Clauses léonines : l’article 1844-1, alinéa 2, du Code civil questionné par les pratiques des fonds d’investissement

Publié le 08/04/2024
Clauses léonines : l’article 1844-1, alinéa 2, du Code civil questionné par les pratiques des fonds d’investissement
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La prohibition des clauses léonines peut-elle s’étendre aux clauses conférant la quasi-totalité des bénéfices à un associé ? La pratique des fonds d’investissement questionne l’application de l’article 1844-1 du Code civil et appelle une autre analyse basée sur un faisceau d’indices.

Droits financiers exorbitants – Le débat relatif aux clauses léonines, qui s’est longtemps concentré sur la validité des promesses d’achat à prix fixe, plafond ou plancher1, revient aujourd’hui sur le devant de la scène, que ce soit par le biais de montages fiscaux2, ou à la faveur de techniques utilisées par les fonds d’investissement basées sur l’émission de titres conférant des droits financiers exorbitants.

La financiarisation actuelle de certaines professions libérales réglementées en fournit une illustration topique, même si ce qui suit déborde largement ce cadre et pose de manière générale la question du sens à donner aux dispositions de l’article 1844-1, alinéa 2, du Code civil.

Depuis une quinzaine d’années en effet, des professions libérales réglementées à forte rentabilité telles que les biologistes médicaux, les vétérinaires ou encore les radiologues, font l’objet de prises de participation par des fonds d’investissement3 ; ces derniers sont contraints par un seuil de détention maximal de 25 % du capital ou des droits de vote dans les sociétés d’exercice médical et de 50 % dans les structures vétérinaires. La technique des fonds consiste le plus souvent à surpayer cette participation minoritaire mais à négocier des droits politiques et financiers exorbitants en contrepartie.

Actions de préférence – Sur le plan des droits financiers, les fonds d’investissement sollicitent, préalablement à toute opération financière, la transformation de la structure d’exercice en SAS ou SA, véhicules au sein desquels il est possible d’émettre des actions de préférence à droits particuliers. L’analyse des statuts de ces sociétés d’exercice permet de recenser deux catégories de clauses relatives aux droits financiers :

• les stipulations les plus courantes comportent une attribution comprise entre 99 % et parfois 99,99 % des produits sociaux, en ce compris les dividendes distribués, les réserves, les primes, les distributions exceptionnelles et le boni de liquidation ; ces droits sont attachés à une catégorie d’actions de préférence4 représentant entre 25 % (professions médicales) et 49,9 % (vétérinaires) du capital et droits de vote5,

• on trouve aussi, mais plus rarement, des stipulations d’actions de préférence à dividende prioritaire et cumulatif dont le montant est calculé par rapport au chiffre d’affaires de la société d’exercice. Ce type de clauses, en apparence plus anodines, peut avoir des effets plus drastiques encore que les précédentes. Ainsi imaginons une clause statutaire prévoyant que le montant alloué à l’investisseur au titre des dividendes, sous réserve de l’existence d’un résultat distribuable, sera égal à 8 % du chiffre d’affaires ; pour le cas où la société réaliserait un chiffre d’affaires d’un million d’euros et dégagerait un bénéfice distribuable de 80 000 €, l’application de la clause conduirait à allouer la totalité du bénéfice distribuable à l’investisseur et à en priver intégralement le professionnel. Le caractère cumulatif du dividende vient encore renforcer le mécanisme spoliateur puisque si pour l’année n l’investisseur n’est pas rempli de ses droits, ceux-ci s’exerceront à titre complémentaire sur l’année n+1.

À notre connaissance aucun contentieux n’est encore né de ces prises de participations récentes, spécifiquement sur la question de la répartition des bénéfices6 ; toutefois cela pourrait advenir à court ou moyen terme, la privation de tout gain social étant de nature à générer un sentiment de frustration chez les praticiens en exercice. Ce qui suit préfigure donc à gros traits le débat et peut-être l’issue de ces probables contentieux.

