Volet « concurrence » de la loi EGalim 2

Publié le 31/12/2021
Concurrence
Good Studio/AdobeStock

La nouvelle loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite EGalim 2, comporte un important volet « concurrence » qui s’articule autour des points suivants : transparence tarifaire, revente à perte, pénalités logistiques et discriminations.

Les travaux réalisés par le Parlement depuis les États généraux de l’alimentation, pour rééquilibrer les relations commerciales, ont donné lieu à des avancées notables. Le dernier texte adopté sur ce sujet, la loi visant à la protection de la rémunération des agriculteurs, surnommée loi EGalim 21, peut se prévaloir de plusieurs apports portant notamment sur la généralisation des contrats écrits et pluriannuels de vente de produits agricoles, le renforcement de l’information du consommateur sur l’origine des ingrédients des produits, la révision automatique des prix et le renforcement des pouvoirs du médiateur des relations commerciales agricoles.

La loi EGalim 2 comprend également un volet « concurrence » au sens du titre IV, du livre IV, (transparence, pratiques restrictives de concurrence et autres pratiques prohibées) du Code de commerce. Ce volet, auquel est consacré le présent article, comprend les points suivants : transparence tarifaire (I), revente à perte (II), pénalités logistiques (III) et discriminations (IV).

I – Transparence tarifaire

Le Code de commerce comporte, de longue date, des règles de transparence précontractuelles. L’article L. 441-1, I prévoit que « les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème de prix unitaires et les éventuelles réductions de prix ». Ce document est transmis par le fournisseur à l’acheteur en amont de la période de négociation. Le texte ajoute que « dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ».

Cette transparence précontractuelle est renforcée par la création, par l’article 4 de la nouvelle loi, d’un article L. 441-1, 1, du Code de commerce visant à accroître l’information des fournisseurs quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte lors des négociations commerciales. À cet effet, le texte prévoit la mention, dans les conditions générales de vente, de la part des matières premières agricoles dans le volume du produit alimentaire concerné ainsi que leur part dans son tarif. Le texte sanctuarise, par ailleurs, une part du tarif du fournisseur des matières premières agricoles qui est soustraite à la négociation.

L’article 4 de la loi crée aussi un article L. 443-8 du Code de commerce qui prévoit que « pour les produits alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie (…) une convention écrite conclue entre le fournisseur et son acheteur mentionne les obligations réciproques auxquelles se sont engagées les parties à l’issue de la négociation commerciale ». Cette obligation peut être assortie d’une exception : « Un décret peut prévoir que [cette disposition] (…) ne s’applique pas aux produits alimentaires ou produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie dont la part agrégée des matières premières agricoles et des produits transformés composés de plus de 50 % de matières premières agricoles, composant ces produits, est inférieure ou égale à un seuil qui ne peut excéder 25 % ». L’article L. 443-8 du Code de commerce ajoute que « la négociation commerciale ne porte pas sur la part, dans le tarif du fournisseur, du prix des matières premières agricoles et des produits transformés ». Enfin, il prévoit que « La convention comporte une clause de révision automatique des prix du contrat en fonction de la variation du coût de la matière première agricole, à la hausse ou à la baisse, entrant dans la composition du produit alimentaire ou du produit destiné à l’alimentation des animaux de compagnie ».

On notera encore que l’article L. 441-7 du Code de commerce, relatif aux contrats portant sur la conception et la production de produits, est l’objet de plusieurs modifications. Dans sa rédaction issue de l’article 6 de la nouvelle loi, il prévoit que « la détermination du prix tient compte des efforts d’innovation réalisés par le fabricant à la demande du distributeur » ; « le contrat comporte une clause de révision automatique des prix (…) » ; « le distributeur peut demander au fabricant de mandater un tiers indépendant pour attester, sous 15 jours, l’exactitude de la variation du coût de la matière première agricole supportée par le fabricant ».

II – Revente à perte

Selon les termes de l’article L. 442-5 du Code de commerce issu de l’article 1er de la loi du 3 janvier 2008, « le prix d’achat effectif (seuil en-deçà duquel le distributeur se trouve en infraction) est le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, minoré du montant de l’ensemble des autres avantages financiers consentis par le vendeur exprimé en pourcentage du prix unitaire net du produit et majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport ».

Afin de mieux lutter contre les prix anormalement bas, certains ont suggéré d’adopter un seuil plus élevé, le prix de revient par exemple. Une alternative consistait à relever de façon ciblée le seuil de revente à perte normal. Cette dernière approche a été adoptée par l’ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018, relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires. Le texte prévoit, à titre expérimental pendant deux ans, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les denrées alimentaires et les produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état aux consommateurs. Les dispositions de cette ordonnance relatives au seuil de revente à perte ont été inscrites à l’article 125 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020. La loi EGalim 2 complète cette dernière disposition par une exclusion de l’augmentation de 10 % des produits assujettis aux droits de consommation mentionnés au I de l’article 403 du Code général des impôts. Cette exclusion est une réaction du législateur à la forte inflation constatée sur les alcools depuis le relèvement du seuil de revente à perte.

