Activité de l’Autorité de la concurrence en 2016
L’activité déployée par l’Autorité de la concurrence en 2016 est, comme les années antérieures, particulièrement riche d’informations. Le présent article s’en tiendra, pour l’essentiel, aux éléments qui présentent une importance particulière en termes juridiques ou économiques. Ils figurent en particulier dans les nombreux avis et décisions rendus par l’Autorité tout au long de l’année et concernant des secteurs d’activité très variés.
Conformément à l’article L. 461-5 du Code de commerce, qui dispose que l’Autorité de la concurrence (ancien Conseil de la concurrence) établit chaque année, un rapport public rendant compte de son activité qu’elle adresse au gouvernement et au Parlement et qui comporte en annexe, aux termes de l’article R. 462-4, les décisions prévues à l’article L. 464-8 du même code, le rapport d’activité de l’institution pour 2016 a été publié en juillet dernier. On en retiendra surtout les développements qui présentent une importance particulière en termes juridiques ou économiques.
I – Actualité législative
A – Majoration des sanctions visant à financer l’aide aux victimes
Le législateur a habilité l’Autorité de la concurrence à majorer les sanctions qu’elle inflige dans le but de financer l’aide aux victimes. L’article L. 464-5-1 du Code de commerce, issu de l’article 82 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale dispose en effet que : « Les sanctions pécuniaires prononcées en application des articles L. 464-2, L. 464-3 et L. 464-5 peuvent faire l’objet d’une majoration, dans la limite de 10 % de leur montant, mise à la charge de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné et destinée à financer l’aide aux victimes ». Le texte ajoute que les critères de fixation des sanctions prévus à l’article L. 464-2, I, alinéa 3, du Code de commerce (gravité de faits, dommage à l’économie, situation de l’organisme ou de l’entreprise et réitération) sont applicables à cette majoration. Au cours de l’année rapportée, l’Autorité de la concurrence n’a pas utilisé ce nouveau pouvoir.
B – Recours contre les décisions du rapporteur général de l’Autorité de la concurrence susceptibles de mettre en jeu le secret des affaires
L’article R. 464-29 du Code de commerce, dans sa version initiale, prévoyait que les décisions prises par le rapporteur général « ne peuvent faire l’objet d’un recours qu’avec la décision de l’Autorité sur le fond ». Saisi d’un recours en annulation de cette disposition, le Conseil d’État a relevé que les décisions par lesquelles le rapporteur général refuse la protection du secret des affaires ou accorde la levée de ce secret, qui sont sans incidence sur la régularité de la procédure suivie devant l’Autorité de la concurrence, sont susceptibles de faire grief, par elles-mêmes, aux parties dont émanent les pièces ou éléments en cause. En ne permettant de contester leur légalité qu’à l’occasion d’un recours contre la décision rendue par l’Autorité sur le fond, les dispositions de l’article R. 464-29 faisaient obstacle, le cas échéant, à l’exercice d’un recours ou d’une action en référé contre ces décisions devant le juge compétent. Eu égard à l’ampleur et au caractère potentiellement irréversible des effets de ces décisions, ces dispositions portaient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Le Conseil d’État a en conséquence enjoint au Premier ministre de procéder à l’abrogation de l’article R. 464-291.
Le décret n° 2015-521 du 11 mai 2015 en a tiré les conséquences en remplaçant la version initiale de l’article R. 464-29 par des dispositions prévoyant que seules « les décisions prises par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 463-4 qui accordent la protection du secret des affaires ou qui refusent la levée de ce secret ne peuvent faire l’objet d’un recours qu’avec la décision de l’Autorité sur le fond ». Il s’ensuit que les décisions par lesquelles le rapporteur général refuse la protection du secret des affaires ou accorde la levée de ce secret peuvent faire l’objet d’un recours séparé. En l’absence de disposition législative expresse attribuant la contestation à la juridiction judiciaire, ces décisions, qui sont détachables de la procédure suivie devant l’Autorité de la concurrence, relevaient, conformément au droit commun, de la juridiction administrative et, en vertu du 4° de l’article R. 311-1 du Code de justice administrative, de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d’État2. Il en est résulté une scission, entre la cour d’appel de Paris et le Conseil d’État, du contentieux des recours contre les décisions de l’Autorité de la concurrence. Afin de préserver le bloc de compétence, en faveur de la cour d’appel de Paris, voulu par le législateur en 1986, celui-ci est intervenu à nouveau en 2016 : l’article 96 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a en effet ajouté au Code de commerce un article L. 464-8-1 qui dispose que : « Les décisions prises par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 463-4 de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée peuvent faire l’objet d’un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la cour d’appel de Paris ou son délégué ».
Le même article 96 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 a complété l’article L. 462-7 du Code de commerce en prévoyant la suspension de la prescription de 10 ans de l’action devant l’Autorité de la concurrence jusqu’à « la notification à l’Autorité de la concurrence d’une décision juridictionnelle irrévocable lorsque (…) la décision prise par le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 463-4 de refuser la protection du secret des affaires ou de lever la protection accordée fait l’objet d’un recours ».
II – Compétence de l’Autorité
A – Compétence dans le domaine social
L’Autorité s’est, une nouvelle fois, prononcée sur sa compétence dans le domaine social. Elle avait été saisie par sept sociétés mutualistes étudiantes régionales de pratiques mises en œuvre par la mutuelle des étudiants (LMDE) et un certain nombre de mutuelles et groupes de mutuelles, dans le secteur de la protection sociale des étudiants. Selon les saisissantes, les pratiques en cause seraient constitutives d’ententes et violeraient l’article L. 420-1 du Code de commerce.
L’Autorité a d’abord rappelé que les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du Code de commerce sont applicables aux seules activités de production, de distribution et de services, au sens des dispositions de l’article L. 410-1. Le droit de la concurrence s’applique ainsi aux seuls acteurs économiques intervenant sur un marché (pt 89).
De même, en droit de l’Union, les articles 101 et 102 du TFUE ne s’appliquent qu’aux pratiques des entreprises, c’est-à-dire aux pratiques des entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement, l’activité économique étant définie comme toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné (pt 90).
Il appartenait dès lors à l’Autorité de déterminer si l’activité de gestion de la sécurité sociale étudiante est une activité économique conférant aux mutuelles étudiantes la qualité d’entreprises.
La Cour de justice s’est prononcée à cet égard sur la question de savoir si un organisme, auprès duquel les entreprises relevant d’une branche d’activité et d’un territoire déterminé ont l’obligation de s’affilier au titre de l’assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, constitue une entreprise au sens des articles 101 et 102 TFUE. Au terme de son analyse, elle a considéré qu’il ne constituait pas une entreprise au sens de ces dispositions, mais remplissait « une fonction à caractère exclusivement social dès lors qu’un tel organisme opère dans le cadre d’un régime qui met en œuvre le principe de solidarité et que ce régime est soumis au contrôle de l’État » (pt 93).
L’Autorité a fait en l’espèce application de ces critères de solidarité et de contrôle de l’État. S’agissant de l’activité de gestion de la sécurité sociale étudiante, elle a constaté que le régime se caractérise par un degré élevé de solidarité (pt 98). Le critère du contrôle de l’État est également rempli : un contrôle spécifique de l’État existe en effet sur l’activité de gestion de la sécurité sociale étudiante exercée par les mutuelles étudiantes, et notamment sur ses modalités d’exercice et sur le montant des cotisations et des remises de gestion (pt 101)
En conséquence, en exerçant leur activité de gestion du régime obligatoire de la sécurité sociale étudiante, les mutuelles étudiantes ne peuvent pas être qualifiées d’entreprises au sens du droit de l’Union européenne et ne peuvent pas être considérées comme exerçant une activité économique au sens de l’article 101 du TFUE ou une activité de production, de distribution et de service au sens de l’article L. 410-1 du Code de commerce (pt 110).
Les activités des régimes de Sécurité sociale étudiante ne relèvent donc pas du champ d’application du livre IV du Code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence (pt 112).
En particulier, les pratiques relatives à la promotion de la LMDE comme centre gestionnaire de la sécurité sociale par les mutuelles partenaires n’entrent pas dans le champ de compétence de l’Autorité (pt 113).
En revanche, et sans surprise, l’Autorité s’est reconnue compétente pour examiner les pratiques relevant de l’activité d’assurance santé complémentaire ; celle-ci est en effet considérée comme une activité économique au sens de l’article L. 410-1 du Code de commerce et est donc soumise au droit de la concurrence (pt 116).
Cependant, elle a considéré, sur la base des informations dont elle disposait, que les conditions d’une interdiction au titre des articles 101 du TFUE et L. 420-1 du Code de commerce n’étaient pas réunies3.
B – Répartition de compétence entre l’Autorité et les juridictions administratives
Un litige intervenu au sein du réseau bancaire du Crédit Mutuel a donné l’occasion à l’Autorité de se prononcer à nouveau sur la répartition de compétence entre elle-même et les juridictions administratives pour appliquer les règles de concurrence aux personnes privées chargées d’une mission de service public.