I – Analyse traditionnelle : lettre et esprit

Textes – Pour analyser la validité des clauses attribuant 99 % et plus du profit à un associé, il est important de revenir aux fondements : les textes et leur esprit.

La notion de partage du bénéfice est présente dès le Code civil des Français de 1804 avec une formulation finalement très proche de celle d’aujourd’hui puisque l’article 1832 énonçait que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun, dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». La prohibition des clauses léonines était alors contenue dans l’article 1855 du Code civil en des termes simples et dépourvus d’ambiguïté : « la convention qui donnerait à l’un des associés la totalité du bénéfice est nulle ».

L’article 1844-1 du Code civil dans sa version actuelle dispose : « La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social (…), le tout sauf clause contraire. Toutefois, la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont réputées non écrites ».

Notion de bénéfices – Faut-il distinguer le bénéfice social et le profit social ? En effet, la lecture de l’article 1844-1 du Code civil reproduit ci-dessus pourrait le laisser penser puisque le premier alinéa évoque la part dans les bénéfices, alors que l’alinéa second prohibe l’attribution ou l’exclusion totale du profit procuré par la société, notion pouvant de prime abord apparaître plus large en incluant notamment les réserves, les primes d’émission ou de fusion… Dans cette veine, il a pu être soutenu par le comité juridique de l’ANSA7 qu’une catégorie d’actions totalement privée du droit aux dividendes mais ayant conservé le droit au boni de liquidation ne relevait pas des clauses léonines, puisque le boni de liquidation est constitué de bénéfices non distribués.

Nous ne souscrivons pas à cette opinion, en premier lieu car rien n’indique que les termes bénéfices et profits aient été volontairement distingués dans le texte, la rédaction du Code Napoléon ne se référant originairement qu’à la notion de bénéfices, et surtout car l’article 1832 ne vise que la notion de bénéfice social. Ensuite, la notion de profit n’est pas définie par le Code civil, ni par le Code de commerce alors que celle de bénéfice est mieux circonscrite ; on rappellera que le bénéfice, en droit des sociétés, s’entend de manière large dun gain pécuniaire ou dun gain matériel qui ajouterait à la fortune des associés8 ; le Code de commerce en a une appréhension plus comptable qui se ramène à la différence entre les produits et les charges ; les articles L. 232-10 et suivants applicables aux seules sociétés commerciales définissent ensuite les réserves comme des sommes déduites du bénéfice de l’exercice, et le dividende comme un bénéfice distribuable dont la distribution a été décidée.

Le partage des bénéfices au sens de l’article 1844-1 du Code civil comprend au premier chef les dividendes et les réserves de la société, qui sont des éléments courants de la rémunération des associés, à la différence du boni de liquidation, des primes et autres produits dont la matérialisation est plus rare, voire le plus souvent inexistante au cours de la vie sociale. Ainsi, une clause ou une décision qui suspendrait temporairement le droit aux dividendes cependant que le droit aux réserves serait maintenu proportionnellement au capital détenu, ne devrait pas être qualifiée de léonine. Dans ce même esprit, celle qui supprimerait le droit aux dividendes et aux réserves tout en maintenant le droit au boni de liquidation serait léonine.

Esprit – « La science du magistrat est d’étudier l’esprit de la loi quand la lettre tue » écrivait Portalis9. Vaste débat que celui de savoir si un texte doit être interprété à la lettre ou suivant son esprit. Nul ne saurait contester que le texte de l’article 1844-1 du Code civil se réfère à l’attribution de la totalité du bénéfice procuré par la société ou à l’exonération de la totalité des pertes, et que 99,99 % ce n’est mathématiquement pas la totalité…

On connaît la perversité des effets de seuil dans bien des domaines : si la loi prévoit qu’un régime juridique s’applique au seuil de n, il ne s’applique pas au seuil de n110. Cependant l’article 1844-1 du Code civil ne contient pas de seuil mais un principe de prohibition, ce qui est différent ; un seuil connaît un état antérieur et un état postérieur gradués ; un seuil marque le passage d’un état à un autre. Avoir 100 % des bénéfices d’une société ne correspond pas au franchissement d’un seuil mais bien à l’atteinte d’un stade ultime prohibé, ce qui est différent dans la mesure où les « états approchants » de ce stade ultime peuvent rationnellement s’y apparenter.