Le relèvement de 10 % est entré en vigueur le 1er février 2019 par décret2. Il a été prolongé de 14 mois par la loi n° 2020-734 du 18 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, avec la possibilité de prévoir des dérogations pour certains produits, notamment les denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué.

Le relèvement visait à procurer aux distributeurs un surcroît de marge sur les produits d’appel (vendus à un niveau proche du seuil de revente à perte), ce qui devait leur permettre de revaloriser les tarifs accordés à leurs fournisseurs de produits alimentaires, et indirectement aux producteurs. Le rapport au Parlement du 30 septembre 2020 sur l’évaluation des mesures expérimentales de relèvement du seuil de revente à perte a montré que ces mesures n’ont pas eu, globalement, d’effet inflationniste. En revanche, la pratique a mis en évidence l’incohérence de l’application de l’augmentation du seuil de revente à perte : « Ce coefficient porte non seulement sur le prix facturé des produits mais également sur les taxes afférentes à la revente, dont les droits de consommation et la contribution sécurité sociale. Pour les produits spiritueux, cela représente en moyenne 55 % du prix de vente d’une bouteille à 40 degrés. Or, dans le cas des droits sur les alcools, les entreprises n’interviennent que comme collecteurs de l’impôt pour le compte de l’État. Elles n’en sont pas les redevables. Il est donc incompréhensible que ces montants soient intégrés dans la base de calcul auquel s’applique le coefficient de 1,10 »3. Afin d’y remédier, l’article 9 de la nouvelle loi exclut du seuil de revente à perte, pour les alcools, la part liée aux droits de consommation et à la cotisation « alcool ».

III – Pénalités logistiques

Les pénalités logistiques infligées au fournisseur par le distributeur étaient parfois, avant la nouvelle loi, appréhendées à l’aune de l’interdiction « d’obtenir […] un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ». Elles sont désormais visées à l’article L. 442-1, I, 3° qui interdit « d’imposer des pénalités logistiques ne respectant pas l’article L. 441-17 du Code de commerce »4.

Pourront, à titre d’exemple, faire l’objet d’une action devant le tribunal de commerce, sur le fondement des nouveaux textes, les pénalités disproportionnées au regard du préjudice subi, les refus ou retours de marchandises (sauf en cas de non-conformité de celles-ci ou de non-respect de la date de livraison) ou encore la déduction d’office de la facture des pénalités correspondant au non-respect d’un engagement contractuel lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible.

IV – Discriminations

On se souvient que pendant longtemps, le droit national de la concurrence comportait une interdiction per se des discriminations (C. com., art. L. 442-6, I, 1o anc.). Elle a été abrogée par la loi LME de 2008 mais réapparaît dans la nouvelle loi. L’article L. 442-1, I, 4°, du Code de commerce issu de l’article 8 de la loi EGalim 2 prévoit en effet une nouvelle interdiction des discriminations rédigée comme suit : « S’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie (…) [engage la responsabilité de son auteur le fait] de pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée à l’article L. 443-8 en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ».

Ainsi, à prestation égale, le prix facturé devra être le même pour tous les distributeurs (mais une différence peut être justifiée par une contrepartie réelle).

On remarquera que si le libellé du nouveau texte s’inspire de l’ancien, des différences importantes séparent les deux dispositions. Ainsi le périmètre de l’interdiction est plus étroit dans le nouveau texte : il vise le secteur des « produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie » alors que l’ancien texte s’appliquait sans limitation sectorielle.

Le champ d’application de l’interdiction est par ailleurs circonscrit aux produits alimentaires qui satisfont aux conditions prévues au I de l’article L. 441-1-1 du Code de commerce (créé par l’article 4 de la présente loi), c’est-à-dire ceux qui comportent une matière première agricole représentant plus de 25 % du volume du produit et ceux transformés dont plus de 50 % du volume est composé de matière première agricole.

Notons encore que le nouveau texte prévoit une exception en faveur des pratiques justifiées par des contreparties réelles « prévues par la convention mentionnée à l’article L. 443-8 » alors que cette dernière précision ne figurait pas dans l’ancien article L. 442-6, I, 1°, du Code de commerce.

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. n° 2021-1357, 18 oct. 2021 : JO, 19 oct. 2021.
  • 2.
    D. n° 2018-1303, 28 déc. 2018 : JO, 29 déc. 2018.
  • 3.
    Ass. nat., Protéger rémunération agriculteurs, 21 juin 2021, amendement n° 212.
  • 4.
    L’article L. 441-17 du Code de commerce, qui encadre les pénalités logistiques, a été créé par l’article 7 de la loi EGalim 2.
X