La portée de la mention « bon pour aval » inscrite sur un billet à ordre : un vieux problème encore d’actualité

Publié le 17/05/2021
Chèques, billets à ordre, banque
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L’aval résulte de la signature manuscrite de l’avaliste, et la mention « bon pour aval » doit être dénuée de toute ambiguïté.

Cass. com., 17 févr. 2021, no 19-15246, ECLI:FR:CCASS:2021:CO00160

Le billet à ordre est un instrument de paiement et de crédit qui rentre dans la catégorie des effets de commerce. S’agissant d’un titre négociable, il est transmissible selon la technique de l’endossement, ce qui exclut les formalités de la cession de créance inscrites dans l’article 1690 du Code civil. Il est un titre par lequel une personne, le souscripteur, s’engage à payer une somme déterminée à une date précise, à un bénéficiaire ou à l’ordre de celui-ci. Il fait naître un rapport cambiaire entre le souscripteur et le bénéficiaire, sans emporter novation du rapport fondamental initial qui subsiste.

Sa validité tient à l’existence de sept mentions obligatoires qui figurent à l’article L. 512-1, I, du Code de commerce, sans lesquelles il ne saurait valoir en tant que tel, excluant ainsi l’application du droit cambiaire1, mais valant tout de même comme billet au porteur en l’absence du nom du bénéficiaire2, ou comme simple promesse si la mention absente n’est pas indispensable à la validité des obligations en général.

Hormis les mentions impératives, ce titre peut comporter des mentions facultatives, notamment celle d’un aval3, sous réserve de ne pas porter atteinte aux engagements cambiaires. Il peut être souscrit à propos de tout titre, qu’il s’agisse d’un effet de commerce4 ou du chèque5, bien qu’il n’offre pratiquement pas d’intérêt pour le titre bancaire. Faute de définition du Code de commerce, l’aval se conçoit comme une garantie personnelle et facultative fournie par un tiers ou un signataire du titre. Son effet essentiel est que, en cas de carence du débiteur principal garanti qui ne paie pas à l’échéance, le porteur du billet à ordre va pouvoir exercer un recours contre l’avaliseur6, tenu pour tout ou partie du montant de l’effet de commerce7, à la place du débiteur dans les mêmes termes que lui8, et qui a précédemment apposé sa signature sur le titre.

La chambre commerciale de la Cour de cassation vient de rendre le 17 février 20219 un arrêt de rejet relatif à l’inscription « bon pour aval le PDG » sur un billet à ordre. Cette décision soulève non point la question de la validité de l’aval dont les conditions de fond et de forme sont a priori respectées, mais celle de la portée de l’aval, afin de déterminer si le débiteur garanti peut ou non se retourner contre l’avaliste en tant que garant personnel.

1. De l’arrêt rendu en seconde instance le 14 février 2019 par la cour d’appel de Metz, il résulte qu’une banque a assigné une personne en sa qualité d’avaliste d’un billet à ordre souscrit par une société le 1er juin 2013. Déboutée de sa demande par la juridiction d’appel, la banque créancière bénéficiaire de l’aval forme un pourvoi en cassation par lequel elle reproche à cette cour d’avoir rejeté ses demandes.

À l’appui de son recours, elle invoque le motif selon lequel l’engagement d’avaliste résulte de la seule signature du donneur d’aval. À moins qu’il ait expressément indiqué s’engager non point à titre personnel, mais en qualité de représentant d’une personne précisément identifiée, la seule signature du donneur d’aval l’engage personnellement à honorer le billet à ordre. Dans la présente affaire, la cour d’appel a relevé que l’intéressé a signé l’aval en portant la mention « bon pour aval le PDG » suivi de sa signature. Dès lors, selon la banque bénéficiaire de l’aval, il en a résulté qu’il n’a aucunement indiqué s’engager « en qualité de… », « en tant que… » ou au nom et pour le compte d’une société identifiée ; par sa seule signature, le dirigeant concerné s’est personnellement engagé en qualité d’avaliste.

