Activité de l’Autorité de la concurrence en 2020
L’activité déployée par l’Autorité de la concurrence en 2020 est, comme les années antérieures, particulièrement riche d’informations. Le présent article s’en tiendra, pour l’essentiel, aux éléments qui présentent une importance notable en termes juridiques ou économiques. Ils figurent notamment dans les nombreux avis et décisions rendus par l’Autorité tout au long de l’année et concernent des secteurs d’activité très variés.
En application des dispositions de l’article 21 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes, l’Autorité de la concurrence (ancien Conseil de la concurrence) adresse au gouvernement et au Parlement chaque année, avant le 1er juin, un rapport public rendant compte de l’exercice de ses missions et de ses moyens. Le rapport d’activité de l’institution pour 2020 a été publié en juillet dernier. On en retiendra surtout les points suivants qui présentent une importance particulière en termes juridiques ou économiques : actualité législative (I) ; compétence de l’Autorité (II) ; activité consultative (III) ; mesures conservatoires (IV) ; ententes anticoncurrentielles (V) ; abus de position dominante (VI) ; abus de dépendance économique (VII) ; nouvelles compétences de l’Autorité en matière de rapprochement de centrales d’achat (VIII) ; non-respect d’engagements souscrits dans le cadre du contentieux des pratiques anticoncurrentielles (IX) ; imputabilité des pratiques (X) ; sanctions (XI) ; opérations de concentration (XII) ; publications de la collection « Les essentiels » (XIII).
I – Actualité législative
A – Loi DDADUE
Un texte législatif important a affecté le livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence. Il s’agit de la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE)1. Elle comporte une série de dispositions qui ont un impact sur les compétences de l’Autorité de la concurrence et sur la procédure applicable devant elle2.
1 – Interdiction des discriminations
Répondant à une recommandation formulée par l’Autorité dans son avis n° 19-A12 du 4 juillet 1919 relatif à la concurrence en outre-mer, le 1° du III de l’article 37 de la loi DDADUE complète l’article L. 420-2-1 du Code de commerce en permettant de sanctionner le fait, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait, de discriminer ses clients tiers par rapport à ses ventes intra-groupes.
L’Autorité justifiait cette recommandation en rappelant qu’une part non négligeable des groupes de distribution ultramarins sont également présents comme grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros.
2 – Injonctions structurelles
L’article L. 752-27 du Code de commerce, dans sa rédaction issue du 11° du III de l’article 37 de la loi DDADUE ne subordonne plus le pouvoir d’injonction structurelle de l’Autorité à la preuve d’une atteinte effective à la concurrence. Une telle atteinte est difficile à démontrer et pouvait dès lors limiter les capacités d’action de l’Autorité.
Le champ de l’injonction structurelle est par ailleurs étendu aux grossistes.
3 – Procédure simplifiée
L’article 37 de la loi DDADUE comporte plusieurs dispositions qui modifient la procédure simplifiée tout en respectant les droits de la défense. Par exemple, i) désormais, le rapporteur général de l’Autorité doit informer les parties « préalablement à » la notification des griefs (et non plus « lors de »), de sa décision d’engager la procédure simplifiée ; ii) le plafond (de 750 000 €) de la sanction pécuniaire pouvant être infligée dans le cadre de la procédure simplifiée est abrogé.
4 – Procédure de clémence
Le 7° du III de l’article 37 a supprimé l’avis de clémence.
5 – Décisions adoptées par le président de l’Autorité de la concurrence
La liste des décisions que le président de l’Autorité peut rendre seul a été allongée par le 3° du III de l’article 37. Ont par exemple été ajoutées les décisions prises en application d’une saisine d’office réalisée sur proposition du rapporteur général de l’Autorité.
6 – Notification des évolutions des tarifs règlementés de vente
Le 4° du III de l’article 37 a abrogé le dernier alinéa de l’article L. 462-2-1 du Code de commerce qui faisait peser sur le gouvernement une obligation d’information de l’Autorité sur tout projet de révision des prix ou des tarifs réglementés, au moins 2 mois avant la révision du prix ou du tarif en cause. Cette formalité s’est avérée dépourvue d’utilité.
B – Adaptation des délais et procédures pendant la période d’urgence sanitaire
À la suite de l’adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie et de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, les délais relatifs aux procédures devant l’Autorité de la concurrence ont été adaptés par un communiqué publié le 27 mars 2020. Sont concernés les dossiers de concentration, l’installation des professions juridiques réglementées, le dépôt des observations et mémoires, les demandes de clémence, la transmission des actes de procédure, la prescription, les recours ainsi que l’exécution des engagements et des injonctions3.
II – Compétence de l’Autorité
L’Autorité s’est à plusieurs reprises prononcée sur sa compétence. Elle a notamment retenu formellement sa compétence pour examiner des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire4 et s’est en revanche déclarée incompétente pour connaître des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie réfractive5 et pour apprécier la conformité du comportement des compagnies aériennes pendant la crise sanitaire avec le règlement n° 261/2004/CE relatif aux droits des passagers6.
Mais retiendra surtout l’attention la décision de clôture rendue dans l’affaire des pratiques mises en œuvre sur le territoire de la Polynésie française.
On se souvient que, dans cette affaire, le groupe Wane, poursuivi devant l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) avait présenté une requête pour cause de suspicion légitime à l’encontre de son président. Le premier président de la cour d’appel de Paris, statuant sur renvoi, a déclaré cette requête recevable et désigné l’Autorité de la concurrence siégeant à Paris aux fins de statuer sur la procédure pendante devant l’APC.
L’Autorité a cependant refusé de prendre en charge le dossier et l’a clôturé au motif qu’il porte sur des faits n’entrant pas dans le champ de sa compétence.
Pour parvenir à cette solution, elle a d’abord observé que sa compétence est limitée à l’application des droits de la concurrence national et européen, à l’exclusion du droit polynésien de la concurrence.
Elle a ensuite rappelé que, conformément à sa pratique décisionnelle et à la jurisprudence, elle ne peut statuer que sur des pratiques ayant des effets sur le territoire national (métropolitain et territoires où le législateur l’a habilitée à intervenir, telles les collectivités de Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte, Wallis et Futuna).
Or, en l’espèce, les pratiques dénoncées, si elles étaient établies, auraient eu des effets potentiels ou réels sur le seul territoire polynésien7.
III – Activité consultative
L’année 2020, comme les précédentes, a été marquée par une abondante activité consultative. Les consultations suivantes ont plus particulièrement retenu l’attention.
A – Consultation sur les projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé
Le 12 juin 2020, l’Autorité a mis en ligne son avis très réservé du 31 décembre 2019 sur les projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé8.
Bien que ces projets assouplissent, à certains égards, la possibilité pour les praticiens de communiquer des informations au public, pour l’Autorité, ils restreignent de manière non justifiée et non proportionnée, via des dispositions souvent imprécises, et qui diffèrent selon les professions concernées, la liberté de communication des professionnels de santé.
Sur la forme, l’Autorité observe que les projets de décret comportent de nombreuses dispositions dont l’ordonnancement et la rédaction sont difficilement compréhensibles et incohérents, notamment sur la communication commerciale.
Sur le fond, les projets comportent des restrictions injustifiées à la communication des professionnels de santé sur leur activité. L’Autorité estime que ces dispositions ne sont pas justifiées objectivement au regard des impératifs de santé publique, et instituent dès lors des limitations disproportionnées aux principes de libre concurrence, de libre prestation de service et de libre exercice des professions de santé. Elles sont, par ailleurs, susceptibles d’être contraires à la directive sur le commerce électronique et à l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Il est suggéré, dans ces conditions, d’apporter toutes les clarifications et modifications nécessaires, en tenant compte des recommandations suivantes :
Recommandation n° 1 : Isoler l’interdiction d’exercer la profession comme un commerce dans un article distinct de celui relatif à la publicité, et renvoyer aux chartes et recommandations édictées par les ordres le soin de déterminer les pratiques susceptibles d’être concernées par cette interdiction. L’objectif ici est de tirer les leçons d’un arrêt de 2017 de la Cour de justice relatif à la loi belge applicable aux chirurgiens-dentistes9.
Recommandation n° 2 : Revoir la rédaction des projets, en homogénéisant la nature et l’étendue des obligations des professionnels de santé, en particulier pour ce qui concerne le principe d’autorisation du recours aux procédés commerciaux, et en harmonisant ce qui doit figurer expressément dans le décret et ce qui peut être renvoyé aux chartes de bonnes pratiques ou autres instruments similaires édictés par les instances nationales. À ce titre, l’Autorité estime qu’il serait pertinent de définir un socle commun de dispositions posant les principes fondamentaux et définitions gouvernant la communication des professions de santé.
Recommandation n° 3 : Identifier et définir avec précision, de manière homogène pour l’ensemble des professions concernées, les termes relatifs à la communication, et consacrer un principe de libre communication, y compris commerciale, de toute information, à tout public, quels qu’en soient le support et les modalités, sous réserve du respect des règles déontologiques, telles que, notamment, la dignité de la profession, la confraternité, ou l’honneur, et leurs dérivés (caractère non trompeur, loyauté, honnêteté, etc.). Les chartes et recommandations accompagnant les décrets devront expliciter les règles déontologiques applicables en matière de communication, en mentionnant les obligations des praticiens et les pratiques permises, en les illustrant par des exemples, afin d’éviter les risques de poursuites et de sanctions arbitraires de la part des instances ordinales.
Recommandation n° 4 : Poser, dans le Code de la santé publique, une autorisation de principe du référencement naturel et prioritaire, encadré par des obligations déontologiques liées notamment à la nature des informations mises en ligne.
Recommandation n° 5 : Assouplir sensiblement les restrictions limitant la communication des professionnels de santé lors de leur installation. En particulier, l’Autorité recommande (i) d’indiquer que le praticien peut communiquer, à l’occasion de son installation ou du changement de son lieu d’exercice, par tout moyen et sur tout support, en respectant les règles déontologiques ; et (ii) de supprimer l’obligation pour les praticiens de transmettre – pour avis ou pour accord – les supports et les modalités de communication aux conseils départementaux, à charge pour ceux-ci de poursuivre les comportements qu’ils estimeraient contraires à la déontologie.
Recommandation n° 6 : Prévoir dans les décrets une obligation générale d’information sur les honoraires pratiqués, sur tout support et en amont de la prise de rendez-vous.
Recommandation n° 7 : Supprimer des codes de déontologie les interdictions liées à l’abaissement des tarifs10.
B – Consultation informelle dans le contexte de la crise sanitaire
Compte tenu de la crise exceptionnelle liée à la pandémie de Covid-19, les autorités de concurrence ont dû s’adapter11. À titre d’exemple, celles de l’Union européenne ont indiqué qu’elles pouvaient éclairer les entreprises de façon informelle sur la compatibilité avec le droit de la concurrence des comportements de coopération envisagés pour répondre à cette crise.
L’Autorité de la concurrence a ainsi répondu à une initiative d’une association professionnelle représentant des opticiens, le Rassemblement des opticiens de France (ROF).
Elle a saisi cette occasion pour rappeler une pratique décisionnelle constante selon laquelle il est loisible à un syndicat professionnel de diffuser des informations destinées à aider ses membres dans l’exercice de leur activité mais il importe de distinguer entre (i) les comportements qui relèvent de la défense des intérêts professionnels des membres de l’organisation, sans constituer une intervention sur un marché et (ii) ceux qui, parce qu’ils invitent des opérateurs économiques à adopter telle ou telle attitude sur le marché, en particulier sous la forme de mises en garde ou de consignes, constituent une intervention sur un marché (une telle intervention peut en effet, dans certaines hypothèses, constituer une infraction au droit de la concurrence, qui peut donner lieu à sanction le cas échéant).
Le ROF a indiqué ne prodiguer que des recommandations générales et exposer des arguments juridiques et factuels au soutien des demandes de ses adhérents. Il a par ailleurs précisé qu’il ne déterminerait pas le comportement que ses adhérents devraient adopter. Enfin, son action vise à prévenir les risques de défaillances d’entreprises en raison de la fermeture prolongée des différents points de vente ; elle ne semble pas, en l’espèce, permettre une coordination sensible des coûts des acteurs concernés. Au vu de ces éléments, l’Autorité estime que la démarche envisagée n’est pas de nature à être considérée comme une intervention anticoncurrentielle sur le marché12.
