Éthique de l’entreprise (Janvier 2015 – Septembre 2016)

Publié le 26/06/2017

La présente chronique, couvrant la période de janvier 2015 à septembre 2016, constitue l’une des livraisons les plus riches que son jeune âge lui a permis de connaître. Au-delà de thèmes désormais classiques, tels que l’éthique de la gouvernance, l’éthique commerciale ou l’éthique des investissements, d’importantes questions en lien avec l’éthique de l’entreprise ont été, en effet, largement médiatisées. Certaines mesures ont ainsi reçu un accueil enthousiaste (« COP 21 »). D’autres ont plus discrètement marqué l’intérêt de notre droit pour des questions nouvelles, telles que l’économie circulaire ou le commerce équitable. D’autres, encore, n’ont déclenché aucune passion en dehors des cénacles juridiques mais n’en ont pas moins profondément nourri l’idée que toute entreprise devait, au quotidien, adopter un comportement éthique (réforme du droit des contrats).

I – L’éthique interne

A – Éthique de la gouvernance

Principes de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE, rapport AMF sur le gouvernement d’entreprise et la rémunération des dirigeants ; rapport 2015 du haut comité de gouvernement d’entreprise ; code Afep-Medef de gouvernement d’entreprise des sociétés cotées révisé en 2015 ; L. 2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ; L. n° 2015-1702, 21 déc. 2015, de financement de la sécurité sociale ; proposition de loi visant à améliorer la gouvernance au sein des grandes entreprises, déposée par M. le député J.-F. Mancel, AN, texte n° 3107, 7 oct. 2015 ; proposition de loi du 26 mai 2006 visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises ; projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique1. L’année 2015/2016 est notamment marquée par la révision des principes de gouvernance d’entreprise de l’OCDE et les efforts accomplis en matière d’encadrement et de contrôle des rémunérations des dirigeants.

1 – Sources de gouvernance

a – Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE

L’OCDE2 a publié en septembre 2015, une révision de ses principes de gouvernement d’entreprise3. Élaborés en 1999 et révisés pour la dernière fois en 2004, ils ont été adoptés comme l’une des normes fondamentales pour la solidité des systèmes financiers du Conseil de stabilité financière et constituent le socle sur lequel reposent les rapports d’observation des normes et codes de la Banque mondiale. Il s’agissait, dans le cadre de cette révision, de prendre en considération les leçons tirées de la crise financière mais aussi l’évolution des marchés, marquée notamment par l’allongement de la chaîne reliant l’épargne des ménages et des investissements des entreprises (organismes de placements collectifs, fonds de pensions, agences de conseils en votes…). De plus en plus d’intermédiaires s’interposent. Ce travail a été mené sous l’égide du Comité sur la gouvernance de l’entreprise de l’OCDE, mais y ont été associés l’ensemble des pays du G20. De la sorte, des États non membres de l’OCDE ont pris part à l’élaboration de ces principes. C’est la raison pour laquelle ce document s’intitule « Principe de gouvernance d’entreprise du G20 et de l’OCDE ».

Le rapport du Secrétaire général de l’OCDE qui précède l’exposé de ces principes précise les objectifs poursuivis. Il s’agit d’assurer la confiance des investisseurs pour que les entreprises puissent se financer à long terme par capitaux propres. En outre, bien entendu, un des buts essentiels de la gouvernance subsiste : la protection des millions de ménages plaçant directement ou indirectement leur épargne sur les marchés boursiers. Les deux finalités sont liées. C’est à la condition de rassurer quant à l’intégrité dans la gestion des sociétés cotées qu’il est possible de drainer l’épargne des particuliers. L’économie, les entreprises, ont besoin de cette confiance des investisseurs, même si ce rapport entre l’épargnant et la société se dilue avec la multiplication des intermédiaires.

Le rapport introductif énonce également que les sociétés cotées offrent plus de 200 millions d’emplois4. Aussi, en assurant une bonne gouvernance des entreprises, l’emploi est sauvegardé. Est-ce à dire que ces principes dépassent les objectifs initiaux de la gouvernance – la protection des investisseurs notamment – pour englober l’intérêt d’autres parties prenantes à l’instar des salariés ou encore de l’environnement ? Y aurait-il là, la marque d’un passage d’une gouvernance purement interne – c’est-à-dire ne prenant en considération que les intérêts internes à la société (dirigeants, administrateurs, associés) – à une éthique externe – protégeant des intérêts tiers ?

Il importe de répondre par la négative. Leur vocation essentielle reste de contribuer à instaurer la confiance des investisseurs5 vis-à-vis des sociétés cotées. Certes, ces principes prennent en compte les intérêts des salariés, mais il n’y a pas d’innovation sur ce point dans le cadre de cette révision. Surtout, le rapport prend soin d’indiquer que pour la promotion de l’intérêt des salariés, de l’environnement, de l’éthique, ou de la lutte contre la corruption (…) il importe de se référer à d’autres textes comme les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, la Convention sur la lutte contre la corruption En somme, il y a ici des principes de gouvernance « purs », ne subissant pas les assauts d’enjeux sociétaux et environnementaux. Comme l’indique Pierre-Henri Conac6, cela résulte du fait que les principes, pour être adoptés, devaient emporter le consensus, or un certain nombre d’États du G20 ne considèrent pas ces intérêts comme prioritaires en matière de gouvernance.

Centrés sur le rôle des actionnaires, ces principes innovent au sein d’un chapitre III relatif aux « Investisseurs institutionnels, marchés boursiers, et autres intermédiaires ». Ce chapitre prend en considération la particularité des investisseurs institutionnels et leur rôle en matière de gouvernance. Indéniablement les organismes de placement collectif, les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les fonds de couvertures ne sont pas des apporteurs de fonds propres comme les autres. Leur volonté de participer à la gouvernance des entreprises dans lesquelles ils investissent est variable. Si, pour certains, leur droit de vote est essentiel, pour d’autres tel n’est pas le cas. Les principes de l’OCDE en prennent acte et indiquent7 qu’il est inutile de les contraindre au vote car cela serait soit inefficace, soit conduirait à l’application des mêmes critères de vote à toutes les situations. Il y a là une position plus libérale que dans certains États. Pour mémoire, certaines lois et règlementations ont obligé les gérants de fonds à devoir voter dans les sociétés dont ils sont actionnaires. Aux États-Unis, ceci commence dès 1998 pour les fonds de pension et en 2003, pour les mutual funds. En France, la loi LSE du 1er août 2003 impose aux sociétés de gestion d’exercer leurs droits de vote et demande, lorsque ce droit n’est pas exercé, d’en expliquer les motifs. Les principes de l’OCDE préfèrent prôner la transparence et préconisent que les investisseurs institutionnels rendent publiques leurs politiques en matière de gouvernance d’entreprise. Réalistes jusqu’au bout, ces principes indiquent même que le vote n’est « qu’un moyen parmi d’autres de participer à la vie des sociétés »8. Ces principes institutionnalisent ainsi les prises de contact directes avec le conseil d’administration ou la direction. On peut avoir un regard critique à cet endroit dans la mesure où de telles pratiques nuisent considérablement au processus démocratique décisionnel en droit des sociétés. S’il n’est pas parfait, le vote est le seul moyen de s’assurer que les décisions émanent de l’intérêt collectif. Au contraire, dès lors que le conseil d’administration ou les dirigeants sont directement influencés par un investisseur particulier, il est permis d’en douter. C’est nécessairement son intérêt particulier qu’est venu défendre l’investisseur institutionnel. De tels inconvénients n’ont sans doute pas échappé aux rédacteurs de ces principes. Ils ont dû considérer qu’il valait mieux être transparent quant à cette pratique plutôt que de lutter en vain contre. Néanmoins, il est possible de douter qu’il y ait là un élément de nature à sceller la confiance d’actionnaires minoritaires.

Enfin, mais sans être exhaustif, dans la mesure où nombre de ces investisseurs institutionnels délèguent leur droit de vote auprès d’agences de conseil en vote, les principes incitent à la transparence de ces agences, notamment en termes de procédure et de méthodologie utilisées pour émettre leurs recommandations, prévenir et traiter les conflits d’intérêts.

b – Comply or explain

Les codes de gouvernance étant d’origine privée et les sociétés étant en principe libres d’y recourir, la question de leur effectivité se pose. Pour inciter les sociétés cotées à les appliquer, la règle du comply or explain – insérée dans le Code de commerce9 – oblige les sociétés cotées sur un marché réglementé à indiquer si elles suivent ou non un code de gouvernance. Si elles ne le font pas, elles doivent préciser les raisons pour lesquelles elles n’y ont pas recours et indiquer les mesures qu’elles prennent pour compléter la législation. Si elles s’y réfèrent, elles doivent indiquer le code choisi, les dispositions écartées et les raisons qui ont poussé à cette exclusion.

Il découle du rapport annuel sur le gouvernement des entreprises et la rémunération des dirigeants des sociétés cotées établi par l’AMF10 en 2015, qu’une immense majorité des sociétés (83 % des sociétés dont les actions sont admises sur Euronext) se réfèrent à un code de gouvernement d’entreprise. Parmi celles-ci, l’AMF met particulièrement en avant la société ATOS au titre de sa bonne pratique de la règle du « comply or explain ». Celle-ci fait un renvoi vers son site internet, sur lequel elle présente un tableau reprenant l’ensemble des dispositions du code Afep-Medef et la manière dont elles sont appliquées par la société. Indéniablement, il y a là pour les investisseurs le moyen de vérifier le respect de ce code. Néanmoins, il semble qu’il s’agisse d’une exception dans la mesure où l’AMF énonce que la majeure partie des sociétés ne précise pas suffisamment la manière dont elles appliquent ou écartent les dispositions du code de gouvernance auquel elles adhérent. Par conséquent, il est difficile de mesurer l’application concrète des règles de gouvernance d’origine privée par ces sociétés.

Le rapport 2015 de l’AMF mérite particulièrement l’attention, en ce qu’il s’intéresse aux sociétés ne se référant à aucun code11. Il apparaît que si une part d’entre elles viole la règle du comply or explain en n’indiquant pas qu’elles ne font référence à aucun code, d’autres vont jusqu’à justifier leur choix. Certaines justifications sont pertinentes et tiennent, par exemple, à la structure de l’actionnariat (familial par exemple) ou au peu de salariés… D’autres sont moins convaincantes. Peut-être courroucée par le développement des règles de gouvernance, l’une d’entre elle s’est ainsi contentée d’énoncer qu’elle avait une pratique suffisamment transparente comme ça sans avoir besoin de normes supplémentaires !

L’AMF, après avoir opéré ces constats, fait un rappel à la loi et recommande aux sociétés ne se référant à aucun code de respecter la règle du comply or explain et d’indiquer clairement, en motivant de manière circonstanciée, cette décision. Elle les incite également à identifier clairement les règles complémentaires, à en préciser la nature ou la portée.

2 – Rémunération des dirigeants

La rémunération des dirigeants constitue une dimension importante de la gouvernance d’entreprise et au-delà, une question d’éthique. Dans tous les cas, il faut éviter que le dirigeant ne s’enrichisse au détriment de la société et de ses actionnaires. L’idéal serait même que la rémunération soit proportionnelle à la plus-value apportée par les dirigeants à leur société. Pour toutes ces raisons, de bonnes règles de gouvernance impliquent un contrôle de ces rémunérations.

À ce titre, la loi n° 2015-990, relative à la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques qui est venue soumettre les « retraites chapeau » à la procédure des conventions réglementées (C. com., art. L. 225-42-1)12. Ces rémunérations controversées n’échappent donc plus à tout contrôle. Le code Afep-Medef a d’ailleurs été révisé en novembre 2015 pour prendre en considération cette évolution13.

Ensuite, marque du contrôle réel des associés sur les rémunérations des dirigeants il importe de rappeler la procédure du say on pay. Pour mémoire, depuis une réforme du code Afep-Medef datant de juillet 2013, les sociétés se soumettant à ce code sont tenues de faire voter les actionnaires sur la rémunération ex post à titre consultatif. Aujourd’hui, toutes les sociétés importantes faisant appel au marché ont recours à ce vote. Le haut comité de gouvernement d’entreprise institué par l’Afep et le Medef pour veiller aux bonnes pratiques des sociétés se soumettant à leur code note en effet dans son rapport de 2015, que toutes les sociétés du SBF 120 s’y sont soumises14.

