Prévention des risques et sécurité des produits : aperçu des obligations légales et réglementaires pesant sur les professionnels
La survenance d’un défaut susceptible de porter atteinte à la sécurité des consommateurs constitue indiscutablement, pour les fabricants et distributeurs de produits mis sur le marché, un événement majeur face auquel il leur appartient de savoir réagir. En tant que professionnels soumis à une obligation générale de sécurité, ces derniers doivent en effet tout mettre en œuvre pour prévenir la survenance du risque. Le présent article a donc pour objet de décrire les obligations légales et réglementaires qui pèsent sur les professionnels concernés et plus particulièrement quant au suivi des produits, à l’évaluation du risque qu’ils peuvent poser, à la prise de mesures correctives ainsi qu’à la notification des autorités.
L’actualité récente a une nouvelle fois illustré l’importance, pour les producteurs et distributeurs de produits, de prêter la plus grande attention à la sécurité des produits qu’ils mettent sur le marché et qui sont destinés aux consommateurs.
Si le législateur, tant communautaire que national, traite avant tout de la question des dommages causés aux consommateurs en établissant des normes, en interdisant la mise sur le marché de certains produits dangereux et en mettant en place des mécanismes de réparation, il a également établi une « obligation générale de sécurité des consommateurs » qui impose aux producteurs et distributeurs des obligations de suivi des produits, d’information des consommateurs et des autorités en cas de survenance d’un risque mais également de mise en œuvre d’actions visant à prévenir les dommages.
C’est le sens de la directive européenne du 3 décembre 2001 dite Directive sur la sécurité générale des produits (DSGP)1, qui se donne comme objectif « d’assurer que les produits mis sur le marché soient sûrs » et « d’établir un niveau élevé de protection du consommateur », et qui a été transposée en droit français dans les articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation, insérés dans un chapitre nommé : « Prévention » du livre II relatif à la sécurité et à la conformité des produits.
En application de ces dispositions, « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». Le législateur a toutefois souhaité exclure certains produits de l’obligation générale de sécurité, comme c’est le cas, selon l’article L. 221-1-1 du Code de la consommation, pour les « antiquités et [aux] produits d’occasion nécessitant une réparation ou une remise en état préalablement à leur utilisation lorsque le fournisseur informe la personne à laquelle il fournit le produit de la nécessité de cette réparation ou de cette remise en état ».
Le législateur a également défini ceux sur qui pèse cette obligation de sécurité, et qui doivent prendre « toutes mesures utiles pour contribuer au respect de l’ensemble des obligations de sécurité du produit », soit :
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d’une part, les producteurs, à savoir les fabricants, leurs représentants et tout autre professionnel de la chaîne de commercialisation dont l’activité peut affecter les caractéristiques de sécurité du produit ;
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d’autre part, les distributeurs, à savoir tout professionnel de la chaîne de commercialisation dont l’activité n’a pas d’incidence sur les caractéristiques de sécurité du produit.
En pratique, sous les réserves exposées, les obligations qui pèsent sur les producteurs et distributeurs ne sont pas strictement identiques. Ainsi, le producteur est tenu de fournir au consommateur les informations utiles lui permettant d’évaluer les risques inhérents à un produit pendant sa durée d’utilisation normale ou raisonnablement prévisible et de s’en prémunir, lorsque ces risques ne sont pas immédiatement perceptibles par le consommateur sans un avertissement adéquat2. Il doit également3 « se tenir informé des risques que les produits qu’il commercialise peuvent présenter »4,
Les obligations des distributeurs reflètent davantage la nature de leurs activités : ils sont donc soumis à des obligations complémentaires à celles pesant sur les producteurs, et notamment l’interdiction de fournir des produits dont ils savent, sur la base d’informations en leur possession et en leur qualité de professionnel, « qu’ils ne satisfont pas aux obligations de sécurités définies au présent chapitre »5. Ils doivent également participer au suivi de la sécurité des produits mis sur le marché par :
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la transmission des informations concernant les risques liés à ces produits ;
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la tenue et la fourniture des documents nécessaires pour assurer leur traçabilité ;
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la collaboration aux actions engagées par les producteurs et les autorités administratives pour éviter ces risques.
