La liquidation administrative des organismes de placements collectifs : l’AMF, nouvelle juridiction des activités d’investissement ?

L’ordonnance n° 2025-230 du 12 mars 2025 relative aux organismes de placement collectifs (OPC) publiée au Journal officiel du 13 mars 2025 est venue instaurer une nouvelle procédure de liquidation administrative pour ce type de véhicules d’investissement, attribuant ainsi à l’Autorité des marchés financiers (AMF) un pouvoir quasi-juridictionnel supplémentaire.
L’AMF disposait déjà d’un pouvoir de sanction la rapprochant d’une juridiction à l’égard des OPC et de leurs gérants. L’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de liquidation administrative accentue encore ce phénomène. La volonté législative de simplification du droit applicable aux fonds d’investissement est sans ambiguïté et les acteurs économiques pratiquant le droit de l’investissement ne pourront qu’apprécier cette nouvelle procédure insérée dans la Code monétaire et financier.
En l’espèce, l’AMF peut désormais désigner un liquidateur afin de liquider un OPC (OPCVM et FIA1), auquel sont transférés tous les pouvoirs d’administration, de direction et de représentation de l’organisme2. Cette désignation intervient à la demande des dirigeants de la société de gestion de l’organisme ou du liquidateur désigné dans les documents constitutifs de l’organisme lorsque sont justifiées de graves difficultés à exercer ces fonctions de liquidateur. La désignation peut également intervenir à l’initiative de l’AMF en cas d’engagement d’une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société de gestion de l’OPC ou du liquidateur de celui-ci, ou de défaillance du ou des dirigeants de l’organisme ou encore de sa société de gestion3.
Il en va de même lorsque le dépositaire de l’OPC (OPCVM ou FIA) résilie son contrat : l’impossibilité pour le fonds ou sa société de gestion de désigner un nouveau dépositaire à l’issue du préavis prévu par ce contrat entraîne la liquidation dudit fonds4. Cependant, par mesure de sécurité vis-à-vis des porteurs de parts, le dépositaire qui résilie son contrat est tenu d’assurer ses fonctions jusqu’à la clôture de la liquidation5.
En pareille situation, par dérogation aux dispositions du Code de commerce, et à l’exception toutefois des articles L. 237-2 et L. 237-11 de ce même code, les conditions de liquidation ainsi que les modalités de répartition des actifs sont déterminées par le règlement ou les statuts du fonds. La société de gestion exerce les fonctions de liquidateur, sous le contrôle du dépositaire6.
Or, et c’est là que le pouvoir octroyé de nature quasi-juridictionnel se caractérise, lorsque l’AMF est à l’initiative de la désignation d’un liquidateur, notamment quand la société de gestion n’est pas en mesure d’exercer les fonctions de liquidateur, cette désignation s’effectue au terme d’une procédure contradictoire avec les organes de direction de l’organisme de placement collectif ou de sa société de gestion7. Précisons que de telles règles s’appliquent également aux SCPI et société de placement à prépondérance immobilière à capital variable ainsi qu’aux fonds de titrisation8. Il s’agit là d’une véritable procédure de fond digne de celle fixée par le Code de procédure civile et mise en œuvre dans les tribunaux de commerce.
Les textes précisent que lorsque l’urgence le justifie ou si les organes de direction de l’organisme ou de sa société de gestion ont cessé d’exister, l’AMF procède à la désignation du liquidateur sans procédure contradictoire préalable9. Sauf dans le cas où ces organes de direction ont cessé d’exister, une procédure contradictoire est alors engagée pour confirmer cette désignation10.
Dès lors, à l’instar de la publication au BODACC d’un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire traditionnel, l’AMF informe le public de la désignation d’un liquidateur par insertion dans les journaux ou publications qu’elle désigne11.