Si, la première année, le taux d’approbation se rapprochait du plébiscite avec 92 %, tel n’est pas le cas en 2015, puisque ce taux a chuté à 86 %. Cette chute démontre la vigilance des associés en la matière. Danone en constitue l’exemple parfait. Les actionnaires n’ont approuvé la rémunération du dirigeant qu’à une majorité de 53 %. De là à affirmer, comme la presse a pu le faire, que la rémunération était contestée, il n’y avait qu’un pas…15 D’aucuns considèrent d’ailleurs que face à ce « mauvais score », une bonne pratique aurait consisté pour le conseil d’administration, à délibérer et à publier sur les suites qu’il entendait donner16. La procédure de say on pay française n’impliquait cependant pas une telle réaction. Pour ce, il aurait fallu que le vote soit inférieur à 50 %. Tel fut le cas à propos de la rémunération de Carlos Ghosn puisque l’assemblée des actionnaires du groupe Renault l’a rejetée à une majorité de 54,12 %. Le conseil d’administration a néanmoins maintenu cette rémunération au regard de la « qualité des résultats ». De là à remettre en cause l’efficacité de la procédure de say on pay, il n’y a qu’un pas…

La procédure de contrôle des rémunérations restant du domaine de la soft law et le vote des actionnaires ne pouvant en conséquent n’être que facultatif, certains souhaitaient confier plus de pouvoir aux actionnaires. Une proposition de loi avait été déposée pour confier la fixation de la rémunération des dirigeants aux actionnaires réunis en assemblée générale ordinaire17. Un pas de plus a été franchi avec l’adoption, en première lecture, le 26 mai 2006, d’une proposition de loi « visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises »18. Si cette proposition vise à diminuer à deux (au lieu de cinq), le nombre de mandats d’administrateur ou de membre d’un conseil de surveillance pouvant être exercés par une personne physique dans les sociétés anonymes ayant leur siège en France, elle vient surtout réglementer de manière importante la rémunération des dirigeants. D’abord – véritable importation de la soft law – elle institue un comité des rémunérations au sein des conseils d’administration. Ce comité ayant pour mission de préparer les missions en matière de rémunérations, de procéder à un examen annuel des principes de la rémunération des salariés et des rémunérations, indemnités et avantages de toute nature accordés aux mandataires sociaux et aux membres du conseil d’administration (C. com., art. L. 225-35-1, nouveau). Ensuite, et surtout, elle met en place une procédure de say on pay anticipé obligatoire puisque le conseil d’administration, après avoir défini les éléments de rémunération des dirigeants (administrateurs, président, directeur général et directeurs généraux délégués, membres de directoires, du conseil de surveillance et président de SAS), devrait les soumettre à l’approbation de l’assemblée générale19. Il reste à se demander quelles seraient les conséquences d’un vote négatif. Certains estiment que ce vote n’est pas véritablement contraignant et ne fait qu’entériner la réforme future du code Afep-Medef. Un tel vote obligerait seulement à « statuer » sur les modifications à apporter à la rémunération due ou attribuée au titre de l’exercice clos ou à la politique de rémunération future20. Le conseil d’administration ne serait donc pas tenu de modifier la rémunération versée. Le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique semble aller plus pour les sociétés cotées sur un marché réglementé. Le texte, tel que transmis au Sénat le 15 juin dernier, indique « qu’aucun versement (…) ne peut intervenir avant que le conseil d’administration ne constate leur approbation par l’assemblée générale »21.

Enfin, il importe de noter que pour lutter contre les rémunérations jugées imméritées, l’AMF et le haut comité au gouvernement d’entreprise peuvent jouer un rôle significatif pour faire revenir le conseil d’administration sur ce montant. En témoignent les pressions qu’elles ont exercées à propos de la rémunération du directeur général d’Alcatel-Lucent22, parvenant ainsi à en faire diminuer le montant de moitié. On peut ainsi constater que les deux institutions contribuant à la diffusion des règles de gouvernance peuvent remplir un rôle complémentaire.

J. Théron

B – Éthique sociale

1 – L’obligation de sécurité de l’employeur : retour à la case départ ?

Sur la question de savoir si l’obligation de sécurité de l’employeur est de moyens ou de résultat, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu une décision semblant opérer un véritable revirement de jurisprudence23. Il est vrai que la situation de fait était particulière. Un chef de cabine sur un vol long courrier Air France en transit à New York assiste aux événements du 11 septembre 2001. Le 24 avril 2006, alors qu’il s’apprête à rejoindre son bord, il est pris d’une crise d’angoisse qui donne lieu à un arrêt de travail. Le 19 décembre 2008, il demande au juge prud’homal réparation du préjudice né du manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat. Si la jurisprudence jusque-là construite par la chambre sociale de la Cour de cassation semblait lui permettre d’obtenir satisfaction, le fait que l’événement générateur de l’altération de la santé mentale du salarié soit extérieur à l’entreprise a conduit les juges du fond à analyser les mesures prises par l’employeur, ce d’autant, comme le relèveront les juges du droit, que les éléments médicaux produits, datés de 2008, étaient sans lien avec les attentats dont le salarié avait été témoin. Les juges du fond ont donc retenu que l’employeur n’avait commis aucun manquement à ses obligations, les mesures prises ayant été jugées suffisantes. La haute juridiction empruntera la même voie en décidant que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ». Des décisions récentes semblaient annoncer le revirement de jurisprudence24. Désormais, l’employeur ne sera plus tenu responsable au motif qu’une altération de la santé du salarié est survenue. Le chef d’entreprise pourra s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du salarié en prouvant qu’il avait pris toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail25. Cette nouvelle approche de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre du contentieux individuel du travail, par laquelle l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis d’un salarié au vu des mesures prises, rejoint en quelque sorte la position déjà dégagée à propos du contentieux collectif dans le cadre des réorganisations d’entreprise : si la jurisprudence interdit toujours à l’employeur, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés26, il apparaît désormais possible pour l’employeur d’éviter l’interdiction judiciaire dès lors qu’il a pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir les risques créés par une réorganisation27. Ainsi, désormais, même dans le cadre d’un contentieux individuel, l’employeur ne devrait plus se voir opposer par les juges, y compris sur le terrain des risques psychosociaux28, que l’absence de faute ne peut l’exonérer de sa responsabilité29. Les cas d’indemnisation ne seront pas pourtant en net recul dès lors que l’employeur ne pourra s’exonérer que si toutes les mesures de prévention visées aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail ont été adoptées. L’entreprise devra par ailleurs pouvoir prouver que des mesures ont été prises, ce qui suppose une traçabilité dans l’hypothèse d’avoir à fournir une justification dans le cadre d’une procédure judiciaire. Espérons simplement, en guise de conclusion, que le juge n’aura pas une appréciation trop stricte d’un point de vue quantitatif et qualitatif, s’agissant des mesures de prévention prises par les employeurs, car il est essentiel que cette voie de l’exonération soit maintenue pour les employeurs diligents : la démarche de prévention doit en effet être encouragée afin que les employeurs soient incités à faire preuve d’éthique pour prévenir toutes les altérations de la santé physique ou mentale de leurs salariés ou, à tout le moins, pour les faire cesser le plus rapidement possible dès qu’ils en ont connaissance. En tout cas, l’appréciation judiciaire des mesures prises par la compagnie aérienne dans l’affaire commentée permet de se rassurer à ce sujet30.

G. François

2 – La reconnaissance du burn out en tant que maladie professionnelle : l’avancée de la loi Rebsamen

L. n° 2015-994, 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi31. Les entreprises doivent se montrer vigilantes concernant l’état de santé des salariés, plus exactement, le syndrome d’épuisement professionnel ou burn out comme le prouve la disposition légale commentée.

Pour autant, il ne faut pas en déduire que tout salarié victime d’épuisement en lien avec le travail pourra se prétendre victime d’une maladie professionnelle. L’un des principaux obstacles est la définition de cette notion. Si ce syndrome a fait l’objet d’études dès 197432, il n’existe à ce jour aucune définition médicale33 ou légale. Dès lors, le législateur s’est trouvé confronté à une impossibilité de classer l’épuisement professionnel au tableau des maladies professionnelles.

Classiquement, est « présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées dans ce tableau » (CSS, art. L. 461-1). Néanmoins, le Code de la sécurité sociale admet qu’une affectation puisse recevoir la qualification de maladie professionnelle, notamment lorsqu’une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle a entraîné le décès de celle-ci ou une incapacité permanente au moins égal à 25 % (CSS, art. R. 461-8).

Dans ce cas, une procédure complémentaire est nécessaire et impose le recours à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

La loi du 17 août 2015 a introduit dans le Code de la sécurité sociale (CSS, art. L. 461-1 modifié), une disposition selon laquelle « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle ». En d’autres termes, le syndrome d’épuisement professionnel ne sera considéré comme une maladie professionnelle que dans l’hypothèse où le salarié satisfait à la procédure complémentaire qui nécessite la saisine du comité régional.

Le législateur n’a donc pas créé un tableau qui serait spécifique au burn out. Il a simplement facilité la reconnaissance de cette pathologie en tant que maladie professionnelle.

A. Fiorentino

3 – Violation du secret des correspondances du salarié

Cass. soc., 26 janv. 2016, n° 14-15360. L’employeur ne peut librement ouvrir la correspondance du salarié. Depuis l’arrêt dit Nikon34, la Cour de cassation rappelle que ce dernier peut revendiquer le droit au respect des correspondances, même lorsque celles-ci sont dématérialisées sous forme de courriels. Toutefois les magistrats du quai de l’Horloge ont progressivement réduit cette protection de l’intimité du salarié, dès lors que ce dernier utilisait l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur.

Ainsi il a été jugé que « des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié »35.

Le présent arrêt a quelque peu créé la surprise36 en allant à l’encontre de cette « professionnalisation » croissante des documents créés au moyen de l’outil informatique. Un employeur avait tenté de produire en justice des courriels envoyés depuis l’ordinateur mis à disposition de la salariée. La Cour de cassation s’est opposé à ce mode probatoire : « ayant constaté que les messages électroniques litigieux provenaient de la messagerie personnelle de la salariée distincte de la messagerie professionnelle dont celle-ci disposait pour les besoins de son activité, la cour d’appel en a exactement déduit que ces messages électroniques devaient être écartés des débats en ce que leur production en justice portait atteinte au secret des correspondances ».

D’aucuns pourraient voir, dans cet arrêt, un revirement de jurisprudence. Il semble toutefois que l’arrêt de 2013 diffère de la présente décision sur un point : le salarié n’avait pas enregistré ses courriels sur l’ordinateur. La conséquence pour l’employeur est que, même s’il peut matériellement accéder aux courriels envoyés depuis l’adresse personnelle du salarié, il ne peut les lire, sauf si le salarié a enregistré ses courriels sur le disque dur de l’ordinateur.

A. Fiorentino

4 – Le harcèlement moral : nouvelle précision jurisprudentielle

Cass. crim., 26 janv. 2016, n° 14-80455. En droit français, le harcèlement moral est défini dans deux textes37, de manière quasiment identique. Il est fait référence à des agissements ou des comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le présent arrêt apporte deux précisions. Tout d’abord la chambre criminelle considère que « le délit de harcèlement moral n’implique pas que soient constatés des agissements répétés de nature différente ». Si la jurisprudence exige la pluralité d’actes, aucune disposition n’impose que ces actes soient de nature différente. La cour d’appel, dans la présente affaire, avait débouté un salarié de ses prétentions au motif que le harcèlement ne pouvait être caractérisé car le requérant ne se prévalait que d’un comportement (isolement professionnel) qui avait été réitéré. Pour les seconds juges, cela ne permettait pas d’établir le harcèlement qui requiert une pluralité d’actes de nature différente. Ce raisonnement est censuré par les magistrats du quai de l’Horloge.

Le second problème soulevé par cet arrêt réside dans les conséquences du harcèlement. Les deux textes prévoient que les comportements incriminés peuvent avoir pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. La jurisprudence considère classiquement que la volonté d’atteindre ce résultat dommageable n’est pas une condition de reconnaissance du harcèlement moral38. Toutefois, faut-il au moins pouvoir constater que les actes ont effectivement eu ce résultat ou doit-on se contenter de vérifier que les actes auraient potentiellement eu cet effet39 ? La chambre criminelle a opté pour la seconde interprétation. Il suffit que l’altération des conditions de travail, l’atteinte à l’état de santé, à la dignité ou aux perspectives de carrière du salarié soient potentielles. Nul besoin de caractériser les effets objectifs que le harcèlement aurait eu sur la victime.