Or, en décidant autrement, la juridiction d’appel qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a porté atteinte aux dispositions des articles L. 511-21 et L. 512-4 du Code de commerce.

2. Cette argumentation de la banque demanderesse en justice, repoussée par la cour d’appel de Metz, n’est pas davantage accueillie par le juge du droit.

Celui-ci consacre en l’espèce la position de la juridiction de seconde instance selon laquelle, si le dirigeant avaliste a signé l’aval en portant la mention « bon pour aval le PDG », l’inscription de sa qualité de PDG signifie tout à fait clairement qu’il n’a pas envisagé de signer cet engagement à titre personnel, mais bel et bien en qualité de PDG et pour le compte d’une société qu’il n’appartient pas à la cour de déterminer.

La Cour de cassation estime que, ayant relevé que le billet à ordre litigieux comportait la mention « bon pour aval le PDG » suivie de la signature de ce dernier, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel, en procédant à l’interprétation des mentions précédant la signature du PDG que l’ambiguïté résultant de l’ajout d’une qualité rendait nécessaire, a retenu que celui-ci ne s’est pas engagé personnellement. De plus, conformément au principe selon lequel « c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation d’en démontrer l’existence », il appartient à la banque de démontrer l’existence de l’engagement personnel du dirigeant visé.

Quoique les juges du droit et du fond soient d’accord en l’espèce, le présent arrêt suscite la perplexité. En effet, quand une société émet par son dirigeant des effets de commerce revêtant une mention d’aval apposée par lui, il refuse souvent de répondre à son engagement au motif que sa signature ne l’engage pas personnellement en tant qu’avaliste. Néanmoins, en pratique, une personne ne peut avoir en même temps la qualité de souscripteur de billets à ordre et d’avaliste. Par conséquent, il est évident que quand un effet de commerce comporte à la fois la signature du dirigeant de la société souscriptrice en tant que mandataire de celle-ci, et la sienne accompagnée de la mention d’aval, le bénéficiaire de la garantie cambiaire est habilité à poursuivre ce dirigeant en qualité d’avaliste à titre personnel10.

Par ailleurs, l’aval étant considéré comme émanant de la seule signature de son donneur, rien n’empêche que les termes « bon pour aval » soient réimprimés sur le titre cambiaire ou apposés par un tampon. L’aval n’en conserve pas moins sa validité dès lors qu’il revêt la signature de l’avaliste lui-même.

3. En bref, ces juges (du droit et du fond) se trouvent, dans la présente affaire, confrontés à la question de savoir ce qu’il en est en l’absence d’indication du nom du signataire, lorsque l’aval est donné par un dirigeant social.

En pareille circonstance, conformément à la jurisprudence en vigueur, un gérant est avaliste à titre personnel et non comme représentant de la personne morale, car cette dernière ne peut être en même temps souscripteur et avaliseur, un tel aval n’améliorant pas la situation du porteur11. Aussi, quand un effet de commerce a été émis par le dirigeant d’une société au nom de celle-ci, sa signature, donnée également en qualité d’avaliste, l’engage personnellement, à moins pour lui de démontrer qu’il a souscrit l’aval en tant que mandataire d’une autre personne12.

Autrement dit, le signataire comme avaliste d’un effet de commerce s’engage personnellement et non la société dont il est le représentant, dès lors que sa signature n’est précédée d’aucun élément justifiant sa qualité de mandataire13. Par conséquent, le mandataire du représentant légal d’une société qui a souscrit un billet, et conjointement inscrit sur ce titre une mention d’aval, ne peut faire grief à une cour d’appel de sa condamnation, à la suite de la mise en redressement judiciaire de la personne morale, au paiement du montant de l’effet, faute d’établir avoir souscrit l’aval comme mandataire de la société14.