L’esprit de l’article 1844-1 du Code civil, quant à lui, se loge logiquement dans le droit commun des sociétés et dans les textes ou principes qu’il contient. On y enseigne tout d’abord que le partage du bénéfice et la contribution aux pertes sont la clé de voûte du contrat de société ; on y lit ensuite que la société est constituée dans l’intérêt commun des associés ; enfin, et en filigrane de ce tout, on trouve l’affectio societatis défini classiquement comme la volonté de collaborer sur un pied d’égalité. Même si l’on perçoit la part évidente de naïveté de ces principes dans le contexte contemporain du droit des sociétés, ils demeurent des lignes d’interprétation importantes et ils nous disent que la disproportion est acceptable tant qu’elle ne confine pas à l’excès ; le total et le quasi-total11 ne seraient pas à distinguer.

II – Droit positif peu explicite

Jurisprudence – La doctrine penche majoritairement en faveur d’une interprétation large du texte, considérant la quasi-privation comme une privation12, mais la jurisprudence n’est ni fournie, ni véritablement explicite sur cette question. Il semble qu’un tel contentieux ne soit jamais remonté en ces termes exacts à la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 octobre 1990, la première chambre civile13 a pu énoncer que n’est pas léonine une stipulation qui « n’a pas prévu une exonération quasi-totale des pertes [ni] conféré une vocation quasi-exclusive aux bénéfices », laissant penser qu’un « état approchant » de l’exclusivité aurait été qualifié de léonin14. On peut également mentionner un arrêt du 13 février 199615 écartant la qualification de clause léonine s’agissant d’une répartition inégalitaire des bénéfices et également d’une renonciation temporaire à ceux-ci, contrepartie de la prise en charge d’un passif fiscal par un associé16. Quant à l’arrêt du Conseil d’État du 18 octobre 202217, il écarte le caractère léonin de la stipulation attribuant la totalité des pertes à un associé en se fondant sur le caractère temporaire de cette dérogation.

Force est donc de constater que la jurisprudence n’a jamais eu à se prononcer sur des stipulations statutaires aussi spoliatrices et permanentes que celles analysées ici.

Droit des contrats – Celui qui, dans les statuts, renonce à une part essentielle de ses bénéfices pour n’en garder que la portion congrue se trouve placé dans une situation de déséquilibre. On rappellera ici deux textes cardinaux du droit des obligations : l’article 1169 du Code civil, nouveau visage de la défunte cause, qui dispose qu’« un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s’engage est illusoire ou dérisoire » ; l’article 1170 du même code prévoyant lui que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». On pourrait certes discuter à l’infini de l’applicabilité de ces textes au droit des sociétés18, mais nul ne peut sérieusement contester qu’ils sous-tendent les principaux rapports juridiques contemporains en posant un principe bien compris de réciprocité entre l’engagement et la prise de risques. Qui peut nier que la clause attribuant 0,01 % du bénéfice social à l’associé détenant 75 % du capital constitue une contrepartie dérisoire de son engagement ?

Dans les décisions de jurisprudence mentionnées plus haut, ce déséquilibre trouve le plus souvent sa justification ou sa contrepartie soit dans le caractère temporaire de la dérogation, soit dans une prise en charge d’un passif substantiel par un autre associé. De même, le Conseil d’État, dans son arrêt du 18 octobre 2022, a pris le soin d’énoncer que les décisions prises par l’assemblée générale « concernaient tant les bénéfices que les pertes ». Ce raisonnement est logique : celui qui endosse toutes les pertes, fut-ce de manière temporaire, doit pouvoir y trouver une contrepartie dans l’encaissement de tous les bénéfices. De manière symétrique, celui qui se voit privé de l’essentiel de sa vocation aux bénéfices doit logiquement être déchargé de son obligation aux pertes.