C – Consultation sur la situation de la concurrence dans le secteur des réseaux de chaleur
Saisie par le ministre de l’Économie et des Finances, l’Autorité a rendu un avis sur la situation de la concurrence dans le secteur des réseaux de chaleur, afin notamment d’apprécier si l’accès aux marchés concernés est limité, et si la concurrence y est effective.
Cette saisine s’inscrit dans le cadre d’une demande d’exemption formulée par la société Dalkia, filiale d’EDF, auprès de la Commission européenne concernant son activité de gestion déléguée des réseaux de chaleur. Pour cette activité, Dalkia, en tant qu’entité adjudicatrice, souhaitait bénéficier des dispositions de l’article 34 de la directive n° 2014/25/UE du 26 février 2014 qui permet aux opérateurs des secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux de se soustraire aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables qui leurs sont imposées pour leurs passations de marchés. Aux termes de l’article 34, une exemption peut être accordée par la Commission européenne si deux conditions sont réunies : l’existence d’une concurrence effective et un accès au marché non limité.
L’Autorité relève que, d’un point de vue théorique, il est possible d’estimer que le marché de la gestion déléguée des réseaux de chaleur est exposé à la concurrence et que son accès est libre, dans la mesure où plusieurs opérateurs y sont actifs et où son accès n’est pas limité en droit. Cependant, elle constate que, d’un point de vue qualitatif, l’intensité de la concurrence sur ce marché doit être relativisée, dans la mesure où (i) deux acteurs y occupent une place particulière, et (ii) des barrières à l’entrée viennent limiter les possibilités de développement d’autres concurrents13.
D – Consultation sur la situation concurrentielle de la Corse
Saisie par le ministre chargé de l’Économie d’une demande d’avis portant sur la situation concurrentielle de la Corse, l’Autorité a analysé le niveau de concentration de l’économie corse et son impact sur la concurrence locale, en centrant ses travaux sur quatre secteurs particulièrement importants sur le plan concurrentiel en Corse : le transport maritime, la distribution de carburants, les grandes et moyennes surfaces alimentaires et la gestion des déchets.
Au terme de ses travaux, l’Autorité a notamment recommandé aux pouvoirs publics de lui permettre d’imposer des mesures correctrices structurelles en cas de préoccupations substantielles de concurrence, y compris en l’absence de la dominance, et à défaut, de transposer dans certains territoires métropolitains le dispositif d’injonctions structurelles applicable en cas de position dominante en s’inspirant du dispositif prévu à l’article L. 752-27 du Code de commerce (pt 210).
Par ailleurs, afin d’étendre son contrôle à des opérations de concentration qui échappent aujourd’hui à son contrôle mais qui sont susceptibles de poser des problèmes de concurrence, l’Autorité propose de la doter du pouvoir de se saisir d’office de l’examen d’opérations, qui, tout en étant sous les seuils de contrôle, sont susceptibles de présenter des risques pour la concurrence (pt 186).
D’autres recommandations concernent des secteurs spécifiques. S’agissant par exemple de la distribution alimentaire, l’Autorité a recommandé au législateur de prévoir pour la Corse une dérogation à l’interdiction de la revente à perte et à tout le moins de prévoir une dérogation spécifique au dispositif de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte prévu par la loi Egalim n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Une telle exception législative pourrait, selon l’Autorité, s’inspirer de la dérogation déjà prévue par l’article 6 de l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 pour l’outre-mer pour des raisons tenant à la cherté de la vie dans les territoires concernés14.
IV – Mesures conservatoires
Les décisions octroyant des mesures conservatoires sont relativement rares. Retiendra donc l’attention la décision du 9 avril 2020 aux termes de laquelle l’Autorité de la concurrence, saisie notamment par le syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale et l’Agence France-Presse, a prononcé des mesures conservatoires à l’encontre du groupe Google.
Selon les saisissants, les modalités de mise en œuvre par Google de la loi n° 2019-775 du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences et des éditeurs de presse constitueraient un abus de position dominante, contraire aux articles L. 420-2 du Code de commerce et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ainsi qu’un abus de dépendance économique.
La loi du 24 juillet 2019, qui transpose en droit français l’article 15 de la directive n° 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique, a pour objectif de mettre en place les conditions d’une négociation équilibrée entre éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne, afin de redéfinir le partage de la valeur entre ces acteurs et en faveur des éditeurs et agences de presse. Or, Google a décidé unilatéralement qu’elle n’afficherait plus les extraits d’articles, les photographies et les vidéos au sein de ses différents services, sauf à ce que les éditeurs lui en donnent l’autorisation à titre gratuit.
En l’état de l’instruction, l’Autorité a considéré que les pratiques dénoncées sont susceptibles d’être qualifiées d’anticoncurrentielles (pt 172).
En effet, d’une part, Google pourrait avoir imposé aux éditeurs et agences de presse des conditions de transaction inéquitables, en évitant toute forme de négociation et de rémunération pour la reprise et l’affichage des contenus protégés au titre des droits voisins.
D’autre part, Google est susceptible d’avoir traité de façon identique des acteurs économiques placés dans des situations différentes en-dehors de toute justification objective, et, partant, d’avoir mis en œuvre une pratique discriminatoire.
Enfin, Google pourrait avoir abusé de sa position dominante pour contourner la loi sur les droits voisins, notamment (i) en utilisant la possibilité laissée par cette loi de consentir des licences gratuites pour en faire un principe général de non-rémunération pour l’affichage des contenus protégés sur sa plate-forme (pt 243) ; pour l’Autorité, ces modalités de mise en œuvre de la loi sur les droits voisins sont susceptibles de contrevenir à l’esprit de cette loi ; au surplus, l’institution estime qu’il ne peut être exclu en l’espèce que la modification des conditions d’affichage des contenus des éditeurs de presse constitue une violation de la lettre de la loi n° 2019-775 (pt 250) ; (ii) en refusant de communiquer les informations indispensables à toute négociation commerciale entre éditeurs et agences de presse et services de communications au public en ligne tels que Google Search (pt 253) ; et (iii) en reprenant des titres d’articles dans leur intégralité en considérant qu’ils échappaient par principe à la loi sur les droits voisins.
Dans son appréciation, l’Autorité a également tenu compte du fait que la nouvelle politique d’affichage de Google a imposé aux acteurs du secteur des conditions de transaction plus défavorables que celles qui préexistaient à l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins, et que celles qui auraient dû résulter d’une négociation de bonne foi.
Les pratiques en cause ont été rendues possibles par la position dominante que Google est susceptible de détenir sur le marché des services de recherche généraliste (à bien des égards cette position présente les aspects « extraordinaires » relevés par la Commission dans l’affaire Microsoft). Cette position conduit Google à apporter un trafic significatif aux sites des éditeurs et agences de presse. Ce trafic s’avère aussi non remplaçable et critique pour des éditeurs et agences de presse, qui ne peuvent se permettre de perdre une quelconque part de leur lectorat numérique du fait des difficultés économiques constatées par le législateur, et qui ont justifié l’adoption en urgence de la loi sur les droits voisins. Dans ces conditions, les éditeurs et agences de presse sont placés dans une situation où ils n’ont d’autre choix que de se conformer à la politique d’affichage de Google, sans contrepartie financière. En effet, la menace de dégradation de l’affichage est synonyme pour chaque éditeur de presse de pertes de trafic et donc de revenus.
L’Autorité a constaté l’existence d’une atteinte grave et immédiate au secteur de la presse, résultant du comportement de Google, qui, dans un contexte de crise majeure de ce secteur, prive les éditeurs et agences de presse d’une ressource vitale pour assurer la pérennité de leurs activités, et ce au moment crucial de l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins (pts 273 et s).
Un argument tiré de l’absence d’urgence n’a pas convaincu l’Autorité. Selon Google, les éditeurs n’ont jamais été rémunérés pour l’affichage des contenus protégés au sein de ses services et le choix de la plupart d’entre eux de continuer à autoriser la reprise et l’affichage de ces contenus par Google signifie qu’aucun changement n’est intervenu à leur égard (pt 283). Le moyen est écarté : « D’une part, il convient de relever que l’adoption par le Parlement de la loi sur les droits voisins constitue un fait nouveau, qui devait conduire, selon la volonté du législateur, à rééquilibrer la répartition de la chaîne de valeur entre les services de communication au public en ligne tels que Google Search et les éditeurs et agences de presse. D’autre part, les modalités particulières de mise en œuvre de la loi sur les droits voisins décidées par Google constituent elles aussi un fait nouveau et, en outre, peuvent être regardées comme ayant “aggravé la situation de l’économie, du secteur ou des consommateurs”, circonstance qui est regardée par l’Autorité, dans sa pratique décisionnelle, comme rendant “particulièrement urgente leur protection par l’octroi de mesures conservatoires” ». En effet, « loin de rééquilibrer les rapports entre éditeurs, agences de presse et services de communication au public en ligne, le comportement de Google a conduit à placer les éditeurs et agences de presse dans une situation encore plus défavorable que celle qui préexistait à l’entrée en vigueur de la loi sur les droits voisins » (pt 285).
L’Autorité a, en conséquence, prononcé des mesures conservatoires permettant aux éditeurs et agences de presse, s’ils le désirent, d’entrer en négociation de bonne foi avec Google. Ces négociations devaient s’inscrire dans une période limitée à 3 mois à compter de la demande de l’éditeur ou de l’agence de presse.
Par ailleurs, afin de garantir une négociation équilibrée, les mesures conservatoires devaient prévoir un principe de neutralité des négociations sur la façon dont sont indexés, classés et plus généralement présentés les contenus protégés des éditeurs et agences concernés sur les services de Google, ainsi qu’un principe de neutralité de ces négociations sur les autres relations commerciales que Google entretient avec les éditeurs et agences de presse15.
Les mesures conservatoires ainsi prononcées ont été validées pour l’essentiel par la cour d’appel de Paris16.
V – Ententes anticoncurrentielles
A – Restriction de clientèle des grossistes
L’Autorité a sanctionné le groupe Apple pour avoir mis en œuvre, au sein de son réseau de distribution de produits électroniques de marque Apple, hors iPhone, en France, une restriction de clientèle17.
Apple approvisionne une partie du marché français par l’intermédiaire de deux grossistes de produits électroniques de dimension mondiale. Ces deux grossistes vendent les produits Apple à des distributeurs spécialisés (ou resellers), dits « indirects », qui ne peuvent s’approvisionner en produits Apple qu’auprès d’eux, et à des distributeurs spécialisés dits « directs », qui peuvent s’approvisionner directement auprès d’Apple ou auprès de ces deux grossistes. Ces revendeurs comprennent notamment des revendeurs agréés premium, les « Apple Premium Resellers » (APR).
Pendant plusieurs années, Apple a procédé à des répartitions de produits et de clientèle entre ses deux grossistes, de sorte que les détaillants n’ont pu les mettre en concurrence, soit entre eux, soit avec Apple.
Apple ne pouvait se prévaloir de la nécessité de gérer les situations de rareté des produits pour expliquer la pratique en cause. L’Autorité a, en effet, estimé que ces situations de rareté ou de pénurie étaient majoritairement créées par Apple elle-même (pts 695 et s.).
La pratique de restriction de clientèle et de produits en cause est constitutive d’une restriction caractérisée au sens du règlement n° 330/2010/UE du 20 avril 2010, et ne peut donc à ce titre bénéficier du régime d’exemption par catégorie (pt 724).
L’Autorité a, de même, après examen des justifications particulières avancées, estimé que les conditions n’étaient pas réunies pour pouvoir accorder à Apple le bénéfice d’une exemption individuelle.
L’entente, contraire à l’article 101 du TFUE et à l’article L. 420-1 du Code de commerce, a été facilitée par des échanges très fréquents et détaillés d’informations entre Apple et ses grossistes qui ont permis à Apple de contrôler et de surveiller le respect des allocations qu’elle avait précédemment fixées18.