Le gérant d’une société est seul engagé comme avaliste, et ne peut prétendre être tenu ès qualités de gérant lorsqu’il s’avère que le billet à ordre souscrit par ladite société porte la mention « bon pour aval » suivie de la signature du dirigeant social, ceci en l’absence de tout élément accompagnant cette signature15.

Au contraire, en présence d’une mention manuscrite portée sous la signature à la rubrique « Bon pour aval » précisant que cette garantie a été donnée en qualité de président d’une société, l’intéressé ne s’est pas engagé comme avaliste à titre personnel16. Néanmoins, dans une autre affaire, la Cour de cassation a estimé qu’a justifié sa décision la cour d’appel qui, ayant constaté que le gérant d’une SARL a doublement signé des billets à ordre sous les mentions « signature du souscripteur » et « bon pour aval », sans autre élément l’accompagnant, en a déduit que ce gérant est intervenu tant en qualité de représentant de la SARL, souscripteur du billet, qu’en qualité de donneur d’aval à titre personnel17. De même, il a été décidé qu’en présence d’une mention « bon pour aval » suivie de la signature de M. X, et au-dessus de laquelle figure un cachet mentionnant la qualité de dirigeant de celui-ci, l’aval n’a pas été donné par lui à titre personnel, mais en qualité de représentant légal de cette même société18.

Quant à la présence d’une double signature, elle ne saurait être interprétée comme la souscription de deux engagements qui seraient incompatibles ou dont l’un priverait l’autre d’effet. Il convient donc d’attribuer deux qualités différentes à la personne et de les appliquer aux deux signatures qui prennent alors un sens propre. Aussi, dans une espèce, la Cour de cassation a approuvé19 une cour d’appel d’avoir retenu « par une interprétation, exclusive de dénaturation », que l’ambiguïté de rédaction rendait nécessaire, que « cette double signature, complétée par une double apposition de tampon de la société, signifiait que la personne visée avait souscrit le billet à ordre en qualité de représentant légal de la société CNC et l’avait avalisé en son nom personnel ». Au regard de l’article L. 511-21 du Code de commerce (auquel l’article L. 512-4 de ce code renvoie), la mention facultative « bon pour aval » suivie de la signature de l’intéressé suffit à identifier son engagement à titre personnel en qualité de donneur d’aval, peu important l’apposition complémentaire du tampon de la société dont il est par ailleurs le représentant, d’autant plus qu’il a souscrit le billet à ordre en cette qualité20.