Or, dans les montages de rachat de cabinets libéraux, l’attribution de la quasi-totalité des bénéfices à l’investisseur n’a pas pour contrepartie la prise en charge des pertes. L’investisseur financier pourrait toutefois faire valoir qu’il a surpayé la quote-part du capital rachetée, ce qui lui donne une vocation naturelle accrue aux bénéfices ; il s’agit toutefois là d’un argument difficile à recevoir puisque quel que soit le prix payé il n’est détenteur que d’une portion minoritaire du capital ; raisonner autrement serait reconnaître la part de fraude à la loi dans ces montages.

III – Analyse renouvelée : faisceau d’indices

Coefficient de privation – Il est possible d’avancer, comme nous l’avons fait plus haut, qu’un « état approchant » — 99,99 % — peut s’assimiler à un stade ultime prohibé — 100 % — n’est pas suffisant et surtout comporte une part d’arbitraire. Pas suffisant car il est des situations où une clause dérogatoire attribuant la quasi-totalité du bénéfice à un associé sera tout à fait admissible : ainsi en va-t-il de l’associé ayant 98 % des titres d’une société et disposant de plus de 99 % des bénéfices au travers d’actions de préférence. Ce léger accroissement n’est en rien choquant car le différentiel avec ce qu’il aurait dû recevoir est faible19. Risque d’arbitraire, car dire que « 99,9 = 100 » pose immédiatement la question de savoir où se situe le seuil réel de ce qui est léonin.

Pour cette raison, l’analyse du différentiel entre ce que l’associé aurait dû recevoir en application du principe de proportionnalité et ce qu’il a reçu, en application de la stipulation statutaire, nous semble plus pertinente.

Reprenons l’exemple d’une SELAS de radiologie où un investisseur financier détiendrait 25 % du capital en actions de préférence conférant 99,9 % des bénéfices et où un ou plusieurs radiologues détiendraient 75 % du capital en actions de préférence conférant 0,1 % des bénéfices.

Pour un bénéfice distribué de 100 :

• l’investisseur reçoit 4 fois plus : 99,9 au lieu de 25, soit un accroissement de près de 300 %,

• les radiologues reçoivent 750 fois moins : 0,1 au lieu de 75, soit une réduction de plus de 99 %.

On voit bien au travers de cet exemple que l’analyse du coefficient de privation est plus parlante qu’un pourcentage brut figurant dans les statuts.

Qualité dassocié ? – Si l’applicabilité des textes du droit des obligations aux rapports entre associés peut être discutée, le débat mériterait d’être déplacé sur le terrain de la qualité d’associé, avec une question centrale : celui qui renonce, de surcroît de manière permanente, à la quasi-intégralité de sa vocation aux bénéfices, est-il encore associé au sens juridique du terme ? Sans entrer dans un débat qui dépasse le cadre de cet article, on se doit de rappeler que les apports, la participation aux bénéfices et aux pertes ainsi que l’affectio societatis sont des marqueurs essentiels de la qualité d’associé ; que l’un vienne à faire défaut et la qualité est remise en cause. La dernière fois que la jurisprudence a eu à connaître de cette question concerne le débat lié au démembrement de propriété où il a été tranché que la qualité d’associé revenait au nu-propriétaire20. On pourrait hâtivement en déduire que la qualité d’associé n’est pas à relier à l’affectation des bénéfices puisque justement le nu-propriétaire n’y a pas vocation ; ce serait oublier que le nu-propriétaire a une vocation naturelle aux réserves, lesquelles constituent des bénéfices non distribués.

On conçoit qu’il puisse y avoir des nuances de gris dans la qualité d’associé, mais la spoliation permanente de la quasi-totalité des bénéfices nous semble de nature à remettre en cause cette qualité même.

Conclusion – Une clause peut être qualifiée de léonine, soit qu’elle viole la lettre du texte de l’article 1844-1 du Code civil, soit qu’elle contrevienne à son esprit. Mérite également cette qualification une stipulation du pacte social aboutissant par son application à priver totalement ou quasi totalement un associé de sa part dans les bénéfices ; on pense ici aux clauses contenant une méthode de calcul d’un dividende prioritaire et cumulatif basée sur le chiffre d’affaires.