A. Fiorentino

II – L’éthique externe

A – Éthique environnementale ?

La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21) ; accord de Paris du 12 décembre 2015 ; déclaration des institutions financières sur le financement de l’efficacité énergétique ; Task Force on Climate Related Financial Disclosure ; rapport de l’AMF sur l’investissement socialement responsable (ISR) dans la gestion collective, nov. 2015 ; projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 45 ter40 ; avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile, art. 1235 ; L. n° 2015-992, 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Le changement climatique est de ces domaines où les initiatives des entreprises sont particulièrement attendues. Si ces initiatives sont parfois volontaires, elles se déploient dans un contexte favorable à l’engagement de la responsabilité des pollueurs. La consécration du préjudice écologique dans le Code civil en témoigne. Au-delà des entreprises considérées individuellement, ce sont des filières ou des bassins entiers qu’il s’agit de responsabiliser ; les premiers pas de l’économie circulaire dans notre législation sont, à cet égard, révélateurs.

1 – Changement climatique

La 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, dite « COP 21 », qui s’est tenue au Bourget en novembre et décembre 2015, a témoigné du rôle important que les entreprises sont appelées à jouer dans la régulation des risques climatiques. Sur place, l’espace était réparti en trois aires : à côté de la « zone bleue » dédiée aux négociations et des espaces « générations climat » consacrés à l’expression de la société civile, la « galerie des entreprises » a permis à ces dernières d’exposer quantité de solutions développées pour faire face au changement climatique. L’évènement n’a pas seulement illustré la montée en puissance des périls climatiques dans le business model des opérateurs économiques. Elle a également officialisé la participation des entreprises à la mise en œuvre et à l’élaboration du droit de l’environnement. Le Business Dialogue, qui rassemblait les négociateurs d’une trentaine de pays et des P.-D.G. internationaux, visait à établir un espace de dialogue sur les réponses à apporter aux défis climatiques. Dès avant le lancement des négociations, cette initiative s’est traduite par la publication d’un rapport41. L’accent y a été mis sur la promotion de l’innovation, qu’elle soit technologique ou financière, sur la nécessité d’une meilleure collaboration public/privé et sur le besoin de disposer d’un cadre réglementaire lisible et prévisible. L’accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015 au terme des négociations, reconnaît lui aussi une place majeure aux « entités non parties ». Les « efforts déployés par toutes les entités non parties afin de faire face et de répondre aux changements climatiques, y compris ceux de la société civile, du secteur privé, des institutions financières, des villes et des autres autorités infranationales » (§ 134) sont reconnus et encouragés. Les États se voient chargés de promouvoir l’engagement de ces entités non parties, en leur donnant « des possibilités constructives et régulières de participation effective » (§ 121), en favorisant la publicité de leurs bonnes pratiques (§ 118), voire en instituant à leur avantage des incitations financières ou réglementaires (§ 137).

Le processus de ratification de l’accord de Paris s’est ouvert dans un contexte que l’on a pu juger défavorable, marqué notamment par l’effondrement des cours mondiaux des hydrocarbures, la chute des cours des quotas européens d’émissions de gaz à effet de serre, la décision de la Cour suprême américaine de suspendre, en février 2016, le Clean Power Plan, ou encore celle des institutions européennes d’augmenter les seuils autorisés d’émissions d’oxyde d’azote des véhicules. Toutefois, l’entrée en vigueur de cet accord a été considérablement accélérée par l’intervention du Parlement européen, qui en a approuvé la ratification par l’Union européenne le 4 octobre 2016, sans attendre les ratifications individuelles de chacun des États membres.

Difficile d’anticiper les évolutions réglementaires qui en résulteront en France étant donné que, dans notre pays, la transition énergétique avait déjà été l’objet de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

En tout état de cause, les initiatives volontaires en faveur de la transition énergétique prolifèrent. On notera notamment l’établissement, sous l’égide de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et de l’Initiative financière du Programme des Nations unies pour l’environnement (UNEP FI), de la Déclaration des institutions financières sur le financement de l’efficacité énergétique42, ou encore le lancement d’une mission chargée d’élaborer des lignes directrices harmonisées sur le reporting climatique (Task force on climate related financial disclosure)43.

Ces deux initiatives doivent être mises en relation avec l’intérêt accru des investisseurs pour les risques climatiques. Corrélativement, ils n’ont de cesse d’en appeler à une meilleure régulation des informations y afférentes. Ainsi, aux États-Unis, la Securities and Exchange Commission (SEC) est sous le feu des critiques pour n’avoir qu’insuffisamment veillé à la mise en application de ses lignes directrices sur la communication d’informations climatiques44. Mais les investisseurs sont eux-mêmes de plus en plus sommés de faire preuve de transparence sur leurs pratiques en matière de prise en compte des risques climatiques. En novembre 2015, l’Autorité française des marchés financiers (AMF) a pris le parti de consacrer une étude à l’investissement responsable et d’y promouvoir une plus grande transparence des acteurs de la gestion collective45. Dans son rapport annuel pour 2015, l’AMF a, par ailleurs, mis en avant les nouvelles obligations d’informations climatiques issues de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique46. À compter de l’exercice clos au 31 décembre 2016, sociétés de gestion et investisseurs institutionnels sont en effet tenus de communiquer des informations sur les modalités de prise en compte, dans leur politique d’investissement, des critères sociaux, environnementaux et de gouvernance, ainsi que sur la manière dont sont exercés « les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix » ; les investisseurs institutionnels visés doivent, en outre, faire état des « moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique »47. Ces nouvelles obligations d’information paraissent emblématiques de la « régulation informationnelle de l’environnement »48 à l’œuvre : l’obligation de dire porte en germe une obligation de faire.

Au-delà de la diffusion des informations climatiques, c’est la fabrication de ces informations qui pourrait faire l’objet d’un meilleur encadrement : tel est l’enseignement du Dieselgate. Après Volkswagen, tous les constructeurs automobiles sont aujourd’hui soupçonnés d’avoir truqué les tests sur les émissions polluantes de certains de leurs modèles. À la tourmente médiatique, s’ajoute un risque de débâcle financière, alimenté par les nombreuses poursuites et actions de groupe engagées contre les constructeurs.

Quant à la perspective de voir des entreprises directement condamnées en raison de leur contribution aux dommages résultant du changement climatique, elle continue de se heurter à des obstacles. Les premières victoires des artisans du contentieux climatique ont été obtenues à l’encontre d’États condamnés pour carence49. À ce jour, la responsabilité civile n’est sans doute pas bien adaptée aux dommages diffus. Cela étant, des évolutions ne sauraient être exclues. D’ores et déjà, les parlementaires français envisagent d’introduire une action de groupe environnementale50 et le préjudice écologique a fait son entrée dans notre Code civil.

2 – Réparation du préjudice écologique

Depuis son célèbre arrêt Erika, la Cour de cassation admet la réparation du préjudice causé à l’environnement lui-même51. En vue d’officialiser cette jurisprudence et de l’encadrer, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a inséré un nouveau chapitre dédié à « la réparation du préjudice écologique » dans le Code civil. Son nouvel article 1246 énonce, en forme de principe, que « [t]oute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer ». La responsabilité n’est donc pas subordonnée à la commission d’une faute. L’article 1247 propose, quant à lui, une définition du préjudice réparable : celui-ci consiste en « une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ». De la sorte, au-delà du préjudice causé à l’environnement lui-même, c’est le préjudice collectif que l’atteinte à l’environnement cause aux humains qui a vocation à être réparé sur le fondement des nouvelles dispositions52. Qui peut agir en réparation du préjudice écologique ainsi défini ? « L’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements dont le territoire est concerné, ainsi que les établissements publics et les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement », mais aussi, plus largement, « toute personne ayant qualité et intérêt à agir » (C. civ., art. 1248). Cette action se prescrit par « dix ans à compter du jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice écologique » (C. civ., art. 2226-1). La réparation doit s’effectuer « par priorité en nature », mais si la réparation en nature s’avère « impossible » ou « insuffisante », « le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État » (C. civ., art. 1249). Ainsi, la distinction, classique en droit de la responsabilité civile, entre réparation en nature et réparation par équivalent monétaire triomphe de l’approche plus « environnementaliste » n’admettant qu’une réparation en nature, au besoin sous la forme de mesures de compensation opérant une réparation « par équivalent en nature »53. Le Code de l’environnement n’est pas pour autant ignoré. Dans un arrêt du 22 mars 2016, la Cour de cassation avait considéré, au regard du principe civiliste de réparation intégrale, que les mesures de réhabilitation des milieux endommagés imposées par l’Administration en vertu du Code de l’environnement, n’excluaient pas l’intervention d’une réparation additionnelle ordonnée par le juge civil54. De manière complémentaire, le nouvel article 1249 du Code civil ajoute que le juge civil statuant sur la réparation du préjudice écologique devra tenir compte, « le cas échéant, des mesures de réparation déjà intervenues, en particulier dans le cadre de la mise en œuvre du titre VI du livre Ier du Code de l’environnement » (C. civ., art. 1249). Pour finir, le nouveau chapitre sur la réparation du préjudice écologique scelle l’extension des finalités du droit de la responsabilité civile : celle-ci a vocation, non seulement à réparer le préjudice consommé mais aussi à faire cesser le dommage, voire à le prévenir55. D’un côté, « [i]ndépendamment de la réparation du préjudice écologique, le juge, saisi d’une demande en ce sens par une personne mentionnée à l’article 1248, peut prescrire les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le dommage » (C. civ., art. 1252). De l’autre, « [l]es dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable » (C. civ., art. 1251).

3 – Économie circulaire

La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique a inscrit dans le marbre de la loi, l’objectif de « lutter contre les gaspillages et [de] promouvoir l’économie circulaire ». L’économie circulaire « vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets »56. Le défi est de taille : il pourrait supposer de remettre en cause, au-delà de certaines pratiques, telles que l’obsolescence programmée57, notre représentation du marché. L’ambition d’optimiser les flux de ressources suppose effectivement de battre en brèche la conception atomistique des agents économiques dont se nourrit notre droit de la concurrence, au profit de « la coopération entre acteurs économiques à l’échelle territoriale pertinente »58. Le défi est également lancé aux autorités publiques, appelées à remettre en cause leur fonctionnement cloisonné. La transition vers une économie circulaire implique ainsi, non seulement la « circularisation » de la commande publique59, mais également de nouveaux modes de gouvernance, que préfigurent peut-être les « engagements pour la croissance verte » inaugurés en France en avril 201660. Ces accords sont inspirés des green deals néerlandais. Généralement conclus entre un groupement d’entreprises d’un côté et un ou plusieurs ministères de l’autre, ils sont destinés à lever les freins qui entravent illégitimement le déploiement de projets innovants61. L’expérience des Pays-Bas montre que les engagements peuvent être extrêmement divers, depuis la désignation par l’Administration d’un chef de projet chargé d’assurer l’interface avec les différents ministères concernés, de leur faire remonter les difficultés et d’envisager des mesures de facilitation, jusqu’à l’élaboration d’un cadre normatif plus favorable au développement des projets du type de ceux concernés par l’accord. Les autorités françaises insistent cependant sur le fait que ces accords ne permettent ni l’établissement d’un régime réglementaire dérogatoire ni le bénéfice d’un financement particulier et que, non contraignants, ils ne sauraient s’analyser comme une forme de rescrit.

A.-S. Epstein

B – Éthique contractuelle : l’impact de la réforme du droit des contrats

Nul ne l’ignore, le droit français des contrats a enfin effectué sa mue. L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, dont les dispositions sont applicables depuis le 1er octobre 2016, promet à tous les opérateurs un droit plus lisible, accessible et attractif du droit français sur la scène internationale. Les entreprises sauront s’en réjouir62, même s’il leur faudra aussi, sans doute, un temps d’apprentissage pour intégrer une nouvelle donne remarquable : celle d’un droit des contrats résolument porté, désormais, par une exigence d’éthique contractuelle.

L’ordonnance marque en effet une vraie rupture par rapport au Code civil de 1804. Acceptant l’idée que tous les contractants, y compris les professionnels, ne sont pas forcément libres et égaux, et que l’impératif de justice n’est pas moins important que celui de sécurité contractuelle63, le législateur permet au Code civil de rattraper, et parfois même de dépasser, les droits spéciaux du contrat (droit de la consommation et droit des pratiques restrictives, en particulier) sur un terrain qui n’est donc plus leur chasse gardée.