Elle avait été saisie par le Crédit Mutuel Arkéa (CMA), qui est l’une des deux inter-fédérations que compte le Crédit Mutuel, de pratiques mises en œuvre par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM), organe central chargé par le législateur de veiller au bon fonctionnement du Crédit Mutuel.
Les pratiques dénoncées auraient consisté en une entente, portant sur des échanges d’informations commercialement sensibles et sur une répartition de marchés, prenant place au sein de la CNCM, entre CMA et CM11-CIC, l’autre interfédération du Crédit Mutuel.
Sans se prononcer sur le bien-fondé des prétentions de CMA, l’Autorité a considéré que l’examen des pratiques dénoncées n’était pas détachable de l’appréciation de la légalité des actes manifestant les prérogatives de puissance publique détenues par la CNCM et organisant la mission de service public qui lui est dévolue et que, conformément à une jurisprudence bien établie, tant de la Cour de cassation que du Conseil d’État, un tel examen relevait donc de la compétence de la seule juridiction administrative4.
III – Application du droit de la concurrence aux coopératives
L’Autorité a confirmé que le statut de coopérative ne s’oppose pas à l’application du droit de la concurrence. Elle répondait à un argument d’une coopérative à laquelle il était reproché d’avoir organisé une entente entre ses membres ayant pour objet une répartition territoriale du marché de la fourniture, l’installation et la maintenance des grandes cuisines.
La coopérative faisait valoir qu’en sa qualité de coopérative, elle a pour mission de mettre en œuvre une politique commerciale commune propre à assurer le développement et l’activité de ses associés et que, dans ce cadre, elle pouvait attribuer des secteurs géographiques d’intervention à chaque associé adhérent dans le but d’apporter un service de qualité à la clientèle des adhérents et favoriser le dynamisme commercial des adhérents. Dès lors, cette répartition ne relèverait pas du droit des ententes.
Sans surprise, l’argument est rejeté. Se fondant sur les dispositions de l’article L. 410-1 du Code de commerce, l’Autorité souligne que le dispositif législatif et réglementaire régissant les coopératives de commerçants détaillants n’est pas de nature, en tant que tel, à faire obstacle à l’application normale du droit de la concurrence (pt 63).
Elle rappelle par ailleurs que, s’agissant de la politique commerciale commune de la coopérative, le Conseil de la concurrence a indiqué, dans un avis du 17 novembre 1999, que les commerçants regroupés au sein de coopératives ont la possibilité de choisir une politique commerciale basée sur une enseigne commune et cohérente avec l’image qu’ils veulent donner de cette enseigne, mais « que cette stratégie ne saurait aller jusqu’à limiter la liberté commerciale de ces commerçants en matière d’approvisionnement, d’expansion et de prix, dès lors que plusieurs adhérents d’une ou de plusieurs coopératives concernées se trouvent en concurrence sur un même marché. De même, elle ne doit pas avoir pour effet de protéger les adhérents contre la concurrence de tiers » (pt 65).
Enfin, répondant à un argument qui se prévalait de l’affaire GITEM, l’Autorité observe que c’est dans le même sens qu’il convient de lire l’arrêt GITEM du 16 mai 1995 par lequel la Cour de cassation a validé la condamnation d’un groupement de commerçants du secteur de l’électronique grand public, constitué sous la forme d’un GIE, qui avait imposé à ses adhérents un cloisonnement des secteurs géographiques de leur activité par le biais de clauses d’interdiction aboutissant à une « absence totale de concurrence à l’intérieur de chacune des zones de chalandise où les adhérents étaient respectivement implantés ». Et d’ajouter que la Cour avait également indiqué que ces clauses « sont en réalité prévues pour protéger chaque détaillant affilié à la coopérative, de la concurrence directe ou indirecte des autres au sein de sa zone d’activité »5.
IV – Recevabilité des preuves communiquées par l’entreprise saisissante
La décision relative aux titres restaurant retiendra l’attention en ce qu’elle a admis la recevabilité de pièces communiquées par la société saisissante alors que les parties en cause soutenaient qu’elles avaient été détournées par d’anciens salariés et que les conditions dans lesquelles la société saisissante est entrée en possession de ces documents caractériseraient une fraude constitutive de délit d’abus de confiance.
Pour s’opposer à la production des pièces litigieuses et à leur utilisation à l’appui de la saisine, les parties en cause invoquaient l’arrêt de la Cour de cassation du 7 janvier 2011 qui a énoncé que « les règles du Code de procédure civile s’appliquent au contentieux des pratiques anticoncurrentielles relevant de l’Autorité de la concurrence » et déclaré que « l’enregistrement d’une communication téléphonique réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve ».
L’Autorité a rejeté la demande de mesures conservatoires mais a décidé que l’instruction serait poursuivie au fond. S’agissant des pièces litigieuses, elle estime que, en l’état de la procédure et des éléments portés à sa connaissance, rien n’apparaît s’opposer à leur production par la partie saisissante.
En effet, pour établir l’origine frauduleuse des documents, les parties mises en cause ne se prévalaient de l’autorité de la chose jugée d’aucun jugement de condamnation pénale définitif. Elles invoquaient un simple dépôt de plainte contre X auprès du procureur de la République, sans même en justifier par la production d’un récépissé. Ainsi, l’origine frauduleuse alléguée des pièces produites n’était aucunement attestée.
Par ailleurs, alors même qu’aux termes d’un jugement pénal définitif, l’origine frauduleuse des pièces serait établie, les documents litigieux ne contenaient, à première vue, aucun propos ou déclarations recueillis de façon déloyale à l’insu de leur auteur. Soumis à l’appréciation de l’ensemble des parties à l’occasion du renvoi de l’examen de l’affaire ordonné par le collège, aucune entreprise n’a allégué la falsification ou la contrefaçon desdits documents.
Enfin, les conditions dans lesquelles l’Autorité s’est fait remettre lesdits documents ne portaient en soi aucune atteinte aux principes d’équité consacrés par l’article 6 paragraphes 1 de la Convention EDH, dès lors qu’elles ne privaient pas les parties de l’exercice de leurs droits de la défense et notamment de la possibilité de contester ultérieurement au cours de l’instruction contradictoire de la saisine la valeur probante de ces pièces. À cet égard, l’Autorité cite tant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme 6, que la jurisprudence la plus récente du tribunal de l’Union européenne 7, laquelle distingue selon que l’élément contesté constitue ou non le seul moyen de preuve retenu pour motiver la condamnation.
Les sociétés en cause soutenaient également que les principes de séparation des fonctions d’instruction et de jugement interdiraient au collège de se prononcer sur la recevabilité des pièces produites par les parties. En effet, dans le cadre de leurs pouvoirs d’enquête, il appartiendrait aux services d’instruction, et non à l’Autorité, d’apprécier la recevabilité des preuves produites par les parties et d’écarter celles susceptibles de porter atteinte au principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
Le moyen est cependant rejeté : aucune base légale n’habilite les services d’instruction à écarter de leur propre chef, sans débat contradictoire, une pièce qui aurait été produite par les parties au motif qu’elle méconnaîtrait le principe de loyauté de la preuve. En effet, le collège doit se prononcer sur l’affaire au regard de l’ensemble des pièces transmises par les parties après s’être prononcé le cas échéant sur leur recevabilité 8.
V – Décisions de mesures conservatoires
Les décisions octroyant des mesures conservatoires sont relativement rares. Une telle décision a cependant été prise à la suite d’une plainte de Direct Energie qui dénonçait les pratiques tarifaires de son concurrent Engie, ex-GDF-Suez. L’instruction au fond se poursuit à l’égard de ces pratiques, mais l’Autorité a d’ores et déjà fait droit, au moins partiellement, à la demande de mesures conservatoires présentée par le plaignant.
Elle a d’abord considéré que les prix proposés par Engie pour l’ensemble de son activité de fourniture d’offres individualisées aux clients non résidentiels sont susceptibles de ne pas lui permettre de couvrir ses coûts évitables (pt 221). En d’autres termes, les offres d’Engie pouvaient dans certains cas être susceptibles d’être qualifiés de prix d’éviction ou de prédation. En effet, l’entreprise n’incluait pas dans ses prix la couverture de certains coûts, comme les coûts commerciaux ou les coûts liés aux certificats d’énergie.
L’Autorité a également retenu une atteinte grave et immédiate au secteur. La gravité de l’atteinte résulte de ce que les fournisseurs alternatifs exercent aujourd’hui une pression concurrentielle limitée et leurs parts de marché marquent le pas. Dans un marché en cours d’ouverture sur lequel les clients individuels sont difficiles à cibler pour les fournisseurs alternatifs, qui ne bénéficient pas de l’historique de clientèle que détient Engie, les plus gros clients non résidentiels représentent pour les fournisseurs alternatifs la possibilité d’entrer rapidement sur le marché et d’acquérir la masse critique dont ils ont besoin. En effet, en raison du coût d’entrée élevé qu’implique la pénétration d’un marché de masse, d’une part, et des marges relativement faibles du secteur, d’autre part, les portefeuilles des nouveaux entrants doivent impérativement bénéficier d’une taille critique, sous peine de compromettre leur maintien sur le marché (pt 315).