Tout comme un tribunal de commerce, l’AMF désigne le liquidateur en tenant compte de sa compétence, de son expérience et de son honorabilité. Elle définit également les objectifs de la liquidation, eu égard à la nature de l’OPC concerné (OPCVM ou FIA), à sa situation financière, à ses actifs et à la qualité de ses porteurs de parts ou actionnaires. Elle fixe la rémunération du liquidateur qui est prise en charge par l’organisme dont il est chargé d’assurer la liquidation12. Il s’agit là d’une similitude criante avec une ordonnance prononçant l’ouverture d’une liquidation judiciaire d’une société commerciale ou civile.
Poursuivant son travail législatif, l’ordonnance du 12 mars 2025 précise que le liquidateur désigné par l’AMF est tenu au secret professionnel13. Il ne peut, directement ou indirectement, se porter acquéreur des actifs de l’organisme de placement collectif dont il assure la liquidation. Il doit disposer d’un contrat d’assurance qui couvre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle14.
En termes de pouvoirs, il revient au liquidateur désigné par l’AMF de décider de liquider l’organisme de placement collectif après s’être assuré que la liquidation n’a pas déjà été prononcée ou décidée. Il déclare les créances de l’organisme auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur judiciaire de la société de gestion dans les cas où celle-ci fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire régie par le Code de commerce. Il peut saisir les juridictions compétentes afin de contester la validité des actes antérieurs à la date de décision de liquidation de l’organisme qu’il estime être préjudiciables à l’intérêt des porteurs de parts ou actionnaires de l’organisme15. Il y a là une concordance avec la règle des créances antérieures au jugement d’ouverture d’une liquidation judiciaire.
Une fois que la liquidation de l’organisme a été décidée, le liquidateur n’accepte aucune nouvelle demande d’émission ou de rachat de parts de cet organisme. Toutefois, avec l’accord des porteurs de parts ou des actionnaires, le liquidateur peut procéder au rachat en nature de leurs parts ou de leurs actions16.
Contrairement à la procédure de liquidation judiciaire, aucune cession forcée ne semble pouvoir intervenir.
De manière semblable, là encore, à une procédure judiciaire, et cela dans les meilleurs délais suivant sa désignation, le liquidateur établit un plan de liquidation qu’il communique pour information à l’AMF. Il lui rend compte de son exécution dans les délais fixés dans sa lettre de mission17.
Enfin, après avoir effectué toutes les diligences nécessaires, le liquidateur consigne à la Caisse des dépôts et consignations les fonds n’ayant pu être remis aux porteurs de parts ou aux actionnaires de l’organisme de placement collectif18.
Tel que l’impose le Code de commerce pour toute liquidation de personne morale, lorsque l’organisme est doté lui aussi de la personnalité morale, telle qu’une société de libre partenariat par exemple, le liquidateur demande au greffe du tribunal de commerce du siège de l’organisme de placement collectif de mentionner sa désignation au registre du commerce et des sociétés19.
Par conséquent, si on peut légitimement se réjouir de disposer dorénavant de textes clairs concernant la liquidation des OPC, il faut toutefois garder à l’esprit que l’AMF reste une autorité administrative et non une juridiction stricto sensu. En lui accordant un pouvoir quasi-juridictionnel, le législateur remet en cause la séparation des pouvoirs si chère à Montesquieu.
Notes de bas de pages
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1.
C. mon. fin., art. L. 214-1.
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2.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, I.
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3.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, II.
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4.
C. mon. fin., art. L. 214-10 et C. mon. fin., art. L. 214-24-4.
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5.
C. mon. fin., art. L. 214-10 et C. mon. fin., art. L. 214-24-4.
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6.
C. mon. fin., art. L. 214-12 et C. mon. fin., art. L. 214-24-45.
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7.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, III – C. mon. fin., art. L. 214-12 et C. mon. fin., art. L. 214-24-45.
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8.
C. mon. fin., art. L. 214-92-1 – C. mon. fin., art. L. 214-70 et C. mon. fin., art. L. 214-162-8.
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9.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, III.
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10.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, III.
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11.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, III.
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12.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, IV.
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13.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, V.
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14.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, V.
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15.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, VI.
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16.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, VII.
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17.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, VIII.
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18.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, IX.
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19.
C. mon. fin., art. L. 621-13-10, X.
Référence : AJU017f1