Certes, la lésion ne vicie toujours pas les conventions (C. civ., art. 1168 : « Dans les contrats synallagmatiques, le défaut d’équivalence des prestations n’est pas une cause de nullité du contrat, à moins que la loi n’en dispose autrement »). Certes encore, l’unilatéralisme, et le souci d’efficacité économique qui le sous-tend, se voit expressément consacré (C. civ., art. 1164 : détermination unilatérale du prix dans les contrats cadre ; C. civ., art. 1126 : résolution par notification) et même parfois affermi (C. civ., art. 1120 : exception d’inexécution anticipée ; C. civ., art. 1123 : réduction du prix). Mais que dire de la place qui est désormais accordée à l’éthique contractuelle ! On trouvera ainsi dans le droit nouveau :

  • une consécration de la violence par abus de dépendance (C. civ., art. 1143 : « Il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif »), qui exprime le souci de protection des parties faibles : l’excès contractuel n’est dénoncé, en effet, que pour autant qu’il est obtenu au détriment d’un contractant en situation de dépendance (économique ou autre). Il reste à savoir si la condition d’abus, mentionnée par le texte, sera ou non érigée en critère autonome, distinct de l’obtention de l’avantage manifestement excessif. On sait que le succès très mitigé de l’abus de dépendance dans sa version prétorienne64 était, entre autres, lié au fait qu’il ne pouvait se concevoir en l’absence de pressions65 ;

  • l’admission de la révision pour imprévision (C. civ., art. 1195), qui sonne le glas de la jurisprudence Canal de Craponne et de son attachement révérencieux à l’intangibilité du contrat. De fait, si « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque » (on remarque que les parties conservent, en principe66, la liberté de répartir la charge du risque à leur guise), le texte instaure un remède à trois temps : d’abord, la partie qui supporte le renchérissement du coût du contrat « peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant » ; ensuite, « en cas de refus ou d’échec, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation » ; enfin, et surtout, « à défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». Le deuxième scénario étant assez improbable, et le troisième étant naturellement le plus redouté par le créancier, on comprend que tout est fait, en réalité, pour favoriser l’adaptation amiable du contrat67 ;

  • la consécration de la prohibition des clauses abusives (C. civ., art. 1171 : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite »), qui permet la mise en harmonie du Code civil avec le Code de la consommation (C. consom., art. L. 212-1) et le Code de commerce (C. com., art. L. 442-6, I, 2°). Pour ne pas être insensible à l’exigence d’équilibre, on se félicitera, cependant, de ce que le législateur ait emprunté à son homologue consumériste la limite tenant au fait que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation » (C. civ., art. 1171, al. 2). De même, approuvera-t-on le « recentrage » que l’ordonnance a finalement opéré en cantonnant le champ de la prohibition aux contrats d’adhésion (par ailleurs assez mal définis : C. civ., art. 1110). Le texte accrédite ainsi, à nouveau, l’idée selon laquelle un contrôle du contenu contractuel ne trouve sa légitimité qu’au regard du contexte de conclusion de l’acte. Cela étant, nous ne croyons pas, contrairement aux promoteurs de la réforme, que le droit commun sera, de fait, peu utile aux entreprises qui bénéficient déjà de la protection du Code de commerce68. Car le « partenariat commercial » de l’article L. 442-6 n’est pas extensible à l’infini : la souscription d’un contrat de financement, ou (ce qui nous paraît moins souhaitable) l’adhésion à des statuts de société par acquisition d’une participation69, pourraient bien relever du champ de l’article 1171, plutôt que de celui de son homologue commercial ;

  • et sans oublier, last but not least, la mise en valeur de l’exigence de bonne foi (C. civ., art. 1104 : « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi »), qui trône symboliquement au sein de dispositions liminaires ressemblant fortement à des principes directeurs, qui n’est plus seulement cantonnée à la phase d’exécution comme le suggérait de façon réductrice l’article 1134, et qui est, au passage, expressément marquée par le label « ordre public ».

Reste à savoir si cette « poussée éthique », dont les TPE et PME sauront en particulier profiter sur le marché interne70, ne sera pas de nature, dans une perspective internationale, et contrairement à ce qu’espère le législateur, à détourner les opérateurs du droit français. Il est vrai que la « multiplication des standards »71 donne au juge un rôle déterminant, si bien que l’on pourrait craindre que « le sort des prévisions contractuelles (soit) finalement entre les mains de celui-ci »72. En même temps, le droit allemand n’a-t-il pas été « précurseur d’un contrôle judiciaire de l’équilibre du contrat, sans considération de la qualité de professionnel ou de consommateur pas plus que d’une position de faiblesse de l’un des cocontractants, mais limité aux clauses prérédigées (…) »73 ? Et le droit suisse, auquel les opérateurs du commerce international accordent tant de crédit, ne connaît-il pas la lésion qualifiée (Code des obligations, art. 21) ? Avec Denis Mouralis74, nous voudrions surtout rappeler que les choix de loi applicable exprimés par les opérateurs, surtout lorsqu’il s’agit de PME, sont en pratique bien plus souvent influencés par la nationalité, la proximité ou l’habitude, que par le contenu d’une législation donnée. Attendons donc, un peu, avant de crier au loup.

F. Buy

C – Éthique concurrentielle

1 – La transaction de la loi Macron et l’éthique de l’entreprise

L. n° 2015-990, 6 août 2015, pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Contestée, parfois saluée, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques75, dite loi Macron, a incontestablement impacté l’encadrement juridique des activités économiques. Que ce soit pour « libérer l’activité », pour « investir », ou pour « travailler »76, cette loi voulait moderniser l’économie française et lever les freins à l’activité, et cela en assurant la confiance, en simplifiant les règles qui entravent l’activité économique et en renforçant les capacités de créer, d’innover et de produire des Français77.

Certains outils utilisés ont été fortement médiatisés, qu’il s’agisse du travail dominical, de la libéralisation des lignes de bus ou d’autres activités, notamment des professions réglementées. Les différentes libéralisations réalisées ont eu un impact sur l’activité économique, en réintroduisant de la concurrence dans des secteurs qui n’en connaissaient pas ou peu. Toutefois, s’agissant de la concurrence, la loi du 6 août 2015 a également modifié un certain nombre de règles susceptibles d’intéresser l’ensemble des entreprises et des secteurs, en ce qu’elles touchent à la sanction des infractions en droit de la concurrence.

Outre le renforcement des attributions consultatives de l’Autorité de la concurrence, la loi du 6 août 2015 a en effet modifié la procédure de sanction devant cette même autorité afin de remédier au manque d’attractivité, pour les entreprises, de l’ancien dispositif de non-contestation des griefs. L’enjeu était important car ce dispositif présentait de nombreux intérêts en ce qu’il permettait de simplifier la sanction des comportements anticoncurrentiels, en suscitant la collaboration de l’entreprise concernée. Par cette non-contestation, l’entreprise, qui avait pu méconnaitre l’éthique des affaires, était ainsi incitée à faire preuve de responsabilité, à restaurer cette éthique méconnue.

Pour rendre le dispositif attractif, la loi du 6 août 2015 instaure une procédure de transaction devant l’Autorité de la concurrence, laquelle se substitue à la procédure de non-contestation des griefs. La modification n’est pas uniquement terminologique, le choix a été fait de confier au rapporteur général un véritable pouvoir de négociation, s’agissant du montant des sanctions pécuniaires.

À cette fin, l’article L. 464-2, III, du Code de commerce ne prévoit plus aucun seuil, plus aucune proportion : il indique désormais que « lorsqu’un organisme ou une entreprise ne conteste pas la réalité des griefs qui lui sont notifiés, le rapporteur général peut lui soumettre une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire envisagée ». Par ailleurs, et afin de susciter une démarche participative de l’entreprise ou de l’organisme concerné, le texte prévoit également que « lorsque l’entreprise ou l’organisme s’engage à modifier son comportement, le rapporteur général peut en tenir compte dans sa proposition de transaction ».

Exit donc la réduction de moitié du montant maximal de la sanction encourue, prévue dans le cadre de la procédure de non-contestation des griefs. Désormais, le rapporteur fixe une « fourchette », laquelle doit être respectée par le collège lors de la détermination de la sanction.

Une telle évolution permet donc une modulation plus souple des sanctions susceptibles d’être prononcées, par la détermination d’un plafond pouvant être très inférieur – ou non – à la sanction encourue78. Surtout, plus que dans la réduction ou non des sanctions encourues, la loi du 6 août 2015 permet de rendre le dispositif plus lisible, en négociant un montant de réduction de la sanction et non un taux79. Par la détermination d’un maximum et d’un minimum, la sanction prononcée est plus prévisible pour l’entreprise en infraction, laquelle serait alors plus encline à accepter la transaction et à ne pas contester, ensuite, la décision du collège de l’Autorité de la concurrence.

Cela étant, il convient de remarquer que cette « fourchette » n’est connue de l’entreprise en infraction qu’après que celle-ci n’a pas contesté les griefs qui lui sont notifiés. L’entreprise ou l’organisme concerné n’a donc pas connaissance de l’importance – ou non – de la réduction des sanctions susceptibles d’être prononcées avant de décider de ne pas contester les griefs qui lui sont notifiés80. Cette connaissance de la réduction des sanctions postérieure à la non-contestation des griefs pourrait étonner lorsque l’on observe que, s’agissant des autres dispositifs transactionnels en matière pénale, la proposition de transaction précise le montant de l’amende transactionnelle dès le début du processus81.

À dire vrai, sur ce point, la transaction de l’Autorité de la concurrence se rapproche de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC)82. Tant s’agissant de la CRPC que de la transaction de l’Autorité de la concurrence, l’on retrouve cette même chronologie : l’intéressé doit d’abord reconnaître sa culpabilité, ou ne pas contester les griefs, avant de se voir proposer une peine, ou une sanction transactionnelle, et connaître ainsi les mesures envisagées et la réduction qu’elles présentent vis-à-vis des sanctions encourues.

La raison d’une telle chronologie se retrouve sans doute dans les travaux préparatoires concernant la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, où l’on constate que le législateur voulait éviter tout « marchandage »83, lequel serait peu significatif de la responsabilisation du contrevenant et surtout peu conforme à l’éthique de la justice.

Ainsi, avec la loi du 6 août 2014, par la précision des montants encourus et grâce à cette chronologie, la nouvelle procédure de transaction permet une plus grande incitation de l’entreprise à retrouver un comportement éthique, tout en préservant l’éthique de la justice, celle de l’Autorité de la concurrence.

J.-B. Perrier

2 – Concurrence et commerce équitable

Aut. conc., avis n° 15-A-11, 31 juill. 2015, relatif à un projet de décret concernant le commerce équitable ; D. n° 2015-1157, 17 sept. 2015, relatif au commerce équitable. Le commerce équitable a un lien évident avec l’éthique des entreprises et, plus largement, l’éthique du marché. Il repose sur l’idée d’une meilleure répartition des richesses, le principe étant celui du paiement aux producteurs défavorisés de pays en développement d’un prix suffisant, afin d’améliorer le sort des populations locales et les conditions de production84. Si l’idée est belle et les objectifs louables, le commerce équitable demeure cependant un marché relativement modeste : ses ventes ne représentent environ que 1 % du total des produits concernés. Cela étant, le secteur est en progression constante et ses utilisateurs sont souvent prêts à payer « plus cher » pour mieux consommer. Dès lors, le commerce équitable n’est pas à l’abri des convoitises et des abus, puisqu’il promet d’être très rentable à l’avenir. Certaines entreprises peuvent être tentées d’utiliser le label « commerce équitable », sans pour autant respecter ses engagements, afin de tromper le consommateur qui voudrait acheter différemment. Plus généralement, les opérateurs voulant utiliser le label doivent adhérer à des conditions d’achat harmonisées auprès des producteurs des pays en développement, ce qui peut poser des problèmes de concurrence. On pourrait considérer qu’il s’agit là de risque minimes, au regard du développement actuel de la filière. Certains ont même avancé l’idée selon laquelle réglementer le secteur pourrait s’avérer trop contraignant et serait contraire à son esprit. Il nous semble au contraire qu’en la matière, l’angélisme est souvent dangereux : croire que les entreprises joueront spontanément le jeu du commerce équitable, sans qu’il soit besoin de règles pour l’encadrer, est une vision au minimum naïve des choses. L’éthique imposée se justifie donc pleinement en ce domaine.

