Produits alimentaires : mieux informer pour moins gaspiller ?

Publié le 07/03/2023
DLC, produit
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Le décret n° 2022-1440 du 17 novembre 2022 précise de quelle manière les opérateurs peuvent désormais compléter l’information sur la date de durabilité minimale d’un produit alimentaire afin d’informer les consommateurs que le produit reste consommable après cette date. Retour sur la portée et les objectifs de cette mesure.

D. n° 2022-1440, 17 nov. 2022, relatif aux modalités de l’information des consommateurs au sujet du caractère consommable des denrées alimentaires, NOR : ECOC2230422D

Date limite de consommation (DLC) et date de durabilité minimale (DDM), quelles différences ?

Le règlement n° 1169/2011 concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires (dit règlement INCO) exige, s’agissant des denrées alimentaires préemballées, que le consommateur soit informé sur la DDM ou la DLC. Le règlement INCO définit la DDM comme la date jusqu’à laquelle la denrée alimentaire conserve ses propriétés spécifiques dans des conditions de conservation appropriées.

Lorsque le produit alimentaire est microbiologiquement très périssable et donc susceptible de présenter, après une courte période, un danger immédiat pour la santé humaine, une DLC doit être communiquée. Cette DLC, indiquée sous la forme « à consommer jusqu’au », a vocation à informer les consommateurs que, pour des raisons de sécurité alimentaire, les denrées ne doivent pas être consommées après cette date.

À l’inverse, la DDM, indiquée sous la forme « à consommer de préférence avant », signifie que l’aliment pourra être consommé en toute sécurité après cette date mais que ses qualités organoleptiques pourraient être altérées (goût, texture, aspect…). La date se compose de l’indication, en clair et dans l’ordre, du jour, du mois et, éventuellement, de l’année. Toutefois, pour les denrées alimentaires dont la durabilité :

  • est inférieure à 3 mois, l’indication du jour et du mois est suffisante ;

  • est supérieure à 3 mois, mais n’excède pas 18 mois, l’indication du mois et de l’année est suffisante ;

  • est supérieure à 18 mois, l’indication de l’année suffit.

L’annexe X du règlement INCO prévoit également que, pour certains produits (vins, fruits et légumes frais qui n’ont pas fait l’objet d’un épluchage, découpage ou d’autres traitements similaires, sel, vinaigres…), l’inscription d’une DDM n’est pas requise. La France est allée plus loin afin de lutter contre le gaspillage alimentaire en interdisant l’inscription de la DDM sur les produits alimentaires pour lesquels elle n’est pas requise par le règlement INCO1.

Les dates de péremption, facteur de gaspillage alimentaire

Les dates de péremption seraient responsables de 10 % du gaspillage alimentaire dans l’Union Européenne2 et, plus particulièrement, de 5 % du gaspillage alimentaire au niveau de la production, entre 55 et 94,8 % au niveau de la distribution et, enfin, à hauteur de 20 % dans les foyers3.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène, notamment :

  • l’absence de données fiables sur les risques en termes de sécurité alimentaire, pouvant conduire les producteurs, qui peuvent librement fixer la date de consommation de leurs produits, à opter pour une DLC plutôt qu’une DDM ;

  • une approche précautionneuse des producteurs, indiquant volontairement une date de consommation plus courte que la date réelle à laquelle le produit ne doit effectivement plus être consommé. Cette approche vise notamment à pallier une diminution de la qualité du produit, laquelle est susceptible d’inciter le consommateur à le jeter. Cette date plus courte permet ainsi d’assurer une certaine loyauté vis-à-vis du consommateur et de maintenir l’image de marque du producteur, en garantissant que, pendant la période indiquée, les produits seront au maximum de leurs qualités organoleptiques et nutritionnelles ;

  • un facteur économique : plus les dates de péremption sont courtes, plus elles favorisent la rotation des stocks, et donc la production et la demande des consommateurs ;

  • une mauvaise rotation des stocks : dans les relations entre producteurs et distributeurs, les producteurs sont généralement contraints de livrer les produits lors de leur premier tiers de temps de vie afin qu’ils puissent être vendus plus longtemps. Une partie de la production est donc susceptible d’être jetée en raison du fait que les produits n’ont pas pu être livrés avant cette échéance du « tiers de vie ». Au stade de la distribution, les produits plus anciens sont parfois relayés au fond du rayon, cachés derrière des produits plus récents. Les produits plus anciens sont ainsi négligés par le consommateur et sont donc davantage susceptibles de devenir des déchets alimentaires ;

  • le comportement prudent du consommateur en raison d’un manque de compréhension et d’orientation concernant la sécurité et la qualité du produit une fois la date passée ;

  • un manque de sensibilisation des différents acteurs : les distributeurs ne sont pas toujours suffisamment sensibilisés sur la possibilité de donner, voire de vendre, des produits dont la DDM est dépassée. Parallèlement, le manque de pédagogie vis-à-vis des consommateurs conduit ces derniers à considérer les produits à DDM dépassée comme périmés. Les produits sont alors jetés sans aucune revalorisation.