En tout état de cause, la découverte d’un risque constitue un événement majeur qui requiert une réaction immédiate et méthodique, à savoir une évaluation de la nature du risque auquel les consommateurs sont susceptibles d’être exposés (I), la prise des mesures correctives adéquates (II) et le cas échéant, la notification aux autorités compétentes (III).
I – L’évaluation du risque, préalable nécessaire à toute action
L’évaluation du risque causé par un produit est essentielle puisqu’elle détermine la mise en œuvre de mesures correctrices et de notification des autorités, tel qu’il sera exposé plus loin.
Le Code de la consommation, dans ses dispositions relatives à la sécurité des produits, n’offre cependant pas de véritable grille d’évaluation en la matière, l’article L. 221-1 du Code de la consommation se contentant d’indiquer que les produits doivent présenter « la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ».
C’est dans cet objectif que la Commission européenne a publié en 2010 de nouvelles lignes directives (décision de l’UE n° 2010/15 du 16 décembre 2009) pour la gestion du système communautaire d’échange rapide d’information (RAPEX) et de la procédure de notification. Si ces dernières ne sont pas directement destinées aux producteurs et distributeurs, elles leurs fournissent des informations précieuses sur la méthodologie à suivre aux fins d’évaluation du risque.
Le niveau du risque résulte ainsi de la combinaison entre la gravité des dommages potentiels causés par le produit au consommateur et la probabilité que ces dommages surviennent, qui peut être obtenue en procédant à l’analyse suivante :
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identifier le danger : sa nature, ses causes, les produits et type de consommateurs concernés ;
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évaluer le niveau de risque : la gravité du dommage et sa probabilité, ce qui nécessite de déterminer le nombre de produits défectueux en circulation sur le marché ;
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évaluer si le niveau du risque, tel qu’identifié, est acceptable pour les consommateurs, ce qui peut varier suivant leur état de vulnérabilité (enfants en bas âge, personnes âgées etc.).
Le risque général sera alors qualifié de grave, élevé, moyen ou faible, permettant de déclencher le type d’actions à mettre en œuvre.
II – La prise de mesures correctives visant à empêcher la réalisation du risque
Une fois le risque évalué, les producteurs doivent tout mettre en œuvre pour éviter que des dommages soient causés aux consommateurs et, à cet égard, le Code de la consommation fournit une liste non-exhaustive des mesures correctives à adopter, à savoir, le cas échéant :
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le retrait du marché ;
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la mise en garde adéquate et efficace des consommateurs ;
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le rappel auprès des consommateurs des produits mis sur le marché6.
Le Code de la consommation ajoute que ces mesures peuvent notamment consister en la réalisation d’essais par sondage ou en l’indication sur le produit ou son emballage d’un mode d’emploi, de l’identité et de l’adresse du producteur, de la référence du produit ou du lot de produits auquel il appartient7.
Au-delà de ces prescriptions légales, c’est bien au fabricant qu’il appartient d’agir, sans attendre l’intervention des pouvoirs publics et en fonction du niveau général du risque tel qu’il aura été préalablement évalué. Les distributeurs peuvent dans ce contexte être amenés à coopérer à l’application des mesures correctives, qui peuvent consister, suivant la nature du risque, en :
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des modifications du produit et/ou de son procédé de fabrication ;
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la modification des instructions d’utilisation fournies aux consommateurs ;
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l’envoi de pièces de rechange chez le consommateur, accompagnées des explications adéquates et d’un suivi ;
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la demande faite au consommateur de renvoyer lui-même le produit afin qu’il soit modifié et retourné ou bien remboursé ;
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enfin, un rappel du produit.
Le rappel du produit constitue bien entendu la plus lourde des mesures correctives. Coûteuse, complexe à organiser et ayant des conséquences majeures en termes d’image pour les producteurs, cette mesure n’interviendra que dans les cas les plus graves dans lesquels la sécurité des consommateurs est directement en jeu.
Pour être mises en œuvre, ces démarches requièrent la traçabilité des produits et des consommateurs concernés afin que l’information puisse leur être délivrée.
Nécessaire, la prise de mesures correctrices peut toutefois s’avérer insuffisante puisque le cas échéant, elle doit s’accompagner d’une notification auprès des autorités compétentes, visant à permettre à ces dernières d’adopter, à leur tour, toute mesure visant à assurer la sécurité des consommateurs.