Il s’en déduit que les prix des offres individualisées, susceptibles de ne pas couvrir leurs coûts variables, créent ainsi un puissant effet d’éviction pour les fournisseurs alternatifs dans une période particulièrement sensible pendant laquelle le marché risque de se structurer durablement dans sa configuration actuelle, causant une atteinte grave et immédiate au fonctionnement de la concurrence dans le secteur (pt 316).
S’agissant de l’immédiateté de l’atteinte, l’Autorité relève que le fait que les appels d’offres en cause soient déjà en cours d’exécution ne fait pas obstacle à l’urgence d’une mesure conservatoire. En effet ces marchés, généralement d’une durée de deux ans, se renouvellent continuellement et il convenait de remédier à la poursuite de l’atteinte identifiée (pt 317).
De plus, les pratiques d’Engie constituaient un comportement récent auquel il convenait de mettre fin avant que le dommage qu’elles causent ne prenne encore plus d’ampleur (pt 318).
L’atteinte grave et immédiate au secteur impactait également Direct Energie qui a perdu un certain nombre de marchés sur lesquels elle concourait avec Engie, du fait des prix bas proposés par son concurrent (pt 322).
En conséquence et dans l’attente de sa décision au fond, l’Autorité a enjoint à Engie de fixer les prix des offres individualisées qu’elle propose aux clients non résidentiels en tenant compte de tous les coûts qu’elle doit supporter à court terme pour la commercialisation de ces offres, y compris les coûts commerciaux et les coûts liés aux certificats d’énergie.
En revanche, l’Autorité n’a pas ordonné la suspension des offres catalogue destinées à la clientèle résidentielle comme le lui demandait la société saisissante9. Non satisfaite de cette solution partielle, celle-ci a demandé à la cour d’appel de Paris de réformer la décision et d’enjoindre à Engie de suspendre la commercialisation et la reconduction tacite de toute offre de marché aux clients résidentiels et de suspendre la commercialisation et la reconduction tacite de toute offre de marché dont les tarifs de fourniture seraient en dessous de son coût marginal moyen à long terme, en ce compris une marge raisonnable rémunérant le capital engagé, sans discrimination quant aux conditions d’approvisionnement prises en compte. Le recours a cependant été rejeté 10.
VI – Procédure devant l’Autorité statuant sur saisine du ministre à la suite d’un refus de transaction
L’article L. 464-9 du Code de commerce confère au ministre chargé de l’économie un pouvoir d’injonction et de transaction pour traiter les micro-PAC c’est-à-dire les pratiques anticoncurrentielles qui affectent un marché de dimension locale, lorsqu’elles ne concernent pas des faits relevant des articles 101 et 102 du TFUE et lorsque le chiffre d’affaires, que chacune des entreprises a réalisé en France lors du dernier exercice clos, ne dépasse pas 50 millions d’euros et que leurs chiffres d’affaires cumulés ne dépassent pas 200 millions d’euros. L’exécution dans les délais impartis des obligations résultant de l’injonction et de l’acceptation de la transaction éteint toute action devant l’Autorité de la concurrence pour les mêmes faits. En revanche, en cas de refus de transiger, le ministre saisit l’Autorité. La première décision de l’Autorité statuant sur saisine du ministre à la suite d’un refus de transaction, rendue dans l’affaire du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin, a été l’occasion pour l’Autorité de souligner l’étanchéité qui caractérise la procédure devant le ministre.
Ainsi, elle a fait droit à une requête des parties poursuivies qui souhaitaient que l’acceptation de la transaction par les autres parties ne soit pas prise en compte par l’Autorité (trois entreprises sur les sept mises en cause ont accepté la transaction). Ce faisant, elle a rappelé que, conformément à l’article R. 464-9-3 du Code de commerce, le refus ou l’acceptation d’une transaction par une ou plusieurs des entreprises concernées « est sans effet sur la situation des autres entreprises ayant fait l’objet de la même procédure ».
De même, les parties poursuivies s’étant étonnées de ce que le mémoire d’observations qu’elles ont adressé à la DIRRECTE d’Alsace le 10 mars 2014 en réponse à la proposition de transaction du ministre chargé de l’économie n’ait pas été transmis aux services d’instruction de l’Autorité, celle-ci a rappelé que la communication de ces observations, dans le cadre de la saisine de l’Autorité par le ministre à la suite d’un refus de transaction, est explicitement exclue par l’article R. 464-9-3 du Code de commerce11.
Un autre enseignement important de cette affaire est qu’il pourrait s’avérer illusoire de refuser la transaction dans le but de se voir condamner par l’Autorité de la concurrence à un montant d’amende plus faible que celui de la transaction proposée par le ministre.
Ainsi, l’une des quatre entreprises condamnées par l’Autorité s’est vue infliger une sanction pécuniaire de 96 000 € alors que le plafond de la transaction à l’époque des faits était de 75 000 € (aujourd’hui le plafond est de 150 000 €). Par ailleurs, à la condamnation de cette entreprise à la sanction pécuniaire s’est ajoutée une injonction de publication de la décision de l’Autorité, alors qu’une telle publication n’est pas prévue dans le cadre de la procédure transactionnelle12.
VII – Délimitation du marché (prise en compte des ventes à distance dans la définition du marché pertinent)
La définition du marché pertinent est primordiale en droit de la concurrence. L’exercice de la concurrence est en effet apprécié dans le cadre de ce marché. Retiendra plus particulièrement l’attention l’analyse de l’Autorité à propos de la prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac dès lors qu’elle innove sur la prise en compte des ventes à distance dans la définition du marché pertinent.
Rappelons que, dans une précédente décision relative aux marchés des produits électroniques bruns (téléviseurs, etc.) et gris (tablettes, ordinateurs, etc.), l’Autorité a considéré que la vente en ligne et la vente en magasin appartenaient chacune à un marché de produits distinct. Elle avait ainsi relevé plusieurs éléments faisant obstacle à la substituabilité de ces deux canaux de vente, en particulier (i) la différence de ces canaux en termes d’expérience du consommateur, (ii) les différences de service au sein de ces deux canaux de distribution, (iii) les différences notables entre les sites internet des pure players et ceux des click and mortar, et (iv) les différences tarifaires entre les deux canaux13.
Dans son avis relatif au fonctionnement concurrentiel du commerce électronique, l’Autorité n’a toutefois pas exclu que le rapport de substitution entre les deux canaux de distribution s’accroisse à l’avenir, du fait de la pénétration grandissante d’internet dans les foyers et de l’augmentation du nombre de consommateurs effectuant leurs achats par le biais de ce canal14.
Dans la présente espèce, la substituabilité des canaux de distribution du point de vue de la demande ressort d’une série d’indices précis et concordants relatifs à la pénétration des ventes en ligne en matière de produits électroniques, l’analogie des gammes de produits et des services offerts en magasins, l’uniformisation tarifaire croissante au sein des différents canaux de distribution, le développement d’un modèle de distribution omnicanal et les taux significatifs de reports de demande entre canaux de distribution.
S’agissant de la pénétration des ventes en ligne des produits électroniques, l’Autorité relève que les estimations diffèrent selon les sources, mais convergent pour constater que les ventes en ligne de produits électroniques constituent à tout le moins entre 20 et 30 % des ventes totales de ces produits (pt 84).
Un deuxième indice résulte de l’analogie des gammes de produits et services disponibles en ligne et en magasins. D’abord, les données versées au dossier montrent que les produits communs, vendus sur les deux canaux, en magasins comme en ligne, représentent l’essentiel du chiffre d’affaires des parties à l’opération (pt 103).
Par ailleurs, si les services et les avantages inhérents à la vente en ligne ou en magasin physique ne sont pas perçus comme strictement identiques par les concurrents des parties et les consommateurs, chaque canal disposant d’avantages qui lui sont propres, ces caractéristiques ne sont pas de nature à remettre en cause le constat d’un degré important de substitution entre les deux canaux, au regard, notamment, de l’uniformisation des prix et du développement d’un modèle de distribution intégrant les deux canaux de distribution dans le parcours d’achat (pt 115).
Un autre indice important résulte de l’uniformisation tarifaire des différents canaux. Le prix de 90-100 % des références de la Fnac en stock était fixé principalement en fonction des tarifs pratiqués par les pure players (pt 120). Il s’ensuit que la grande majorité des articles présentent des écarts faibles entre les prix pratiqués en magasins et en ligne (pt 122). Par conséquent, le rapprochement tarifaire entre les prix de la Fnac et ceux des pure players est désormais observable et tend à se généraliser, même s’il n’existe pas encore d’alignement général des prix de l’ensemble des produits. Ce constat est également applicable aux principaux concurrents des parties (pt 133).