C’est dans cet esprit que le législateur est intervenu, pour la première fois en 2005, afin de mieux encadrer ce secteur émergeant. Dans la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, le législateur a donc défini la notion de commerce équitable, posé les conditions de labélisation et les objectifs. Ces éléments ont été modifiés par la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire. Aujourd’hui, la loi indique que « le commerce équitable a pour objet d’assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification ». Il restait alors à compléter certains points, et notamment, définir les critères du travailleur en situation de déséquilibre économique, ainsi que les modalités contractuelles du commerce équitable. Un décret devait fixer ces éléments. S’agissant des modalités contractuelles, le projet de décret prévoyait les conditions que doit remplir la rémunération versée par un acheteur aux travailleurs afin que la relation contractuelle puisse se prévaloir de la définition légale du commerce équitable. Si le prix équitable payé au producteur est librement déterminé par les parties, il n’est cependant pas le résultat de jeu du marché, en étant affecté par diverses contraintes. Or certains passages pouvaient soulever des difficultés. Ainsi, le projet prévoyait le fait que le prix équitable intègre obligatoirement une marge aurait pu constituer un avantage vis-à-vis de producteurs non intégrés à une filière équitable, susceptibles alors de vendre les mêmes produits à leurs clients mais à un prix de marché inférieur. De même, une référence au prix du marché comme prix minimum garanti était prévue, ce qui pouvait être analysé comme un « prix plancher ».

Saisie conformément à la procédure de l’article L. 462-2, alinéa 3 du Code de commerce, l’Autorité de la concurrence a rendu, le 31 juillet 2015, un avis soulignant les risques concurrentiels du commerce équitable85. Ce dernier n’est pas le premier adopté en la matière puisqu’il y avait déjà eu un avis similaire, rendu quelques années auparavant par le Conseil de la concurrence, à la suite de l’adoption de la loi de 2005. Le Conseil y recommandait de veiller à ce que les systèmes de certification du commerce équitable fonctionnent de manière concurrentielle86. On notera d’ailleurs que cette question de la labélisation a fait l’objet de retouches par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Si l’on revient à l’avis du 31 juillet 2015, l’Autorité de la concurrence y a préconisé de supprimer du projet de décret la référence au prix minimum et a proposé d’indiquer que la marge prévue par cette disposition doit permettre de réaliser les investissements nécessaires à l’amélioration de l’efficacité de leur outil de production et de la commercialisation de leurs produits. L’orientation de la marge vers l’efficacité de la production est censée limiter les effets négatifs potentiels identifiés.

Le gouvernement a suivi les recommandations de l’Autorité de concurrence et a publié, le 17 septembre 2015, le décret complétant les mesures visant à encadrer le commerce équitable87. Outre les modifications relatives aux aspects concurrentiels, on retiendra que le texte introduit la notion de « vulnérabilité » du travailleur, en fonction de critères physiques, économiques, sociaux ou politiques. Jusqu’ici, la notion était surtout employée en droit pénal, en droit des personnes ou en droit du travail. Indéniablement, le commerce équitable bouleverse les perceptions et la logique que l’on peut avoir du marché et de son fonctionnement habituel. Pour les juristes, la matière incite à modifier les réflexes et les habitudes : le commerce équitable invite à la transversalité et aux croisements des matières. Il illustre parfaitement ce que sont aujourd’hui la réalité et la complexité du droit économique, au croisement de tous les droits88.

J.-C. Roda

D – Éthique commerciale

CJUE, 15 janv. 2015, n° C-537/13 ; Cass. com., 17 juin 2015, n° 14-11437 ; Cass. 1re civ., 1er juill. 2015, n° 14-19620 ; CA Paris, 5 févr. 2015, n° 2015-002000 ; Cass. crim., 27 janv. 2015, n° 14-80220 ; Cass. com., 17 juill. 2015, n° 14-19304 ; CJUE, 16 avr. 2015, n° C-388/13 ; Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-13472 ; CESE, avis n° 2015/C012/01, 15 oct. 2014. La prohibition des clauses abusives a été l’un des fleurons de l’accroissement des règles éthiques imposées aux professionnels au bénéfice des consommateurs. Aujourd’hui, l’interdiction des clauses abusives dans les contrats d’adhésion connait un écho tout particulier du fait de l’ordonnance du 10 février 201689. Pour autant, le droit de la consommation n’en perd pas son intérêt ainsi qu’en atteste un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 15 janvier 2015. À la suite d’une absence de règlement de ses honoraires, un avocat avait saisi un tribunal lituanien afin d’obtenir une injonction de payer à l’encontre de son client. S’était alors posée la question de savoir si la directive du 5 avril 1993, relative aux clauses abusives, s’appliquait au contrat conclu entre un avocat et son client. La Cour européenne formule une réponse positive. Les clauses du contrat de prestation de service liant un avocat, lequel a la qualité de professionnel, et son client, profane, peuvent faire l’objet d’un contrôle sur le fondement de la directive.

Contribuant également à une meilleure éthique des relations commerciales, la prohibition des pratiques déloyales a acquis une importance considérable ces dernières années. L’un des contentieux récurrents concerne la vente d’ordinateurs équipés de logiciels préinstallés90. La pierre d’achoppement dans ce domaine tient notamment au refus des professionnels de rembourser la partie du prix de l’ordinateur correspondant au coût des logiciels. Or, constitue une pratique commerciale déloyale, la vente d’un bien concomitante à un autre, sans que ne soit laissée au consommateur la liberté d’acheter le premier bien nu. Souhaitant éclaircir le contentieux, la Cour de cassation a posé, par le biais de l’arrêt du 17 juin 2015, diverses questions à la Cour de justice de l’union européenne. Ainsi, la Cour européenne aura-t-elle à statuer sur trois éléments. Elle devra d’abord se prononcer sur l’illicéité de la pratique consistant à proposer tous les éléments sans opérer un détail des prix. Cette pratique peut être constitutive d’une dissimulation de prix. C’est d’ailleurs cet élément qui avait été débattu, bien que non retenu au regard des faits, dans l’arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2015. La Cour devra ensuite déterminer si la vente d’un ordinateur avec logiciel(s), qui n’offre pas la possibilité au consommateur de dissocier les éléments, revêt un caractère déloyal. Enfin, elle éclairera un contentieux parfois délicat à interpréter sur le caractère déloyal de l’offre conjointe, « lorsque le consommateur n’a pas la possibilité de se procurer auprès du même fabricant un ordinateur non équipé de logiciels ».

Bien que la protection contre les pratiques déloyales bénéfice principalement aux consommateurs, le non-respect de ces règles éthiques est souvent invoqué par les professionnels. Tel en allait ainsi dans l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 5 février 2015. Un fabricant de friteuses reprochait à son concurrent d’avoir affirmé, de manière erronée, que la friteuse qu’il commercialisait permettait de cuire « les frites les plus savoureuses sans huile » et « en seulement douze minutes ». À la suite d’expertises ayant établi que ces deux allégations étaient inexactes, la cour d’appel a considéré que les affirmations mensongères caractérisaient une pratique déloyale, laquelle rendait, en outre, la publicité illicite en raison de son caractère comparatif.

Les liens entre la publicité illicite et les pratiques trompeuses sont nombreux posant parfois des problèmes d’application de la loi pénale comme l’illustre l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 27 janvier 2015. Un fournisseur d’accès internet avait été déclaré coupable de délit de tromperie, et de pratiques commerciales trompeuses. En effet, il annonçait à ses clients un taux d’atténuation du débit qui était sciemment sous-évalué tout en vantant les qualités substantielles du service. Considérant que les juges du fond avaient appliqué rétroactivement la loi du 3 janvier 2008 relative aux publicités trompeuses, alors que les agissements dataient de 2006, le fournisseur d’accès avait invoqué, dans son pourvoi, la méconnaissance du principe de non-rétroactivité de la loi pénale. La Cour de cassation écarte néanmoins le moyen. Ce faisant, elle considère que la lutte contre les pratiques commerciales trompeuses prolonge celle contre les publicités mensongères. Les éléments de l’infraction ayant été constitués, le professionnel pouvait être à la fois sanctionné sur le délit de tromperie, et sur celui de pratiques commerciales trompeuses.

Si les pratiques déloyales peuvent se muer en publicité illicite, elles conduisent potentiellement à des actes de concurrence déloyale. C’est ce que met en lumière l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 17 juillet 2015. Un agent immobilier, qui commercialisait des biens également proposés par une autre agence, omettait d’indiquer, ou diminuait dans ses annonces, la commission qui serait demandée. Or la loi Hoguet du 2 janvier 1970 ne le permet que si l’agent justifie d’un accord des propriétaires. Ne possédant pas un tel accord, la pratique est caractéristique d’un acte de concurrence déloyale. Le procédé permettait, en effet, à l’agent immobilier de détourner à son profit une partie de la clientèle.

Si la pratique trompeuse ou agressive peut être liée à une autre pratique illicite, elle peut bien sûr être sanctionnée de manière autonome. Pour ce faire, différents critères doivent être réunis. Elle doit notamment être susceptible d’influencer le comportement d’un consommateur moyen. Restait à déterminer si ce critère est satisfait lorsque la pratique ne concerne qu’un seul consommateur. Dans l’arrêt du 16 avril 201591, un consommateur avait demandé à son fournisseur de services de télévision la période exacte à laquelle se reportait une facture afin de pouvoir résilier son abonnement. Une information erronée lui avait été communiquée. Le consommateur faisait valoir que la communication d’un document erroné constituait une pratique trompeuse. La Cour de justice de l’Union européenne approuve l’analyse. Consolidant le large domaine de la protection, elle retient qu’il n’est nullement nécessaire que la pratique soit généralisée pour qu’elle puisse être sanctionnée.

Toutefois, pour être prononcée, faut-il encore que la pratique soit trompeuse. Or la publicité trompeuse ne se confond pas avec une publicité qui manquerait de clarté, ainsi qu’en atteste l’arrêt de la Cour de cassation du 29 septembre 2015. Dans cette espèce, une société avait réalisé une publicité dans laquelle elle n’était identifiable que dans des mentions peu lisibles, de sorte que la référence, dans cette même publicité, à une banque de manière plus apparente était, selon les juges du fond, susceptible de créer une confusion. L’arrêt est néanmoins cassé. Pour la Cour de cassation, « l’absence d’identification claire de l’auteur de la publicité » n’est pas en soi une pratique déloyale. En effet, l’absence de clarté n’est trompeuse que si elle est « de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ». Or cette altération n’avait pas été constatée par les juges du fond qui ne pouvaient dès lors sanctionner la pratique au seul motif que la publicité manquait de clarté.

Malgré le perfectionnement progressif des règles relatives à la lutte contre les pratiques déloyales, le Comité économique et social européen a réalisé le 15 octobre 2014 de nouvelles recommandations afin de renforcer la protection de certains consommateurs en situation de vulnérabilité. Ainsi, un certain nombre de mesures a été proposé pour « empêcher la transformation du marché unique en marché bipolaire ». Le comité propose un durcissement de certaines règles afin notamment de lutter contre les actes de violence économique, ou encore contre la fraude alimentaire. La protection des personnes vulnérables pourrait également se réaliser en amont par de nouvelles règles destinées à prévenir et traiter de manière plus pertinente la situation des consommateurs surendettés.