III – Information des autorités compétentes : les notifications que l’opérateur doit effectuer
Tout producteur ou distributeur qui sait que les produits destinés aux consommateurs qu’il a mis sur le marché ne répondent pas à l’obligation générale de sécurité doit en informer les autorités publiques compétentes, tout en précisant les mesures correctrices qu’il met en œuvre pour assurer la sécurité des consommateurs8.
Les modalités de cette notification sont définies par arrêtés ministériels, étant entendu que tant le producteur que le distributeur ne pourraient s’exonérer de cette obligation « en soutenant n’avoir pas eu connaissance des risques qu’ils ne pouvaient raisonnablement ignorer »9.
Un avis du 10 juillet 2004, remplacé par un avis du 11 février 2012, ainsi qu’un arrêté ministériel du 9 septembre 2004 précisent les modalités à suivre.
En France, les autorités compétentes sont la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les produits non alimentaires, la Direction générale de l’alimentation (DGAL) pour les produits alimentaires et enfin la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) pour les véhicules et les équipements10.
Selon les indications données par l’avis de 2012 précité, cette notification doit être en priorité réalisée, s’agissant des produits non-alimentaires, au moyen de l’application informatique dénommée « business application » mise à la disposition depuis le 1er mai 2009 des autorités nationales et des opérateurs professionnels par la Commission européenne11. Cette application comporte une base de données réservée aux autorités publiques et un formulaire de notification destiné aux opérateurs professionnels. Elle vise à simplifier, dans le cas où les produits seraient mis en circulation sur différents marchés de l’Union européenne, la notification aux autorités nationales concernées.
L’information à donner dans le cadre de ce signalement comporte : les pays concernés, la date de signalement, des informations détaillées sur l’auteur du signalement, notamment qui du distributeur ou du producteur en est l’auteur, la description détaillée du produit, la description détaillée du risque et des mesures correctives déjà prises ou prévues et enfin, des informations précises sur les autres entreprises de la chaîne de commercialisation.
Si le risque est qualifié de grave et que le produit est commercialisé dans plusieurs États membres, l’autorité compétente sera tenue de transmettre au système d’alerte RAPEX12.
Il appartient ensuite aux autorités nationales compétentes d’agir sur la base de leur pouvoir de contrôle et de sanction.
Pour les professionnels que sont les fabricants et distributeurs de produits, la survenance d’un risque constitue une difficulté qui doit être surmontée avec méthode et réactivité, tout dommage causé à un consommateur étant susceptible d’engager leur responsabilité civile et pénale.
Il est donc essentiel de s’y préparer en mettant en place des mesures de traçabilité des produits, des fournisseurs et en identifiant, en interne, les équipes qui pourront dans les plus brefs délais mettre en place les mesures correctrices adéquates.
Notes de bas de pages
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1.
Directive 2001/95/CE du Parlement européen et du Conseil de décembre 2001, relative à la sécurité générale des produits : JO, 15 janv. 2002, p. 4.
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2.
C. consom., art. L. 221-1-2, § I.
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3.
C. consom., art. L. 221-1.
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4.
C. consom., art. L. 221-1-2, § II.
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5.
C. consom., art. L. 221-1-4.
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6.
C. consom., art. L. 221-1-2, § II.
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7.
C. consom., art. L. 221-1-2, § II.
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8.
C. consom., art. L. 221-1-3.
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9.
C. consom., art. L. 221-1-3.
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10.
Avis aux opérateurs économiques sur la mise en place de l’obligation de signalement des risques et des mesures prises : JO n° 0036, 11 févr. 2012, p. 2460, texte 103.
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11.
Ce formulaire téléchargeable est disponible sur le site de la Business Application à l’adresse suivante : http://webgate.ec.europa.eu/gpsd-ba.
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12.
Le système communautaire d’échange rapide d’information (RAPEX) a été mis en place en tant que mécanisme d’échange rapide d’informations entre les États membres et la Commission sur les mesures préventives et restrictives concernant les produits de consommation qui présentent un risque grave pour la santé et la sécurité des consommateurs.