Un autre indice résulte du développement d’un modèle de distribution omnicanal. L’instruction a permis de confirmer que plus de la moitié des consommateurs ayant acheté un produit électronique en magasin ont préalablement consulté les offres disponibles sur internet. En sens inverse, 58 % des clients ayant effectué un achat sur internet consultent régulièrement les prix du produit concerné en magasin au préalable et près de la moitié d’entre eux indiquent demander des conseils en magasin avant de réaliser leur achat sur internet (pt 143). Les consommateurs consultent donc les deux canaux de vente avant de réaliser leur achat sur l’un des deux (pt 144).
S’agissant enfin des reports de demande intercanaux, il ressort de l’instruction que les pure players sont de proches concurrents des parties (pt 145). Ainsi, dans l’hypothèse d’une augmentation des prix des produits bruns et/ou gris de 5 à 10 % par la nouvelle entité à l’issue de l’opération, les consommateurs se reporteraient majoritairement vers les enseignes Boulanger, Amazon ou Cdiscount. Cet élément contribue à confirmer que les acteurs du marché considèrent les pure players comme des concurrents crédibles des parties (pt 146).
Il ressort de l’ensemble des éléments qui précèdent que le développement de la vente en ligne dans le secteur des produits électroniques s’est accompagné d’un amenuisement significatif des différences qui avaient été relevées par la pratique décisionnelle antérieure entre la vente en ligne et la vente en magasins (pt 151).
Du point de vue de l’offre, les enseignes traditionnelles ont adapté leur stratégie interne, tarifaire et commerciale en développant leurs propres sites de vente en ligne notamment dans le but de répondre à l’émergence d’acteurs pure players de poids dans le secteur. Cette évolution s’est traduite par le passage d’une politique multicanale des enseignes traditionnelles, dans laquelle les ventes en ligne étaient complémentaires aux ventes en magasin, à une politique omnicanale réunissant les deux canaux de distribution pour n’en former qu’un seul aux yeux du consommateur. Un paramètre central de cette stratégie est la forte adaptation de la stratégie tarifaire des distributeurs traditionnels vis-à-vis de celle des pure players. De leur côté, les opérateurs de la vente en ligne ont parallèlement amélioré les services proposés aux clients pour correspondre aux critères fixés par la vente en magasins (pt 152).
Du point de vue de la demande, si les consommateurs demeurent encore attachés à l’achat en magasin, il est indéniable, au vu des résultats de l’instruction, qu’internet a été significativement intégré au comportement d’achat des consommateurs, tant en ce qui concerne la comparaison des offres à l’amont que pour l’acte d’achat lui-même (pt 153).
Par conséquent, bien que la substituabilité des canaux ne soit pas parfaite, elle apparaît suffisante pour considérer que les ventes en ligne exercent une pression concurrentielle telle sur les ventes en magasin que ces deux canaux doivent à présent être considérés comme faisant partie du même marché (pt 154).
S’agissant de la délimitation géographique des marchés, l’Autorité rappelle que, dans le secteur du commerce de détail en points de vente physiques, conformément à la pratique décisionnelle, la concurrence s’exerce du point de vue du consommateur principalement au niveau local sur des marchés dont la dimension varie en fonction du type de produits concernés et de l’attractivité des magasins (pt 156).
Au cas présent, cependant, elle relève que les éléments quantitatifs et qualitatifs recueillis au cours de l’instruction montrent que la concurrence sur les marchés de produits bruns et gris s’exerce à deux niveaux géographiques, les déterminants concurrentiels étant fixés à la fois au niveau national et au niveau local (pt 163)15.
VIII – Abus de position dominante
A – Prix prédateur
Une plainte de l’éco-organisme European Recycling Platform France (ERP), qui dénonçait des pratiques d’abus de la position dominante de son concurrent Eco-systèmes sur un marché défini comme le « marché français de l’adhésion pour l’enlèvement et le traitement des écrans », a offert à l’Autorité une nouvelle occasion de se pencher sur une pratique supposée de prix prédateurs. Les deux organismes sont agréés pour assurer la collecte, l’enlèvement et le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques.
L’Autorité a d’abord rappelé que la démonstration de l’existence de prix prédateurs s’appuie, selon une jurisprudence constante, sur la comparaison des prix des biens ou des services en cause et des coûts qui sont supportés pour les produire.
En l’espèce, cependant, cette démonstration s’est heurtée au fait que le dispositif de traitement des déchets est basé sur une triple mutualisation des recettes et des dépenses qui empêche toute comparaison pertinente entre un prix et un coût pour une même catégorie d’équipement : mutualisation (i) temporelle (les recettes assises sur les achats de biens neufs financent aujourd’hui le retraitement des biens obsolètes achetés plusieurs années auparavant) ; (ii) intermarque (les recettes prélevées sur les biens commercialisés aujourd’hui par les opérateurs en activité peuvent servir à financer le retraitement des déchets correspondant à des biens vendus par d’autres opérateurs) et ; (iii) géographique (lorsque la collecte passe par le canal des collectivités locales, l’éco-organisme sous contrat avec la collectivité gestionnaire d’une déchetterie doit traiter tous les déchets qui lui sont présentés sans distinguer entre ceux de ses adhérents et ceux des adhérents des éco-organismes concurrents).
Aucun test de coût pertinent par catégorie de biens n’étant dès lors possible, l’Autorité n’a pu juridiquement caractériser une pratique de prix prédateur limitée aux seuls écrans. La saisine d’ERP (et par répercussion la demande de mesures conservatoires qui l’accompagnait) a donc été rejetée pour absence d’éléments suffisamment probants16.
B – Dénigrement
Il résulte de la jurisprudence nationale que le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié. Lorsque ce comportement est imputable à un acteur économique dominant qui cherche à en tirer un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur et qu’il existe un lien entre la domination de l’entreprise et ce comportement, ce dernier peut être qualifié d’abus de position dominante (pt 160).
L’Autorité a retenu une telle infraction à l’encontre de la société Télédiffusion de France (TDF) après avoir établi que l’entreprise, qui détient une position dominante sur les marchés du gros amont et aval des services de diffusion numérique par voie hertzienne terrestre, a mis en œuvre une pratique de dénigrement auprès des collectivités locales consistant à pointer un risque non avéré de perturbation technique du seul fait de l’implantation d’un pylône concurrent (pt 231)17.
C – Remises anticoncurrentielles
Selon une jurisprudence constante, une remise accordée à ses clients par un opérateur en position dominante n’est pas licite si, en raison notamment de ses critères et de ses modalités d’octroi, le « rabais tend, par un avantage qui ne repose sur aucune prestation économique qui le justifie, à enlever à l’acheteur, ou à restreindre dans son chef, la possibilité de choix en ce qui concerne ses sources d’approvisionnement, à barrer l’accès du marché aux concurrents, à appliquer à des partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes ou à renforcer la position dominante par une concurrence faussée » (pt 237).
L’Autorité a dès lors pu condamner TDF pour abus de position dominante après avoir établi que l’entreprise a mis en œuvre une remise de plaque géographique tendant à restreindre, sans justification objective, l’approvisionnement des MUX (opérateurs de multiplex qui regroupent un certain nombre d’éditeurs de chaînes de télévision) auprès des opérateurs concurrents pour une part significative des sites de diffusion (pt 262).
La remise de plaque géographique était un rabais accordé lorsqu’un MUX retenait TDF pour un nombre important de sites de diffusion dans une zone donnée. Pour chaque plaque, TDF proposait plusieurs taux de remise : plus la part de sites confiés à TDF était importante, plus le pourcentage de remise était élevé. De manière générale, la remise n’était accordée que si au moins 70 % des sites en jeu étaient confiés à TDF (pt 252).
Il n’existait pas de barème objectif fixant les taux des rabais. Il s’agissait d’une remise individualisée dans la mesure où TDF fixait à la fois les contours de la plaque géographique et les seuils des remises et pouvait, en outre, les faire varier selon les plaques concernées mais aussi, pour une même plaque, en fonction des MUX (pt 253).
Il ne s’agissait pas d’une remise quantitative dans la mesure où le nombre absolu de sites n’était pas le critère déterminant, seule la part de sites de la plaque attribuée à TDF était pertinente pour fixer le niveau de la remise. En outre, la remise présentait un caractère rétroactif dans la mesure où le taux le plus élevé atteint par le client s’appliquait à l’ensemble des sites et pas seulement aux sites inclus dans la tranche supérieure de remise. Le fait pour un MUX de confier une partie, même limitée, de ses sites à un opérateur concurrent pouvait lui faire perdre un taux de remise plus avantageux pour la totalité des sites qui restaient confiés à TDF. La remise de plaque était donc de nature à dissuader les MUX de partager les sites d’une même plaque géographique entre plusieurs diffuseurs (pt 254).
