Liberté de la tête du réseau de distribution sélective de choisir ses distributeurs et réparateurs

Publié le 28/12/2022
Liberté de la tête du réseau de distribution sélective de choisir ses distributeurs et réparateurs
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La Cour de cassation rejette les pourvois d’anciens distributeurs qui se heurtaient à un refus de leur agrément.

Cass. com., 16 févr. 2022, no 20-11754

Cass. com., 16 févr. 2022, no 21-10451

Cass. com., 16 févr. 2022, no 20-18615

La chambre commerciale de la Cour de cassation a, dans trois arrêts rendus le 16 février 2022, rejeté les pourvois d’anciens réparateurs des réseaux de distribution Mercedes et Hyundai qui reprochaient à ces constructeurs d’avoir refusé de renouveler leur agrément de distributeur ou de réparateur.

I – Affaire Mercedes

Le présent litige oppose un ancien concessionnaire Mercedes-Benz à la tête du réseau de distribution.

Le distributeur a été concessionnaire exclusif pour la distribution et la réparation des véhicules de cette marque, jusqu’à la résiliation du contrat en 2003. Il a contesté en justice tant cette résiliation que le refus d’examen de sa nouvelle candidature à un agrément comme distributeur de véhicules neufs ; ses demandes en réparation du préjudice ont été rejetées en appel. Ce contentieux s’est par ailleurs traduit par une perte de confiance entre les deux parties.

En 2002, le concessionnaire avait conclu un contrat de réparateur agréé avec la société Mercedes-Benz. Cette dernière y a mis fin, à effet en 2016.

Reprochant à la société Mercedes-Benz le rejet de sa nouvelle demande d’agrément en qualité de réparateur, l’ancien distributeur l’a assignée afin qu’il lui soit enjoint de l’agréer en cette qualité et qu’elle soit condamnée à réparer son préjudice.

Au stade du pourvoi, le distributeur a fait grief à la cour d’appel de Paris d’avoir rejeté ses demandes, mais sans succès.

Un premier moyen faisait valoir que l’exigence de bonne foi requiert, de la part de la tête d’un réseau de distribution sélective qualitative, la détermination d’un processus de sélection fondé sur des critères définis et objectivement fixés et la mise en œuvre de ces critères de façon non discriminatoire ; en retenant que la société Mercedes-Benz pouvait, sans manquer à son obligation de bonne foi, refuser d’examiner la candidature du distributeur à son réseau de distribution sélective qualitative, alors que le distributeur remplissait les critères de sélection, la cour d’appel aurait violé l’ancien article 1382 du Code civil.

La Cour de cassation refuse d’accueillir le moyen : « si pour assurer la libre concurrence sur le marché, le droit de la concurrence impose à la tête d’un réseau de distribution et de réparation sélectives qualitatives de déterminer les critères de sélection requis par la nature des biens distribués ou réparés ou des services effectués et de les mettre en œuvre uniformément et de manière non discriminatoire, cette exigence ne relève pas de l’obligation de bonne foi contractuelle ».

La chambre commerciale a par ailleurs approuvé la cour d’appel d’avoir considéré que l’abus du droit de ne pas contracter n’était pas caractérisé dès lors que la société Mercedes-Benz avait, loyalement, sans intention vindicative ni autre intention de nuire, fait état du contentieux ayant opposé les parties à l’occasion du contrat antérieur de concession exclusive, faisant ressortir l’impérieuse nécessité de la confiance réciproque entre les parties pour que la conclusion d’un contrat puisse être envisagée.

La Cour de cassation rejette un deuxième moyen en énonçant que : « Ni le droit européen, ni le droit national de la concurrence ne prohibent le seul refus, par l’opérateur à la tête d’un réseau de distribution sélective qualitative, d’agréer des distributeurs qui remplissent les critères de sélection ». Elle précise que « seule une mise en œuvre discriminatoire de ces derniers ayant pour objet ou pour effet de fausser la concurrence ou un refus ayant le même objet ou effet [est prohibée] par les articles 101, § 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et L. 420-1 du Code de commerce »1.

La jurisprudence est riche de telles pratiques discriminatoires condamnées sur le fondement du droit des ententes. Par exemple, l’ancien Conseil de la concurrence a condamné plusieurs fournisseurs qui ont livré des distributeurs ne répondant pas aux critères de sélection2. La Cour de justice des Communautés européennes a également considéré qu’« un système de distribution sélective est interdit par l’article 81, paragraphe 1er, du traité de Rome si l’application des critères régissant le choix des revendeurs s’effectue de façon moins sévère à l’égard des entreprises appartenant à un certain groupe d’entreprises qu’à l’égard d’autres détaillants »3.

II – Affaires Hyundai

Reprochant le caractère fautif des résiliations successives de leurs contrats de distribution ou de réparation, deux anciens réparateurs ont assigné Hyundai en réparation de leur préjudice.

Leur pourvoi est rejeté par la chambre commerciale qui rappelle que « le principe de la liberté contractuelle et la prohibition des engagements perpétuels s’opposent à la reconnaissance d’un droit à l’agrément d’un ancien membre d’un réseau de distribution ». Et la Cour d’ajouter que « l’obligation de bonne foi contractuelle n’impose à la tête d’un réseau de distribution ni la détermination ni la mise en œuvre d’un processus de sélection des distributeurs sur le fondement de critères définis et objectivement fixés ni l’application de ceux-ci de manière non discriminatoire ».

Par ailleurs, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu qu’un système de distribution sélective dans lequel la tête de réseau refuse son agrément sans avoir évalué la candidature sur la base des critères qualitatifs prédéfinis ne perd pas le bénéfice de l’exemption conférée par le règlement (UE) n° 330/2010 du 20 avril 2010 sur les accords verticaux4.

Notes de bas de pages

  • 1.
    Cass. com., 16 févr. 2022, n° 20-11754, Mercedes.
  • 2.
    Par ex. : Cons. conc., 5 déc. 1989, n° 89-D-43, Chaussure de sport haute et moyenne gamme : BOCCRF, 3 janv. 1990 ; Rec. Lamy, n° 381 ; Cons. conc., 27 oct. 1998, n° 98-D-67, Distribution d’articles de prêt-à-porter féminin : BOCCRF, 31 mars 1999 ; Lettre distrib. avr. 1999 ; Contrats conc. consom. 1999. comm. 93, obs. M. Malaurie-Vignal.
  • 3.
    CJCE, 3 juill. 1985, n° C-243/83, Binon ; Rec. 1985-2015.
  • 4.
    Cass. com., 16 févr. 2022, nos 21-10451 et 20-18615, Hyundai.
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