Le succès du médiateur de l’AMF ne se dément pas
Marielle Cohen-Branche, médiateur de l’Autorité des marchés financiers, a présenté son rapport annuel le 12 avril dernier à la presse. Si le nombre de saisines marque le pas, en revanche, le taux de succès de la médiation demeure très élevé. Le médiateur de l’AMF s’inquiète toutefois de la complexité grandissante du paysage de la médiation.
C’est avec son enthousiasme coutumier que Marielle Cohen-Branche a présenté son rapport annuel d’activité le 12 avril dernier. Fait inédit, le médiateur de l’AMF, en 2017, a reçu 9 % de dossiers en moins. Cet infléchissement est dû à trois raisons majeures. D’abord, il n’y a pas eu de litiges de masse l’an dernier. En 2016 par exemple, le médiateur avait reçu 120 dossiers soulevant la même question. Ensuite, l’une des plus importantes sources de plaintes des épargnants s’est tarie : il s’agit des dossiers dits « Forex », c’est-à-dire des propositions faites aux particuliers sur internet d’investir sur le marché du Forex (les fameuses publicités : « Devenez Trader »). Enfin, dans un contexte boursier favorable comme ce fut le cas l’an dernier, les épargnants ont moins tendance à se plaindre d’un dysfonctionnement que lorsque les marchés sont tendus.
Marielle Cohen-Branche a souligné lors de la présentation du rapport annuel les trois apports de la médiation de l’AMF. Elle permet de régler rapidement un litige avec un taux de succès tout à fait remarquable. C’est également une manière d’inciter les entreprises à régler leurs dysfonctionnements internes. L’intervention du médiateur est en effet un avertissement sans frais et confidentiel qui permet d’attirer l’attention de l’entreprise sur un problème interne et de le régler. C’est une aide pour les directeurs de compliance qui peuvent ainsi faire valoir la position du médiateur de l’AMF pour convaincre d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise. Enfin, même en l’absence de faute, le poste d’observation qu’occupe le médiateur lui permet d’apercevoir les réglementations et les pratiques à faire évoluer, par exemple faciliter les opérations de transfert de PEA ou encore s’assurer que le PERCO est choisi par les épargnants de manière éclairée.
Les dossiers Forex s’effondrent !
Bien que le médiateur ait reçu moins de dossiers en 2017, il n’a pas pour autant moins travaillé. Au contraire, le nombre de ses avis à grimpé de 22 %. Sur les 1 406 dossiers traités en 2017, seuls 743 relevaient de son champ de compétences ; parmi ceux-ci, 618 ont donné lieu à des médiations, lesquelles ont débouché sur 506 avis dont 272 favorables au demandeur qui ont été suivis à 96 % par les parties et 234 défavorables dont seulement 3 % ont été contestés. « Le nombre d’avis favorables ou défavorables importe moins que la rapidité avec laquelle nous mettons fin à un litige », a souligné Marielle Cohen-Branche. Les saisines sont de deux types, soit elles visent à obtenir l’exécution d’une action, soit à obtenir une indemnisation quand le dommage est consommé. Le médiateur a récupéré ainsi 1,8 million d’euros pour le compte de ceux qui l’avaient saisi en 2017, dont un million dans les dossiers relatifs au Forex. Les principaux motifs de saisine sont les mêmes depuis quelques années. À commencer précisément par le Forex. Le médiateur a salué la mobilisation de l’AMF qui a permis d’obtenir l’interdiction de la publicité pour le Forex dans la loi Sapin 2. Cette interdiction s’est révélée efficace puisque les publicités ont baissé de 70 % et les saisines du médiateur de 50 %. Le revers de la médaille, c’est que le risque s’est déplacé vers les placements en diamant qui se présentent comme rassurants car portant sur des biens réels alors qu’il ne s’agit en réalité que de papier et le plus souvent proposé par des sociétés fantômes. Le médiateur a reçu 27 dossiers d’épargnants piégés par ces investissements. On leur promettait des diamants assortis d’un rendement de 8 %, ils n’ont jamais vu les diamants ou alors les pierres étaient sans valeur et ils ont perdu leurs économies. L’AMF a obtenu là encore de la loi Sapin 2 la possibilité d’imposer à ces investissements dits en « biens divers » un régime d’autorisation préalable à la commercialisation qui devrait limiter les offres trop risquées et sans contrôle faites aux particuliers. Aucun agrément n’avait été donné en France à la date de publication du rapport du médiateur. Les acteurs qui en proposent le font donc sans autorisation et sont immédiatement inscrits sur une liste noire. Le problème des offres sur les diamants, c’est qu’elles sont encore plus dangereuses que celles sur le Forex. Ces dernières étaient en effet le plus souvent le fait d’acteurs agréés à Chypre avec lesquels le médiateur pouvait dialoguer. En revanche, contre les escrocs qui promettent des diamants, il n’y a personne avec qui négocier, il faut saisir le parquet. Au-delà du diamant, un autre risque se dessine avec l’apparition d’offres de produits dérivés sur des crypto-actifs, mais l’ESMA (le superviseur européen des marchés financiers) est en train de travailler sur le sujet.