Ainsi, la remise de plaque géographique était accordée à condition que le client s’approvisionne auprès de TDF pour la totalité ou une partie importante de ses besoins, mécanisme de rabais qui est, en principe, constitutif d’un abus lorsqu’il est mis en œuvre par l’opérateur dominant (pt 255)18.
D – Obligation d’achat exclusif
On sait que les accords d’exclusivité ne constituent pas en soi des comportements anticoncurrentiels, même lorsqu’ils sont le fait d’une entreprise détenant une position dominante. Les autorités de concurrence tant françaises que communautaires condamnent cependant de longue date les pratiques d’entreprises dominantes qui instaurent une barrière artificielle à l’entrée sur le marché. La décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment s’inscrit dans la ligne de cette pratique décisionnelle. La pratique condamnée par l’Autorité s’est déroulée en deux étapes : À partir de 1999, Umicore, principal fournisseur de zinc laminé en France, a introduit dans le contrat de ses revendeurs une clause de promotion par laquelle ces derniers s’engageaient à assurer « la promotion des produits et marques d’Umicore à l’exclusion des produits et marques concurrentes ». Cette clause de promotion exclusive, en vigueur jusqu’en 2004, a ensuite été remplacée par une disposition moins explicite mais ambiguë.
L’entreprise a par ailleurs exercé des pressions sur ses distributeurs afin qu’ils limitent fortement les approvisionnements en provenance des fournisseurs concurrents. Ainsi, pour s’assurer du respect de l’exclusivité, Umicore avait recours à des menaces et représailles visant à inciter les centres VM Zinc à rester fidèle à sa marque. Plusieurs types de représailles ont été mis en place à l’égard des distributeurs VM Zinc ayant distribué du zinc concurrent : réduction ou suppression de remises des distributeurs fautifs ; retrait du statut de « centre VM Zinc » les privant de conditions préférentielles (tarifs d’approvisionnement, conditions de paiement et de livraisons avantageuses).
Ces pratiques ont rendu plus difficile et plus coûteux l’accès des fournisseurs concurrents aux principaux distributeurs de produits de construction en zinc. En effet, les centres VM Zinc, qui représentaient environ 70 % des ventes de produits de construction en zinc, constituaient un passage obligé pour distribuer efficacement ces produits.
Précisons encore que cette pratique d’achat exclusif avait fait l’objet non seulement d’un grief d’abus de position dominante mais aussi d’un grief d’entente. À cet égard, l’Autorité a observé que même si, en vertu de la jurisprudence nationale et européenne, les griefs d’entente et d’abus de position dominante à propos d’une même pratique peuvent être retenus cumulativement, il n’apparaissait pas nécessaire d’examiner en l’espèce l’éventuelle qualification de la pratique en cause au regard des dispositions relatives aux ententes anticoncurrentielles 19.
IX – Distribution exclusive en Outre-mer
L’affaire de la distribution exclusive de produits de grande consommation en Outre-mer a connu une étape importante en 2016 lorsque l’Autorité, appliquant le volet de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 dite loi Lurel interdisant les importations exclusives en Outre-mer, a accepté que les sociétés Pernod-Ricard, Danone, Johnson&Johnson et Bolton Solitaire présentent des engagements pour mettre fin aux poursuites. La proposition très précoce de ces entreprises d’organiser un appel à candidatures pour sélectionner des importateurs non exclusifs en Outre-mer avait permis l’application de la procédure des engagements, c’est-à-dire sans prononcer de sanctions pécuniaires.
Dans le cas des contrats conclus entre Henkel et ses grossistes, la prolongation des contrats d’importation exclusifs au-delà de la date limite du 22 mars 2013, fixée par la loi, a conduit l’Autorité à poursuivre la procédure et finalement à prononcer des sanctions pécuniaires.
L’Autorité a considéré que les entreprises en cause ont enfreint les dispositions de l’article L. 420-2-1 du Code de commerce (issues de la loi Lurel) qui dispose que « Sont prohibés, dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution et dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprises ».
Pour apprécier le dommage à l’économie, l’Autorité a tenu compte du fait que les pratiques, relevées dans l’ensemble des territoires ultra-marins, ont conduit à limiter la mise en concurrence des grossistes par les détaillants pour leur approvisionnement en produits de marque Henkel. Elles ont concerné la distribution de produits d’hygiène et d’entretien indispensables aux consommateurs domiens, dont le pouvoir d’achat est plus faible qu’en métropole. De plus, ces produits de consommation courante, de marques notoires, sont difficilement substituables en outre-mer par une marque de distributeur20.
X – Exemption des pratiques anticoncurrentielles
Les pratiques anticoncurrentielles sont susceptibles de bénéficier d’une exemption. Ainsi, l’article L. 420-4, I-1° du Code de commerce dispose que « ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques qui résultent de l’application d’un texte législatif ou d’un texte réglementaire pris pour son application ». Encore faut-il que les pratiques en cause constituent une conséquence directe et nécessaire de l’application d’un texte législatif ou réglementaire. Des grilles syndicales établies dans le secteur des agences de mannequins n’ont pu bénéficier de cette exemption dans la mesure où ces grilles ne reflétaient pas stricto sensu le cadre législatif applicable. En effet, si ces grilles prenaient en compte les règles imposées par la convention collective et le Code du travail en matière de rémunération des mannequins, les tarifs ne constituaient pas la stricte reprise de ces salaires minima, mais incluaient également la marge commerciale des agences21.
XI – Calcul de la sanction
A – Durée de l’infraction
Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du Code de commerce prévoit que « les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie, à la situation individuelle de l’organisme ou de l’entreprise sanctionné ou du groupe auquel l’entreprise appartient et à l’éventuelle réitération de pratiques prohibées. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ». L’Autorité apprécie, en général, ces critères légaux selon les modalités décrites dans son communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. Toutefois, elle peut s’en affranchir conformément au point 7 de ce communiqué, qui dispose que cette méthode lui est opposable « sauf à ce qu’elle explique, dans la motivation de sa décision, les circonstances particulières ou les raisons d’intérêt général la conduisant à s’en écarter dans un cas donné ».
L’affaire de l’entente dans le secteur de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipement de cuisine a offert l’occasion à l’Autorité d’appliquer cette disposition. En l’espèce, les premières clauses litigieuses du règlement intérieur en cause sont apparues en 1994, ce qui permettait d’envisager une durée potentiellement très longue de l’infraction. Toutefois, sur les vingt dernières années, le règlement intérieur du Groupement des Installateurs Français a subi plusieurs modifications alors que, dans le même temps, la taille du groupement, son fonctionnement et sa situation concurrentielle sur le marché ont évolué dans des proportions qui sont aujourd’hui impossibles à apprécier, sauf en ce qui concerne la période récente pour laquelle le dossier fournit des pièces probantes.
Dans ces conditions, utiliser la méthode habituelle de détermination de la sanction, qui confère à la durée de l’infraction un rôle prépondérant, et apprécier la gravité de la pratique et l’importance du dommage à l’économie de manière uniforme sur une aussi longue période sans disposer des pièces suffisantes pour caractériser leur évolution au cours du temps, aurait abouti à sanctionner de manière disproportionnée l’entreprise en cause. Ces circonstances particulières ont conduit l’Autorité à s’écarter des modalités de calcul des sanctions décrites dans le communiqué du 16 mai 201122.
B – Caractère mono-produit de l’activité
Conformément au paragraphe 48 de son communiqué « sanctions », l’Autorité vérifie s’il y a lieu d’« adapter à la baisse » le montant des sanctions, au cas où il s’avérerait que les entreprises en cause mèneraient l’essentiel de leur activité sur le secteur ou marché en relation avec l’infraction c’est-à-dire si elles exerçaient une activité « mono-produit ».
Cette vérification l’a conduite à constater, dans l’affaire des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, que l’une des entreprises menait l’essentiel de son activité (plus de 75 %) dans le secteur de la vente de treillis soudés. L’Autorité a en conséquence accordé une réduction de 60 % de l’amende infligée à cette entreprise au titre du caractère « mono-produit » de son activité (pt 533) 23.
La qualité d’entreprise « mono-produit » revendiquée par la société TDF a en revanche été refusée. Dans un premier temps, l’entreprise faisait valoir que le communiqué utilise la formule « secteur ou marché » pour considérer qu’il est possible de faire une lecture extensive de cette disposition : « Sauf à vider de son sens l’existence de la proposition alternative du point 48 du communiqué sur les sanctions, l’Autorité doit prendre en considération non seulement le « marché » en relation avec l’infraction, mais également le « secteur » en relation avec l’infraction » (pt 342).