L’analyse du caractère léonin d’une stipulation statutaire dérogatoire doit selon nous se faire au regard d’un faisceau d’indices comprenant notamment les éléments suivants :

• le pourcentage statutaire de bénéfices alloué,

• le coefficient de privation ou d’accroissement tel que défini ci-dessus,

• le caractère temporaire ou permanent de la privation ou de l’accroissement,

• l’équilibre bénéfices/pertes,

• l’existence d’autres types de contreparties.

Il reviendra à la jurisprudence de valider ou non cette analyse dans des contentieux qui ne manqueront pas de naître entre investisseurs financiers et professionnels libéraux.

Notes de bas de pages

  • 1.
    On rappellera que pendant plusieurs années, la première chambre civile était en opposition avec la chambre commerciale. La jurisprudence semble aujourd’hui fixée dans un sens libéral. Cass. com., 20 mai 1986, n° 85-16716 : Bull. civ. IV, n° 95 ; Rev. sociétés 1986, p. 587, note D. Randoux ; Cass. com., 19 mai 1998, n° 95-18557 : BJS oct. 1998, n° 324, p. 1060, note P. Scholer. Plus récemment v. Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-21875, F-B : D. 2023, p. 1221 ; D. 2023, p. 1922, obs. E. Lamazerolles et A. Rabreau ; A. Lecourt, RTD com. 2023, p. 897. « Seule est prohibée par ce texte la clause qui porte atteinte au pacte social dans les termes qu’il prévoit. Il en résulte qu’une convention dont l’objet est, sauf fraude, d’assurer, moyennant un prix librement convenu, la transmission de droits sociaux, est étrangère au pacte social et est, par suite, sans incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux dettes dans les rapports sociaux ». (prix de cession égal au prix de souscription). Cass. 1re civ., 22 sept. 2021, nos 20-15817 et 20-16276 : D. 2021, p. 1724 ; Rev. sociétés 2022, p. 28, note J.-M. Garinot et R. Vabres ; RTD com. 2021, p. 856, obs. J. Moury ; BJS nov. 2021, n° BJS200m8, note J.-F. Barbièri ; JCP E 2022, 1053, note B. Brignon : « Ne constitue pas une clause léonine prohibée par la loi la clause statutaire fixant à la valeur nominale le rachat des droits sociaux en cas de sortie d’un associé sans autre indemnisation dès lors qu’elle a pour corollaire le fait que l’entrée dans la société se fait également à la valeur nominale ».
  • 2.
    En 2022, le juge administratif a eu à se prononcer sur la validité d’une délibération des associés d’une SCI attribuant temporairement la totalité des pertes de la société à certains d’entre eux, l’objectif étant l’utilisation du déficit fiscal pour réduire leur fiscalité personnelle. CE, 8e-3e ch, 18 oct. 2022, n° 462497, énonçant que des décisions collectives qui allouent à certains associés la totalité des pertes constatées sur trois exercices ne tombent pas sous la prohibition des clauses léonines car elles ne dérogent que de manière ponctuelle au pacte social. B. Dondero, « La prohibition des clauses léonines vue par le Conseil d’État », BJS janv. 2023 n° BJS201q5 ; ADJI 2023, p. 286, note J.-P. Maublanc.
  • 3.
    V. L. Grosclaude, « Financiarisation des professions libérales réglementées, vers un changement du paradigme », JCP E 2023, n° 49 p. 17 ; également « Le contrôle effectif, coup d’arrêt à la financiarisation des professions libérales réglementées », BJS nov. 2023, n° BJS202k6.
  • 4.
    On observe parfois que ces droits exorbitants sont attachés à des actions dites ordinaires.
  • 5.