B – Ententes dans le secteur du jambon et de la charcuterie
L’Autorité a sanctionné plusieurs sociétés actives dans le secteur des achats et ventes des pièces de porcs et de produits de charcuterie pour avoir mis en œuvre trois pratiques anticoncurrentielles constituées, pour la première, par une entente entre concurrents sur le prix du jambon sans mouille, utilisé pour fabriquer des jambons cuits, et pour les deuxième et troisième, par des ententes entre concurrents sur le marché de la commercialisation de produits de charcuterie crus, d’une part, cuits, d’autre part, sous marque de distributeurs et premiers prix. Ces pratiques ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence19.
C – Pratiques de boycott
1 – Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire
Le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes, plusieurs conseils départementaux de l’ordre des chirurgiens-dentistes et la fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL) ont été condamnés pour avoir, selon des modalités qui leur sont propres, participé à une infraction unique, complexe et continue visant à entraver l’activité des réseaux de soins dentaires.
L’une des particularités de l’affaire a été l’accès des enquêteurs aux réseaux sociaux, rendu possible par une autorisation judiciaire. A ainsi pu être utilisé à titre de preuve le message suivant écrit dans le cadre d’un échange sur le réseau social Facebook avec un adhérent de la FSDL : « J’ai eu l’assurance il y a 6 mois par C. qu’il fera tout ce qui est en son pouvoir pour détruire SantéClair (…) ».
L’infraction a notamment consisté en la mise en place d’une campagne destinée à encourager les chirurgiens-dentistes à porter plainte contre leurs confrères adhérents au réseau de soins Santéclair devant les conseils départementaux. Après réception des plaintes, les mis en cause étaient convoqués à une procédure de conciliation et incités à résilier leur partenariat avec Santéclair.
L’Autorité a sanctionné également la Confédération nationale des syndicats dentaires pour avoir entravé l’activité des réseaux de soins dentaires par des pratiques autonomes.
Les actions de boycott ainsi condamnées constituent, par leur objet même, des infractions au droit de la concurrence. Ces pratiques sont d’une particulière gravité dans la mesure où les réseaux concernés visent à faciliter l’accès aux soins des patients en réduisant le montant des dépenses restant à la charge de ces derniers. Or le « reste à charge » constitue un motif essentiel de renoncement aux soins dentaires.
S’agissant des sanctions, on retiendra notamment que le conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes s’est vu infliger une amende de 3 millions d’euros, c’est-à-dire le montant maximum prévu par l’article L. 464-2 du Code de commerce lorsque l’entité n’est pas une entreprise. Cette sévérité s’explique en grande partie par la situation de réitération dans laquelle se trouvait cette organisation et par le rôle prépondérant qu’elle a joué dans la mise en œuvre des pratiques en cause20.
2 – Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie réfractive (irrecevabilité pour incompétence)
La société Optical Center a saisi l’Autorité de pratiques de boycott mises en œuvre par le conseil départemental du Rhône de l’ordre des médecins (CDROM) dans le secteur de la chirurgie réfractive (celle-ci consiste à corriger les anomalies de la puissance optique de l’œil par une opération des yeux au laser sous anesthésie locale). Il était reproché au CDROM de s’être opposé, de manière injustifiée et systématique, à l’exploitation par Optical Center d’un centre de chirurgie laser à Lyon.
L’Autorité a cependant considéré que les mesures et décisions d’ordre administratif, disciplinaire et judiciaire prises par le CDROM s’inscrivent dans le cadre des missions visant à assurer le respect des règles déontologiques dévolues à ce dernier, et manifestent l’exercice, dans une mesure non manifestement inappropriée, de ses prérogatives de puissance publique. Par conséquent, elle s’est déclarée incompétente pour connaître des pratiques dénoncées21.
D – Entente dans le secteur des vins d’Alsace
Plusieurs organisations du secteur des vins d’Alsace ont été condamnées pour des pratiques d’entente.
Les pratiques visées par les griefs notifiés ne sauraient être exclues du champ d’application du droit de la concurrence. En effet, en premier lieu, les organisations en cause ne constituent pas des organisations de producteurs ou des associations d’organisations de producteurs au sens du règlement n° 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles (règlement OCM). Aucun de ces organismes ne peut donc bénéficier d’une dérogation spéciale sur le fondement de l’article 152 paragraphe 1 bis du règlement OCM (pt 178). En second lieu, ces organismes ne sauraient non plus bénéficier de la dérogation générale au titre de l’article 209 du règlement, dans la mesure où elles n’ont pas prouvé que ses conditions d’application étaient remplies, conformément au paragraphe 2, alinéa 4 de cet article (pt 179).
Le comité interprofessionnel des vins d’Alsace (CIVA) a notamment été sanctionné pour avoir mis en œuvre une entente visant à donner, pour chaque récolte, à ses adhérents, des recommandations tarifaires sur le prix du vin en vrac. L’Autorité a énoncé que ces pratiques « ont incité des producteurs concurrents à se détourner d’une fixation de leurs prix sur la base d’une appréhension directe et personnelle de leurs coûts respectifs, limitant ainsi le libre jeu de la concurrence » (pt 429)22.
E – Entente dans le cadre d’appels d’offres
L’affaire des marchés de fourniture de produits alimentaires de France AgriMer a donné l’occasion à l’Autorité de modifier sa pratique décisionnelle concernant les réponses concertées aux appels d’offres par des filiales d’un même groupe.
Les faits n’avaient rien d’original : quatre sociétés d’un même groupe ont présenté comme distinctes des offres élaborées de façon concertée en réponse aux appels d’offres organisés par l’établissement public national France AgriMer.
Conformément à la pratique décisionnelle de l’Autorité, les enquêteurs ayant constaté l’existence d’un système de soumissions coordonnées aux appels d’offres, un grief d’entente a été notifié aux quatre entreprises et celles-ci ayant sollicité le bénéfice de la procédure de transaction, des procès-verbaux de transaction ont fixé le montant minimal et le montant maximal des sanctions pécuniaires qui pouvaient être infligées par l’Autorité.
Il résulte en outre de la pratique décisionnelle de l’Autorité et d’une jurisprudence constante de la cour d’appel de Paris que « concernant les comportements d’entreprises appartenant à un même groupe à l’occasion de procédures de mises en concurrence incriminés par l’article L. 420-1 du Code de commerce et par (…) l’article 101 du traité TFUE, (…) il est possible pour des entreprises ayant entre elles des liens juridiques ou financiers, mais disposant d’une autonomie commerciale de présenter des offres distinctes et concurrentes » mais « à la condition de ne pas se concerter avant le dépôt de ces offres »23. Cette dernière condition n’étant pas satisfaite en l’espèce, une condamnation à une sanction pécuniaire pouvait a priori être envisagée.
Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne a, pour la première fois, par un arrêt du 17 mai 2018, jugé que les règles de l’article 101 sont inapplicables aux pratiques consistant, pour des entreprises appartenant à un même groupe, à soumettre de façon coordonnée des offres distinctes et en apparence indépendantes en réponse à un appel d’offres24.
Cette jurisprudence de la Cour de justice a conduit l’Autorité à reconsidérer sa pratique décisionnelle et à prononcer en l’espèce un non-lieu à poursuivre la procédure25.
On remarquera qu’une décision de non-lieu a été rendue alors qu’une procédure de transaction avait été ouverte. L’Autorité a considéré que « compte tenu de l’évolution du droit positif applicable aux pratiques telles que celles de l’espèce (…) les conditions pour le prononcé d’une sanction tel que l’envisageaient les procès-verbaux de transaction ne sont pas réunies » (pt 71).
On notera également que la décision de non-lieu a été accompagnée d’une mise en garde de l’Autorité : « Si de telles pratiques ne sont plus susceptibles d’être appréhendées par le droit des ententes anticoncurrentielles, elles risquent, de façon générale, de tomber sous le coup du droit des marchés publics. De tels comportements peuvent en effet induire en erreur l’acheteur public et ainsi fausser les résultats de la commande publique »26.
F – Ententes verticales sur les prix de détail
Dans les deux affaires Apple et Dammann Frères, l’Autorité a condamné des pratiques de prix qui avaient l’apparence de prix conseillés mais qui en réalité étaient imposés.
1 – Affaire Apple
Outre une restriction de clientèle des grossistes27 et un abus de dépendance économique aux dépens des détaillants28, l’Autorité a, dans l’affaire Apple, condamné une entente verticale sur les prix de détail entre Apple et ses distributeurs APR.
La preuve de l’entente, qui suppose un accord de volontés entre les entreprises29, est rapportée en l’espèce. En effet, d’une part, Apple a diffusé des prix dits « conseillés », sur de nombreux supports, et notamment, sur son site internet, accessible aux consommateurs finals. D’autre part, les APR ont reconnu qu’ils pratiquaient rigoureusement les prix indiqués par Apple, des relevés de prix attestant au surplus du parfait alignement des prix des distributeurs. Si seuls certains les ont qualifiés de prix imposés, la majorité des APR se bornant à souligner leur « absence de marge de manœuvre » dans leur fixation, l’Autorité a estimé que de nombreuses preuves du dossier démontraient que ces prix dits « conseillés » constituaient, en réalité, des prix dont l’application effective était voulue par Apple et que cette volonté d’application était perçue comme telle par les distributeurs, de sorte que le concours de volontés était bien constitué. Enfin, les promotions des APR étaient contrôlées et leurs prix faisaient l’objet d’une surveillance. Les prix conseillés aux APR étaient en réalité imposés.
L’Autorité a considéré que cette pratique, grave par nature, avait affecté le canal de la distribution spécialisée des ventes d’Apple, les prix étant semblables, au sein du réseau intégré d’Apple et dans les APR, et avait abouti, au total, à un alignement des prix de vente aux consommateurs finals pour au moins la moitié du marché de détail des produits Apple.
L’institution a encore rappelé que les pratiques de prix imposés ne sont pas susceptibles de bénéficier de l’exemption par catégorie prévue par le règlement n° 330/2010/UE du 20 avril 201030.
2 – Affaire Dammann Frères
La société Dammann Frères a été condamnée pour avoir mis en œuvre des pratiques visant à limiter la liberté tarifaire de ses distributeurs, en fixant directement ou indirectement le prix de vente aux consommateurs des produits de marque Dammann Frères, sur le marché de la vente en ligne de thés haut de gamme.
Plus précisément, l’entreprise a diffusé à ses distributeurs des prix dits « conseillés », par le biais de ses catalogues annuels mais incitait ces distributeurs à respecter les prix en s’appuyant, notamment, sur ses conditions générales de vente et sur les accords de distribution en ligne conclus avec certains distributeurs.
Elle est en outre intervenue auprès des distributeurs qui refusaient d’appliquer les prix qu’elle imposait et a sanctionné ceux qui persistaient à ignorer ses incitations en supprimant ou réduisant le montant de leurs remises, en retardant leurs livraisons, en supprimant leurs coordonnées de la liste de distributeurs présentée sur son site internet ou encore en rompant de façon unilatérale ses relations commerciales avec eux.
S’agissant de la démonstration de l’accord de volontés, elle résulte, selon l’Autorité, de l’existence d’une invitation anticoncurrentielle de Dammann Frères et d’un acquiescement de ses distributeurs quant aux prix pratiqués.
Un deuxième grief avait été notifié dans cette affaire, mais il n’a pas été retenu par l’Autorité. Il était reproché à Dammann Frères d’interdire à ses distributeurs de proposer, d’offrir à la vente, d’accepter des commandes ou de vendre à partir de places de marché en ligne, directement ou indirectement. Cependant, faisant application de la jurisprudence Coty31, l’Autorité a jugé que la pratique en cause bénéficiait d’une exemption au titre du règlement n° 330/2010.
