une cellule est occupée par plus d’une personne, l’absence de séparation des sanitaires par une cloison ou par des rideaux permettant de protéger suffisamment l’intimité est de nature tant à porter atteinte à la vie privée des détenus, dans une mesure excédant les restrictions inhérentes à la détention, qu’à les exposer à un traitement inhumain ou dégradant, portant une atteinte grave à ces deux libertés fondamentales9. Il y a lieu de prononcer une injonction tendant à ce que l’Administration assure, dans l’ensemble des cellules, la séparation de l’espace sanitaire du reste de l’espace.

Notion de dépenses engagées en vue d’une élection

CE, 19 oct. 2020, n° 437711, Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Les frais d’impression et d’affranchissement engagés pour informer les électeurs, notamment sur le calendrier des événements de la campagne du candidat, le sont en vue de l’élection, sans qu’il y ait lieu de distinguer si les électeurs sont des militants ou des sympathisants du parti qui soutiennent le candidat. Les réunions publiques ayant occasionné des frais de réception se sont tenues dans le ressort de la circonscription électorale du candidat, en prévision du scrutin et dans le but de soutenir la liste qu’il conduit. Les dépenses engagées à ce titre doivent dès lors être regardées comme procédant de circonstances particulières résultant de la campagne et par suite engagées en vue de l’élection. C’est à bon droit que la CNCCFP a réintégré les sommes correspondant à ces dépenses prises en charge par son parti dans le compte de campagne de l’intéressé.

Des dépenses, relatives à la réalisation d’un mur d’expression sur la notion de peuple calédonien dans le cadre d’une rencontre citoyenne, à des arrhes versés pour la location d’une salle en vue d’un dîner républicain organisé avec des chefs d’entreprise10, à la facturation d’une prestation de danse guerrière offerte en prélude à une réunion publique dédiée à la communauté kanak et, enfin, aux frais d’impression et d’affranchissement de deux lettres d’information, munies du sigle du parti et portant la mention Provinciales 2019, destinées à l’ensemble des agriculteurs et pêcheurs de la province nord, ont été engagées en vue de l’élection.

En déduisant indûment des dépenses engagées en vue de l’élection et en évitant ainsi de faire apparaître un dépassement du plafond des dépenses autorisées, l’intéressé, sénateur et élu expérimenté de la province nord, doit être regardé comme ayant méconnu de manière délibérée une règle substantielle du financement des campagnes électorales qu’il ne pouvait ignorer. Il a commis, dans ces conditions, un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales11.

Pas d’affectation, pas de RTT

CE, 4 nov. 2020, n° 426650, Mme B. L’instruction du secrétaire général des ministères chargée des affaires sociales du 27 août 2018 a pour objet d’expliciter la situation des agents en attente d’affectation pérenne qu’elle définit ainsi : « Les agents sont en recherche d’affectation pérenne quand, à l’issue de leur dernière affectation ou lors d’un retour au ministère après un congé ou une disponibilité ou à l’occasion d’une restructuration de service ou ministérielle, ils sont réintégrés ou affectés mais ne disposent pas d’un poste pérenne ou permanent ». Elle traite ainsi des agents en position d’activité n’ayant pas encore reçu une affectation pérenne dans un emploi correspondant à leur grade. Ce faisant, elle ne crée pas une nouvelle position statutaire des fonctionnaires en méconnaissance des dispositions de la loi du 13 juillet 1983 et de la loi du 11 janvier 1984 relatives aux positions statutaires des fonctionnaires. Le moyen tiré de la méconnaissance, par l’instruction du 27 août 2018, de ces dispositions législatives, doit donc être écarté.