Épargne salariale et PEA au cœur des préoccupations
La deuxième source importante de dossiers vient de l’épargne salariale. Matière phare du médiateur, la part de l’épargne salariale dans le total des saisines a encore augmenté de 15 % en 2017 avec 211 saisines, contre 136 l’année précédente. L’essentiel des difficultés concerne le déblocage anticipé et les erreurs de choix d’affectation, notamment vers le PERCO.
« En tant que magistrate, ce que je souhaite c’est que le consentement soit éclairé au moment où un épargnant choisi le PERCO, il doit mesurer les avantages et les inconvénients de son choix », a expliqué Marielle Cohen-Branche. Elle a tenu à saluer le fait que les teneurs de compte avaient fait évoluer la qualité de l’information. Toujours au chapitre de l’épargne salariale, le médiateur a présenté en juin 2017 des recommandations générales devant l’Association française de gestion (AFG) en présence de la Direction générale du travail, puis devant le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financière en septembre. Tirées de l’observation par le médiateur des problèmes pratiques que rencontrent les salariés, ces recommandations traitent par exemple de la manière de simplifier et d’assouplir les déblocages anticipés, de la question des frais ou encore de celle de la date butoir dans la prise en compte des choix d’affectation. Enfin, une troisième source de dossiers concerne le PEA et en particulier les problèmes à la date de clôture.
La dangereuse complexité du paysage de la médiation
Seule ombre au tableau, Marielle Cohen-Branche a regretté la complexité du système. Si elle n’a traité l’an passé que 743 dossiers sur 1 406 saisines, c’est qu’elle n’est compétente ni en banque, ni en assurance, ni en fiscal. Or il est très compliqué pour l’épargnant de comprendre les subtiles distinctions entre finance, banque et assurance. Au-delà de cette difficulté, Marielle Cohen-Branche pointe la complexité de l’offre de médiation actuelle. Les nouveaux textes de transposition de la directive 2013 sur la médiation de la consommation, entrée en vigueur le 1er janvier 2016 confèrent au médiateur de l’AMF un monopole en tant que médiateur public dans le secteur financier. Mais ils prévoient aussi la possibilité pour le médiateur de l’AMF de signer des conventions avec les médiateurs bancaires référencés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC), pour que ces derniers disposent d’une compétence concurrente, au choix du client consommateur. Marielle Cohen-Branche a indiqué que les premières conventions ont été signées avec le médiateur de La Poste, le médiateur du groupe Crédit mutuel et le médiateur de la Fédération bancaire française, ainsi qu’avec le médiateur de la Société Générale. Dans ce contexte, la loi J21 du 18 novembre 2016 a rendu licite, par le biais d’un simple amendement entraînant la modification de l’article 2061 du Code civil, l’arbitrage avec les consommateurs. Une réforme qui inquiète le médiateur de l’AMF : « La voie de l’arbitrage représente, pour le consommateur, non plus le recours au juge comme la manifestation de l’échec de la voie amiable mais bien plus comme une technique d’évitement complet du juge judiciaire. Et, dès lors que ces arbitres, non régulés, ne sont pas tenus, à l’inverse des médiateurs de la consommation, de rendre des comptes publiquement et vis-à-vis de la CECMC, de leurs processus et de leurs résultats, plus aucune information sur les litiges rencontrés ne sera connue, plus aucune leçon ne pourra en être tirée. Le risque devient celui de l’opacité dans les litiges de la consommation ». Cette même loi J21, pour les litiges judiciaires en France inférieurs à 4 000 euros, a également rendu obligatoires les tentatives préalables de règlement amiable par conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf si les parties justifient d’autres diligences pour parvenir à leur résolution amiable. Les juges d’instance peuvent désormais, à défaut, prononcer d’office l’irrecevabilité de la demande judiciaire. « On peut regretter que les médiateurs de la consommation ne soient pas expressément cités comme justification alternative même si dans les faits, et les pratiques observées, une telle tentative suffit », note Marielle Cohen-Branche qui s’inquiète surtout que des braconniers du droit « paraissent s’être glissés dans les mailles de la législation pour facturer aux consommateurs une chance d’obtenir une possible indemnisation ».
Autant de dispositifs qui, en poursuivant l’objectif louable de développer les modes alternatifs de règlement des conflits aboutissent à brouiller le paysage et à compliquer singulièrement le parcours de l’épargnant pour résoudre son litige…