S. Tisseyre

E – Éthique des investissements

1 – éthique et sûreté

Cass. 1re civ., 2 déc. 2015, n° 14-25147, PB ; Cass. 1re civ., 9 juill. 2015, n° 14-21763 ; Cass. com., 26 janv. 2016, n° 13-28378, PB ; Cass. com., 22 sept. 2015, n° 14-22913, PB ; Cass. 1re civ., 3 juin 2015, nos 14-13126 et 14-17203, PB ; Cass. com., 3 nov. 2015, nos 14-26051 et 15-21769, PB ; Cass. com., 29 sept. 2015, n° 13-24568, PB.

a – Le formalisme du cautionnement à l’honneur

Les sûretés sont classiquement conçues comme des garanties du crédit et, à ce titre, elles doivent présenter un haut degré de sécurité et d’efficacité pour le créancier. Ce principe de départ a pourtant subi de nombreux assauts, sous l’effet d’une jurisprudence et d’un législateur soucieux de conférer une protection aux garants personnes physiques. En creux, ces protections révèlent une forme d’éthique du crédit et de l’investissement qui, pour l’heure, s’exprime essentiellement par la reconnaissance de nouveaux devoirs à la charge du créancier bénéficiaire de la garantie92 On peut ici s’attacher à exposer quelques aspects de l’éthique de la conclusion des sûretés conventionnelles, dont on trouve une première illustration à travers le formalisme de protection introduit par les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation93. Au sein du contentieux pléthorique et parfois agaçant suscité par ces textes, deux intéressantes décisions seront mises en lumière. Dans la première, la Cour de cassation précise la nature et la force de ce formalisme en jugeant qu’il repose sur des « normes dont la méconnaissance, à la supposer établie, n’est pas contraire à l’ordre public international » (Cass. 1re civ., 2 déc. 2015, n° 14-25147, PB)94. Dans cette affaire rendue en matière d’arbitrage international, un cautionnement contenait une clause compromissoire ainsi qu’une clause de choix de loi en faveur du droit français. Or, ce n’est pas la caution mais son conseil qui avait rédigé la mention manuscrite, ce qui s’explique d’autant plus aisément que, selon toute vraisemblance, le garant n’avait pas une connaissance suffisante du français pour mesurer la portée d’une telle mention. Devant les arbitres, la nullité du contrat de cautionnement était ainsi invoquée sur le fondement du code de la consommation puisque la jurisprudence prohibe la mention rédigée par un tiers95. De manière surprenante, les arbitres écarteront cependant la nullité du cautionnement. Aussi, la caution a tenté de démontrer qu’une telle mesure serait contraire à l’ordre public international ce qui, on le sait, est une cause d’ouverture du recours en annulation à l’encontre de la sentence (CPC, art. 1520, 5°). Le problème se précise : le formalisme instauré par le Code de la consommation appartient-il au cercle restreint des normes figurant au sein de l’ordre public international ? La Cour de cassation, dans un arrêt prévisible96, le refuse nettement. C’est dire que l’ordre public consumériste diffère de l’ordre public international. Faut-il pour autant considérer, pour reprendre l’interrogation formulée par un auteur, que « le recours à l’arbitrage permet (…) de contourner les dispositions impératives » du Code de la consommation97 ? S’il ne faut certes pas exagérer la portée de la solution98, elle conduit indubitablement à relativiser la protection accordée à la caution par ces textes en présence d’une situation internationale soumise à l’arbitrage. C’est dire, en substance, que l’éthique de la conclusion du cautionnement n’est pas une éthique sans frontière.

Dans la seconde décision, la Cour de cassation était de nouveau confrontée à un cautionnement comportant une mention manuscrite défectueuse (Cass. 1re civ., 9 juill. 2015, n° 14-21763)99. Ici encore, la mention manuscrite avait été rédigée par un tiers et seule la signature émanait effectivement de la caution. Un obstacle de taille avait toutefois empêché la caution de rédiger sa page d’écriture : elle était illettrée ! En l’absence de mention satisfaisante, la cour d’appel avait annulé le cautionnement. Sans désarmer, le créancier sollicitait alors la mise en œuvre d’un formalisme atténué et adapté aux circonstances, en vertu duquel seule la signature de la caution serait exigée. La Cour de cassation écarte cette thèse et, prenant au sérieux les mentions manuscrites, retient que « la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites (…) destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s’engager que par acte authentique (…) envers un créancier professionnel ». En faveur de la solution, on retiendra sans doute que le formalisme n’a de sens que s’il est respecté… à la lettre ! Aussi, en l’absence de mention rédigée par la caution elle-même, comme l’exige le texte, la sanction devait mécaniquement sortir son effet. La conséquence laisse pourtant songeur puisque, pour pouvoir valablement cautionner, le garant illettré doit entreprendre la confection d’un acte authentique. Sous cet aspect, la solution éclaire sous un jour particulier la célèbre formule de Rudolf von Ihering, suivant laquelle « la forme est la sœur jumelle de la liberté ». En vérité, elle lui apporte un double démenti. D’une part, au cas particulier, ce n’est pas la forme mais sa violation qui est synonyme de liberté pour la caution. Elle obtiendra d’ailleurs sa libération alors même qu’elle aurait parfaitement compris les termes de son engagement, sauf à démontrer qu’elle a confirmé l’acte, ce qui peut se concevoir puisque la méconnaissance de ces textes est sanctionnée par une nullité relative100. D’autre part, sur le plan général, la solution n’est pas sans effet pervers pour les cautions puisque les banquiers exigeront désormais qu’elles recueillent leur engagement par acte authentique, comme le précise l’arrêt, voire par acte sous seing privé contresigné par avocat101, ce que l’arrêt ne dit cependant pas102. Cette surenchère restreint en pratique la liberté de souscrire un cautionnement et augmente le coût du crédit. En définitive, la forme n’est plus que la lointaine cousine de la liberté, à moins qu’elle ne soit la mère de la chicane, fille des mauvais procès. Afin d’atténuer ces inconvénients et sans renoncer au formalisme, il serait peut-être temps que le législateur rénove la rigueur désuète et inefficace des mentions manuscrites pour tirer pleinement profit des technologies modernes. À tout le moins, en cas d’impossibilité – le procédé n’est pas sans évoquer l’impossibilité de préconstituer un écrit en matière probatoire –, ne pourrait-on admettre que la formule sacramentelle soit prononcée oralement par la caution et enregistrée sur un support électronique ? Le formalisme peine décidément à s’adapter au temps présent…

b – Des précisions en matière de proportionnalité du cautionnement

La proportionnalité suscite aujourd’hui, dans la mouvance des droits fondamentaux, de graves interrogations au point qu’elle est accusée de menacer ensemble la sécurité juridique et la méthode juridique française. Le législateur n’hésite pourtant pas à l’employer. Prenant le relais de la responsabilité du banquier à l’égard de la caution profane103, on sait que le Code de la consommation impose désormais au créancier de respecter un principe de proportionnalité entre l’engagement de la caution personne physique et le patrimoine de cette dernière104. Ce devoir de proportionnalité, qui est sanctionné par une déchéance, participe lui aussi à l’éthique de la conclusion du cautionnement. Durant la période récente, la jurisprudence s’est attachée à en préciser le fonctionnement. Sur le terrain de la charge de la preuve d’abord, il faut évoquer une récente décision par laquelle la Cour de cassation a rappelé que c’est « au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation »105. On sait en effet que la déchéance envisagée par ce texte suppose la démonstration d’une disproportion au stade de la conclusion du contrat, qui se trouve cependant écartée lorsque, au jour où elle est appelée à régler la dette, la caution dispose de moyens suffisants pour y faire face. Bref, la déchéance est écartée lorsque la disproportion s’est dissipée depuis la conclusion du contrat. Dans ces conditions, si c’est bien à la caution d’établir la disproportion106, c’est au créancier qu’il incombe de démontrer le retour à meilleure fortune107. Sur le plan théorique, la charge de la preuve des conditions du bénéfice de disproportion est ainsi éclatée entre la caution et le créancier, la première devant établir la disproportion au jour de l’engagement quand le second doit prouver que la caution est en mesure d’y faire face au jour où elle est appelée à régler la dette. D’apparence logique, en tant qu’elle évoque notamment la distinction entre conditions d’obtention et d’exonération ou entre principe et exception, le découpage est en vérité un peu arbitraire. La solution est en outre exigeante puisque, si le retour à meilleure fortune n’est (hélas) pas le plerumque fit, le créancier ne paraît pas le mieux placé pour établir cette circonstance. Le critère de l’aptitude à la preuve a donc cédé le pas à l’exigence de protection de la caution. Voilà qui conforte l’idée selon laquelle « le sens » de l’attribution de la charge de la preuve « n’est pas tant technique que politique »108. La théorie de la charge de la preuve, source perpétuelle de réflexion et d’étonnement, est décidément promise à un bel avenir.

Quittant la charge de la preuve on peut, ensuite, envisager la question de l’appréciation de la disproportion. La Cour de cassation a fourni plusieurs indications sur les éléments que le juge doit prendre en compte pour établir la liste des éléments d’actif et de passif qui composent le patrimoine de la caution. Sur le plan de l’actif, il a logiquement été jugé que « les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement » (Cass. com., 26 janv. 2016, n° 13-28378, PB)109. Certes, tant les droits sociaux que la créance en compte courant d’associé s’évanouiront en cas de défaillance de la société, laquelle conditionne l’engagement de la caution, mais ce risque d’ineffectivité comme de dévaluation concerne, en vérité, tout élément d’actif. C’est donc l’intégralité de l’actif qui doit être pris en compte. En revanche, les revenus escomptés de l’opération garantie ne sauraient être inscrits à l’actif du patrimoine de la caution, car le simple espoir d’effectuer un profit n’est pas constitutif d’un profit et, a fortiori, d’un bien (Cass. com., 22 sept. 2015, n° 14-22913, PB)110. C’est d’ailleurs à cette conception rigoureuse que la première chambre civile s’est finalement ralliée (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, nos 14-13126 et 14-17203, PB)111. Sur le plan du passif, cette fois-ci, une autre ligne directrice a été tracée. Lorsque la caution a souscrit plusieurs cautionnements, seul l’endettement global au jour où la caution a souscrit l’engagement considéré doit être pris en compte. Un principe chronologique s’impose donc, qui se décline en deux règles. La première conduit à exclure du raisonnement les engagements souscrits après la date du cautionnement considéré. La Cour de cassation juge ainsi que « la disproportion du cautionnement s’apprécie en prenant en considération l’endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs » (Cass. com., 3 nov. 2015, nos 14-26051 et 15-21769, PB). S’il lui est interdit de considérer l’avenir, le juge doit en revanche avoir une pleine connaissance du passé. En ce sens, la seconde règle lui impose de tenir compte de toutes les dettes antérieures au cautionnement considéré, alors même qu’elles résulteraient de cautionnements antérieurs eux-mêmes déclarés disproportionnés (Cass. com., 29 sept. 2015, n° 13-24568, PB)112. Ces précisions, on le voit, contribuent à clarifier le jeu du principe de proportionnalité en matière de cautionnement. C’est dire que, envisagé en lui-même, ce principe est loin d’être incompatible avec la méthode juridique française. Éthique et proportionnalité font donc bon ménage.

V. Mazeaud

2 – Obligation d’information

Cass. com., 8 avr. 2015, n° 11-10058 ; Cass. com., 1er déc. 2015, n° 14-22134 ; Cass. com., 15 déc. 2015, n° 14-10675 ; CJUE, 21 janv. 2015, nos C482/13, C484/14, C485/13 et C487/13. L’obligation d’information bénéficie désormais d’une large reconnaissance. L’ordonnance du 10 février 2016 introduit, en droit commun du contrat, une obligation précontractuelle d’information113. Participant d’une meilleure éthique contractuelle, le devoir d’information est connu depuis fort longtemps en droit bancaire. Si celui-ci ne perd pas de sa teneur, il ne peut conduire à une indemnisation automatique du préjudice du client qui n’a pas été informé, ainsi qu’en atteste l’arrêt de la Cour de cassation du 8 avril 2015. Dans cette espèce, les clients d’une banque demandaient réparation de leur préjudice résultant en un défaut de valorisation des fonds qu’ils avaient placés sur un plan d’épargne en actions. Bien qu’ils n’aient pas confié à l’établissement de crédit un mandat de gestion, ils lui reprochaient de ne pas leur avoir proposé d’investir les fonds conservés sur l’un des comptes sur un autre, lequel aurait permis sa valorisation. Leur prétention est rejetée. La Cour de cassation rappelle qu’une banque n’est pas tenue « de proposer à son client d’investir les fonds conservés sur l’un de ses comptes ». En l’absence de faute, point de réparation. Pourtant, les règles de « bonne conduite » mentionnées en l’ancien article L. 533-4 du Code monétaire et financier imposent aux prestataires de services d’investissement de « se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de leurs clients »114. Toutefois, agir au mieux des intérêts de son client n’induit pas une obligation de proposer un investissement.

Pour autant, on ne saurait déduire de cet arrêt que les règles de bonne conduite ne donnent pas lieu à des applications concrètes. Le devoir d’information de l’établissement de crédit, bénéficiaire d’un cautionnement, en est une illustration topique. Les établissements de crédit sont débiteurs d’une obligation d’information. Celle-ci les oblige à faire « connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires »115. À défaut, le créancier encourt une déchéance des intérêts depuis la date de la précédente information116.

La jurisprudence contrôle avec exigence le respect de cette obligation. En effet, la preuve de l’observance de ce devoir d’information ne se confond pas avec la preuve de l’expédition de la lettre d’information, ainsi qu’en témoigne l’arrêt de la Cour de cassation du 15 décembre 2015. La facturation de l’envoi d’une lettre n’implique pas nécessairement que la caution ait précisément été informée de tous les éléments qui devaient être portés à sa connaissance. Dès lors, la preuve de l’envoi ne peut être admise comme preuve de la bonne exécution de l’obligation d’information.