Si les fonctionnaires provisoirement sans affectation pérenne dans un emploi correspondant à leur grade et non affectés à une mission temporaire se trouvent dans une position statutaire d’activité qui leur permet de satisfaire aux obligations relatives à la durée légale du temps de travail, ils ne peuvent en revanche être regardés comme satisfaisant l’ensemble des conditions, qui sont cumulatives, de l’article 2 du décret du 25 août 2000, dès lors que, s’ils se trouvent à la disposition de leur employeur et en situation de devoir se conformer à ses directives, ils peuvent vaquer à des occupations personnelles. En indiquant que les agents sans affectation pérenne et qui ne sont pas chargés d’une mission temporaire ne bénéficient pas de jours de réduction du temps de travail, l’instruction n’a pas méconnu les articles 1 et 2 du décret du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l’État.

Contrôle entier d’un avis de la HATVP sur un projet de pantouflage

CE, 4 nov. 2020, n° 440963, B. L’avis par lequel la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) s’est prononcée sur la compatibilité du projet d’activité privée lucrative du requérant, fonctionnaire, avec les fonctions qu’il a exercées auparavant a le caractère d’une décision susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, dont le Conseil d’État est, en application des dispositions du 4° de l’article R. 311-1 du Code de justice administrative, compétent pour connaître en premier ressort.

Lorsqu’elle exerce l’attribution prévue au 4° du II de l’article 25 octies de la loi du 13 juillet 1983, la HATVP examine si l’activité envisagée par le fonctionnaire présente un risque pénal, c’est-à-dire risque de placer l’intéressé en situation de commettre les infractions prévues aux articles 432-12 ou 432-13 du Code pénal. Pour apprécier ce risque, il appartient à la HATPV, non d’examiner si les éléments constitutifs de ces infractions sont effectivement réunis, mais d’apprécier le risque qu’ils puissent l’être et de se prononcer de telle sorte qu’il soit évité à l’intéressé comme à l’Administration d’être mis en cause.

La Haute autorité examine si l’activité envisagée présente un risque déontologique, c’est-à-dire si elle risque de compromettre ou de mettre en cause le fonctionnement normal, l’indépendance ou la neutralité du service (ou) de méconnaître tout principe déontologique.

Dossier Administratif
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Imputabilité d’une maladie professionnelle à une collectivité tierce : garantie de la collectivité employeur

CE, 18 nov. 2020, n° 427325, Ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. Lorsqu’un fonctionnaire, victime d’un accident de service ou d’une maladie professionnelle, impute les préjudices qu’il estime avoir subis non seulement à la collectivité publique qui l’emploie, mais aussi à une autre collectivité publique, notamment en raison du défaut d’entretien normal d’un ouvrage public dont elle a la charge, et qu’il choisit de rechercher simultanément la responsabilité de ces deux collectivités publiques en demandant qu’elles soient solidairement condamnées à réparer l’intégralité de ses préjudices, il appartient au juge administratif, d’une part, de déterminer la réparation à laquelle a droit le fonctionnaire en application des règles relatives au forfait de pension et de la mettre à la charge de la collectivité employeur et, d’autre part, de mettre à la charge de l’autre collectivité publique, s’il n’a pas été mis à la charge de l’employeur et s’il estime que sa responsabilité est engagée, le complément d’indemnité nécessaire pour permettre la réparation intégrale des préjudices subis12.

Il incombe également au juge, si la collectivité employeur soutient qu’une partie de la réparation financière mise à sa charge en application des règles exposées ci-dessus doit être supportée par l’autre collectivité publique mise en cause, de déterminer si celle-ci doit la garantir et, dans l’affirmative, pour quel montant.

Intérêt à agir d’une commune contre le refus de prendre des mesures de lutte contre le changement climatique

CE, 19 nov. 2020, n° 427301, Cne de Grande-Synthe et a. La commune, eu égard à son niveau d’exposition aux risques découlant du phénomène de changement climatique et à leur incidence directe et certaine sur sa situation et les intérêts propres dont elle a la charge, justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation des refus implicites du président de la République, du Premier ministre et du ministre de l’Environnement de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire national, la circonstance que ces effets du changement climatique sont susceptibles d’affecter les intérêts d’un nombre important de communes n’étant pas de nature à remettre en cause cet intérêt13.