Dans un second temps, elle raisonnait sur son secteur d’activité entendu en un sens très large pour constater que : « TDF est active dans le secteur de l’exploitation d’infrastructures pour la diffusion de signaux radioélectriques. TDF réalise plus de 91 % de son chiffre d’affaires grâce à l’exploitation de réseaux de communication électronique (42 % dans les télécoms, 29 % pour la télévision et 20 % pour la radio), c’est-à-dire dans le secteur concerné par les pratiques poursuivies. Ainsi, le fait que TDF puisse mobiliser ses infrastructures de diffusion pour plusieurs types d’applications (téléphonie, radio et télévision) n’implique pas qu’il s’agisse d’une entreprise diversifiée. Quel que soit le signal diffusé, l’activité de TDF est unique » (pt 343).
L’Autorité a jugé cette interprétation erronée.
L’erreur principale de TDF est de considérer que le caractère « mono-produit » sert à qualifier l’entreprise elle-même alors qu’elle sert à qualifier une situation de l’entreprise au regard d’une certaine infraction. Cette conception, qui conduit à accorder cette qualification indépendamment de l’infraction considérée et ne tient donc pas compte du fait que la valeur des ventes en lien avec l’infraction joue un rôle essentiel, revient à faire de ce caractère « mono-produit » une qualité permanente de l’entreprise dont on peut faire le constat à tout moment avant même d’avoir notifié des griefs (pt 345).
Ainsi, un constructeur automobile serait en situation d’entreprise « mono-produit » puisqu’il est essentiellement actif dans le secteur de l’automobile, un opérateur de téléphonie serait « mono-produit » puisqu’il est essentiellement actif dans le secteur des services téléphoniques, un laboratoire pharmaceutique serait « mono-produit » puisqu’il est essentiellement actif dans le secteur du médicament, et ainsi de suite. À ce compte, seules les entreprises diversifiées ou conglomérales ne pourraient bénéficier ex ante de cette qualification d’entreprise « mono-produit » (pt 346).
En réalité, comme cela ressort clairement des points 23, 24 et 48 du communiqué sur les sanctions, la notion de « mono-produit » a été introduite en droit français comme en droit européen dans un but fonctionnel pour traiter de manière individualisée les cas où l’application de la méthode normale de détermination des sanctions aboutirait à des montants disproportionnés (pt 347).
Elle doit donc s’insérer dans un raisonnement sur la détermination de la sanction et non servir à décrire l’activité de l’entreprise sanctionnée. Il ne faut l’utiliser que dans le contexte d’une infraction particulière commise sur des marchés particuliers, aussi bien des marchés de produits que des marchés géographiques, pour qu’elle puise remplir sa fonction : identifier une situation dans laquelle l’assiette de la sanction, c’est-à-dire la valeur des ventes en lien avec l’infraction, est proche du chiffre d’affaires de l’entreprise sanctionnée, ce qui peut conduire à adapter la méthode de détermination de la sanction (pt 348).
Ainsi, ce caractère d’entreprise « mono-produit » peut être reconnu par l’Autorité à une entreprise dans une certaine affaire et refusé à la même entreprise dans une autre affaire si, dans le second cas, la valeur des ventes en lien avec l’infraction est plus faible, quand bien même la situation de l’entreprise en termes de secteurs d’activité serait la même (pt 349).
Dans la présente espèce, la valeur des ventes de TDF en lien avec l’infraction, d’environ 100 millions d’euros, ne représentait qu’une faible part aussi bien du chiffre d’affaires de la société TDF que du chiffre d’affaires consolidé du groupe TDF. Il n’y avait donc pas lieu d’adapter le montant de base dans le sens prévu au point 48 du communiqué sur les sanctions (pt 353)24.
C – Appartenance à un groupe disposant d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes
Le paragraphe 49 du communiqué sanctions prévoit que la sanction d’une entreprise peut être ajustée à la hausse lorsque « l’entreprise concernée dispose d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, notamment par rapport aux autres auteurs de l’infraction » et également lorsque « le groupe auquel appartient l’entreprise concernée dispose lui-même d’une taille, d’une puissance économique ou de ressources globales importantes, cet élément étant pris en compte, en particulier, dans le cas où l’infraction est également imputable à la société qui la contrôle au sein du groupe ».
À titre d’illustration, dans l’affaire des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, après avoir imputé les comportements de deux entreprises auteurs des infractions à leurs sociétés mères respectives, l’Autorité a, afin de garantir le caractère dissuasif de la sanction, augmenté celle-ci de 15 % pour ce qui concerne tant les deux filiales que leur société mère ; l’Autorité avait relevé que les deux groupes avaient respectivement réalisé un chiffre d’affaires annuel de 621 et 238 millions d’euros, chiffre révélant une taille et une puissance économique significativement plus importante que pour les autres auteurs de l’infraction (pt 540)25.
Dans la même ligne, dès lors que le groupe Umicore, dispose d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales importantes, la société mère Umicore SA/NV et sa filiale Umicore France, auxquelles une pratique d’abus de position dominante a été imputée, ont vu leurs sanctions augmenter de 10 %26.
D – Procédure de non-contestation des griefs
Le III de l’article L. 464-2 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques – loi Macron27, permettait au rapporteur général de proposer à l’Autorité de tenir compte, dans le cadre de la détermination de la sanction, du fait qu’une entreprise ou un organisme choisit de ne pas contester les griefs qui lui ont été notifiés.
Cette disposition a été appliquée à deux reprises :
-
dans l’affaire des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, l’une des entreprises s’est vue accorder une réduction de 10 % du montant de la sanction au titre de la procédure de non-contestation des griefs (pt 549)28.
-
dans l’affaire des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide, les entreprises qui se sont engagées à ne pas contester les griefs ont bénéficié d’une réduction de sanction de 16 %. Le niveau de cette réduction tient compte du fait que les entreprises se sont en outre engagées à modifier leur comportement pour l’avenir (pts 242 et s.)29.
E – Procédure de transaction
Trois affaires clôturées en 2016 ont fait l’objet de la procédure de transaction introduite (par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015), au III de l’article L. 464-2 du Code de commerce qui, dans sa nouvelle rédaction dispose que : « Lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée. Lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction. Si, dans un délai fixé par le rapporteur général, l’organisme ou l’entreprise donne son accord à la proposition de transaction, le rapporteur général propose à l’Autorité de la concurrence, qui entend l’entreprise ou l’organisme et le commissaire du Gouvernement sans établissement préalable d’un rapport, de prononcer la sanction pécuniaire (…) dans les limites fixées par la transaction »30.
La première affaire ayant donné lieu à la nouvelle procédure de transaction a concerné le secteur de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipement de cuisine. Il s’agissait d’une affaire dite « hybride » : seules deux entreprises sur trois ont fait l’objet d’une décision de transaction. L’Autorité a choisi de ne pas publier les décisions de transaction31 avant qu’elle ne se prononce sur le sort de l’entreprise n’ayant pas transigé32. Ce faisant, elle ne prend pas le risque de violer les principes de présomption d’innocence et évite que les éventuelles démarches de réparation soient engagées en premier devant les seules entreprises ayant transigé33.
La deuxième affaire ayant donné lieu à une décision de transaction a concerné le secteur de la distribution des produits de grande consommation en outre-mer34.
Enfin, la troisième affaire a porté sur les pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes35. Comme la première affaire, il s’agissait d’une affaire « hybride » dès lors que seule l’une des deux entreprises en cause a fait l’objet d’une décision de transaction.
Dans les trois affaires mentionnées ci-dessus, les gains procéduraux qu’a permis la transaction ont été illustrés par la brièveté des décisions qui ont pris acte du compromis trouvé avec chaque entreprise sans donner le détail des négociations qui ont permis d’aboutir à un accord. L’Autorité a souligné, dans le communiqué de presse publié à l’occasion de l’affaire de la distribution des produits de grande consommation en Outre-mer, que ce respect de la confidentialité sur les modalités et les conditions de la transaction est une garantie offerte aux entreprises qui utiliseront à l’avenir cette procédure.
F – Situation financière des entreprises
Au titre des éléments propres à la situation de chaque entreprise ou organisme en cause, l’Autorité s’est engagée à apprécier les difficultés financières particulières de nature à diminuer la capacité contributive des parties.
Conformément à une pratique constante, elle a ainsi, dans l’affaire des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion, dispensé de toute sanction deux entreprises ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire (pt 555). Dans la même affaire, elle a, au vu de la situation financière d’une autre entreprise, fixé à son égard une sanction de façon forfaitaire à 20 000 € (pt 556)36.
Dans la même ligne, dans l’affaire des pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide, l’une des entreprises a bénéficié d’une réduction de 50 % en raison de ses difficultés financières (pt 247)37.
G – Pratiques mises en œuvre à l’occasion d’appels d’offres
En application du point 23 du communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, la valeur des ventes réalisées par l’entreprise mise en cause pour les biens ou les services en relation avec l’infraction est retenue par la pratique décisionnelle de l’Autorité comme assiette du montant de base pour le calcul de la sanction.