L’obligation d’informer impose avant tout cette mise à disposition des renseignements pertinents. Ainsi, elle ne se confond pas avec le devoir de conseil ou de mise en garde auquel peuvent être tenus certains contractants. C’est ce qu’a relevé la chambre commerciale par un arrêt du 1er décembre 2015. Par celui-ci, elle constate que la clarté des stipulations contractuelles suffit à satisfaire l’obligation d’information de l’assureur. Celui-ci n’a pas, à la différence des établissements de crédit, l’obligation d’éclaircir l’assuré ou la caution sur l’adéquation des risques couverts.

L’éthique des investissements peut conduire, de manière plus originale, à ce que les juges se départissent d’une sanction de principe si, par son application, celle-ci porte préjudice au bénéficiaire de la disposition. Il en va ainsi en matière de clause d’intérêts moratoires qui comporteraient un caractère abusif. Dans la décision Unicaja Banco et Caixabank du 21 janvier 2015, la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que, par principe, la seule sanction admise lorsqu’un établissement de crédit prévoit un taux d’intérêt abusif est l’anéantissement de la clause. Néanmoins, si la suppression de la stipulation entraîne celle de l’entier engagement, obligeant corrélativement l’emprunteur au remboursement de l’intégralité du crédit, comme c’était le cas dans cette affaire, une autre sanction peut lui être préférée. Les juges peuvent dès lors réduire le montant des intérêts. Cette décision européenne ne permet donc pas aux professionnels de tirer profit de la sanction de leur manquement aux règles d’éthique.

V. Mazeaud

3 – Investissement socialement responsable

D. n° 2016-10, du 8 janv. 2016, relatif au label « investissement socialement responsable ». Nous avons eu l’occasion de revenir à plusieurs reprises dans la présente chronique, sur l’engouement que suscite chez les investisseurs soucieux de la paix de leur âme, la notion d’investissement socialement responsable. Simple mode ou mouvement de fond ? La question pouvait se poser. Quoi qu’il en soit, il était à craindre que, surfant sur cette tendance marketing, certains établissements de crédit ne soient tentés de proposer à leurs clients des produits qui n’avaient de « socialement responsables » que le nom. Et ce d’autant qu’il est bien difficile pour un investisseur d’apprécier la réalité et la pertinence des critères retenus. Afin de moraliser le secteur et rassurer les investisseurs, il a été décidé la mise en place d’un label officiel récompensant les produits les plus vertueux. C’est dans cette optique qu’a été adopté, le 8 janvier dernier, un décret précisant les modalités de mise en œuvre et de gouvernance de ce label « investissement socialement responsable » ou label ISR. Comme le précise l’article 1er du décret, ce label constitue un signe distinctif matérialisant la certification de la conformité d’un produit ou service d’investissement à un référentiel. Il s’agit surtout de vérifier le respect par l’organisme de placement d’un ensemble de critères relatifs à ses modalités de gestion et de récompenser tout placement conciliant performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et entités publiques qui contribuent au développement durable, quel que soit leur secteur d’activité.

La procédure d’octroi de ce label relève classiquement de la certification des services et des produits autres qu’agricoles, forestiers, alimentaires ou de la mer telle que prévue au Code de la consommation. Plus précisément, la démarche visant à l’obtention du label sera volontaire, les sociétés de gestion de portefeuilles pouvant demander à leur initiative, pour un ou plusieurs organismes de placement collectifs qu’elles gèrent, ledit label. Il leur suffira d’adresser leur demande à un organisme de certification de leur choix à condition qu’il bénéficie d’une accréditation délivrée conformément à l’article L. 115-28 du Code de la consommation.

Si le cahier des charges ou référentiel doit encore être précisé par arrêté du ministre des Finances, il convient de relever que la procédure de certification est assez stricte, le candidat devant non seulement démontrer qu’il répond aux exigences du référentiel, mais aussi qu’il a mis en place un processus de contrôle interne dans les conditions définies au plan de contrôle et de surveillance défini là encore par arrêté du ministre chargé des Finances. Après le label rouge pour les poulets, voici donc le label vert, en attendant les pastilles jaunes pour les voitures les moins polluantes… Décidément, nos pouvoirs publics nous en font voir de toutes les couleurs !