En effet, dans la mesure où les éléments qui figurent au dossier ne permettaient pas de dénombrer les clients de plates-formes tierces au sein du groupe des acheteurs en ligne et où le fabricant n’interdisait pas à ses distributeurs de vendre par internet et de se faire connaître par le biais de site internet tiers (publicité et utilisation des moteurs de recherche), l’accord en cause ne constitue pas une restriction de la clientèle des distributeurs, au sens de l’article 4, sous b), du règlement n° 330/2010 (pt 298). Par ailleurs, les parts du marché des thés haut de gamme vendus en ligne, détenues par Dammann Frères et par ses distributeurs, sont inférieures à 30 % (pt 299)32.
VI – Abus de position dominante
A – Refus d’appliquer la jurisprudence Continental Can au rachat d’Itas par TDF
La jurisprudence Continental Can33, qui permet d’appliquer l’interdiction des abus de position dominante en l’absence de textes régissant le contrôle des concentrations est-elle devenue obsolète ? L’Autorité a répondu par l’affirmative dans une affaire, le rachat d’Itas par TDF, initiée par la saisine de la société towerCast, qui estimait que l’opération, qui ne franchissait ni les seuils européens de notification obligatoire définis à l’article 1er du règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, ni les seuils français prévus à l’article L. 430-2 du Code de commerce, constituait un abus de position dominante.
L’argumentation de la saisissante, fondée sur la jurisprudence Continental Can, n’a pas convaincu l’Autorité : « L’adoption d’un dispositif de contrôle des concentrations au niveau de l’Union européenne a, de facto, rendu obsolète l’application de la jurisprudence Continental Can » (pt 131).
Pour écarter le grief d’abus de position dominante, l’Autorité a par ailleurs rappelé qu’il résulte de sa pratique décisionnelle, confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris et de la Cour de cassation, que les procédures relatives au contrôle des ententes et abus de position dominante d’une part, et au contrôle des concentrations, d’autre part, sont différentes et inconciliables entre elles. Elle observe qu’à la date des faits examinés dans la présente affaire, le Code de commerce comportait, de façon exclusive, d’une part, un ensemble de règles applicables aux concentrations d’entreprises, soumises à notification obligatoire dès lors que les conditions définies par la loi, notamment le franchissement de seuils en valeur de chiffres d’affaires, étaient remplies ; d’autre part, des règles applicables à d’autres comportements d’entreprises, desquelles il résulte que sont notamment prohibés les ententes et abus de position dominante. Il résulte de ces dispositions, conclut l’Autorité, qu’une concentration ne saurait, en l’état des règles applicables, être considérée en elle-même comme un abus de position dominante.
Il ne pouvait, par ailleurs, en l’espèce, être fait application de l’article L. 430-9 du Code de commerce. Celui-ci permet à l’Autorité, en cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique, d’enjoindre, par décision motivée, à l’entreprise ou au groupe d’entreprises en cause de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tous accords et tous actes par lesquels s’est réalisée la concentration de la puissance économique qui a permis les abus, même si ces actes ont fait l’objet d’une procédure sur le fondement du droit des concentrations. L’institution a fait application de cet article (dans sa rédaction alors applicable et qui a ultérieurement été modifiée) dans la décision n° 02-D-44 du 11 juillet 2002, relative à la situation de la concurrence dans les secteurs de l’eau potable et de l’assainissement.
L’application de cet article est néanmoins subordonnée à l’existence d’un abus détachable de la concentration en elle-même, ce qui n’a pas été démontré en l’espèce (pt 154).
Enfin, l’Autorité a rappelé qu’une opération de concentration qui n’atteindrait pas les seuils définis à l’article 1er du règlement n° 139/2004139/CEE du Conseil du 20 janvier 2004 peut être renvoyée par l’Autorité à la Commission lorsque les conditions prévues à l’article 22 du règlement sont remplies et ce, alors même qu’elle ne serait pas soumise à une notification obligatoire au regard des dispositions du Code de commerce. Mais, au cas d’espèce, l’opération de concentration litigieuse n’a pas donné lieu à un tel renvoi à la Commission34.
B – Accès à une prétendue infrastructure essentielle (rejet de la saisine)
L’Autorité a rejeté la saisine de l’Association des opérateurs télécoms alternatifs (AOTA), représentant plus de 40 opérateurs télécoms alternatifs de dimension régionale.
L’association soutenait que malgré de nombreuses demandes de ses membres, la société Orange refusait abusivement à certains de ses adhérents l’accès à son infrastructure FttH (c’est-à-dire spécifiquement les fibres et éléments actifs déployés dans le réseau de génie civil d’Orange). Les refus les auraient empêchés de proposer des offres suffisamment attractives à destination des entreprises et des collectivités publiques. Plus précisément, l’AOTA soutenait qu’Orange refusait l’accès à son infrastructure FttH activée au niveau national alors même que l’infrastructure FttH d’Orange constituerait une infrastructure essentielle.
La plainte n’a pas résisté à l’analyse de l’Autorité qui a d’abord considéré que l’accès demandé par l’AOTA à Orange ne permettrait pas, à lui seul, de fournir des services aux entreprises sur l’ensemble du territoire. En effet, les réseaux en cuivre et en fibre optique, s’ils restent substituables lorsqu’ils sont déployés sur une même zone, sont en tout état de cause complémentaires pour couvrir l’ensemble du territoire, dans la mesure où les réseaux en fibre optique ne couvrent pas l’ensemble du territoire, contrairement au réseau cuivre issu du monopole historique (pt 43).
Par ailleurs, l’Autorité a observé qu’au moins trois opérateurs, Kosc, SFR et Bouygues Telecom, proposent aujourd’hui des offres de gros FttH d’accès activé au niveau national (pt 44).
Elle relève encore qu’il est raisonnablement possible de répliquer l’infrastructure FttH d’Orange et que celle-ci, qui est toujours en cours de déploiement, est actuellement reproduite de façon effective par plusieurs opérateurs, dont les principaux fournisseurs d’accès à internet comme SFR, Bouygues Telecom ou Free (pt 78).
Ainsi, et sans qu’il soit besoin d’analyser les autres conditions posées par la jurisprudence, celles-ci étant cumulatives, l’infrastructure FttH d’Orange ne peut être qualifiée d’infrastructure essentielle (pt 79).
Cependant, lors de l’instruction du dossier, les services d’instruction ont pu relever des points d’attention qui justifient que l’Autorité ouvre une enquête exploratoire sur les problématiques du marché des télécommunications à destination des entreprises. Cette enquête a pour objectif de s’assurer de l’absence de pratiques de nature à fausser le jeu de la concurrence sur le marché des entreprises, dont la dynamique reste encore fragile35.
C – Remises anticoncurrentielles
La Poste projetait de conclure, avec son concurrent Mondial Relay, un partenariat qui lui aurait permis de présenter aux sites de vente en ligne une offre de livraison en points de retrait combinant son propre réseau de bureaux de poste et de commerçants avec celui de Mondial Relay. Compte tenu de sa position importante sur le marché et à la suite de l’instruction engagée par l’Autorité, La Poste a suspendu ce projet mais l’Autorité a poursuivi l’instruction au fond.
Les pratiques de couplage des remises entre livraisons à domicile et hors domicile et de remises rétroactives de La Poste ont suscité des préoccupations de concurrence susceptibles d’être qualifiées d’anticoncurrentielles au regard des dispositions de l’article L. 420-2 du Code de commerce, et de l’article 102 du TFUE (pt 92).
Pour répondre à ces préoccupations, La Poste a pris un certain nombre d’engagements, notamment celui de calculer séparément les remises portant sur les livraisons à domicile et celles portant sur les livraisons hors domicile.
L’Autorité a accepté ces engagements et a donc clôturé le dossier36.
D – Dénigrement
Six ans après la décision de l’Autorité italienne de concurrence37, l’Autorité de la rue de l’Échelle a rendu la sienne dans le volet français de l’affaire Roche, Novartis et Genentech. Les trois laboratoires ont été condamnés en France pour avoir mis en œuvre des pratiques abusives visant à préserver les ventes du médicament Lucentis pour le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) au détriment d’Avastin, spécialité concurrente 30 fois moins chère.
Pour parvenir à cette solution, l’Autorité a établi que les trois laboratoires détenaient une position dominante collective et en ont abusé en diffusant un discours dénigrant et un discours alarmiste, voire trompeur, sur les risques liés à l’utilisation d’Avastin pour le traitement de la DMLA.
Sur le premier point, la position dominante collective, l’Autorité a constaté que les trois laboratoires formaient une entité collective, pour les besoins de la commercialisation de Lucentis et Avastin, détenant une position dominante sur le marché du traitement de la DMLA (principale cause de malvoyance chez les sujets de plus de 50 ans dans les pays industrialisés), compte tenu d’une part, de l’existence de liens structurels importants et stratégiques entre les laboratoires et, d’autre part, de l’existence de liens capitalistiques croisés entre les trois laboratoires. La structure contractuelle et capitalistique existant entre Genentech, Roche et Novartis a permis à ces derniers d’adopter une ligne d’action commune sur le marché concerné, visant à limiter les prescriptions d’Avastin « hors AMM » en ophtalmologie. En particulier, l’Autorité a constaté qu’il existait une forte incitation financière pour les trois laboratoires à adopter une ligne de conduite commune, dont la mise en œuvre a été facilitée par les liens structurels.
S’agissant ensuite des pratiques condamnées, notons d’abord que Novartis a été sanctionné au titre du grief n° 1 pour avoir diffusé un discours dénigrant ; ce comportement est peu original, notamment dans le secteur pharmaceutique, dès lors que des pratiques similaires ont été maintes fois condamnées dans divers pays développés au cours des dernières années. En l’espèce, le discours a exagéré, de manière injustifiée, les risques liés à l’utilisation d’Avastin « hors AMM » pour le traitement de la DMLA, et plus généralement en ophtalmologie, en comparaison avec la sécurité et la tolérance de Lucentis pour un même usage. Cette pratique a été de nature à avoir et a eu pour effet de limiter les prescriptions d’Avastin « hors AMM » pour le traitement de la DMLA et, plus généralement en ophtalmologie. Elle est également susceptible d’avoir eu pour effet le maintien de Lucentis à un prix supra-concurrentiel ou encore la fixation du prix d’Eylea, spécialité concurrente, à un niveau artificiellement élevé.
L’Autorité a également retenu le grief n° 2, qui reprochait aux trois entreprises d’avoir diffusé un discours alarmiste, voire trompeur, sur les risques liés à l’utilisation d’Avastin pour le traitement de la DMLA, afin de bloquer ou ralentir, de façon indue, les initiatives des pouvoirs publics qui envisageaient de favoriser et sécuriser son usage pour le traitement de la DMLA.
Plus précisément, « Roche et Novartis ont transmis, avec l’appui de Genentech, un argumentaire scientifique similaire concernant les risques d’utilisation d’Avastin en ophtalmologie, à l’ANSM et à d’autres acteurs institutionnels du secteur de la santé. Les laboratoires ont également mis en œuvre un certain nombre de pratiques consistant à faire pression sur les pouvoirs publics et obstacle aux procédures administratives » (pt 545)38.
Ce deuxième grief est plus original que le premier. En effet, les condamnations d’interventions auprès des autorités visant à freiner le développement des médicaments à prix faible sont peu fréquentes. L’affaire des dispositifs transdermiques de fentanyl fait figure d’exception : Janssen-Cilag a été condamnée, sur le fondement de l’interdiction des abus de position dominante, pour s’être « indûment immiscée, par son intervention juridiquement infondée, dans la procédure nationale d’examen des demandes d’AMM portant sur les spécialités génériques de fentanyl transdermique concurrentes de Durogesic, en présentant à l’AFSSAPS, afin de la convaincre de refuser de délivrer les AMM demandées reconnaissant le statut de générique, des arguments sur les conditions de fond de délivrance des AMM pour ces spécialités, dénués de toute pertinence, puisque cette question avait été tranchée au niveau européen »39.
E – Pratiques abusives sur le marché de la publicité en ligne liées aux recherches (rejet de la saisine)
L’Autorité avait été saisie par la société Amadeus qui reprochait à Google des pratiques abusives en suspendant ses comptes Google AdWords et en refusant la plupart de ses annonces publicitaires.