La réduction du gaspillage alimentaire passe donc à la fois par une meilleure détermination de la date de consommation sur les denrées alimentaires par les producteurs mais aussi par une amélioration de l’information et de la compréhension de cette date par tous les acteurs et, en particulier, par les consommateurs.

Une avancée française, bientôt étendue au niveau européen ?

La loi du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi AGEC), a fixé comme objectif de réduire le gaspillage alimentaire en France de 50 % d’ici 2025 par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la distribution alimentaire et de la restauration collective et, d’ici 2030, de 50 % par rapport à son niveau de 2015 dans les domaines de la consommation, de la production, de la transformation et de la restauration commerciale4.

Dans cette optique, l’article 35 de la loi AGEC a expressément prévu que, lorsqu’un produit alimentaire comporte une DDM, celle-ci peut être accompagnée d’une mention informant les consommateurs que le produit reste consommable après cette date.

Le décret du 17 novembre 2022 précise cette possibilité en prévoyant que les opérateurs peuvent désormais compléter la mention « à consommer de préférence avant » avec l’une des mentions suivantes :

  • « pour une dégustation optimale », avant l’indication de la DDM ;

  • « ce produit peut être consommé après cette date » ou toute autre mention au sens équivalent pour le consommateur, dans le champ visuel de l’indication de la DDM ;

  • ou la combinaison des deux mentions précédentes.

La formule « pour une dégustation optimale » avait été proposée dans le cadre du « pacte sur les dates de consommation » lancé en 2020 par l’entreprise Too Good to Go qui œuvre depuis plusieurs années contre le gaspillage alimentaire et signé par plus de 60 parties prenantes (institutions, industriels, distributeurs, fédérations, associations…). Cette formulation avait été plébiscitée par deux tiers des répondants à une étude consommateur. Dans le cadre de ce pacte, un pictogramme « Date dépassée ? Avant de jeter, observez, sentez, goûtez » a été développé et figure d’ores et déjà sur plus de 300 millions de produits en France5.

Il convient de noter que le décret s’applique uniquement aux denrées alimentaires fabriquées et commercialisées en France.

Ainsi, pour les produits alimentaires fabriqués hors de France, la modification attendue du règlement INCO devrait être déterminante et permettre le maintien d’informations uniformes sur le marquage de la date dans toute l’Union européenne. L’analyse d’impact initiale6 de la Commission européenne sur la modification du règlement INCO mentionne quatre options :

  • aucune révision du règlement sur le marquage de la date ;

  • révision des règles sur la date de durabilité, pour notamment étendre la liste des denrées alimentaires pour lesquelles la DDM n’est pas requise, en particulier pour des produits non périssables sur le long terme tels que les pâtes, le riz, le café ou encore le thé ;

  • révision des règles et suppression du concept de DDM : seule l’information sur la DLC serait maintenue pour des raisons de santé et de sécurité ;

  • modification de la formulation et de la présentation du marquage de la date de consommation (terminologie, format, présentation visuelle) afin d’améliorer la compréhension des différences entre enjeux de sécurité alimentaire et altération de la qualité uniquement. Ces modifications, qui seraient adaptées à la langue et à la compréhension des consommateurs dans chaque État membre, pourraient inclure des formulations alternatives ou complémentaires telles qu’« à consommer de préférence avant [date], souvent bon après » ainsi que des changements de format, de mise en page et de couleur en imposant par exemple une charte graphique (ex : rouge pour les DLC et vert pour les DDM).

Selon les résultats de la consultation publique, 70 % des répondants étaient « tout à fait d’accord » ou « d’accord » sur le fait que la dernière option permettrait une meilleure compréhension des dates de péremption par les consommateurs7.

Une proposition de révision du règlement INCO devrait être publiée en 2023. La France sera alors peut-être contrainte de modifier ce nouveau décret pour assurer une complète harmonisation de l’information sur les dates de consommation au niveau européen. Affaire à suivre…

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2015-992, 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte, art. 103.
  • 2.
    Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (Comm. UE), rapp., 7 févr. 2018, Market study on date marking and other information provided on food labels and food waste prevention, https://lext.so/ITzdOx.
  • 3.
    Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (Comm. UE), rapp., 7 févr. 2018, Market study on date marking and other information provided on food labels and food waste prevention, https://lext.so/ITzdOx.
  • 4.
    C. envir., art. L. 541-1, 10°.
  • 5.
    Too Good To Go, communiqué de presse, « Too Good To Go salue le décret sur l’ajout d’une mention pour sensibiliser le consommateur aux dates de consommation », nov. 2022 : https://lext.so/BkmUfW.
  • 6.
    Comm. UE, 23 déc. 2020, Inception impact assessment, Ares(2020)7905364.
  • 7.
    Comm. UE, 3 mai 2022, Factual summary report of the online public consultation in support of the revision of the Food Information to Consumers regulation, Ares(2022)3403916.
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