Toutefois, aux termes du point 39 du communiqué, cette méthode peut être adaptée dans les cas particuliers où la référence à la valeur des ventes ou ses modalités de prise en compte aboutiraient à un résultat ne reflétant manifestement pas de façon appropriée l’ampleur économique de l’infraction.
Le communiqué prévoit notamment, au point 67, que la méthode décrite ci-dessus sera adaptée dans les cas de pratiques anticoncurrentielles portant sur un ou plusieurs appels d’offres ponctuels et ne relevant pas d’une infraction complexe et continue. En effet, la valeur des ventes ne constitue pas un indicateur approprié de l’ampleur économique de ces pratiques, qui revêtent un caractère instantané, et du poids relatif de chaque entreprise ou organisme qui y prend part, en particulier lorsque leur implication consiste à réaliser des offres de couverture ou à s’abstenir de soumissionner.
Cette méthode spécifique a notamment été appliquée dans l’affaire des pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin 38.
H – Sanctions forfaitaires
L’Autorité s’affranchit parfois de la méthode décrite dans le communiqué sanctions en fixant les amendes de façon forfaitaire. Tel a été le cas dans l’affaire des agences de mannequins : pour fixer le montant des sanctions, l’Autorité a pris en compte les caractéristiques propres des pratiques reprochées et la grande disparité, notamment de taille, entre les entreprises impliquées qui, pour certaines d’entre elles, ont également connu une forte baisse de leur chiffre d’affaires39.
XII – Opérations de concentration
A – Réalisation anticipée d’opération de concentration
L’Autorité a, une fois de plus, fait application du II de l’article L. 430-8 du Code de commerce qui lui permet d’infliger, en cas de réalisation d’une opération de concentration avant qu’elle ne soit autorisée, une sanction pécuniaire dont le montant peut atteindre, pour les personnes morales en cause, 5 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France lors du dernier exercice clos, augmenté, le cas échéant, de celui qu’a réalisé en France durant la même période la partie acquise.
Elle a en effet sanctionné le groupe Altice, à hauteur de 80 millions d’euros, pour avoir réalisé de manière anticipée la prise de contrôle du groupe SFR ainsi que la prise de contrôle exclusif du groupe OTL.
L’Autorité a rappelé à cet égard que tant que l’autorisation n’a pas été délivrée, les parties à une opération de concentration doivent continuer à se comporter comme des concurrents et s’abstenir, pendant la période dite « suspensive » d’agir comme une entité unique. Or, dans le cas d’espèce, bien que la propriété des actifs n’ait pas été transférée pendant la période suspensive, les éléments du dossier montraient que les comportements mis en œuvre par Altice l’ont conduit à exercer une influence déterminante sur ses cibles et lui ont permis d’accéder à de nombreuses informations stratégiques, avant même d’avoir obtenu le feu vert de l’Autorité.
Dans son communiqué de presse, l’Autorité a souligné l’originalité de la décision : « si des entreprises ont déjà été sanctionnées pour défaut de notification ou pour non-respect d’engagements, il s’agit de la première affaire dans laquelle l’Autorité est amenée à se prononcer sur la réalisation anticipée d’une opération de concentration avant autorisation et à sanctionner spécifiquement ce comportement ». Un auteur a observé dans la même ligne que « le caractère inédit de l’affaire Altice-SFR tient au fait que les entreprises concernées avaient ici respecté l’obligation de notifier l’opération envisagée et avaient même souscrit certains engagements pour obtenir l’autorisation de se rapprocher. Alors qu’elles s’étaient conformées à l’obligation de notifier, elles ont cependant entrepris certaines mesures caractéristiques à la réalisation d’une opération d’acquisition avant que la prise de contrôle envisagée n’ait été autorisée »40.
La sanction, que l’Autorité a qualifiée de conséquente, au regard des sanctions infligées dans de précédents cas de défaut de notification, tient compte : (i) de l’importance des opérations concernées par l’infraction, en termes de montant des acquisitions comme d’impact sur le secteur des télécommunications ; (ii) de l’ampleur et du cumul de comportements variés ayant abouti à la réalisation anticipée des deux opérations, certains de ces comportements ayant un lien direct avec les risques concurrentiels précisément identifiés par l’Autorité dans sa décision d’autorisation ; (iii) de l’ampleur des activités de SFR et Virgin Mobile directement concernées par les comportements ; (iv) de la durée des comportements, qui ont commencé dès avant la notification des opérations et se sont prolongés pendant toute la procédure du contrôle des concentrations ; et (v) du caractère délibéré des comportements reprochés.
Le montant de la sanction tient également compte du fait que les entreprises n’ont pas contesté la réalité des pratiques en cause ni leur qualification juridique41.
B – Restrictions accessoires
Les restrictions accessoires, c’est-à-dire celles qui sont conclues par les parties dans le cadre d’une concentration, peuvent être couvertes par la décision relative à la concentration. La pratique dans ce domaine est très développée en droit de l’Union qui lui consacre une communication ; celle-ci est utilisée par l’Autorité de la concurrence comme un guide d’analyse42.
L’Autorité a, à plusieurs reprises, examiné si les clauses dont elle était saisie pouvaient bénéficier du régime des restrictions accessoires. Au cours de la période de référence, tel a été le cas dans la décision relative à la création d’une entreprise commune (Arial CNP Assurances) par AG2R La Mondiale et CNP Assurances. Les parties notifiantes avaient présenté plusieurs accords qu’elles considéraient comme formant un « tout indivisible ». L’Autorité a admis la qualification de restriction accessoire s’agissant de l’obligation de non-concurrence des sociétés mères vis-à-vis d’Arial CNP Assurances pendant la durée de vie de l’entreprise commune. En effet, elle était limitée aux produits couverts par l’accord portant création de l’entreprise commune (conception, production et assurance du risque lié à l’épargne retraite collective). En revanche, elle a considéré que ne constituait pas une restriction accessoire un contrat de distribution exclusive par lequel les sociétés mères s’engageaient à distribuer exclusivement les contrats conçus par Arial CNP Assurances pour les produits d’épargne retraite collective. Ce type de contrat est en principe considéré comme accessoire s’il n’existe que pour une « période transitoire de 5 ans au maximum ». Cependant, en l’espèce, la durée prévue excédait 5 ans. Le contrat n’était donc pas une restriction strictement nécessaire à la réalisation de la concentration. Le même sort a été réservé à un accord commercial conclu entre CNP Assurances et AG2R La Mondiale. Celui-ci était juridiquement lié à la création de l’entreprise commune mais n’entrait pas dans le périmètre de l’opération et ne constituait donc pas une restriction accessoire puisqu’il n’était pas nécessaire à l’opération de concentration43.
C – Défaut de respect d’engagements
L’Autorité a infligé une sanction de 15 millions d’euros au groupe Altice/Numericable auquel elle a reproché de ne pas avoir respecté certains des engagements liés à la cession des activités de téléphonie mobile d’Outremer Telecom (OMT) qui avaient été pris à l’occasion du rachat de SFR
On se souvient que le 30 octobre 2014, elle avait autorisé cette opération, mais afin de remédier au pouvoir de marché significatif qu’auraient acquis Numericable et Altice dans le secteur de la téléphonie mobile dans l’Océan Indien, Altice et Numericable se sont engagées à céder les activités de téléphonie mobile d’OMT à La Réunion et Mayotte. Les deux entreprises se sont également engagées, dans l’attente de la cession, à faire leurs meilleurs efforts pour éviter tout risque de perte de compétitivité de l’activité cédée et à ne pas altérer la stratégie commerciale de cette activité.
Pour l’Autorité, en appliquant des hausses substantielles au prix des forfaits de téléphonie mobile d’OMT à La Réunion et à Mayotte, le groupe Altice/Numericable a enfreint ses obligations. Elle a souligné à cet égard que les hausses de prix ont pris une forme et une ampleur inédite pour un opérateur dans la situation d’OMT à La Réunion et à Mayotte puisque les hausses ont touché non seulement les nouveaux clients mais aussi les clients déjà en parc, ce qui est une pratique commerciale extrêmement rare.
Surtout, ces hausses tarifaires ont fait peser un risque important sur la compétitivité des offres d’OMT, en donnant la possibilité aux clients de résilier leur abonnement sans frais.
Des circonstances aggravantes ont par ailleurs été retenues, notamment le fait de n’avoir pas informé l’Autorité des hausses de prix envisagées, que ce soit pendant l’examen de l’opération ou après son autorisation44.
D – Demande de révision anticipée d’injonctions
La demande de révision anticipée d’injonctions présentée par le Groupe Canal Plus retiendra également l’attention. On se souvient qu’en 2011, l’Autorité de la concurrence avait retiré la décision d’autorisation prise par le ministre dans l’affaire TPS et CanalSatellite/Groupe Canal Plus/Vivendi Universal après avoir constaté que le Groupe Canal Plus n’avait pas respecté des engagements qu’il avait pris45.