    V. J.-P. Viennois in Le Médecin Radiologue Libéral, nov. 2023 p. 26 et s, qui assimile pleinement droits financiers et capital : « en interdisant qu’un associé non-médecin (…) détienne plus de 25 % du capital d’une SEL, le législateur a bien sûr voulu interdire que cet associé détienne non seulement des droits de vote, mais aussi des droits financiers au-delà̀ de cette proportion et la mise en place de droits particuliers pour atteindre cet effet est justement ce qui est interdit (…) ».
  • 6.
    V. toutefois CE, 4e-1re ch. réunies, 2 déc. 2019, n° 410693, VEBIO, jugeant que la clause attribuant à l’investisseur financier d’une société vétérinaire 99, 997 % des bénéfices, par le truchement d’actions de préférence, n’est pas directement de nature à porter atteinte à l’indépendance des professionnels. La question du caractère léonin n’est pas abordée.
  • 7.
    CJ ANSA, avis n° 21-027, 8 sept. 2021.
  • 8.
    Cass., ch. réunies, 11 mars 1914, Caisse rurale de la commune de Manigod, arrêt fondateur de la distinction entre l’association et la société.
  • 9.
    Discours préliminaire du premier projet de Code civil, 1801.
  • 10.
    On observe que dans de nombreuses situations, la loi atténue la rigueur de l’effet de seuil en posant que le passage du seuil doit se vérifier sur un certain nombre d’années consécutives pour produire son effet.
  • 11.
    La législation renvoie parfois au terme « quasi » : on le trouve dans les quasi-contrats des articles 1300 et suivants du Code civil, dans les engagements de quasi-exclusivité en droit de la concurrence et de la distribution (C. com., art. L. 330-3), et surtout dans la notion comptable de quasi-fonds propres utilisée par exemple à propos des obligations convertibles ou subordonnées.
  • 12.
    Citée par B. Dondero, « La prohibition des clauses léonines vue par le Conseil d’État », BJS janv. 2023, n° BJS201q5 ; la majorité des auteurs (M. Germain, V. Magnier, Y. Chaput, J. Mestre et A. Couret…) assimile à la privation totale des bénéfices, l’attribution d’une part insignifiante. V. également M. Caffin-Moi, Rép. sociétés Dalloz, v.° Théorie des bénéfices et des pertes, § 30 : « Une vocation minime ou dérisoire aux résultats doit être assimilée à une suppression (…) tout comme, en droit civil de la vente, on assimile le prix dérisoire au défaut de prix ».
  • 13.
    Cass. 1re civ., 16 oct. 1990, n° 87-15467, D : BJS 1990, p. 1029, note P. Le Cannu. Également Cass. com., 29 oct. 2003, n° 00-17538, D, jugeant l’attribution de 2,5 % des bénéfices à l’associé ayant 10 % du capital « tout à fait normale, compte tenu de sa participation au capital et de son absence de toute contribution dans les activités de la société ».
  • 14.
    V. également Cass. com., 12 nov. 1962, n° 61-10835, ne retenant pas la nullité de la clause contenue dans une convention de liquidation.
  • 15.
    Cass. com., 13 févr. 1996, nos 93-21140 et 94-12225 : BJS mai 1996, n° 143, p. 404, note P. Le Cannu ; Revue des sociétés 1996, p. 771, note B. Saintourens.
  • 16.
    V. également Cass. 3e civ., 18 avr. 2019, n° 18-11881 : GPL 24 sept. 2019, n°GPL359s9, obs. A. Rabreau, concernant une SCI dans laquelle des parts catégorielles conféraient des droits aux bénéfices disproportionnés. Mais l’arrêt ne se prononce pas sur le caractère ou non léonin mais sur la question d’un abus de majorité non caractérisé en l’espèce.
  • 17.
    CE, 8e -3e ch., 18 oct. 2022, n° 462497.
  • 18.
    V. J. Lefebvre, « Les métamorphoses de la cause dans les sociétés », LPA 31 janv. 2022, n° LPA201k1.
  • 19.
    De même est-il logique que l’associé unique d’une SASU ou d’une EURL perçoive 100 % des bénéfices de celle-ci.
  • 20.
    Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, n° 20-15164.
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