J.-F. Riffard

Notes de bas de pages

  • 1.
    La loi n° 2016-1691, dite Sapin 2 a été adoptée le 9 déc. 2016. À l’heure où la présente chronique était sous presse, il n’a pas été possible d’en faire état.
  • 2.
    https://www.oecd.org/daf/ca/Corporate-Governance-Principles-FRA.pdf.
  • 3.
    V. sur ce point Conac P.-H., Rev. sociétés, p. 612.
  • 4.
    Principes de gouvernement d’entreprise du G20 et de l’OCDE, p. 3.
  • 5.
    V. spéc. Principes de gouvernement d’entreprise du G20 et de l’OCDE, p. 14.
  • 6.
    Op. cit.
  • 7.
    Id. p. 32.
  • 8.
    Id. p. 33.
  • 9.
    C. com., art. L. 225-37 et C. com., art. L. 225-68.
  • 10.
    Sur ce rapport, v. François B., Rev. sociétés 2016, p. 66.
  • 11.
    Rapport 2015 du haut comité de gouvernement d’entreprise, p. 125 et s.
  • 12.
    Pour sa mise en œuvre, v. C. com., art. D. 225-104-1.
  • 13.
    En outre, le législateur est venu décourager le recours à ce type de rémunération versées au moment de la cessation des fonctions du dirigeant en alourdissant sa fiscalité : L. n° 2015-1702, 21 déc. 2015, de financement de la sécurité sociale. V. sur ce point, François B., « Retraites chapeaux : nouvelles mesures », Rev. sociétés, p. 267.
  • 14.
    Rapport 2015 du haut comité de gouvernement d’entreprise, p. 20.
  • 15.
    « Danone : les actionnaires contestent la rémunération de Franck Riboud », Les Echos, 30 avr. 2015.
  • 16.
    François B., « Bilan 2015 du vote consultatif des actionnaires sur les rémunérations des dirigeants (say on pay vote) ; « Bilan du Say on Pay 2015 en France, Étude de Towers Watson, 3 juill. 2015 », Rev. sociétés 2015, p. 613.
  • 17.
    Proposition de loi visant à améliorer la gouvernance au sein des grandes entreprises, déposée par M. le député J.-F. Mancel, AN, texte n° 3107, 7 oct. 2015.
  • 18.
    Texte adopté en première lecture, mais non encore promulgué) à l’heure où ces observations sont rédigées.
  • 19.
    C. com., art. L. 225-45 ; C. com., art. L. 225-47 ; C. com., art. L. 225-53 ; C. com., art. L. 225-63 ; C. com., art. L. 227-6.
  • 20.
    AFEP-MEDEF, communiqué de presse du 20 mai 2016, « L’Afep et le Medef annoncent une révision majeure du code et lancent une consultation publique », http://www.afep.com/uploads/medias/documents/Communique_presse_commun_Afep_medef_Revision_code_20052016.pdf.
  • 21.
    Article 54, 2° du projet.
  • 22.
    Sur ce sujet, v. Conac P.-H., « L’efficacité de l’auto-régulation en matière de rémunération semble avérée dès lors que l’implication de l’AMF et du haut comité de gouvernement d’entreprise est forte », Rev. sociétés 2015, p. 615.
  • 23.
    Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24444.
  • 24.
    V. par ex. Cass. soc., 3 déc. 2014, n° 13-18-743 : où il est relevé que l’employeur justifiait avoir mis tout en œuvre pour que le conflit entre la demanderesse avec une autre salariée puisse se résoudre au mieux, en adoptant des mesures telles que la saisine du médecin du travail et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et en prenant la décision au cours d’une réunion de ce comité de confier une médiation à un organisme extérieur.
  • 25.
    Fantoni-Quiton S. et Verkindt P.-Y., « Obligation de résultat en matière de santé au travail – À l’impossible nul n’est tenu », Dr. soc. 2013, p. 229 et s. : qui soutenaient déjà avant le revirement qu’il doit revenir à l’employeur d’établir « une politique de prévention structurée et finalisée » et, en cas de contentieux, d’établir qu’il a pris toutes les mesures possibles v. également dans le même sens : Antonmattéi P.-H., « Obligation de sécurité de résultat : virage jurisprudentiel sur l’aile », Dr. soc. 2016, p. 457 et s. : lequel approuve la haute juridiction de mettre en avant une nouvelle approche de l’obligation de sécurité de l’employeur, qui renforce la prévention et rend « la voie de l’exonération (…) possible pour les employeurs vertueux, alors que la condamnation au seul constat de la réalisation du risque avait créé une certaine résignation connue des magistrats ».
  • 26.
    Cass. soc., 5 mars 2008, n° 06-45888 ; v. sur cet arrêt : Verkindt P.-Y., « L’acmé de l’obligation de sécurité du chef d’entreprise », SSL 2008, n° 1346, p. 11 et s.
  • 27.
    V. not. à propos d’un projet d’externalisation : Cass. soc., 22 oct. 2015, n° 14-20173 ; v. sur cet arrêt : Dumont F., « Risques psychosociaux : nouvelle lecture de l’obligation de sécurité de résultat », JCP S 2016, 1046.
  • 28.
    Cass. soc., 1er juin 2016, n° 14-19702.
  • 29.
    V. pour une illustration de cette ancienne formulation : Cass. soc., 1er mars 2011, n° 09-69616.
  • 30.
    Notamment orientation de l’intéressé vers des consultations psychiatriques et mise en place d’un suivi régulier par la médecine du travail.
  • 31.
    JO n° 0189, 18 août 2015, p. 14346 ; Lokiec P., « Le dialogue social à l’épreuve de la loi Rebsamen. À propos de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 », JCP G 2015, 990 ; Michalletz M., « Le burn-out doit-il être inscrit dans un tableau de maladies professionnelles ? », JCP S 2016, 1042.
  • 32.
    Le pionnier en la matière est le psychologue américain Herbert J. Freudenberger, « Staff Burn-out », Journal of Social Issues, 1974, vol. 30, p. 159-165.
  • 33.
    Plusieurs écoles de pensées ont proposé leur propre définition. Sur la difficulté à cerner médicalement cette notion, v. Oligny M., « Le burn-out ou l’effet d’usure imputable à la régulation permanente d’incidents critiques. L’exemple du milieu policier », Revue internationale de psychologie, n° 2009/36, p. 209-228.
  • 34.
    Cass. soc., 2 oct. 2001, n° 99-42942.
  • 35.
    Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-12138.
  • 36.
    Lhernould J.-P. , « Statut des courriels provenant de la messagerie personnelle du salarié », JSL 2016, n° 405, p. 10.
  • 37.
    C. trav., art. L. 1152-1 ; C. pén., art. 222-33-2.
  • 38.
    Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 07-45321.
  • 39.
    Tournaux S., « La caractérisation harmonieuse du harcèlement moral aux plans civils et pénal », LexbaseHebdo, éd. social, n° 643, 11 févr. 2016.
  • 40.
    La loi n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle a été adoptée le 18 nov. 2016. À l’heure où la présente chronique était sous presse, il n’a pas été possible d’en faire état.
  • 41.
    The Business Dialogue, Business Sector Report, 2015.
  • 42.
    http://newsroom.unfccc.int/lpaa-fr/acces-a-lenergie-et-efficacite/declaration-des-institutions-financieres-sur-le-financement-de-l-efficacite-energetique/.
  • 43.
    https://www.fsb-tcfd.org/.
  • 44.
    V. par ex. Gelles D., « S.E.C. is criticized for lax enforcement of climate risk disclosure », New York Times, 23 janv. 2016.
  • 45.
    AMF, Rapport sur l’investissement socialement responsable (ISR) dans la gestion collective, nov. 2015.
  • 46.
    AMF, Rapport annuel 2015, mai 2016.
  • 47.
    C. mon. fin., art. L. 533-22-1 et C. mon. fin., art. D. 533-16-1.
  • 48.
    Epstein A.-S., Information environnementale et entreprise : contribution à l’analyse juridique d’une régulation, 2015, Institut Universitaire Varenne.
  • 49.
    V. not. L. Neyret L., « La reconnaissance de la responsabilité climatique », D. 2015, p. 2278.
  • 50.
    Projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, art. 45 ter.
  • 51.
    Cass. crim., 25 sept. 2012, n° 10-82938 : Bull. crim., n° 198 ; JCP G 2012, 1243, note Le Couviour K. ; D. 2012, p. 2675, obs. Ravit V. et Sutterlin O. ; D. 2012, p. 2673, obs. Neyret L. ; D. 2012, p. 2711, note Delebecque P. ; D. 2012, p. 2920, obs. Roujou de Boubée G.
  • 52.
    Comp. Neyret L. et Martin G.-J. (dir.), Nomenclature des préjudices environnementaux, 2012, LGDJ. La summa divisio proposée distingue les « préjudices causés à l’environnement » et les « préjudices causés à l’homme ». Cette seconde catégorie comprend deux rubriques : les « préjudices individuels » et les « préjudices collectifs ». Et c’est dans cette dernière rubrique que sont intégrées « les atteintes aux services écologiques » correspondant à « une diminution des bienfaits ou des bénéfices que les êtres humains retirent des éléments de l’environnement ou de leurs fonctions écologiques, au-delà et indépendamment de l’altération des bénéfices individuels et clairement identifiés »).
  • 53.
    Comp. C. envir., art. L. 162-9.
  • 54.
    Cass. crim., 22 mars 2016, n° 13-87650 : Bull. crim., n° 87.
  • 55.
    Cette dynamique imprègne l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile que le ministère de la Justice a soumis à la consultation en avril 2016.
  • 56.
    C. envir., art. L. 110-1-1.
  • 57.
    L’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation a déplacé les dispositions sur l’obsolescence programmée issues de la loi relatives à la transition énergétique. C’est dorénavant l’article L. 441-2 du Code de la consommation qui interdit « la pratique de l’obsolescence programmée qui se définit par le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à en réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». L’article L. 454-6 du même code continue d’assortir ce délit d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 €. Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 5 % du chiffre d’affaires moyen annuel. Les personnes physiques encourent également des interdictions d’exercice à titre de peine complémentaire.
  • 58.
    C. envir., art. L. 110-1-1.
  • 59.
    C. envir., art. L. 541-1.
  • 60.
    http://www.economiefrnl.com/fr/quatre-premiers-engagements-pour-la-croissance-verte-inspires-des-green-deals-neerlandais/.
  • 61.
    Ainsi, ces accords se distinguent des « accords environnementaux », que l’on a proposé de définir comme « des engagements pris par des entreprises ou branches sectorielles à la suite de négociations avec les pouvoirs publics, ou au moins reconnus par ceux-ci » (Blin-Franchomme M.-P., « De quelques éléments de régulation des démarches volontaires en matière de RSE… », BDEI 2009, n° 23, p. 53).
  • 62.
    V. not. Mestre J., « Le bonheur contractuel ! », AJCA 2016, p. 105.
  • 63.
    V. Revet T., « Une philosophie générale ? », RDC hors-série, avr. 2016, n° 112y5, p. 5.
  • 64.
    Cass. 1re civ., 3 avr. 2002 : D. 2002, p. 1860, note Gridel J.-P. et note Chazal J.-P. ; RTD civ. 2002, p. 502, obs. Mestre J. et Fages B.
  • 65.
    Sur ce débat, v. Barbier H., « La violence par abus de dépendance », JCP G 2016, 421 ; Deshayes O., « La formation des contrats », RDC hors-série, avr. 2016, n° 112z6, p. 21.
  • 66.
    Cette liberté pourrait buter, dans les contrats d’adhésion, sur la nouvelle prohibition des clauses abusives ; en ce sens, Pérès C., « Règles impératives et supplétives dans le nouveau droit des contrats », JCP 2016, 454.
  • 67.
    Sur ce texte, v. not. Stoffel-Munck P., « L’imprévision et la réforme des effets du contrat », RDC hors-série, avr. 2016, n° 112z5, p. 30 ; et plus généralement sur l’imprévision, Heinich J., Le droit face à l’imprévisibilité du fait, Mestre J. (préf.), 2015, PUAM, spéc. nos 155 et s.
  • 68.
    V. cependant Chagny M., « Les contrats d’affaires à l’épreuve des nouvelles règles sur l’abus de l’état de dépendance et le déséquilibre significatif », AJCA 2016, p. 115, qui évoque un « domaine d’application large ».
  • 69.
    Buy F. et Heinich J., « Droit des sociétés : la menace des clauses abusives », RJ com. 2016-4, p. 458.
  • 70.
    V. à ce propos le colloque organisé par notre collègue J.-C. Roda et le Master 2 Droit comparé appliqué de l’université d’Aix-Marseille, « Les contrats des TPE et PME. Etude de droit comparé », Aix, 20 avr. 2016, et notre communication « Les TPE et PME et la réforme du droit français des contrats ».
  • 71.
    Aynès L., « Le juge et le contrat : nouveaux rôles ? », RDC hors-série, avr. 2016, n° 112z2, p. 14.
  • 72.
    Ibid.
  • 73.
    Riffault-Silk J., « Le déséquilibre significatif, une approche comparatiste », Concurrences n° 2-2011, art. 35454.
  • 74.
    Mouralis D., « Les PME face au choix de la loi applicable à leurs contrats internationaux », in Les contrats des TPE et PME, préc.
  • 75.
    L. n° 2015-990, 6 août 2015 : JO, 7 août 2015, p. 13537 ; sur ce texte, parmi la doctrine foisonnante, v. notamment les différents dossiers : JCP E 2015, nos 37-38 ; JCP G 2015, n° spécial 44 ; Dr. sociétés 2015, n° 10 ; Rev. sociétés 2015, n° 11.
  • 76.
    Objectifs affichés par le plan même de la loi, chacun correspondant à un Titre.
  • 77.
    Exposé des motifs accompagnant le projet de loi, déposé à la présidence de l’Assemblée nationale le 11 décembre 2014.
  • 78.
    À titre de comparaison, on peut rappeler qu’en droit européen, la transaction proposée par la Commission précise également une « fourchette des amendes probables » (art. 10 bis du Règlement (CE) n° 773/2004 du 7 avril 2004, inséré par le règlement (CE) n° 622/2008 du 30 juin 2008). Toutefois, comme l’a indiqué la Commission, cette transaction devrait permet de réduire les sanctions infligées de 10 % seulement, v. sur ce point la communication de la Commission du 30 juin 2008, IP/08/1056.
  • 79.
    Pour rappel, dans le cadre de la non-contestation de griefs, le montant maximal des sanctions était rabaissé à 5 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre (au lieu de 10 %).
  • 80.
    Cela est pourtant le cas devant la Commission européenne ; art. 10 bis, 1, du Règlement (CE) n° 773/2004 du 7 avril 2004, inséré par le règlement (CE) n° 622/2008 du 30 juin 2008 ; sur cette observation, v. également Ruy B., « Loi Macron : les questions soulevées par la procédure de transaction, en matière de pratiques anticoncurrentielles », RLC 2016.
  • 81.
    Sur les différentes transactions existant en droit interne, v. Cimamonti S., « Le développement de la transaction en matière pénale », AJ pénal 2015, p. 460.
  • 82.
    CPP, art. 495-7 et s.
  • 83.
    « Juger vite, juger mieux ? Les procédures rapides de traitement des infractions pénales, état des lieux », Rapport remis au Sénat par Zocchetto F., 2005, n° 17.
  • 84.
    Pédamon M., « Le commerce équitable », in 1807-2007 : le Code de commerce, Livre du bicentenaire, 2007, Dalloz, p. 240.
  • 85.
    Aut. conc., avis n° 15-A-11, 31 juill. 2015, relatif à un projet de décret concernant le commerce équitable.
  • 86.
    Aut. conc., avis n° 06-A-07, 22 mars 2006, relatif à l’examen, au regard des règles de concurrence, des modalités de fonctionnement de la filière du commerce équitable en France.
  • 87.
    D. n° 2015-1157, 17 sept. 2015, relatif au commerce équitable : JO, 19 sept. 2015.
  • 88.
    Farjat G., Pour un droit économique, 2004, PUF.
  • 89.
    Le nouvel article 1171 du Code civil permettra de réputer non écrite toute clause d’un contrat d’adhésion qui « crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
  • 90.
    Ce type de pratique avait déjà fait l’objet d’observations dans cette chronique : LPA 25-26 août 2015, p. 10.
  • 91.
    La Hongrie posait également à la CJUE la question de savoir si lorsqu’une pratique est visée dans l’article 5, paragraphe 4 de la directive, comme étant déloyales per se, il convient de caractériser en sus le fait qu’elle soit contraire à la diligence professionnelle. La CJUE a confirmé la solution qu’elle avait déjà retenue dans un arrêt du 19 septembre 2013, n° C-435/11, CHS Tour Services GmbH c/ Team4 Travel GmbH, qui a fait l’objet d’observations dans cette même chronique : LPA 20 août 2014, p. 9-10.
  • 92.
    V. Dupichot P., Le pouvoir des volontés individuelles en droit des sûretés, Grimaldi M. (préf.).
  • 93.
    C. consom., art. L. 331-1 et s. ; C. consom., art. L. 343-1 et s. en vertu de l’ordonnance Ord. n° 2016-301, 14 mars 2016, portant recodification du Code de la consommation.
  • 94.
    JCP E 2016, 1022, note Jourdan-Marques J. ; JCP E 2016, 1154, n° 7, obs. Nourissat C. ; Gaz. Pal. 8 mars 2016, n° 259k6, p. 10, obs. Morel-Maroger J.
  • 95.
    Cass. com., 13 mars 2012, n° 10-27814, D : Dr & patr. juill. 2012, obs. Aynès L. ; RD bancaire et fin. 2012, p. 56, obs. Cerles A. : en l’occurrence, la secrétaire du gérant caution.
  • 96.
    Rappr., au sujet des lois de police : Cass. 1re civ., 16 sept. 2015, n° 14-10373 : RDC 2016, p. 80, note Laazouzi M.
  • 97.
    Jourdan-Marques J., note préc.
  • 98.
    Ibid.
  • 99.
    Contrats, conc. consom. oct. 2015, comm. 240, Raymond G. ; RTD civ. 2015, p. 915, obs. Crocq P. ; JCP G 2015, 1069, note Pellier J.-D. ; JCP G 2015, 1222, n° 2, obs. Simler P. ; D. 2016, p. 617, obs. Aubry H.
  • 100.
    Cass. com., 5 févr. 2013, n° 12-11720, publié : D. 2013, p. 1113, note Libchaber R. ; D. 2013, p. 1706, obs. Crocq P.
  • 101.
    Aujourd’hui : L. n° 71-1130, 31 déc. 1971, art. 66-3-3 ; demain : C. civ., art. 1374, al. 3.
  • 102.
    V. Crocq P., RTD civ. 2015, p. 915, obs. préc. ; Simler P., obs. préc. ; comp. Aubry H., D. 2016, p. 617, obs. préc.
  • 103.
    V. encore : Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-20216, publié.
  • 104.
    Aujourd’hui : C. consom., art. L. 341-4 ; demain : C. consom., art. L. 332-1.
  • 105.
    Cass. com., 1er mars 2016, 14-16402, publié.
  • 106.
    Cass. com., 22 janv. 2013, n° 11-25377 : RD bancaire et fin. 2013, n° 55, obs. Legeais D.
  • 107.
    V. déjà : Cass. com., 1er avr.2014, n° 13-11313 : D. 2014, p. 868, obs. Avena-Robardet V. ; même revue, p. 1010, Guillou H. ; même revue, p. 1610, obs. Crocq P.)
  • 108.
    Hoffschir N., La charge de la preuve en droit civil, Amrani-Mekki S. (préf.), 2016, Dalloz, n° 419.
  • 109.
    BJS avr. 2016, p. 225, note Borga N.
  • 110.
    JCP G 2015, 1222, n° 9, obs. Simler P.
  • 111.
    D. 2015, p. 1817, obs. Crocq P. ; même revue, p. 2044, note Juillet C. ; RDC 2016, p. 54, note Barthez A.-S. ; v. antérieurement : Cass. 1re civ., 4 mai 2012, n° 11-11461, PB.
  • 112.
    JCP G 2015, 1222, n° 8, obs. Simler P.
  • 113.
    C. mon. fin., art. 1112-1 : « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ».
  • 114.
    C. mon. fin., art. L. 533-4, dans sa version antérieure à la loi du 1er août 2003.
  • 115.
    C. mon. fin., art. L. 313-22, al 1er.
  • 116.
    C. mon. fin., art. L. 3131-22, al. 2.
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