L’opération avait été renotifiée et l’Autorité l’avait de nouveau autorisée, en 2012, sous réserve du respect d’un certain nombre d’injonctions de nature à rétablir une concurrence suffisante sur les marchés de la télévision payante.
Les injonctions ont été prononcées pour une période de cinq ans, à l’issue de laquelle était prévue une nouvelle analyse concurrentielle afin d’examiner la pertinence de leur maintien. La décision de l’Autorité prévoyait également la possibilité pour les groupes Vivendi et Canal Plus de demander la levée ou la modification de ces mesures en cas d’évolution significative des conditions de marché.
GPC a cru pouvoir mettre à profit cette possibilité, à propos de l’obligation qui lui avait été faite de reprendre au sein de CanalSat la distribution de chaînes premium, notamment de sport, en distribution non exclusive.
La demande de révision présentée par GCP visait à obtenir l’autorisation d’acquérir les droits de diffusion exclusive de toute chaîne premium indépendante relevant de la thématique sportive, dans le but de conclure un contrat de distribution exclusive des chaînes beIN Sports.
Elle s’est heurtée à un refus de l’Autorité, qui a considéré que la révision anticipée des injonctions n° 4(a) et 8(a), fut-elle accompagnée de l’adoption des engagements proposés par GCP, ne se justifiait pas à la présente date.
Les circonstances de droit ou de fait prises en compte en 2012 n’ont en effet pas été modifiées de manière significative au point de remettre en cause l’analyse concurrentielle menée en 2012 justifiant les injonctions n° 4(a) et 8(a), qui demeurent donc nécessaires.
L’Autorité a justifié sa décision en relevant que, sur le marché amont de l’acquisition de droits sportifs, comme en 2012, GCP et beIN Sports détiennent les droits de diffusion de la quasi-totalité des compétitions sportives les plus attractives, en particulier en matière de droits du football (Ligue 1). La structure de marché, proche d’un duopole entre GCP et beIN Sports, reste caractérisée par la dominance de GCP. L’acquisition des droits de la Premier League anglaise par le groupe Altice, reste à ce jour une expérience isolée et ne démontre donc pas l’émergence d’une concurrence suffisante et pérenne sur le marché.
L’Autorité s’est cependant engagée, dans un délai de douze mois, à réexaminer l’ensemble des injonctions imposées en 2012 afin de définir un cadre clair et prévisible pour la période 2017-202246.
Notes de bas de pages
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1.
CE, 10 oct. 2014, n° 367807 : AJCA 2014, p. 386, obs. Luc I.
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2.
CE, 10 oct. 2014, préc.
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3.
Aut. conc., n° 16-D-18, 8 sept. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la protection sociale des étudiants.
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4.
Aut. conc., n° 16-D-30, 21 déc. 2016, pratiques de la confédération nationale du Crédit Mutuel dans le secteur bancaire.
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5.
Aut. conc., n° 16-D-26, 24 nov. 2016, pratiques mises en œuvre par le Groupement des installateurs français dans le secteur de la fourniture, l’installation et de la maintenance d’équipements professionnels de cuisine.
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6.
CEDH, 12 juill. 1988, Schenk c/ Suisse ; CE:ECHR:1988:0712JUD001086284, § 48.
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7.
Trib. UE, 8 sept. 2016, n° T-54/14, Goldfish BV ; Grangeon J., « La preuve en droit de la concurrence : la fin justifie les moyens », RLC 2016/56, n° 3094.
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8.
Aut. conc., n° 16-D-21, 6 oct. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur des titres-restaurant.
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9.
Aut. conc., n° 16-MC-02, 2 mai 2016, demande de mesures conservatoires présentée par la société Direct Energie dans le secteur de l’énergie.
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10.
CA Paris, 28 juill. 2016, n° 16/11253, Sté Direct Energie c/ Sté Engie.
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11.
Aut. conc., n° 16-D-02, 27 janv. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin.
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12.
Aut. conc., n° 16-D-02, préc.
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13.
Aut. conc., n° 11-DCC-87, 10 juin 2011, prise de contrôle exclusif de la société Media Concorde SNC par la société High Tech Multicanal Group.
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14.
Aut. conc., n° 12-A-20, 18 sept. 2012, fonctionnement concurrentiel du commerce électronique.
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15.
Aut. conc., n° 16-DCC-111, 27 juill. 2016, prise de contrôle exclusif de Darty par la Fnac ; de Bures F. et Bary L., « Ventes hors lignes : l’Autorité de la concurrence au milieu du gué. Retour sur la décision Fnac/Darty », RLC 2017/57, n° 3106.
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16.
Aut. conc., n° 16-D-03, 10 févr. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur des déchets d’équipements électriques et électroniques.
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17.
Aut. conc., n° 16-D-11, 6 juin 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre.
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18.
Aut. conc., n° 16- D-11, préc.
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19.
Aut. conc., n° 16-D-14, 23 juin 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment.
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20.
Aut. conc., n° 16-D-15 du 6 juill. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des produits de grande consommation en outre-mer.
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21.
Aut. conc., n° 16-D-20, 29 sept. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur des prestations réalisées par les agences de mannequins.
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22.
Aut. conc., n° 16-D-26, préc.
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23.
Aut. conc., n° 16-D-09, 12 mai 2016, pratiques mises en œuvre dans les secteurs des armatures métalliques et des treillis soudés sur l’île de la Réunion.
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24.
Aut. conc., n° 16-D-11, préc. ; v. aussi dans le même sens, Aut. conc., n° 16-D-14, préc.
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25.
Aut. conc., n° 16-D-09, préc.
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26.
Aut. conc., n° 16-D-14, préc.
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27.
Arhel P., « Volet “concurrence” de la loi Macron pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », LPA 29 sept. 2015, p. 7 et s.
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28.
Aut. conc., n° 16-D-09, préc.
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29.
Aut. conc., n° 16-D-17, 21 juill. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur des appareils de chauffage mobiles à combustible liquide.
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30.
À ces trois affaires, il convient d’ajouter la décision n° 16-D-24 du 8 nov. 2016, relative à la situation du Groupe Altice au regard du II de l’article L. 430-8. Le comportement des entreprises en cause, qui ont réalisé de façon anticipée une opération de concentration (v. infra), a été sanctionné, à hauteur de 80 millions d’euros, au terme d’une procédure de transaction par laquelle Altice s’est engagé à se désister de l’action contentieuse relative aux opérations de visite et saisie et à s’abstenir d’exercer un recours contentieux contre la décision de l’Autorité dans la présente affaire. On notera cependant que cette dernière décision était fondée exclusivement sur l’article L. 430-8, II, qui sanctionne la réalisation anticipée d’une opération de concentration, sans viser l’article L. 464-2, III, relatif à la procédure de transaction.
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31.
Aut. conc., n° 16-D-05, 13 avr. 2016, pratiques mises en œuvre par la société Eurochef dans le secteur de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipements professionnels de cuisine ; Aut. conc., n° 16-D-06, 13 avr. 2016, pratiques mises en œuvre par le GAFIC dans le secteur de la fourniture, l’installation et la maintenance d’équipements professionnels de cuisine.
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32.
Aut. conc., n° 16-D-26, préc.
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33.
Krenzer A., « Les entreprises et l’Autorité de la concurrence : l’actualité de l’évolution des procédures de coopération », RLC 2016/55, n° 3072.
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34.
Aut. conc., n° 16-D-15, préc.
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35.
Aut. conc., n° 16-D-27, pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes.
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36.
Aut. conc., n° 16-D-09, préc
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37.
Aut. conc., n° 16-D-17, préc.
-
38.
Aut. conc., n° 16-D-02, 27 janv. 2016, pratiques mises en œuvre dans le secteur du transport scolaire par autocar dans le Bas-Rhin ; v. aussi Aut. conc., n° 16-D-28, 6 déc. 2016, pratiques mises en œuvre sur le marché de l’assistance foncière de l’établissement public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes.
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39.
Aut. conc., n° 16-D-20, préc.
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40.
Audran F., « Gun jumping : l’Autorité française dégaine la première », RLC 2017/60, n° 3164.
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41.
Aut. conc., n° 16-D-24, 8 nov. 2016, situation du Groupe Altice au regard du II de l’article L. 430-8.
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42.
Aut. conc., n° 536, 13 juill. 2013, Lignes directrices.
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43.
Aut. conc., n° 16-DCC-34, 10 mars 2016.
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44.
Aut. conc., n° 16-D-07, 19 avr. 2016, respect de l’engagement de cession des activités de téléphonie mobile d’Outremer Telecom à La Réunion et à Mayotte figurant dans la décision autorisant l’acquisition de SFR par le groupe Altice.
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45.
Aut. conc., n° 11-D-12, 20 sept. 2011.
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46.
Aut. conc., communiqué de presse 9 juin 2016.