Par sa décision n° 19-MC-01 du 31 janvier 2019, l’Autorité a prononcé des mesures conservatoires à l’encontre de Google et a décidé de poursuivre l’instruction au fond de ce dossier.
L’instruction au fond de la saisine d’Amadeus s’inscrit également dans le cadre de la décision n° 19-D-26 du 19 décembre 2019 statuant sur la saisine de la société Gibmedia qui reprochait à Google d’avoir suspendu abusivement ses comptes Google Ads. Dans cette décision, l’Autorité a estimé que Google avait commis un abus de position dominante en définissant et appliquant les règles Google Ads de manière non-transparente, non-objective et discriminatoire, et a condamné Google à une amende de 150 millions d’euros, en assortissant cette décision d’un certain nombre d’injonctions adressées à Google.
L’Autorité a considéré que les faits dénoncés par Amadeus dans sa saisine ont déjà été traités, qualifiés et sanctionnés dans le cadre de la décision n° 19-D-26 et que les injonctions imposées à Google dans cette décision viennent encadrer les pratiques dénoncées par Amadeus, à l’instar des mesures qui avaient été imposées, à titre conservatoire, dans la décision n° 19-MC-01.
La plainte d’Amadeus étant devenue sans objet, elle a été rejetée en vertu de l’article L. 462-8 du Code de commerce40, que l’Autorité a appliqué par analogie41.
VII – Abus de dépendance économique
A – Distribution de produits de marque Apple
Outre une restriction de clientèle des grossistes42 et une entente verticale sur les prix de détail43, l’Autorité a, dans l’affaire Apple, condamné un abus de dépendance économique aux dépens des détaillants.
La situation de dépendance économique, rarement observée dans la pratique décisionnelle de l’Autorité, résulte d’un enchevêtrement complexe de nombreuses clauses contractuelles et de pratiques.
Au cas d’espèce, l’institution a relevé, en particulier, que les contrats des revendeurs APR (« Apple Premium Reseller ») leur imposaient la vente quasi exclusive des produits Apple et leur interdisaient, pendant leur durée, et 6 mois après la fin du contrat quelle qu’en soit la cause, d’ouvrir sur le territoire contractuel, à savoir l’Europe entière, tout magasin spécialisé dans la vente d’une marque concurrente. Par ailleurs, l’absence d’alternative à la distribution des produits Apple a été mise en évidence par les déclarations des APR, tous soulignant que leur clientèle était fortement attachée à la marque Apple et que la sortie de l’univers Apple se traduirait, pour eux, par la perte totale de valeur de leur fonds de commerce, ainsi que des coûts de réaménagement des magasins et de formation du personnel importants, impossibles à réaliser à court terme par des opérateurs se trouvant dans des situations déjà fragiles.
L’abus de dépendance a été retenu, en l’espèce, dès lors que l’Autorité a constaté qu’Apple avait limité la liberté commerciale des distributeurs APR en les soumettant à des retards ou des absences d’approvisionnement, résultant du système d’allocations mis en place par elle, alors que le réseau détenu en propre par Apple, celui des ARS et de l’« Apple Online Store » (AOS), était livré plus régulièrement.
L’Autorité a également considéré comme abusive la pratique consistant à maintenir les APR dans l’incertitude sur les prix des approvisionnements et les conditions commerciales, compte tenu de la politique de remises mise en œuvre par Apple à leur égard (pts 1091 et s.). Soumis à Apple quant aux références et aux quantités pouvant leur être livrées et maintenus dans l’incertitude sur leurs conditions commerciales, ils n’étaient pas en situation de faire concurrence par les services aux ARS. Le fonctionnement de la concurrence intramarque en avait été affecté.
Ces pratiques ont abouti à l’affaiblissement, voire à l’éviction, de certains APR.
La concurrence inter-marque a également pu être affectée par ces pratiques, la violation par Apple des règles de concurrence au sein de son réseau de distribution pouvant, par rapport aux réseaux mis en place par des fabricants concurrents, constituer un avantage indu et déloyal dans la concurrence. Apple a en effet profité, avec les APR, d’un réseau dont les obligations caractéristiques mises à la charge des distributeurs s’apparentaient à celles de franchisés, sans être elle-même soumise aux obligations d’un franchiseur, et privant de la même façon les distributeurs des contreparties attachées à cette forme de distribution. Apple s’est également dispensée, grâce aux APR, de développer des ARS dans toute la France, ce qui lui a permis de concentrer ses créations d’ARS dans les zones les plus rentables44.
B – Rupture brutale des relations commerciales (rejet de la saisine)
L’Autorité a rejeté, pour absence d’éléments probants, la saisine au fond de la société Molotov visant des pratiques de TF1 et M6, et, par voie de conséquence, la demande de mesures conservatoires accessoires à cette saisine.
Molotov est une plateforme de distribution de chaînes et de services de télévision. Elle diffuse en OTT (Over The Top) une offre audiovisuelle française selon un modèle « freemium », terme qui combine « free », pour désigner un service gratuit, et « premium » pour désigner des services « améliorés » et payants.
La saisissante soutenait que les groupes TF1 et M6 avaient rompu de manière brutale et abusive les accords expérimentaux conclus, entre chacun des deux groupes et Molotov, pour la distribution de leurs chaînes et services sur sa plate-forme. Le groupe M6 aurait, via l’adoption de nouvelles conditions générales de distribution, tenté d’imposer à Molotov la distribution de ses chaînes et services aux consommateurs exclusivement dans le cadre d’offres payantes, ce que Molotov jugeait incompatible avec son modèle d’affaires « freemium ». Le groupe TF1 aurait tenté d’imposer à Molotov les conditions de son offre TF1 Premium et aurait par la suite mis fin à l’accord de distribution en cours entre les parties.
Selon la saisissante, les faits dénoncés constitueraient une tentative abusive d’éviction de Molotov et attesteraient de l’existence d’une collusion anticoncurrentielle entre les groupes TF1 et M6. Molotov serait en outre dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de TF1 et de M6, situation dont celles-ci auraient abusé par leur comportement.
Au terme de l’analyse des comportements dénoncés, l’Autorité a estimé que la société Molotov n’apportait pas d’éléments suffisamment probants à l’appui de ses allégations.
S’agissant par exemple de l’allégation d’abus de dépendance économique, d’une part Molotov n’a pas conduit l’analyse, comme le requiert la jurisprudence, de la situation de dépendance économique dans laquelle elle se trouverait vis-à-vis de chacun des deux groupes TF1 et M6 et d’autre part elle n’a pas apporté d’éléments permettant d’estimer la part que représentent les chaînes et services des groupes TF1 et M6 respectivement dans son chiffre d’affaires total45.
C – Non-remboursement des vols annulés (rejet de la saisine)
L’Autorité a également rejeté, pour absence d’éléments probants, une saisine d’agences de voyages qui mettaient en cause le non-remboursement des vols annulés par les compagnies aériennes dans le contexte de la crise sanitaire, l’institution estimant qu’aucun élément ne permettait de démontrer l’existence de pratiques anticoncurrentielles. En particulier, l’abus de dépendance économique dénoncé par les saisissantes n’était pas caractérisé, la vente de vols secs par les agences de voyages ne représentant qu’une faible part de leur chiffre d’affaires46.
VIII – Nouvelles compétences de l’Autorité en matière de rapprochement de centrales d’achat
Rappelons que l’article L. 462-10 du Code de commerce, initialement issu de l’article 37 de loi Macron du 6 août 2015 et modifié par la loi Egalim n° 2018-938 du 30 octobre 2018, a mis à la charge des centrales de référencement ou d’achat d’entreprises de commerce de détail une obligation de communiquer à l’Autorité tout accord « visant à négocier de manière groupée l’achat ou le référencement de produits ou la vente de services aux fournisseurs ».
L’Autorité a, dans l’affaire des centrales d’achat Auchan, Casino, Metro et Schiever, mis en œuvre les nouveaux pouvoirs qu’elle tire de ces dispositions.
À l’origine de l’affaire, les parties ont communiqué à l’Autorité une série d’accords de coopération. Dans un deuxième temps, l’Autorité s’est saisie d’office, comme le lui permet le II de l’article L. 462-10, en vue d’examiner si ces différents accords de coopération risquaient de porter une atteinte sensible à la concurrence.
Quelques semaines plus tard, elle s’est par ailleurs, et pour la première fois dans sa pratique décisionnelle, saisie d’office en mesures conservatoires, sur le fondement du III de l’article L. 462-10.
Pour répondre aux risques d’atteinte à la concurrence identifiés au cours de la procédure, elle a accepté les engagements proposés par Casino, Auchan, Metro et Schiever. Ces enseignes ont en conséquence modifié le périmètre de leur coopération. Certaines familles de produits agricoles (lait, œufs), ou issus de secteurs en difficultés (charcuterie, cidre), sont désormais exclues de la coopération et, pour d’autres, les volumes d’achat en commun ont été réduits pour ne pas dépasser 15 %47.
IX – Non-respect d’engagements souscrits dans le cadre du contentieux des pratiques anticoncurrentielles
Deux entreprises ont été sanctionnées pour non-respect des engagements qu’elles avaient souscrits pour répondre à des préoccupations de concurrence identifiées par l’Autorité. Il s’agit de la mutualité de La Réunion et du GIE PMU. Dans les deux cas, qui seront présentés ci-après, l’Autorité rappelle que « le non-respect d’engagements est une pratique grave en elle-même. Une telle pratique est d’autant plus grave que la prise d’engagements a lieu à l’initiative des parties mises en cause qui les proposent ».
A – Affaire de la mutualité de La Réunion
L’Autorité a sanctionné la mutualité de La Réunion (« la MR ») pour n’avoir pas respecté les engagements rendus obligatoires par l’institution dans la décision n° 09-D-27 du 30 juillet 2009.
Les engagements pris en 2009 visaient à prévenir toute confusion entre les produits d’assurance obsèques proposés par la MR, opérateur susceptible d’être dominant sur le marché de l’assurance obsèques réunionnais, et les prestations funéraires proposées par une coopérative de pompes funèbres qu’elle a créée.
Or, après avoir été saisie par une mutuelle concurrente, l’Autorité a constaté que la MR a violé certains de ses engagements. En particulier, et contrairement à ce qui était prévu, son magazine « Muta.comm » ne précisait pas que le recours à ses prestations d’assurance laisse la possibilité de recourir à tout opérateur de pompes funèbres, et un numéro de téléphone unique était mentionné pour les prestations d’assurance de la MR et les prestations funéraires de la coopérative que celle-ci a créée48.
B – Affaire du GIE PMU
On se souvient que, pour répondre à des préoccupations de concurrence, le PMU a soumis à l’Autorité des engagements rendus obligatoires par la décision n° 14-D-04 du 25 février 2014, consistant principalement à séparer ses masses d’enjeux en dur et en ligne.
L’Autorité a cependant constaté que, sur les courses étrangères faisant l’objet d’un accord de masse commune, le PMU a mutualisé ses masses d’enjeux en dur et en ligne par l’intermédiaire d’opérateurs étrangers, pratique qu’elle a considérée comme un non-respect de l’engagement.
Le PMU s’est défendu en soutenant que les courses étrangères en masse commune n’ont pas été explicitement visées dans l’engagement ni n’ont été analysées dans la décision n° 14-D-04. Il a considéré en outre que le mandataire en charge du suivi de l’engagement avait validé l’exclusion de ces courses, ce qui ne permettrait pas à l’Autorité de constater un manquement dans le cadre de la présente procédure (pt 93).