Si les stipulations de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et de l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015 requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers et sont, par suite, dépourvues d’effet direct, elles doivent néanmoins être prises en considération dans l’interprétation des dispositions de droit national, qui ont précisément pour objet de les mettre en œuvre.

Les modifications apportées par le décret du 21 avril 2020 par rapport à ce qui avait été envisagé en 2015 revoient à la baisse l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet au terme de la période 2019-2023 et prévoient ce faisant un décalage de la trajectoire de réduction des émissions qui conduit à reporter l’essentiel de l’effort après 2020, selon une trajectoire qui n’a jamais été atteinte jusqu’ici.

Il y a lieu d’ordonner un supplément d’instruction tendant à la production des éléments permettant d’atteindre l’objectif de réduction du niveau des émissions de gaz à effet de serre produites par la France fixé par l’article L. 100-4 du Code de l’énergie et par l’annexe I du règlement (UE) n° 2018/842 du 30 mai 2018 dans un délai de 3 mois.

L’État ne paie l’accompagnant d’un élève handicapé que pour le temps scolaire

CE, sect., 20 nov. 2020, n° 422248, Ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Il incombe à l’État de prendre l’ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le droit à l’éducation et le caractère obligatoire de l’instruction aient, pour les enfants en situation de handicap, un caractère effectif14.

Lorsque la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées constate qu’un enfant en situation de handicap scolarisé en milieu ordinaire, dans une école maternelle ou une école élémentaire relevant de l’enseignement public, doit bénéficier d’une aide humaine, il appartient à l’État de prendre en charge, pour le temps scolaire, l’organisation et le financement de cette aide individuelle, le cas échéant en recrutant un accompagnant des élèves en situation de handicap.

Lorsqu’une collectivité territoriale organise un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires aux activités d’enseignement et de formation pendant les heures d’ouverture des établissements scolaires ou encore des activités périscolaires15, il lui incombe de veiller à assurer que les élèves en situation de handicap puissent y avoir effectivement accès.

À cet égard, en vertu de l’article L. 917-1 du Code de l’éducation, les accompagnants des élèves en situation de handicap recrutés par l’État peuvent intervenir « y compris en dehors du temps scolaire ». À ce titre, ils peuvent notamment être mis à la disposition de la collectivité territoriale sur le fondement d’une convention conclue entre la collectivité intéressée et l’employeur, étant précisé qu’il revient à la collectivité territoriale d’assurer la charge financière de cette mise à disposition. Ils peuvent également être directement employés par la collectivité territoriale pour ces heures accomplies « en dehors du temps scolaire ». Enfin, ils peuvent être recrutés conjointement par l’État et par la collectivité territoriale ainsi que le prévoient désormais les dispositions de l’article L. 917-1 du Code de l’éducation, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, non applicable au présent litige.

Il s’ensuit que lorsque l’État recrute une personne pour accompagner un enfant en situation de handicap durant le temps scolaire et qu’en outre, cet enfant recourt au service de restauration scolaire ou participe à tout ou partie des activités complémentaires ou périscolaires organisées dans son établissement scolaire, il appartient à l’État de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l’enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l’intérêt de l’enfant, la continuité de l’aide qui lui est apportée.

En jugeant qu’il incombait à l’État d’assurer la prise en charge financière du coût de l’accompagnant chargé d’assister l’enfant, y compris lorsque ce dernier intervient en dehors du temps scolaire, la cour a commis une erreur de droit.

Précision sur l’obligation d’information du patient

CE, sect., 20 nov. 2020, n° 419778, Mme A. Doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l’accomplissement d’un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence16.