Notes de bas de pages

  • 1.
    C. com., art. L. 512-2 ; CA Paris 7 janv. 1987 : D. 1988, Somm., p. 50, obs. M. Cabrillac : absence de signature. – Cass. com., 3 avr. 1984, n° 83-12512 : Bull. civ. IV, n° 123 ; Gaz. Pal. 1984, 2, pan., p. 277, obs. J. Dupichot ; RJ com. 1985, p. 59, note X. C. Nguyen – Cass. com., 5 oct. 2004, n° 01-15274 : RJDA 3/2005, n° 321 – CA Paris, 30 sept. 1986, n° M.9957 : D. 1987, Somm., p. 70, obs. M. Cabrillac : absence de date. Cass. com., 3 oct. 2018, n° 17-20525 : JCP N 2020, n° 48, act. 909, obs. A. Reygrobellet.
  • 2.
    Cass. com., 15 janv. 2002, n° 99-15370 : Bull. civ. IV, n° 10 ; RJDA 5/2002, n° 546 ; JCP G 2002, IV 1325 ; RTD com. 2002, p. 521, obs. M. Cabrillac.
  • 3.
    M. Caverivière, L’aval institution cambiaire, thèse, 1981, Nice.
  • 4.
    Lettre de change (C. com., art. L. 511-21 – CA Paris, 9 janv. 2014, n° 12/18125 : LPA 20 mars 2014, p. 6, note D. Gibirila ; Lexbase Hebdo 30 janv. 2014, n° 367, éd. Affaires, note V. Téchené – Cass. com., 1er avr. 2014, n° 13-16902 : BRDA 8/2014, n° 16 ; RJDA 6/2014, n° 561 ; Lexbase Hebdo 29 mai 2014, n° 383, éd. Affaires, note D. Gibirila ; JCP E 2014, n° 21-22, 1291, note K. Rodriguez) – Billet à ordre (C. com., art. L. 512-4 – Cass. com., 1er juin 1999, n° 96-18466 : Bull. civ. IV, n° 115 – Sur cet arrêt, D. Gibirila, « La situation juridique des coavalistes d’un billet à ordre », Le Lamy Droit du Financement 2000, n° 111) – Warrant (C. com., art. L. 522-36).
  • 5.
    C. mon. fin., art. L. 131-28 à L. 131-30.
  • 6.
    C. com., art. L. 511-21, al. 4, 5, 7 et 9.
  • 7.
    C. com., art. L. 511-21, al. 1er.
  • 8.
    C. com., art. L. 511-21, al. 7.
  • 9.
    Cass. com., 17 févr. 2021, n° 19-15246.
  • 10.
    Cass. com., 7 avr. 1987, n° 85-14624 : Bull. civ. IV, n° 89 ; D. 1987, IR, p. 106.
  • 11.
    Cass. com., 15 mars 1984, n° 83-10458 : Bull. civ. IV, n° 156 ; RTD com. 1985, p. 125, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié – Cass. com., 24 juin 1986, n° 84-17281 : Bull. civ. IV, n° 135 ; D. 1987, Somm., p. 69, obs. M. Cabrillac – Cass. com., 7 avr. 1987, n° 85-14624 : Bull. civ. IV, n° 89 ; D. 1987, IR, p. 106 – En ce sens, v. Cass. com., 28 juin 1983, n° 82-13006 : Bull. civ. IV, n° 190, selon lequel, dès lors qu’une cour d’appel a constaté que l’aval figurant sur des billets à ordre n’était suivi que de la signature du commerçant sans autre mention, c’est à bon droit, et sans avoir à rechercher en quelle qualité le signataire a voulu intervenir, qu’elle a décidé que la seule signature du commerçant l’engageait personnellement.
  • 12.
    Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-17628 : Quot. jur. 17 févr. 1994, n° 14, p. 2.
  • 13.
    Cass. com., 6 oct. 1998, n° 95-13496 : Banque 1998, n° 598, p. 76, obs. J.-L. Guillot ; RTD com. 1999, p. 164, obs. M. Cabrillac ; Defrénois 1999, p. 615, obs. J. Honorat, selon lequel, en l’absence de tout élément accompagnant la signature d’un avaliste sur une lettre de change, celui-ci est seul engagé comme avaliste, sans qu’il y ait lieu de rechercher s’il avait agi en qualité de mandataire.
  • 14.
    Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-13709 : RJDA 6/1999, n° 718.
  • 15.
    CA Rennes, 22 juin 2006 : JCP E 2006, nos 51-52, 2200.
  • 16.
    Cass. com., 14 mars 2018, n° 16-27869 : LEDB mai 2018, n° 111j2, p. 7, obs. J. Lasserre Capdeville.
  • 17.
    Cass. com., 14 oct. 2014, n° 13-17638 : RJDA 1/2015, n° 44.
  • 18.
    Cass. com., 20 juin 2018, n° 17-15356 : LEDB sept. 2018, n° 111p5, p. 4, obs. J. Lasserre-Capdeville ; Dr. et procéd. janv. 2019, p. 12, note S. Piedelièvre.
  • 19.
    V. toutefois Cass. com., 9 févr. 2016, n° 14-10846 : JCP G 2016, act. 553, obs. P. Simler.
  • 20.
    Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-13244 : Gaz. Pal. 21 juin 2016, n° 267w3, p. 27, obs. F. Dumont-Lefrand.
LPA 17 Mai. 2021, n° 200g6, p.23

Référence : LPA 17 Mai. 2021, n° 200g6, p.23

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