L’argument a été rejeté. Pour l’Autorité, la formulation de l’engagement est dépourvue d’ambiguïté : il s’agit d’un engagement général de séparation des masses collectées en ligne et des masses collectées en dur par le PMU ; même si l’engagement ne vise pas explicitement les courses étrangères en masse commune, il ne peut être compris autrement que comme s’appliquant à toutes les mises collectées par le PMU constituant sa masse d’enjeux (pt 101). Par ailleurs, aucun des rapports trimestriels adressés par le mandataire à l’Autorité de la concurrence n’aborde le cas spécifique des courses étrangères en masse commune (pt 118). En outre, l’Autorité considère que le PMU a, dès le début de la mise en œuvre de la séparation des masses, exclu, de sa propre initiative, les courses étrangères en masse commune du périmètre de l’engagement et tente désormais de se décharger de sa responsabilité sur le mandataire et, in fine, sur l’Autorité. Pour celle-ci, le PMU ne peut dans les faits se prévaloir d’une prétendue validation par le mandataire de l’exclusion des courses étrangères en masse commune pour justifier son comportement. S’agissant d’une question portant sur le périmètre de l’engagement, le PMU ne pouvait ignorer qu’il n’appartenait pas au mandataire de valider une telle décision. Il était donc de la responsabilité du PMU d’en avertir l’Autorité, quand bien même le mandataire aurait validé une telle interprétation (pt 126)49.
X – Imputabilité des pratiques
L’Autorité a, dans l’affaire des ententes mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie50, écarté la responsabilité de la société-mère du groupe Fleury Michon en sa qualité de société-mère faîtière ayant exercé une influence déterminante sur les sociétés Charcuteries Cuisinées du Plélan, Fleury Michon Charcuterie et Société d’Innovation Culinaire, auteures des pratiques. Une telle décision est suffisamment rare pour être relevée ici. Pour parvenir à cette solution, l’institution a retenu, d’une part, que la présomption capitalistique d’une influence déterminante ne pouvait être appliquée à la société-mère dès lors qu’elle détenait, au moment des pratiques, indirectement, moins de 50 % du capital de ces filiales (pts 752 et s), d’autre part, que les éléments du dossier paraissaient trop parcellaires et disparates, et donc insuffisants, pour permettre d’établir l’effectivité de l’exercice d’une influence déterminante sur ces filiales sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (pt 756)51.
XI – Sanctions
A – Procédure de transaction
Une affaire classique de devis de complaisance établis par des déménageurs a été l’occasion de rappeler que le rapporteur général n’est pas tenu de donner suite à une demande de mise en œuvre de la procédure de transaction.
L’Autorité répondait à un argument de deux entreprises qui soutenaient qu’elles ont irrégulièrement été privées du bénéfice des dispositions du III de l’article L. 464-2 du Code de commerce52. Celles-ci estimaient que le refus du rapporteur général de poursuivre la procédure de transaction avec elles aurait été motivé par le fait que les autres entreprises en cause n’en ont pas sollicité l’application, ce qui méconnaîtrait les principes du procès équitable.
L’institution précise que le III de l’article L. 464-2 prévoit que le rapporteur général dispose de la faculté de soumettre une proposition de transaction, sans que cela constitue une obligation pour lui (pt 44).
À cet égard, il dispose d’une large faculté d’appréciation, dépendant notamment des objectifs de la procédure de transaction rappelés dans le communiqué de procédure de l’Autorité du 21 décembre 2018 (pt 45).
Le communiqué indique ainsi, dans ses propos introductifs, que « le recours à la procédure de transaction peut (…) permettre [à l’Autorité] d’obtenir un gain procédural au regard de l’utilisation de l’ensemble de ses ressources et de ses moyens. En outre, la transaction est de nature à faciliter l’adoption de décisions dans des délais réduits par rapport à ceux de la procédure de droit commun, et permet des gains sur les moyens consacrés aux éventuels recours contentieux » (pt 46).
Par ailleurs, et en tout état de cause, l’Autorité souligne que le refus de proposer une transaction à une partie ne saurait conduire à méconnaître les règles du procès équitable, dès lors que la procédure définie par le Code de commerce garantit aux parties la possibilité de se défendre, de façon contradictoire, notamment en présentant leurs observations écrites sur la notification de griefs et en présentant leurs observations orales lors de la séance (pt 48)53.
B – Procédure de clémence
Les pratiques condamnées dans l’affaire des ententes mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie54 ont notamment été révélées grâce à la procédure de clémence, qui, conformément à l’article L. 464-2, IV du Code de commerce55, permet aux entreprises ayant participé à une entente d’en dévoiler l’existence et d’obtenir, sous certaines conditions, le bénéfice d’une exonération totale ou partielle de sanction pécuniaire.
En effet, le groupe Campofrio a sollicité en octobre 2012 le bénéfice de la clémence dans le secteur de l’approvisionnement en jambon sans mouille par les charcutiers-salaisonniers auprès des abatteurs et découpeurs (grief n° 1), d’une part, et dans celui des produits de charcuterie vendus par les charcutiers-salaisonniers sous MDD (griefs nos 2 et 3), d’autre part.
Le groupe Coop a également sollicité, en septembre 2013, la mise en œuvre du programme de clémence dans le secteur de la fourniture de produits de charcuterie crus vendus sous MDD (grief n° 2).
Pour la deuxième fois dans sa pratique décisionnelle après l’affaire des messageries56, l’Autorité a refusé d’accorder au premier demandeur de clémence le bénéfice de l’exonération totale de sanctions. Après avoir constaté, en effet, que le groupe Campofrio avait omis d’informer les services d’instruction de la tenue d’une réunion anticoncurrentielle à laquelle il avait participé en avril 2013, et, partant, manqué à son obligation de coopération, elle lui a infligé une sanction de 1 million d’euros au titre du deuxième grief.
S’agissant du second demandeur de clémence, l’Autorité a fait application de la possibilité qu’elle dénomme « clémence Plus », prévue au paragraphe 19 du communiqué de procédure du 2 mars 2009 relatif au programme de clémence français, d’accorder une exonération supplémentaire aux entreprises pouvant prétendre à une exonération partielle. Elle a en effet accordé, en l’espèce, au groupe Coop, second demandeur de clémence, une exonération totale de sanctions pour la période des pratiques que seuls les éléments fournis par ce groupe ont permis de révéler57. À cet égard, la présente affaire n’est pas sans rappeler celle des produits électroménagers : pour la première fois, l’Autorité avait décidé de faire application de la notion de « clémence Plus » en considérant que certains des éléments supplémentaires apportés à l’instruction par BSH dans le cadre de la clémence lui donnaient droit à une exonération de sanction58.
XII – Opérations de concentration
A – Publication de nouvelles lignes directrices
Poursuivant le processus de modernisation et de simplification du contrôle des concentrations entamé en 201759, l’Autorité a publié le 23 juillet 2020 de nouvelles lignes directrices relatives au contrôle des concentrations se substituant aux précédentes lignes directrices du 4 juillet 2013.
Ces nouvelles lignes directrices ont pour objectif de fournir aux entreprises et à leurs conseils une présentation pédagogique sur le champ d’application du contrôle des concentrations en France, sur le déroulement de la procédure devant l’Autorité de la concurrence et sur les objectifs, critères et méthodes employés pour les analyses au fond.
Elles rappellent les contraintes qui pèsent sur les entreprises lors du dépôt d’un projet de concentration. Par ailleurs, elles identifient les opérations qui ne sont, a priori, pas susceptibles de générer de préoccupations de concurrence.
Parmi les nouveautés figurent le thème du gun jumping dont la pratique décisionnelle s’est enrichie ces dernières années. L’Autorité précise notamment que « l’objectif de [l’article L. 430-8 du Code de commerce] est d’empêcher que les parties à l’opération cessent, avant la date d’autorisation, de se comporter comme des concurrents pour agir comme une entité unique et que l’acquéreur exerce de manière anticipée un contrôle de droit ou de fait sur la cible » (pt 175).
Par ailleurs, à la suite d’une consultation publique, certains aspects du projet ont évolué afin de tenir compte de certaines suggestions. Ainsi, l’Autorité s’engage à ce qu’une réponse concernant le caractère complet des dossiers de notification soit généralement apportée dans un délai de dix jours ouvrés après la notification60.
B – Contribution au débat sur la politique de concurrence et les enjeux numériques
Confrontée au développement des plates-formes numériques, l’Autorité de la concurrence, comme de nombreuses autres autorités de concurrence, a engagé une réflexion approfondie sur la mise à jour des outils à sa disposition.
Comme le montre la contribution de l’Autorité au débat sur la politique de concurrence et les enjeux numériques, publiée le 19 février 202061, le droit des concentrations est plus particulièrement concerné par ce mouvement de réflexion62.
L’Autorité part du constat que les nombreuses opérations réalisées par les géants du numérique ont révélé l’existence d’un vide juridique faisant échapper plusieurs opérations de fusion-acquisition au contrôle des autorités de concurrence dans les cas où elles concernaient un acteur innovant « naissant » ou n’ayant pas encore monétisé son innovation. Dans un tel cas de figure, la valeur de l’entreprise cible n’est, en effet, pas reflétée par le chiffre d’affaires qu’elle réalise et les seuils de notification ne sont le plus souvent pas franchis.
La solution passe notamment par une application de l’article 22 du règlement n° 139/2004/CEE du Conseil du 20 janvier 2004 sur les concentrations. Cet article permet à une autorité nationale de concurrence de renvoyer à la Commission une opération de concentration qui ne serait pas de dimension européenne mais qui affecterait le commerce entre États membres et menacerait d’affecter de manière significative la concurrence sur le territoire du ou des États membres à l’origine du renvoi.
Ce mécanisme était peu utilisé. L’Autorité estimait que le recours au renvoi prévu par ces dispositions permettrait aux autorités nationales de solliciter le renvoi à la Commission européenne pour examen d’un nombre limité d’opérations de concentration sous les seuils mais soulevant des enjeux concurrentiels forts. Cette option présentait l’avantage de pouvoir être réalisée à droit constant et de s’inscrire dans le cadre du dialogue existant entre les autorités nationales de concurrence et la Commission européenne pour l’examen des opérations de concentration notifiables63.
Par ailleurs, ainsi qu’elle l’a indiqué dans sa décision n° 20-D-01 du 16 janvier 2020 relative à une pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre, l’Autorité considère que l’article 22 « trouve, en principe, à s’appliquer alors même que l’opération de concentration concernée ne serait pas soumise à une notification obligatoire dans l’État membre à l’initiative du renvoi ».
Pour permettre d’examiner les acquisitions prédatrices ou « consolidantes », l’Autorité propose par ailleurs un double mécanisme.
En premier lieu, elle propose la mise en place d’une obligation d’information de la Commission et/ou des autorités de concurrence concernées de toutes les concentrations au sens de l’article 3 du règlement n° 139/2004 mises en œuvre sur le territoire européen par des entreprises « structurantes ».
Aux yeux de l’Autorité, cette information constituerait une obligation assez légère qui éviterait de soumettre les entreprises concernées à une contrainte disproportionnée et ne concernerait qu’une liste d’acteurs bien définis selon des critères objectifs.
Dans les cas où une opération de concentration mise en œuvre par un de ces acteurs préalablement identifiés pourrait comporter des risques concurrentiels, la Commission européenne ou les autorités nationales de concurrence concernées pourraient alors demander qu’elle leur soit notifiée afin d’être examinée dans le cadre du contrôle des opérations de concentration.
En second lieu, l’Autorité propose d’ajouter aux seuils actuels de notification obligatoire, un mécanisme de notification pouvant être mis en œuvre à l’initiative d’une autorité de concurrence, sur la base d’une veille concurrentielle. Ce système existe dans plusieurs pays européens (Estonie, Hongrie, Irlande, Lituanie, Norvège, Suède) ainsi qu’aux États-Unis ou encore au Japon.
Selon ce mécanisme, l’autorité de concurrence pourrait enjoindre aux parties de notifier une opération de concentration, de manière ex ante ou ex post, lorsque les trois conditions suivantes seraient réunies : i) l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration réalise un chiffre d’affaires total mondial supérieur à 150 millions d’euros ; ii) l’opération soulève des préoccupations substantielles de concurrence identifiées sur le territoire concerné et, le cas échéant ; iii) l’opération ne relève pas de la compétence de la Commission européenne.
C – Décision de non-contrôlabilité
Pour éviter les distorsions de concurrence, le contrôle des concentrations doit avoir vocation à s’appliquer à toutes les formes de concentration. C’est la raison pour laquelle la définition de l’opération de concentration est exprimée en termes très compréhensifs par l’article L. 430-1 du Code de commerce64.