En cas de manquement à cette obligation d’information, si l’acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s’il a été réalisé conformément aux règles de l’art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n’a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l’établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l’opération17. Il n’en va autrement que s’il résulte de l’instruction, compte tenu de ce qu’était l’état de santé du patient et de son évolution prévisible en l’absence de réalisation de l’acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tout autre élément de nature à révéler le choix qu’il aurait fait, qu’informé de la nature et de l’importance de ce risque, il aurait consenti à l’acte en question18.

En estimant qu’il était certain que la requérante, qui souffrait d’importantes douleurs et de grandes difficultés à se déplacer, aurait, compte tenu de l’absence d’alternative thérapeutique à l’intervention chirurgicale qui lui était proposée, encore consenti à cette opération si elle avait été informée des risques d’atteinte au nerf fibulaire qu’elle comportait, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation19.

Notes de bas de pages

  • 1.
    T. confl., 13 oct. 2014, n° 3963, SA AXA France IARD : Lebon, p. 471.
  • 2.
    T. confl., 28 mars 1955, n° 1525, Assoc. synd. de reconstruction de Toulon c/ Effimieff : Lebon, p. 617.
  • 3.
    T. confl., 14 févr. 2000, n° 2929, Ratinet : Lebon, p. 749.
  • 4.
    CE, 16 nov. 2011, n° 344621, Cne de Cherbourg-Octeville : Lebon T., p. 796, 874, 1139 et 1147 – CE, 24 avr. 2012, n° 337802, Cne de Valdoie : Lebon, p. 169.
  • 5.
    CEDH, 30 janv. 2020, n° 9671/15, J.M.B. et a. c/ France.
  • 6.
    CE, 28 juill. 2017, n° 410677, Section française de l’observatoire international des prisons : Lebon, p. 285.
  • 7.
    Cass. crim., 8 juill. 2020, n° 20-81739.
  • 8.
    Cons. const., 2 oct. 2020, n° 2020-858/859 QPC.
  • 9.
    CE, 13 janv. 2017, n° 389711, Cœsnon : Lebon, p. 6.
  • 10.
    CE, 10 avr. 2009, n° 315011, De la Verpillière : Lebon T., p. 66, 760 et 761.
  • 11.
    CE, ass., 4 juill. 2011, nos 338033 et 338199, Élections régionales d’Île-de-France : Lebon, p. 317 – CE, 27 mars 2012, n° 357453, Bideau : Lebon T., p. 773 et 774.
  • 12.
    CE, ass., 4 juill. 2003, n° 211106, Mme Moya-Caville : Lebon, p. 323 – CE, 16 déc. 2013, n° 353798, Centre hospitalier de Royan : Lebon T., p. 729, 730 et 840.
  • 13.
    CE, 27 nov. 2019, n° 433520, Droits d’urgence et a. : Lebon T., p. 547 et 884.
  • 14.
    CE, 8 avr. 2009, n° 311434, M. et Mme Laruelle : Lebon, p. 136.
  • 15.
    CE, sect., 5 oct. 1984, n° 47875, Co. Rép. Ariège : Lebon, p. 315 – CE, 24 juin 2019, n° 409659, Dpt Indre-et-Loire : Lebon, p. 226.
  • 16.
    CE, 19 oct. 2016, n° 391538, Centre hospitalier d’Issoire et a. : Lebon, p. 435.
  • 17.
    CE, sect., 5 janv. 2000, n° 181899, Cts Telle : Lebon, p. 5 – CE, 10 oct. 2012, n° 350426, Beaupère, Lemaitre : Lebon, p. 357.
  • 18.
    CE, 15 janv. 2001, n° 184386, Mme Courrech et a. : Lebon T., p. 1184 et 1186 – CE, 11 juill. 2011, n° 328183, Audinot : Lebon T., p. 1109 et 1145 – CE, 3 févr. 2016, n° 376620, Mme B : Lebon T., p. 944 – Cass. 1re civ., 20 juin 2000, n° 98-23046 : Bull. civ. I, n° 193.
  • 19.
    CE, 11 juill. 2011, n° 328183, Audinot.
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