Une opération n’est cependant soumise au contrôle de l’Autorité que si elle répond à cette définition. À titre d’exemple, Fnac-Darty a notifié son projet de déploiement d’espaces de vente dédiés à la distribution au détail de produits électrodomestiques, exploités sous enseigne Darty dans 30 magasins Carrefour, mais l’Autorité a rendu une décision de non-contrôlabilité (selon laquelle l’autorisation de l’Autorité n’est pas nécessaire)65.
D – Phase II (examen approfondi)
Deux opérations ayant fait l’objet d’une analyse approfondie retiendront l’attention : la tentative de prise de contrôle exclusif de Trapil par Pisto et la tentative de prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Soditroy et l’Association des centres distributeurs E. Leclerc.
1 – Prise de contrôle exclusif de Trapil par Pisto (retrait de l’opération)
Trapil est propriétaire de l’oléoduc d’intérêt général reliant Le Havre à Paris, communément dénommé le « LHP ». Pisto exerce une activité de stockage de produits pétroliers, par le biais, notamment, de plusieurs dépôts de stockage reliés au LHP et assure, en particulier, l’exploitation d’installations de réception, de stockage et d’expédition de produits raffinés dans les ports du Havre et du Havre-Antifer.
La prise de contrôle avait été notifiée à l’Autorité et, compte tenu du doute sérieux d’atteinte à la concurrence sur les marchés du transport de produits raffinés par oléoducs et du stockage de tels produits, celle-ci avait décidé d’engager un examen approfondi de l’opération66.
Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité, a résumé comme suit les conséquences attendues de l’opération : « L’opération notifiée portait sur le LHP, principal oléoduc français, qui présente toutes les caractéristiques d’une infrastructure essentielle : il est non-duplicable et incontournable pour ses clients. La prise de contrôle du LHP par un opérateur unique aurait été inédite. L’Autorité a ainsi mené un examen approfondi de cette opération et s’est particulièrement interrogée sur le cadre règlementaire auquel était soumis le LHP. Elle a constaté que, bien que cette infrastructure soit soumise à un contrôle de l’État, exercé par la direction générale de l’énergie et du climat, celui-ci portait uniquement sur la préservation de la sécurité de l’approvisionnement de la France en produits pétroliers et non sur la préservation des règles de concurrence. Ce seul cadre légal et réglementaire ne permettait ainsi pas d’exclure les risques d’atteinte à la concurrence engendrés par l’opération ».
L’opération aurait ainsi pu avoir pour effet de conférer à la nouvelle entité un pouvoir de marché durablement non-contestable par un concurrent.
Compte tenu des objections soulevées par l’Autorité, qui s’apprêtait à interdire l’opération, Pisto a retiré son projet67.
2 – Prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Soditroy et l’Association des centres distributeurs E. Leclerc (interdiction de l’opération)
L’Autorité s’est opposée à la prise de contrôle conjoint par la société Soditroy et l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec) d’un hypermarché Géant Casino dans l’agglomération troyenne.
Le propriétaire de la société Soditroy détient également une entreprise qui exploite, sous l’enseigne E. Leclerc, diverses grandes surfaces à dominante alimentaire dans l’agglomération troyenne. L’ACDLec est l’organe qui définit la stratégie du mouvement E. Leclerc, auquel sont adhérentes toutes les personnes physiques qui dirigent les sociétés d’exploitation de magasins E. Leclerc. L’hypermarché visé par l’opération est situé dans l’agglomération troyenne et est exploité sous enseigne Géant Casino.
Les opérateurs concernés sont présents sur les marchés en amont de l’approvisionnement en produits de grande consommation et les marchés en aval de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire.
Au terme d’un examen approfondi du projet de rachat, l’Autorité a estimé que l’opération entraînait la constitution d’un duopole entre les enseignes Carrefour et E. Leclerc et présentait des risques élevés d’atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire en hypermarchés dans l’agglomération troyenne. Cette analyse était renforcée par la présence de barrières règlementaires à l’entrée rendant très improbable l’arrivée d’un nouveau concurrent de type hypermarché.
Dans une zone comptant, avant l’opération, deux hypermarchés Carrefour, un hypermarché Leclerc et un hypermarché Géant Casino, la disparition de l’enseigne Géant Casino aurait entraîné mécaniquement une réduction de la diversité de l’offre pour le consommateur. À la suite de l’opération, les deux points de vente hypermarché E. Leclerc de la zone auraient été détenus par les mêmes propriétaires, ce qui aurait eu pour effet d’harmoniser les produits commercialisés et les politiques commerciales des deux points de vente.
Par ailleurs, une reprise du magasin Géant Casino par le magasin Leclerc générait naturellement un risque de hausse de prix (ou de moindre baisse de prix), en supprimant la concurrence existant entre ces deux magasins.
Enfin, l’Autorité estimait qu’à l’issue de l’opération, la nouvelle entité aurait facilement été en mesure de coordonner tacitement son comportement sur la zone troyenne avec celui de l’enseigne Carrefour.
En effet, le marché de la distribution au détail de produits à dominante alimentaire est un marché transparent sur lequel les acteurs peuvent aisément avoir connaissance du comportement de leurs concurrents (prix pratiqués, campagnes de promotions…). Par ailleurs l’opération aurait permis d’aboutir à un duopole équilibré sur la zone troyenne ; chacun des acteurs aurait été en mesure d’exercer des représailles en cas d’écart par rapport à la ligne de conduite commune, ce qui n’était pas le cas avant l’opération. Enfin, il ne resterait aucun concurrent actuel ou potentiel capable de contester un comportement coordonné des enseignes Carrefour et E. Leclerc.
À ce stade de l’analyse, un bilan économique et social positif aurait permis à l’opération d’échapper aux mesures contraignantes. L’Autorité a cependant considéré que les entreprises parties à l’opération n’avaient pas apporté la preuve que l’opération était susceptible d’engendrer des gains d’efficience suffisants pour contrebalancer les risques concurrentiels relevés.
Restait encore à examiner les remèdes proposés. Les parties notifiantes ont proposé de réduire la surface du magasin Géant Casino de 8 210 m² à 6 000 m², mais cet engagement n’a pas été considéré comme adapté pour écarter les risques concurrentiels identifiés puisqu’il aboutirait à réduire l’offre disponible aux consommateurs.
Dès lors qu’aucune mesure corrective adaptée ne pouvait être envisagée sous la forme d’injonctions ou d’engagements, l’Autorité a décidé d’interdire l’opération. Il s’agit de la première décision d’interdiction rendue en matière de contrôle des concentrations par l’Autorité68.
E – Restrictions accessoires
Les restrictions accessoires, c’est-à-dire les restrictions conclues par les parties dans le cadre d’une concentration, peuvent être couvertes par la décision relative à la concentration. La pratique dans ce domaine s’appuie sur le règlement Concentration européen de 2004.
L’Autorité a, dans la décision par laquelle elle a autorisé l’acquisition par la société Refresco du contrôle exclusif d’actifs de la société Fruité et de ses filiales Unisource et Bric Fruit, été amenée à examiner si certaines clauses du dossier pouvaient bénéficier du régime des restrictions accessoires.
Elle a estimé que, compte tenu de la durée de la clause d’obligation de livraison et d’achat, cette dernière ne constitue pas une restriction directement liée et nécessaire à la réalisation de la concentration.
En revanche, elle a jugé que, compte tenu de son champ d’application matériel et temporel, la clause de non-concurrence et de non-débauchage constitue une restriction directement liée et nécessaire à la réalisation de la concentration69.
XIII – Publications de la collection « Les essentiels »
La collection « Les essentiels », créée en 2018 avec la Documentation française dans le but de développer la pédagogie de la concurrence, s’est enrichie en 2020 de deux nouveaux ouvrages70, consacrés respectivement aux engagements comportementaux en droit de la concurrence et à la thématique « Concurrence et commerce en ligne ».
A – Engagements comportementaux en droit de la concurrence
L’étude relative aux engagements comportementaux en droit de la concurrence a pour ambition à la fois de faire le point sur la pratique décisionnelle de l’Autorité et de nourrir une réflexion plus vaste à leur sujet.
En analysant de façon synthétique la pratique décisionnelle en matière d’engagements comportementaux, l’Autorité vise aussi à fournir des outils de compréhension aux entreprises confrontées à la préparation d’opérations de concentration ou à des procédures pour pratiques anticoncurrentielles. En présentant sa méthode et les objectifs qu’elle poursuit, l’institution souhaite éclairer les entreprises concernées et l’ensemble des parties prenantes. L’étude s’insère, par ailleurs, dans la réflexion plus large menée par l’Autorité sur l’adaptation de ses moyens d’intervention et sur sa doctrine d’emploi des engagements comportementaux. Le bilan de la pratique décisionnelle en matière d’engagements comportementaux est tiré notamment en les comparant aux engagements structurels au regard de trois critères : la rapidité de leur mise en œuvre, leur caractère irréversible ou temporaire et les difficultés liées au suivi de leur exécution.
Comme le montre l’analyse rétrospective de la pratique décisionnelle, les engagements constituent un outil d’intervention particulièrement utile à une autorité de concurrence, car il est souple et adaptable, et permet de maintenir ou de rétablir l’ordre public économique rapidement, en droit des pratiques anticoncurrentielles comme en droit des concentrations. L’efficacité des engagements tient notamment à leur mode particulier d’élaboration : le fait qu’ils soient proposés par les entreprises mêmes qui doivent les appliquer et qu’ils soient élaborés conjointement avec les acteurs du marché concernés. Les engagements peuvent prendre des formes très diverses, en particulier s’agissant des engagements comportementaux, ce qui illustre leur grande plasticité. Ces derniers ne sont cependant pas dénués d’inconvénients, lesquels se manifestent principalement lors de leur suivi et de leur révision. C’est la raison pour laquelle l’Autorité réfléchit à recourir de façon plus exigeante aux remèdes comportementaux, privilégiant les engagements quasi structurels en droit des pratiques anticoncurrentielles et les engagements structurels en droit des concentrations, à chaque fois qu’ils apportent une meilleure réponse aux enjeux concurrentiels.
B – Concurrence et commerce en ligne
L’étude consacrée à la thématique « Concurrence et commerce en ligne » fait le point sur la manière dont l’Autorité appréhende le commerce en ligne. Elle montre en quoi le développement de cette modalité de commerce sur les marchés impacte la dynamique concurrentielle et les comportements des consommateurs et entreprises qu’elle est amenée à étudier.
Elle montre que le développement du commerce en ligne soulève de multiples questions pour l’Autorité, en la conduisant parfois à redéfinir les délimitations de marché, à s’intéresser aux restrictions de vente sur internet, ou encore à approfondir le nouveau pouvoir détenu par les plates-formes en ligne.
Notes de bas de pages
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1.
JO, 4 déc. 2020 ; P. Arhel, « Volet “concurrence” de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE) », LPA 12 févr. 2021, n° 158m5, p. 6.
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2.
L’article 37-I de la loi habilite également le gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive dite ECN +.
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3.
L. Idot, « Covid-19 et droit de la concurrence – quelles adaptations ? », Europe 2020, n° 4, p. 3 ; X. Delpech, « L’Autorité de la concurrence s’adapte », Dalloz actualité, 28 mars 2020.
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4.
V. dans cet article, « Restriction de clientèle des grossistes ».
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5.
V. dans cet article, « Ententes dans le secteur du jambon et de la charcuterie ».
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6.
Aut. conc., déc. n° 20-D-21, 8 déc. 2020.
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7.
Aut. conc., déc. n° 20-D-18, 18 nov. 2020, pratiques mises en œuvre sur le territoire de la Polynésie française.
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8.
Aut. conc., déc. n° 19-A-18, 31 déc. 2019, projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé.
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9.
CJCE, 4 mai 2017, n° C-339/15, Luc Vanderborght.
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10.
Aut. conc., déc. n° 19-A-18, 31 déc. 2019, projets de décret portant modification des codes de déontologie de certaines professions de santé.
-
11.
L. Idot, « Covid-19 et droit de la concurrence – quelles adaptations ? », Europe 2020, n° 4, p. 3 ; X. Delpech, « L’Autorité de la concurrence s’adapte », Dalloz actualité, 28 mars 2020.
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12.
Aut. conc., communiqué de presse, 22 avr. 2020. Dans la même ligne, l’Autorité a, dans un avis n° 21-A-03 du 16 avril 2021, éclairé les distributeurs de films sur la compatibilité avec le droit de la concurrence des comportements de coopération qu’ils envisageaient dans l’attente du retour à une situation sanitaire normale.
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13.
Aut. conc., déc. n° 20-A-05, 2 juill. 2020, situation de la concurrence dans le secteur des réseaux de chaleur.
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14.
Aut. conc., déc. n° 20-A-11, 17 nov. 2020, niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale.
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15.
Aut. conc., déc. n° 20-MC-01, 9 avr. 2020, demandes de mesures conservatoires présentées par le Syndicat des éditeurs de la presse magazine, l’Alliance de la presse d’information générale e.a. et l’Agence France-Presse ; T. Titone et R. Chanalet-Quercy, « Mesures conservatoires prononcées par l’Autorité de la concurrence : les enseignements de la décision “droits voisins” », RLC 2020, n° 3830.
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16.
Une exception mérite cependant d’être relevée. Elle concerne l’article 5 de la décision de l’Autorité, qui « enjoint aux sociétés Google LLC, Google Ireland Ltd et Google France, à titre conservatoire et dans l’attente d’une décision au fond, de prendre les mesures nécessaires pour que l’existence et l’issue des négociations prévues par les articles 1 et 2 de la présente décision n’affectent ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ».
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17.
Pour la cour d’appel, la formulation de cette injonction, qui est très générale, ne permet pas de circonscrire la mesure à ce qui est strictement nécessaire pour faire face à l’urgence, dès lors qu’elle pourrait conduire à geler toutes innovations nécessaires aux performances du moteur de recherche au cours des négociations entreprises avec les différents partenaires concernés (pt 242).
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18.
En conséquence, elle a réformé les termes de l’injonction en la complétant comme suit : « Cette injonction ne fait pas obstacle aux améliorations et innovations des services offerts par (Google) sous réserve qu’elles n’entraînent, directement ou indirectement, aucune conséquence préjudiciable aux intérêts des titulaires des droits voisins concernés par les négociations prévues par l’article 1 de la présente décision » (CA Paris, 8 oct. 2020, n° 20/08071).
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19.
Dans la même affaire, l’Autorité a également sanctionné une entente verticale sur les prix de détail (v. dans cet article, « Ententes verticales sur les prix de détail ») et un abus de dépendance économique aux dépens des détaillants (v. dans cet article, « Distribution de produits de marque Apple »).
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20.
Aut. conc., déc. n° 20-D-04, 16 mars 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple ; C. Cazaux et M. Prouvost, « Amende record prononcée à l’encontre d’Apple par l’Autorité de la concurrence pour entente et abus de dépendance économique », RLC 2020, p. 43, n° 3783.
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21.
V. dans cet article, « Procédure de clémence » – Aut. conc., déc. n° 20-D-09, 16 juill. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie.
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22.
Aut. conc., déc. n° 20-D-17, 12 nov. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie dentaire.
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23.
Aut. conc., déc. n° 20-D-10, 2 sept. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie réfractive par le Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins.
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24.
Aut. conc., déc. n° 20-D-12, 17 sept. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des vins d’Alsace.
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25.
CA Paris, 28 oct. 2010, n° 10/03405, société Maquet.
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26.
CJUE, 17 mai 2018, n° C-531/16, « Ecoservice projektai » UAB, pts 28 à 30.
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27.
Aut. conc., déc. n° 20-D-19, 25 nov. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des marchés de fourniture de produits alimentaires de l’établissement public national France AgriMer ; J. Lauer, « Offres coordonnées d’entreprises liées : de la concurrence à la commande publique », RLC 2021, n° 4013.
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28.
Aut. conc., communiqué 25 nov. 2020.
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29.
V. dans cet article, « Restriction de clientèle des grossistes ».
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30.
V. dans cet article, « Distribution de produits de marque Apple ».
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31.
Cons. conc. déc. n° 06-D-04, 13 mars 2006, parfumerie de luxe, spéc. pt 455 : BOCCRF, 26 janv. 2007 – CA Paris, 26 janv. 2012, n° 10/23945, Beauté Prestige International et a.
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32.
Aut. conc., déc. n° 20-D-04, 16 mars 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple.
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33.
CJUE, 6 déc. 2017, n° C-230/16, Coty Germany GmbH/Parfümerie Akzente GmbH.
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34.
Aut. conc., déc. n° 20-D-20, 3 déc. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme ; T. Titone et R. Chanalet-Quercy, « Police des prix dans un réseau de distribution : la pratique de prix conseillés ne doit pas masquer une entente sur les prix de revente », RLC 2021, p. 37, n° 4016.
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35.
CJCE, 21 févr. 1973, n° C-6/72, Continental Can : Rec. 1973, n° 00215.
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36.
Aut. conc., déc. n° 20-D-01, 16 janv. 2020, pratique mise en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision numérique terrestre.
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37.
Aut. conc., déc. n° 20-D-02, 23 janv. 2020, pratiques mises en œuvre par Orange dans le secteur des communications électroniques.
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38.
Aut. conc., déc. n° 20-D-06, 2 avr. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la livraison de colis.
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39.
Autorita Garante della Concorrenza e del Mercato, 27 févr. 2014.
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40.
Aut. conc., déc. n° 20-D-11, 9 sept. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ; cette décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris. Elle a également fait l’objet d’une demande de sursis à exécution que le premier président de la cour d’appel de Paris a jugé irrecevable (CA Paris, 6 mai 2021, n° 20/07505, ord.).
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41.
Aut. conc., déc. n° 17-D-25, 20 déc. 2017, pratiques mises en œuvre dans le secteur des dispositifs transdermiques de fentanyl.
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42.
C. com., art. L. 462-8, al. 4 : l’Autorité peut rejeter la saisine « lorsqu’elle est informée qu’une autre autorité nationale de concurrence d’un État membre de la Communauté européenne ou la Commission européenne a traité des mêmes faits relevant des dispositions prévues aux articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne [devenus articles 101 et 102 du TFUE] ».
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43.
Aut. conc., déc. n° 20-D-14, 26 oct. 2020, pratiques dénoncées par la société Amadeus.
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44.
V. dans cet article, « Restriction de clientèle des grossistes ».
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45.
V. dans cet article, « Ententes verticales sur les prix de détail ».
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46.
Aut. conc., déc. n° 20-D-04, 16 mars 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple ; C. Cazaux et M. Prouvost, « Amende record prononcée à l’encontre d’Apple par l’Autorité de la concurrence pour entente et abus de dépendance économique », RLC 2020, p. 43, n° 3783.
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47.
Aut. conc., déc. n° 20-D-08, 30 avr. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’édition et de la commercialisation de chaînes de télévision.
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48.
Aut. conc., déc. n° 20-D-21, 8 déc. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur du voyage de tourisme.
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49.
Aut. conc., déc. n° 20-D-13, 22 oct. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire par les groupes Auchan, Casino, Metro et Schiever. L’Autorité a rendu une décision similaire (Aut. conc. déc. n° 20-D-22, 17 déc. 2020) sur les pratiques mises en œuvre par les groupes Carrefour et Tesco.
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50.
Aut. conc., déc. n° 20-D-03, 20 févr. 2020, respect des engagements pris par la Mutualité de La Réunion et rendus obligatoires par la décision n° 09-D-27 du 30 juillet 2009, relative à des pratiques mises en œuvre par la mutualité de La Réunion et les mutuelles décès qui lui sont affiliées.
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51.
Aut. conc., déc. n° 20-D-07, 7 avr. 2020, respect des engagements figurant dans la décision de l’Autorité de la concurrence n° 14-D-04 du 25 février 2014, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des paris hippiques en ligne.
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52.
V. dans cet article, « Ententes dans le secteur du jambon et de la charcuterie ».
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53.
Aut. conc., déc. n° 20-D-09, 16 juill. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie.
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54.
C. com., art. L. 464-2, III : « Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée (…) ».
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55.
Aut. conc., déc. n° 20-D-05, 23 mars 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des déménagements des personnels militaires au départ de La Réunion.
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56.
V. dans cet article, « Ententes dans le secteur du jambon et de la charcuterie ».
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57.
C. com., art. L. 464-2, IV : « Une exonération totale ou partielle des sanctions pécuniaires peut être accordée à une entreprise ou à un organisme qui a, avec d’autres, mis en œuvre une pratique prohibée par les dispositions de l’article L. 420-1 s’il a contribué à établir la réalité de la pratique prohibée et à identifier ses auteurs, en apportant des éléments d’information dont l’Autorité ou l’administration ne disposaient pas antérieurement (…) ».
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58.
Aut. conc., déc. n° 15-D-19, 15 déc. 2015, pratiques mises en œuvre dans les secteurs de la messagerie et de la messagerie express.
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59.
Aut. conc., déc. n° 20-D-09, 16 juill. 2020, pratiques mises en œuvre dans le secteur des achats et ventes des pièces de porc et de produits de charcuterie ; A. Apel, « L’Autorité condamne douze entreprises dans l’affaire des produits de charcuterie à la suite d’une demande de clémence et prononce à leur encontre des amendes élevées et individualisées », RLC 2021, p. 48, n° 3963.
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60.
Aut. conc., déc. n° 18-D-24, 5 déc. 2018.
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61.
P. Arhel, « Activité de l’Autorité de la concurrence en 2017 », LPA 26 juill. 2018, n° 137p0, p. 8 ; P. Arhel, « Activité de l’Autorité de la concurrence en 2018 », LPA 2 août 2019, n° 146v7, p.7 ; P. Arhel, « Activité de l’Autorité de la concurrence en 2019 », LPA 25 déc. 2020, n° 154v1, p. 6.
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62.
P. Guibert et a., « Les nouvelles lignes directrices en matière de contrôle des concentrations », Concurrences 2020, art. n° 96597.
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63.
V. également la contribution écrite soumise par la France au titre de la session 2 de la 133e réunion du Comité de la concurrence de l’OCDE tenue les 10-16 juin 2020, accessible sur le site internet de l’OCDE.
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64.
La contribution du 19 février 2020 consacre aussi de longs développements à l’application des notions de pratiques anticoncurrentielles à l’économie numérique.
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65.
La Commission s’est ralliée à cette lecture de l’article 22 lors de la 24e rencontre de l’International Bar Association du 11 septembre 2020. Dans un communiqué publié le 15 septembre 2020, l’Autorité s’en est félicitée. Pour la première application de cette nouvelle approche, v. communiqué de presse du 20 avril 2021.
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66.
C. com., art. L. 430-1 : « I. – Une opération de concentration est réalisée : 1° Lorsque deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes fusionnent ; 2° Lorsqu’une ou plusieurs personnes, détenant déjà le contrôle d’une entreprise au moins ou lorsqu’une ou plusieurs entreprises acquièrent, directement ou indirectement, que ce soit par prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l’ensemble ou de parties d’une ou plusieurs autres entreprises. II. – La création d’une entreprise commune accomplissant de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome constitue une concentration au sens du présent article ».
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67.
Aut. conc., communiqué de presse, 1er juill. 2020.
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68.
Aut. conc., communiqué de presse, 11 déc. 2019.
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69.
Aut. conc., communiqué de presse, 24 juill. 2020.
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70.
Aut. conc., déc. n° 20-DCC-116, 28 août 2020, prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire par la société Soditroy aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (décision faisant l’objet d’un recours devant le Conseil d’État).
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71.
Aut. conc., déc. n° 20-DCC-96, 23 juill. 2020, prise de contrôle exclusif d’actifs de la société Fruité SAS et de ses filiales par Refresco France.
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72.
Le premier ouvrage de la collection « Les Essentiels », publié en 2018, a été consacré aux remises fidélisantes.
Référence : AJU000s6